Le 17 mai 2018 le quotidien Libération l’annonce : il a gagné le Prix International du factchecking. Libération serait donc le meilleur d’entre tous. Poisson d’avril à retardement ?
L’annonce
Libération vue par Libération : Notre site CheckNews lauréat du prix international du fact-checking
Récompense. « Un peu d’autocongratulation de temps en temps, ça ne fait jamais de mal : notre plateforme CheckNews, lancée il y a à peine plus d’un an et qui permet aux lecteurs et internautes de poser des questions directement à la rédaction de Libération, vient de remporter le prix international de l’innovation dans le fact-checking. L’IFCN (International Fact Checking Network) a en effet choisi le projet de Libé parmi 50 projets venant de 44 pays. Ce prix récompense l’innovation dans les formats, le modèle économique, ou l’innovation technologique. »
Le premier grand titre publié par le quotidien et repris ci-dessus n’est pas une « fake news ». Pourtant, tel que diffusé ce même jour par tous les moyens, ce titre paraît un peu sollicité : « Le Prix international du « fact-checking » pour Libé » est-il écrit partout par ce même Libé. Présentée ou résumée ainsi, l’information n’est pas entièrement fausse, elle n’est pourtant pas véritablement exacte non plus. Il aurait été plus exact d’écrire : « Le Prix international (de l’innovation) du « fact-checking » pour Libé ». La différence n’est pas que de formule. C’est toute la différence qu’il y a entre le César du meilleur film et le César du meilleur premier film. Cette manière de majorer un prix, par le choix des mots et de la formule est révélateur de la pratique habituelle de la presse française dominante : l’information n’y est pas fausse, elle n’est pas (ou pas toujours) composée de faits interprétés à sens unique… mais la manière de la formuler est faite de telle sorte qu’elle déforme l’information afin de la faire entrer dans un cadre voulu, de centre gauche ou droit, libéral libertaire. Il est cocasse que « l’innovation » dans le domaine de la recherche des fausses informations soit remarquée pour un quotidien dont l’imprécision fréquente et le tout idéologique le font flirter en permanence avec un traitement des faits plus que discutable. Tout comme la déontologie de son principal animateur, Laurent Joffrin.
Libération, vu par L’OJIM
L’OJIM lit régulièrement Libération. Assez pour démontrer que le quotidien pratique régulièrement l’information « vraie », juste suffisamment orientée pour devenir discutable. Une information idéologique qui, souvent, devient une absence d’information, quand le quotidien fait silence sur ce qui ne correspond pas à sa conception du monde. La « méthode » Libération peut aisément se constater à partir de ces exemples récents analysés par l’OJIM :
- Sur le traitement des attentats islamistes par Libération
- Sur sa manière militante d’aborder certains faits
- Une manière dont les Unes rendent comptent.
- Au même titre que les pages « Idées ».
- Ou que les masques de son journaliste en chef
- Ses petits arrangements avec l’égalitarisme
- Sa réalité en tant que « journal de gauche » (ce qui est presque une fake news)
Pour ne citer que les plus récentes observations.
Checknews ?
