Mis en cause par le Petit Journal le 27 août dernier, le journaliste Pierre-Alexandre Bouclay répond aux questions de l’Ojim, nous livrant au passage ses sources à partir desquelles il a écrit son article contesté par l’équipe de Yann Barthès.
Le 22 août dernier, l’hebdomadaire Valeurs actuelles créait la polémique en publiant un dossier présenté en une du magazine et intitulé « Roms l’overdose », accompagnée d’un sondage Harris-Interactive sur « le ras-le-bol des Français », très largement préoccupés « par le problème Rom », selon l’hebdomadaire. Diffusée la veille sur Twitter, la couverture suscitait de nombreuses réactions sur la toile et provoquait notamment la colère du PS. « La une de Valeurs actuelles est indigne, anti-républicaine et incite à la violence xénophobe contre une catégorie de la population », réagissait ce dernier dans un communiqué. Parmi les articles du dossier figurait un reportage réalisé par le journaliste Pierre-Alexandre Bouclay dans l’agglomération nantaise, lieu d’installation de nombreux Roms au cours des cinq dernières années. Le journaliste y montrait une situation explosive et de nombreux habitants excédés, au point pour certains de lui avoir confessé avoir acheté une arme à feu. Au-delà des incivilités, Pierre-Alexandre Bouclay pointait l’existence, parmi la population rom, d’une criminalité qui loin d’être celle de « voleurs de poules en goguette » était « puissamment organisée », révélant au passage l’existence d’une « Université de la fauche » démantelé par le SRPJ de Rennes… Mais le 27 août, le Petit Journal revenait sur ce dossier, et principalement sur l’article de Pierre-Alexandre Bouclay qu’il accusait d’avoir tout « tourné un peu chelou », autrement dit d’avoir été de parti-pris et d’avoir proposé une vision faussée de la réalité. « C’est fou comment au même endroit, on peut voir des choses différentes », déclarait Yann Barthès avant de lancer son sujet réalisée dans le camp de Bouguenais, à Rezé et à Montaigu, soit sur les lieux mêmes où s’étaient rendus le journaliste de Valeurs actuelles. L’Ojim a interrogé Pierre-Alexandre Bouclay ainsi mis en cause. Il répond point par point aux accusations.
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Ojim : Le 27 août dernier, le Petit Journal de Yann Barthès, sur Canal, a mis en cause votre reportage paru dans Valeurs actuelles une semaine plus tôt, vous accusant clairement de partis-pris. Qu’avez-vous à répondre ?
P.-A. Bouclay : À vrai dire, j’ai plutôt l’impression que c’est la contre-enquête du Petit Journal qui était de parti-pris ! Cela fait plusieurs années que je travaille sur le sujet des Roms, sur la manière dont ils sont accueillis en France et sur les problèmes que certains d’entre eux posent à la population. Or, je travaille toujours selon la même méthode qui consiste à prendre beaucoup d’enregistrements et de photos et à n’avancer, dans mes articles, que ce que je suis en mesure de prouver. J’ai heureusement agi de la même façon lorsque j’ai réalisé mon sujet à Nantes, constituant des documents qui m’ont permis d’écrire mon reportage à partir de ce que j’avais personnellement vu et ce que de nombreux témoins m’avaient dit. Ce matériau brut n’avait évidemment pas vocation à être publié mais, face aux accusations de Canal, j’ai décidé de le rendre en partie public afin de montrer que mon travail est parfaitement honnête.
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Ojim : Vous avez donc fait une véritable enquête de terrain ?
