Vous connaissez le mot de Michel Audiard : « J’en ai connu des faux-culs mais vous, vous êtes une synthèse. »
Eh bien, il devait trouver sa superlative illustration en Jean-Michel Aphatie. Il s’est fendu d’une saillie à l’occasion de la réouverture de Notre-Dame de Paris, offusqué par la présence d’Elon Musk à cette cérémonie. Le parterre illustre ne pouvait souffrir d’être souillé… Je le cite : « On avait déjà Donald Trump. En plus, nous avons Elon Musk. À quel titre, celui-ci ? Copain du précédent ? On dirait des cowboys en terrain conquis. Notre-Dame mérite mieux que ça et Emmanuel Macron aurait pu nous épargner cette humiliation. » Diatribe ponctuée de son impérissable et clownesque conclusion : « Étonnant, non ? »
Les gangsters de Paris ?
Une autre de ses publications, plus nette encore, une photo de Donald Trump et Elon Musk posant devant la tour Eiffel, à laquelle il ajoute ce commentaire :
« “Deux gangsters à Paris” La prochaine série à succès, disponible sur les plate-forme du monde entier. Étonnant, non ? »
Il ironise, enfin, sur une publication de RFI : « Les États-Unis quitteront l’Otan si les Alliés ne paient pas plus, lance Trump. » Voici la remarque qu’il en tire :
« Le voyage de Donald Trump à Paris porte immédiatement ses fruits. Emmanuel Macron a bien fait de lui dérouler le tapis rouge. Une vraie réussite. Étonnant, non ? »
On peut se sentir souillé par la visite de l’Oncle Sam mais on continue à exiger qu’il nous protège militairement. Le beurre et l’argent du beurre… made in USA ! Il y a de très bonnes raisons d’être anti-américain, certes, notamment celles qui ont le mérite de la cohérence, et de réclamer une réelle indépendance à leur égard, plutôt que de jouer les vierges effarouchées pour une cérémonie.
Rasons le château de Versailles !
C’est le même qui voulait, en 2016, raser le château de Versailles pour en finir avec la célébration de la grandeur française… Et maintenant il se soucie de l’humiliation de la France par deux amerloques, qui, en dépit de ce qu’on en pense et tout jugement de valeur mis à part, risquent fort de marquer la grande Histoire. Quand Jean-Michel Aphatie se pique de défendre l’honneur de la France, cela me fait penser au bon mot de Léon Daudet :
« Il me fait l’effet d’une limace sur un fruit. »
Des Pyrénées au conformisme parisien
Je suis le sieur Aphatie sur les réseaux et c’est une source inépuisable de franche rigolade, souvent aussi – il faut bien le dire – de consternation. Je dois admettre, cependant, que son accent me plaît. Il nous rappelle que la France n’est pas Paris. Il est une figure de la décentralisation malgré lui. Il m’évoque Pagnol, le Garlaban, les gabians. D’un autre côté, y a‑t-il figure plus emblématique du parisianisme dans le sérail journalistique aujourd’hui ? Nous aurons l’occasion de le vérifier.
Mariani au pilori
Dans l’émission Quotidien, sur la chaîne TMC, Jean-Michel Aphatie se livre à un exercice : une présentation des « figures du jour. » Je reproduis ici le portrait en pied qu’il fait de Thierry Mariani, pour qu’on puisse bien s’imprégner de l’honnêteté de notre journaliste :
« Thierry Mariani, on va le qualifier simplement : l’horrible Thierry Mariani. Qui pendant des années nous a vendu Poutine et Assad. Il a défendu Bachar el-Assad. Même dimanche, il a fait des tweets, regrettant à sa manière, le départ de Bachar el-Assad. Horrible Thierry Mariani, que le Rassemblement national – je me demande où ils habitent ces gens-là – a désigné aujourd’hui comme le candidat du Rassemblement national pour les élections municipales à Paris. S’il y a un parisien qui vote pour Mariani, eh ben j’aimerais bien le rencontrer, tiens, celui-là. »
Aphatie est scandalisé par le soutien de Mariani à Assad. Cela s’entend et peut se discuter. Mais désavoue-t-il la campagne de normalisation des factions islamistes qui ont pris le pouvoir en Syrie entrepris entre autres par Libération, journal auquel il collabora au début de sa carrière ? Où sont passées les « armes de son métier : mise en perspective, distance, sens critique » ?
Le retour de Bel-Ami*
À ce monsieur qui n’est qu’un symptôme révélateur de cette superfine engeance, je voudrais adresser des remerciements chaleureux. Il fallait accomplir cette prouesse : remplacer le bien par le crachat systématique sur la patrie, le vrai par le trucage et la désinformation. Cela suffit amplement à la gloire d’une génération. Bel-Ami s’est trouvé des émules. Ils se sont démultipliés. Grâce à ce genre d’énergumènes qui ont avili la chose écrite aussi bien que la chose parlée, c’est presque devenu une honte de tenir une plume.
Jean Montalte
Note
*Bel-Ami, roman de Guy de Maupassant, retrace l’ascension de Georges Duroy, arriviste sans scrupules, naviguant entre maîtresses, finances, presse et politique. Le livre a été porté de nombreuses fois à l’écran, le plus récemment en 2012 avec le britannique Robert Pattinson dans le rôle de Duroy (ndlr).
Voir aussi : Jean-Michel Aphatie, portrait