Donc Libération innove en termes de factchecking, à travers sa plate-forme Checknews qui a répondu, au moment où ces lignes sont écrites, à 1459 questions. Le fonctionnement ? C’est Libération et son Checknews qui en parlent le mieux :
« Bonjour,
Le service CheckNews est issu du service Désintox de Libération, crée en 2008. La rubrique Désintox, qui fut la première rubrique de factchecking de la presse française, visait à corriger les affirmations erronées ou mensongères du débat public, qu’elles émanent du personnel politique ou des réseaux sociaux. Nous avons décidé de modifier notre manière de travailler en septembre 2017, en créant CheckNews, premier service de « factchecking à la demande ». Désormais, ce sont les lecteurs qui ont pris les commandes éditoriales, en posant des questions, via la plateforme Checknews.fr, auxquelles l’équipe répond…Nous nous assignons des règles précises dont la première est : ne répondre que sur des aspects factuels. Laisser de côté les questions qui appellent des réponses subjectives. Le débat politique, idéologique, militant, est essentiel. Nous le laissons vivre ailleurs, en s’attachant seulement à ce qui lui tient lieu de base : les faits…
Vos questions, plus nombreuses chaque jour depuis le lancement de la plateforme, témoignent d’un besoin de vérification et d’information rigoureuse, alors que les réseaux sociaux charrient toujours davantage d’intox et que le débat politique, plus polarisé que jamais, exige parfois un arbitrage neutre pour s’y retrouver…Voilà une des raisons de la transformation de Désintox en CheckNews : donner aux internautes le choix du sujet, est un moyen de répondre à cette défiance. Nous vérifions ce que vous nous demandez de vérifier. Le site CheckNews est le vôtre. Le site CheckNews est à tout le monde…Depuis le lancement du site, en septembre, nous espérons avoir fait la preuve de notre impartialité dans nos réponses. Nous y tenons absolument, parce que la crédibilité d’un tel site en dépend. Nous sommes comptables de nos réponses. Et nous en avons déjà amendées certaines après des commentaires de lecteurs nous indiquant des erreurs ou imprécisions…
A ce jour, CheckNews est composé de sept personnes. »
Ce long développement ne dit pas seulement ce qu’est l’outil de Libération mais surtout ce qu’est la lutte contre les fake news : la recherche de « fausses nouvelles » au sens de faits ou d’interprétation des faits qui vont à l’encontre de la perception des médias officiels. Une fake news, au fond, c’est une manière de lire un fait qui ne convient pas à Libération et à ses proches (sur le plan des idées) collègues. Cela se constate aisément au sujet du désintox, évoqué dans la présentation ci-dessus, ou avec l’existence de l’œil sur le Front.
Le choix des mots n’est pas anodin. Ainsi :
→ « corriger les affirmations erronées ou mensongères du débat public, qu’elles émanent du personnel politique ou des réseaux sociaux. » S’il s’agit de corriger ce qui est erroné, alors le fact checking devrait se pencher sur les médias officiels et les agences de presse, à commencer en priorité par l’AFP.
→ « ce sont les lecteurs qui ont pris les commandes éditoriales. » La très habituelle démagogie pseudo démocrate du monde libéral libertaire, un peu comme quand Libération publiait une photographie de ses rédacteurs et journalistes en Une, couverture dans laquelle la fameuse diversité que le quotidien défend… était absente, la rédaction étant alors majoritairement blanche et masculine.
→ « Le débat politique, idéologique, militant, est essentiel. Nous le laissons vivre ailleurs, en s’attachant seulement à ce qui lui tient lieu de base : les faits. » Au moment du lancement du site, un rédacteur de l’OJIM avait posé une question, non conservée parmi celles actuellement proposées aux lecteurs : « Peut-on considérer le FN comme un parti fasciste ». Le site avait répondu que formellement « non » mais que certaines prises de positions de ses dirigeants et de sa présidente pouvaient conduire les observateurs à considérer ce parti comme fasciste. La marque de fabrique des manipulations de Libération : faire du militantisme et de l’idéologie tout en prétendant le contraire. Reprenons la citation :
→ « Mais elles témoignent aussi du besoin d’être entendu. Les médias ont perdu une part de la confiance des citoyens. Un des reproches qui leur est adressé est celui-ci : les journalistes regarderaient toujours du même côté. La presse travestirait la réalité, non pas en travestissant les faits qu’elle relate, mais en décidant de ne traiter que certains d’entre eux. Le factchecking n’échappe pas à cette critique. Il la polarise, même : sous couvert de prétendre dire la vérité, le factchecking imposerait une vision. » Les journalistes, conscients des travers de désintox, prétendent confier le questionnement aux internautes, enfin à certains d’entre eux.
Le Prix ?