P.-A. Bouclay : Bien sûr ! Le temps de me renseigner sur le contexte général, de lire la presse régionale, de prendre les contacts, de fixer les rendez-vous et d’aller voir les gens, j’ai passé en tout cinq jours sur le terrain, ce qui est considérable… Canal estime que mon article, et plus généralement le dossier que Valeurs actuelles a consacré aux Roms, est un fantasme. J’ai pourtant épluché des rapports officiels, notamment l’un, publié par le Conseil de l’Europe, où Jérôme Richard, alors chargé de l’intégration des Roms à Nantes Métropole, explique lui-même que les habitants acceptent mal l’arrivée des Roms. Il raconte que les gens ne supportent plus les nuisances entraînées par cette arrivée, le développement de bidonvilles, les chapardages, etc. Il précise même que les gens sont « trop peu éduqués pour comprendre l’arrivée dans leur univers d’un phénomène migratoire visible ». Ce n’est pas moi qui invente ces nuisances !
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Ojim : Canal ironise pourtant sur vos descriptions du camp de Bouguenais…
P.-A. Bouclay : J’ai vraiment l’impression qu’ils ont fait un reportage de pure complaisance… Prenons l’exemple du canapé. Je prétends, dans mon article qu’il y a six canapés en cuir avec des Roms qui se font dorer au soleil. Bon, c’est un détail, mais le Petit Journal ironise là-dessus et prétend qu’il n’y a en fait qu’un fauteuil, « preuve à l’appui ». La preuve ? Un plan serré sur le fauteuil en question. Malheureusement pour le Petit Journal, j’ai trouvé tellement surréalistes ces six canapés en cuir alignés ainsi à l’air libre que j’ai pris une photo (photo ci-contre à gauche)… Voici donc un bel exemple de désinformation à la télévision. Avec un plan serré, on montre ce que l’on veut ! Mais si on prend la peine d’élargir le champ de la caméra, c’est autre chose… Le Petit Journal ironise également sur les voitures remplies de matériel que j’ai vues… Globalement, il montre un camp propret, digne, etc. Mais là encore, c’est une question de champ et de contrechamp. Les monceaux de détritus, le côté décharge publique, tout cela est soigneusement évacué, ce qui pose quand même un problème de déontologie. Quand un journaliste va dans un endroit et qu’il y a des choses « neutres » à côté de choses qui agressent le regard, il me semble qu’il doit montrer ce qui agresse le regard. Le journaliste qui ignore délibérément ce qui est « extraordinaire » pour ne montrer que l’ordinaire ne fait pas son boulot, il donne dans le militantisme. Encore une fois, j’ai les preuves factuelles des descriptions que j’évoque dans mon article – descriptions qui sont du reste corroborées par des dizaines d’articles de la presse régionale (coupures de presse ci-dessous)… Là encore, le Petit Journal aurait dû travailler plus sérieusement.
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Ojim : À Montaigu également, le Petit Journal conteste ce que vous écrivez…
P.-A. Bouclay : À Montaigu le problème est un peu différent et je suis prêt à concéder la bonne foi à l’équipe du Petit Journal. J’ai en effet rencontré le maire de Montaigu, Antoine Chéreau qui m’a fait part des nuisances que subit sa ville.
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Entretien avec Antoine Chéreau, maire de Montaigu.
Il m’avait toutefois prévenu que je ne verrai rien, et pour cause : les Roms ne sont pas en ville de mai à septembre, ils rentrent en Roumanie, ce qui pose d’ailleurs de graves problèmes d’absentéisme pour les enfants roms scolarisés ! Quand le Petit Journal est venu réaliser sa « contre-enquête », il n’y avait donc pas de cordes à linge au milieu de la rue, pas de familles sur les trottoirs pour la simple raison qu’ils n’étaient pas là ! Mais tout recommence en septembre… Pour me faire une idée de la réalité, j’ai interrogé d’autres personnes que le maire. D’autres habitants m’ont raconté ce qui se passait et leurs témoignages concordaient parfaitement. La situation est tellement grave que le maire de Montaigu a écrit deux lettres au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, pour lui demander de l’aide ! Ça non plus, je ne l’invente pas. Ses administrés n’en peuvent plus : incivilités, chapardages, toilettes publiques occupées en permanence, centre-ville qui se « tiersmondise », saucisses qui pendent en pleine rue… Le Petit Journal estime que les saucisses qui pendent sont une anecdote qui remonte à deux ans, j’ai pourtant un témoignage d’un habitant qui raconte que c’est une constante…
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Témoignage d’un habitant.
