Début 2018, l’AFP prévoyait une hausse de son chiffre d’affaires (CA) de 2,5% avec un résultat net à l’équilibre, après une progression de 0,5% en 2017, tout en ratiboisant les investissements de 3 millions d’euros en un an (7,9 millions d’euros en 2018). L’agence, qui estimait son besoin d’argent à 60 millions d’euros en cinq ans, avait vu son directeur Emmanuel Hoog lâché par l’État une fois Macron arrivé au pouvoir, et avait laissé un trou financier de 5 millions d’euros en 2016 et 4,7 en 2017. Vient le moment de payer l’addition et elle va être lourde : l’AFP va connaître un lourd plan social.
Hoog recasé
Mais ce n’est pas Hoog qui paiera – il s’est laissé débarquer et a été recasé par Macron comme ambassadeur du numérique, un poste nébuleux grassement payé où il sera entre autres responsable de la lutte contre les fakes news/infox – au détriment de son prédécesseur sarkozyste David Martinon, expédié comme ambassadeur certes plénipotentiaire et extraordinaire, mais… en Afghanistan.
Immeuble à vendre et plan social
Premièrement, l’immeuble historique du siège parisien devrait être vendu – si tout au moins les impôts ne seront pas plus élevés que 20% de la plus-value prévue. La vente devrait être décidée d’ici la fin de l’année et est déjà en butte à l’hostilité ouverte des six syndicats et de la société des journalistes.
Comme l’AFP ne demande plus que 17 millions d’euros d’aides publiques au lieu des 60 demandés par Hoog sur cinq ans, dans le cadre du fonds de transformation de l’action publique, elle a lancé aussi un plan de réduction de la masse salariale. Venu « du privé », Fabrice Fries renoue avec ses méthodes – et ses vieux démons – qui lui ont fait diviser les résultats et le nombre d’employés de Publicis Consulting, qu’il a dirigé de 2008 à 2016, par deux. Et qu’il a abandonnée avec 4,5 millions d’euros de déficit.
L’AFP a 1500 journalistes, 2400 collaborateurs de 80 nationalités différentes et un CA annuel de 300 millions d’euros dont 131,5 millions d’euros d’aides étatiques auxquelles se rajoutent 21,6 millions d’abonnements pour plus de 1100 services de l’État avec une « remise de quantité » de 20%. Elle est présente dans 151 pays et produit plus de 5000 dépêches, 3000 photos et 250 vidéos par jour.
Fabrice Fries veut donc supprimer 125 postes (dont 40 journalistes) et revenir à l’équilibre en 2021. Il s’agit en fait de recruter 35 journalistes, mais aussi de ne pas remplacer 160 départs naturels et d’en inciter d’autres à partir moyennant une enveloppe de 13 millions d’euros. Il s’agirait de réduire de 2,4 à 1,3% par an l’évolution des charges de l’AFP et de 16,5 millions d’euros en cumulé d’ici 2023. En revanche, il n’y aura que 8 millions d’euros d’investissements, portés sur la vidéo pour l’essentiel.
Appel à la grève
Si timoré qu’il soit – l’AFP est soutenue par l’État, donc le contribuable – ce plan a rencontré l’hostilité du SNJ qui a soutenu que la « diminution nette de l’emploi, a fortiori rédactionnel […] risque de ne plus permettre à l’Agence d’exercer convenablement sa mission d’informer » ; la CGT juge le plan « irrecevable », SUD « mal préparé ». Le 11 octobre les six syndicats de l’AFP ont adopté par 261 voix pour, 2 absentions et 0 contre une motion commune qui appelle à trois heures de débrayage le 18 octobre 2018 de 10 à 13h [heure de Paris], jour du comité d’entreprise où le PSE doit être présenté.
« Les organisations syndicales toutes catégories de l’AFP (CGT, SNJ, CFDT, FO, SUD et CFE-CGC) s’opposent au plan de suppression de 125 postes nets présenté par Fabrice Fries au conseil d’administration du 4 octobre qui fait porter un lourd risque sur la mission d’intérêt général de l’agence », indique brièvement le texte de la motion, qui indique aussi qu’une « nouvelle assemblée générale aura lieu jeudi 18 octobre à 15h, à l’issue du CE ».
Crédit photo : Photos et Voyages via Flickr (cc)