Libération en parle ainsi le 17 mai 2018 :
« Le projet de Libération a remporté, parmi 50 projets venant de 44 pays, le «Fact Forward». Ce fond d’innovation est décerné par l’IFCN, le réseau international de factchecking. »
« Il y a plus d’un an, Libé expérimentait pendant la campagne présidentielle CheckNews, une plateforme permettant aux lecteurs et internautes de poser des questions directement à la rédaction de Libération. Un an plus tard, CheckNews, qui est devenue une rubrique pérenne de Libe.fr et du journal papier, vient de remporter le prix international de l’innovation dans le fact-checking. L’IFCN (International Fact Checking Network) a choisi le projet de Libé parmi 50 projets venant de 44 pays…
Le 18 mai, devant l’importance supposée de cet événement (Libération primé par un prix dont, avouons-le, personne n’avait jusque-là entendu parler), le directeur de la publication se fend d’un article dans le quotidien. Un article ? Le mot est peut-être excessif :
« Les médias mentent, les médias sont manipulés, les médias manipulent, les médias sont contrôlés et tutti quanti. L’antienne a fait florès. La récusation de la presse, de la radio et de la télévision est devenue le pont-aux-ânes des faux esprits forts. Une fois l’information pluraliste et le travail des journalistes discrédité, le plus souvent par les extrêmes, qui n’aiment pas les faits avérés et leur préfèrent les scies de leur propagande, la conséquence ne s’est pas fait attendre… La montée du populisme a démultiplié cette fausse monnaie informative qui a tendu, comme toujours, à chasser la bonne, sur fond de prolifération de la démagogie (…) Depuis quelques années, les fake news sont devenues un sujet de préoccupation mondial et une inquiétude pour tous les démocrates attachés à la rationalité dans le débat public. Pionnier dans le factchecking, Libération continuera avec des moyens renforcés de contribuer à cette œuvre de salubrité civique. Ce n’est qu’un début… »
Une forme de journalisme proche de l’auto-sanctification.
Le réseau ?
Le prix est remis par l’IFCN, organe du « Poynter Institute ». Le site se consulte ici et met le Checknews de Libération très en avant. Le « code de principe » mérite d’être regardé, ainsi que la liste des médias associés (dont l’AFP). Un réseau mondial de médias officiels dont le rôle tout aussi officiel est de maintenir une forme de journalisme. Aucun média sérieux alternatif (car les médias alternatifs ne sont pas nécessairement producteurs de fake news) ne semble avoir été contacté… pour intégrer ce « réseau mondial de factchecking », dont Joffrin écrit clairement qu’il s’agit de lutter contre ce qu’il nomme des « populismes ».
Le jury de l’IFCN est présidé par Bill Adair, fondateur de Politifact. Ce dernier organe ne cache pas son obsession anti Trump.
Checknews a été créé en partenariat avec l’agence J. Walter Thompson qui a une antenne à Paris. L’agence a aussi Le Monde comme client.
Libération se targue de recevoir un prix qui est in fine une source de financement entre structures ayant des intérêts idéologiques communs, structures attachées à conserver la mainmise sur ce qui peut être ou non considéré comme un fait ou une information. Là encore, ce n’est pas anodin. Créée par Poynter (Floride, États-Unis) , la 1ère Internationale des Vérificateurs associe près de 70 structures de factchecking et a tout d’une sorte d’internationale de tout ce qui pense comme il convient de penser. Nous sommes devant une structuration internationale du contrôle et de la surveillance de ce qui serait ou non une information entre les mains de personnes ayant conception commune du monde et s’auto attribuant la légitimité journalistique. Ce phénomène fait penser à la façon dont une agence mondiale réécrit le réel dans le roman truculent et glaçant de Bello, Les falsificateurs. À côté de ce qui se met doucement en place, 1984 ressemble à un roman de jeunes filles.
Notons qu’aucun autre média français n’indique que Libération est le lauréat de ce prix. Peut-être craignent-ils que ce soit une fake news ?