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Ojim : Qui sont les témoins que vous avez interrogés et quel est leur état d’esprit ?
P.-A. Bouclay : C’est Monsieur tout-le-monde… Quand je prépare un reportage, je commence par faire un tour sur Internet et à lire la presse pour prendre le pouls de la situation. J’appelle ensuite les officiels, maire, député, conseiller régional, etc. puis les associations et la police, et ensuite seulement je vais sur le terrain. Là, avec un « fixeur », je vois des contacts ou je fais du porte-à-porte et j’interroge des voisins toute la journée. Je récolte enfin les témoignages et en fonction du calibrage de l’article, je fais des choix en tentant de montrer les problèmes qui me paraissent les plus significatifs.
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Ojim : Le Petit Journal pointe des incivilités bénignes, notamment un homme qui accuse les Roms de ne pas marcher sur le trottoir, mais au milieu de la route. Les nuisances que vous décrivez ne sont-elles pas surévaluées ?
P.-A. Bouclay : Non. J’ai eu des témoignages d’incivilités bénignes en effet, mais aussi de délits bien plus graves comme des vols ou des agressions. Une explosion des cambriolages, du braconnage.
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Vols et agressions : témoignage 1.
Tenez, je vous livre une anecdote que je n’ai pas mise dans le reportage, faute de place. C’est un chasseur qui raconte : « La nuit, on les voit tirer au projecteur, le long des routes, c’est de la barbarie. Les hommes font les rabatteurs et les femmes tirent : elles échappent aux contrôles en dissimulant des fusils à canon scié dans leurs vêtements. Quand j’ai voulu leur faire la leçon, je me suis retrouvé braqué par six armes ! Les hommes rigolaient et m’ont menacé d’un “accident”. Aujourd’hui, ils me narguent en lançant de grands bonjours lorsqu’ils passent devant chez moi avec des bêtes mortes. »
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Vols et agressions : témoignage 2.
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Vols et agressions : témoignage 3.
Le sentiment général est celui d’un véritable ras-le-bol lié au fait que la majorité des Roms ne veulent pas s’intégrer et vivraient en marge, pour profiter de notre société.
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Ojim : L’un des témoignages que vous avez recueilli est particulièrement intéressant. Il s’agit d’un homme qui vous explique que lorsque les Roms sont arrivés, il était dans un état d’esprit plutôt favorable, qu’il n’était pas opposé à « partager la richesse » et à faire « preuve de solidarité ». Mais à la fin de l’entretien, l’homme confesse, qu’excédé, il a fini par acheter un fusil…. Est-ce qu’il n’est pas temps de tirer la sonnette d’alarme ?
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Vols et agressions : témoignage 4.
P.-A. Bouclay : Bien sûr ! Une autre personne interrogée m’a dit, du reste, la même chose. Quand deux personnes interrogées sur à peine cinq jours vous disent qu’ils ont acheté des armes, c’est en effet alarmant. Ça n’a évidemment pas valeur de sondage ou de statistique, mais c’est quand même un hasard drôlement violent ! C’est tout de même quelque chose qui interpelle, donc oui il y a un vrai problème – qu’il est idiot et potentiellement dangereux de nier.
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Ojim : il y a aussi ce que le Petit Journal passe sous silence…
P.-A. Bouclay : Il y a en effet ce que le petit Journal dit, mais il y a surtout ce qu’il ne dit pas, ce qu’il conteste et ce qu’il ne conteste pas ! Dans mon article, je montre, statistiques à l’appui, que les cambriolages ont augmenté de 70% en un an, là-dessus silence radio des amuseurs… Or, ce n’est pas moi qui l’invente, c’est la police qui l’affirme.
