Muriel Pleynet prend les rênes de Franceinfo et Nathalie Saint-Cricq hérite de la rédaction nationale de France Télévisions.
Un remaniement interne qui soulève des doutes sur la capacité du service public à se réinventer, entre polémiques et favoritisme présumé.
France Télévisions, mastodonte audiovisuel public financé par les contribuables, a orchestré un nouveau ballet de nominations. Le 18 mars, Muriel Pleynet a été propulsée à la tête de France info, succédant à Laurent Delpech évincé après une série de « dérapages éditoriaux » et une mise en cause par une partie de la rédaction. Dans le même temps, Nathalie Saint-Cricq, la maman de Benjamin Duhamel, prend temporairement les commandes de la rédaction nationale laissée vacante par Pleynet. Un jeu de chaises musicales qui témoigne d’un entre-soi toujours plus marqué dans le petit monde des médias publics.
Muriel Pleynet : les copains d’abord
Muriel Pleynet, jusque-là adjointe d’Alexandre Kara, directeur de l’information, et chef de la rédaction nationale depuis 2022, hérite d’une mission délicate : redorer le blason de France info. La chaîne, engluée dans des audiences faméliques (0,8 % en 2024) et des polémiques à répétition, semble être un cadeau empoisonné. Récemment la radio avait fait polémique sur son traitement du conflit israélo-palestinien, qualifiant en janvier des détenus palestiniens d’« otages ». En février, c’est un débat pour le moins singulier qui avait eu lieu sur les ondes de la radio publique sur la transformation de Gaza en destination touristique, inspiré par une suggestion de Donald Trump. Ces errements, qualifiés de « dérapages éditoriaux » par Kara lui-même, ont valu à Laurent Delpech une motion de défiance et une mise au placard. Une peine légère a considéré son recasage comme directeur de l’innovation dès le mois juillet.
Muriel Pleynet, ancienne d’i>Télé et du Parisien, arrivée à France Télévisions en 2019, est de son côté issue du cercle très fermé des proches de Delphine Ernotte et son avènement sent le copinage plus que le renouveau. D’autant que la rédaction nationale qu’elle dirigeait, celle de France 3, fait l’objet d’une expertise pour « profond mal-être », selon une enquête interne.
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Nathalie Saint-Cricq : un choix qui divise
À la rédaction nationale, le choix de Nathalie Saint-Cricq inquiète également et témoigne de la puissance du clan Duhamel dans le journalisme en France. Chroniqueuse politique, elle entretient de vilaines relations avec la gauche mélenchoniste et incarne pour certains une vision « élitiste » du journalisme. En 2024, France Télévisions avait même porté plainte contre La France insoumise pour une affiche utilisant son image sans autorisation. En interne, son nom fait grincer des dents. « C’est de la provocation », lâche Georges Pinol, délégué syndical SNJ-CGT, qui y voit le symbole d’une fracture persistante entre les équipes de France 2 et France 3.
Nathalie Saint-Cricq, temporairement à ce poste, conserve parallèlement ses casquettes d’éditorialiste et de coordinatrice des évolutions éditoriales. Une accumulation de fonctions qui soulève des questions sur sa capacité à gérer une rédaction déjà sous tension. Son style, souvent perçu comme tranchant voire autoritaire, elle qui voulait en 2015 « repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie », risque de raviver les dissensions plutôt que d’apaiser les esprits.
Un service public en perte de vitesse
Ces nominations, présentées comme une réponse aux crises récentes, peinent à masquer les maux profonds du service public audiovisuel. Entre France info à la peine dans les audiences et mis en cause pour ses singularités éditoriales, et des problèmes de mal-être au travail, les médias publics tirent la langue. Le choix de figures comme Pleynet et Saint-Cricq, issues du sérail et peu susceptibles de bousculer l’ordre établi, reflète une frilosité chronique et surtout un entre-soi qui pourrait aggraver les tensions déjà existantes.
Alors que Franceinfo s’apprête à changer de canal (du 27 au 16) le 6 juin prochain, l’enjeu est de taille. Mais avec Pleynet aux commandes et Saint-Cricq en renfort, difficile de croire à une véritable renaissance. Ce mercato interne ressemble davantage à une opération de façade qu’à une refonte ambitieuse.
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Rodolphe Chalamel