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Pluralisme sur CNews : la décision du Conseil d’État inquiète les médias

21 février 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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Pluralisme sur CNews : la décision du Conseil d’État inquiète les médias

Temps de lecture : 5 minutes

Le pluralisme doit se mesurer, non pas sur l’ensemble de la sphère médiatique, non pas même sur un média, mais sur chaque émission. C’est ce que voudrait l’ONG Reporters sans Frontières (RSF) créée par entre autres Robert Ménard, qui aujourd’hui la désavoue. RSF a en effet saisi le Conseil d’État, qui a demandé à l’ARCOM de réévaluer le respect du pluralisme par CNews, selon des règles réinterprétées. Une révolution qui inquiète tous les médias, de gauche à droite.

Voir aus­si : Robert Ménard, portrait

Les médias voient plus loin que les politiques

On aurait pu croire que les médias agi­raient comme les poli­tiques : à droite en dénonçant une atteinte à la lib­erté d’expression, à gauche en se félic­i­tant d’un plus grand con­trôle sur CNews. Il n’en est rien. Si Le Figaro évoque « une déci­sion qui inter­roge la lib­erté édi­to­ri­ale des médias », il est rejoint par… Libéra­tion, qui par­le d’une « refonte qui s’annonce déli­cate : l’Arcom ne devra pas marcher sur les plates-ban­des de la lib­erté d’expression et de la lib­erté édi­to­ri­ale des médias », mais aus­si France Inter, qui craint un « flicage des médias ».

CNews « l’infréquentable »

CNews est recon­nu par l’ensemble des médias de grand chemin comme infréquentable. Libéra­tion et Le Monde, dans des for­mu­la­tions très proches, expliquent que le média manque à « ses oblig­a­tions, à savoir « hon­nêteté, indépen­dance et plu­ral­isme de l’information ». » Le plu­ral­isme des idées fig­ure en effet par­mi les oblig­a­tions des médias qui émet­tent sur les fréquences du domaine pub­lic. On sup­pose donc que, selon RSF, CNews est le seul média à ne pas respecter cette oblig­a­tion. France Inter l’accuse d’être « une chaîne d’opinion et en fait, la chaîne de UNE opin­ion. » Cer­tains titres s’offusquent égale­ment que la chaîne se défende face aux attaques bien ciblées de RSF. Le Huff­in­g­ton Post accuse ain­si les médias du groupe Bol­loré de faire « feu de tout bois », en con­statant que « L’empire con­tre-attaque. » L’empire, dans Star Wars, c’est le camp des méchants. C’est aus­si celui du pou­voir, mais c’est peut-être là, pour le jour­nal­iste, que s’arrête la comparaison.

Les dérives possibles

CNews n’est pas un exem­ple, c’est enten­du. Le con­trôle de l’Arcom inquiète pour­tant les médias, c’est le cas de le dire. Con­traire­ment aux poli­tiques qui sem­blent croire que les lois ne s’appliquent qu’aux autres, ils ont un ser­vice juridique qui les alerte sur les pos­si­bles dérives des évo­lu­tions lég­isla­tives. Ain­si, Le Point n’hésite pas à titr­er : « Con­seil d’État, Arcom et CNews : la France mûre pour un régime autori­taire », et à par­ler d’un « symp­tôme d’une dérive illibérale qui devrait alarmer, à gauche comme à droite », et même d’une « forme de min­istère de la Vérité ? » Pour Le Parisien, le Con­seil d’État a pris « une déci­sion inédite qui soulève son lot de ques­tions ». Quant à Libéra­tion, même s’il rap­pelle que CNews est le « relais de la parole décom­plexée de l’extrême droite », il alerte : si la nou­velle éval­u­a­tion de l’Arcom fait jurispru­dence, ce à quoi il faut s’attendre, elle con­cern­era « l’ensemble des médias audio­vi­suels – et pas seule­ment CNews. » « Cette déci­sion du Con­seil d’État fini­ra par se retourn­er con­tre tous les médias. La déci­sion du Con­seil d’État con­cerne TOUTES les chaînes de télé et de radio. », s’inquiète France Inter.

Une évaluation aussi floue qu’inquiétante

Ce qui inquiète les jour­nal­istes, c’est que l’évaluation repose sur des critères encore flous. Or, une éval­u­a­tion floue est une éval­u­a­tion sub­jec­tive. Si, pour des poli­tiques, il suf­fit de compt­abilis­er les par­tis représen­tés, com­ment éval­uer les jour­nal­istes et chroniqueurs ? En fonc­tion de leurs activ­ités, de leurs pris­es de posi­tion, de leurs pris­es de parole ? L’Arcom a répon­du à cette épineuse ques­tion dimanche 18 févri­er dans La Tri­bune dimanche, un titre lancé spé­ci­fique­ment pour faire con­cur­rence au Jour­nal du dimanche lorsque Geof­froy Leje­une y est entré comme rédac­teur en chef. Le choix est édi­fi­ant. Roch-Olivi­er Maistre, prési­dent de l’Arcom, pré­ci­sait qu’il n’y aurait « pas de cat­a­lo­gage des jour­nal­istes et invités », mais « une appré­ci­a­tion glob­ale sur l’ensem­ble des pro­grammes dif­fusés ». De quoi ras­sur­er sur de pos­si­bles opéra­tions de flicage, ou au con­traire faire crain­dre une éval­u­a­tion au doigt mouil­lé, menée selon le vent poli­tique du moment.

Fin de la liberté éditoriale

Cette déci­sion qui ne tient par ailleurs pas compte d’une spé­ci­ficité de tout titre médi­a­tique : la ligne édi­to­ri­ale. France Inter se demande ain­si « com­ment le régu­la­teur peut cal­culer le respect du plu­ral­isme, donc con­trôler un média, tout en respec­tant sa lib­erté édi­to­ri­ale. » Les jour­nal­istes sem­blent avoir com­pris ce qui échappe à bien des poli­tiques : le plu­ral­isme doit moins être présent dans un média que dans l’ensemble de l’offre médi­a­tique.  Si l’on trou­ve que CNews débite des sot­tis­es intéres­santes, il suf­fit de chang­er de chaîne… en se félic­i­tant au pas­sage qu’elle ne soit pas financée par l’argent du con­tribuable, con­fort que n’ont pas ceux qui n’ai­ment pas la pro­gram­ma­tion de France TV.

Voir aus­si : CNews : l’intenable casse-tête créé par le Con­seil d’État en matière de pluralisme

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