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Ojim : On pourrait vous répondre que ce ne sont pas nécessairement des Roms qui sont la cause de cette augmentation…
P.-A. Bouclay : Sauf qu’il y a ce qu’on appelle les modes opératoires que les criminologues et les enquêteurs connaissent parfaitement. On sait en effet comment procèdent les gangs de voyous roms et je précise bien qu’il s’agit là de gangs de voyous et non de tous les Roms. Serrures forcées en moins d’une minute, tour de l’appartement en moins de dix minutes, les cambrioleurs savent très bien où ils vont, ils ne saccagent pas gratuitement… ce n’est pas du tout le cambriolage « à la papa » ! Ils ne prennent que l’argent liquide et les bijoux, rien d’encombrant… Or, la plupart des cambriolages sur la zone est conforme à ce mode opératoire. On sait d’autre part que le SRPJ de Rennes a démantelé une véritable « Université de la fauche » où venaient se former des futurs criminels installés dans la région nantaise. Il s’agissait de mineurs que les voyous roms mettaient à l’entraînement en leur apprenant à cambrioler où à voler dans les magasins… Le Petit Journal a été sur cet épisode d’une discrétion de violette !
Encore une fois, il ne s’agit pas d’accuser tous les Roms mais de dire qu’il y a parmi eux de véritables gangs de voleurs professionnels. L’an dernier, le Service d’Information, de Renseignement et d’Analyse Stratégique sur la Criminalité Organisée (SIRASCO), un organisme de la Police nationale relevant du DCPJ de Nanterre, a classé les Roms dans la catégorie des mafias, ce n’est pas moi qui l’invente. Le fait est que les Roms ont cette particularité de vivre en clans familiaux, ce que le criminologue Xavier Raufer, par exemple, explique très bien. Dans ces clans, il y a ce qu’on appelle des « criminels d’habitude » qui ont la triste habitude d’exploiter leurs congénères, c’est-à-dire qu’ils obligent les gens honnêtes à mendier, à voler, à se prostituer, etc. On sait qu’il existe un trafic de bébés à l’intérieur de cette communauté : on vole un bébé en Roumanie que l’on met dans les bras de petites mendiantes qui exercent sur nos trottoirs ; ce n’est donc pas leur bébé et elles n’ont certainement pas voulu mendier ! Mais si elles ne rapportent pas suffisamment d’argent au quotidien, on les envoie faire le trottoir et si elles refusent encore, on les démolit physiquement ! Telle est la réalité de la criminalité rom qui est loin d’être spontanée ! les Roms sont du reste les premières victimes de cette criminalité organisée. Un bébé arraché à sa mère coûte 10 000 euros, si l’on en croit les policiers qui ont démantelé un trafic d’enfants roms début septembre. Une petite voleuse peut être vendue 16 000 euros : en l’envoyant voler dans les transports publics, avec obligation de ramener 200 à 300 euros de valeurs par jour, le « propriétaire » de cette esclave moderne amorti son investissement en un an.
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Ojim : À la fin de sa contre-enquête, le Petit Journal affirme que vous avez travaillé à Minute. Qu’en est-il ?
P.-A. Bouclay : C’est faux. Si le Petit Journal avait fait son boulot, ses journalistes auraient pris la peine de m’appeler pour me poser la question. Or, ils ne l’ont pas fait. Ils ont probablement fait un petit tour sur Internet et sont tombés sur un ragot colporté par PressNews, que j’ai démenti et qui a été rectifié sur la version papier, mais pas sur la version Internet. Le journaliste de PressNews n’avait, lui non plus, pas pris la peine de m’appeler… Mais c’est évidemment plus commode de discréditer un journaliste par ses liens supposés avec « l’extrême droite » que de discuter ses preuves et ses arguments…