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[Rediffusion] Polémiques sur le burkini : les réactions en Allemagne

25 septembre 2016

Temps de lecture : 9 minutes
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[Rediffusion] Polémiques sur le burkini : les réactions en Allemagne

Temps de lecture : 9 minutes

Le burkini a fait les gros titres de la presse de cet été. En France bien sûr, mais aussi à l’étranger. On a ainsi pu lire à plusieurs reprises dans certains quotidiens français, notamment dans Libération et dans Le Monde, que la presse étrangère ne « comprenait pas le débat français » ou bien qu’elle était « choquée par les arrêtés anti-burkini ». Sans nuance aucune.

On ne peut ici qu’une fois de plus con­stater la forte ten­dance des jour­nal­istes français à ne pas enquêter, à ne pas exam­in­er tous les aspects con­tra­dic­toires d’un sujet, à ne pas informer exhaus­tive­ment avant de for­muler une syn­thèse. La presse française n’informe pas, elle pre­scrit. La majorité de la presse française n’est pas la presse d’un pays démocratique.

Il va sans dire que les jour­naux anglo-sax­ons, par exem­ple, reflè­tent surtout l’attachement fon­da­men­tal à la lib­erté de culte et d’expression, l’une et l’autre forte­ment restreintes en France… Le monde anglo-sax­on ne con­naît rien à la cul­ture de la laïc­ité. Il eût été judi­cieux d’analyser les caus­es de ces atti­tudes, certes piégées dans le fameux « para­doxe de la tolérance » de Karl Pop­per, mais très dif­férentes des pos­tures français­es. Les jour­naux espag­nols cités sont quant à eux des jour­naux de gauche, de plus en plus gag­nés par un cer­tain islamo-gauchisme. Leur posi­tion est donc com­pa­ra­ble sur le fond à celle de Libéra­tion et du Monde. On aurait trou­vé égale­ment des sons de cloches très dif­férents au Québec.

Il ressort de ce préam­bule qu’il est par­faite­ment faux de dire que la presse étrangère ne com­pre­nait pas – glob­ale­ment – le débat français sur le burki­ni. La réal­ité est que le burki­ni a sus­cité des débats dans toute l’Europe, débats dont la teneur a pu se rap­procher, mais aus­si se dif­férenci­er forte­ment des débats français. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les opin­ions sont aus­si partagées qu’en France.

Exam­inons le cas de l’Allemagne, comme en France, le burki­ni a fait une appari­tion mas­sive dans les piscines, au bord des lacs et même des plages des mers du Bord et Bal­tique, illus­trant claire­ment le car­ac­tère glob­al de cette offen­sive islamiste culturelle :

  • comme en France, les atti­tudes des autorités locales ont été forte­ment con­trastées : cer­taines ont lais­sé faire, mais d’autres ont pro­mul­gué à leur tour des arrêtés anti-burkini,
  • comme en France enfin, les débats ont été vifs dans la presse et les médias sociaux.

Plusieurs arrêtés anti-burki­ni dans les piscines alle­man­des, surtout en Bav­ière et à l’Est

La réal­ité est que de nom­breuses piscines alle­man­des ont pro­mul­gué, sous leur pro­pre respon­s­abil­ité ou à tra­vers les déci­sions de respon­s­ables poli­tiques locaux, des arrêtés anti-burki­ni de teneur sim­i­laire à ce qu’on a pu voir en France. Mais ce qui est frap­pant à ce niveau, c’est le fort con­traste qui existe entre les dif­férentes régions.

La Bav­ière s’est par exem­ple large­ment pronon­cée en faveur de la pro­hi­bi­tion du burki­ni dans les piscines publiques. L’interdiction pronon­cée à Neu­traubling, dans le Haut-Palati­nat (nord de la Bav­ière), a ain­si mis cette pais­i­ble petite ville près de Ratis­bonne sur le devant de la scène à l’instar de Cannes en France. Elle a fait tache d’huile. Les régions du sud (Bade-Wurtem­berg, Palati­nat…) se sont générale­ment alignées sur l’exemple bavarois. L’idyllique cité de Con­stance au bord du lac du même nom a égale­ment fait par­ler d’elle du fait des procé­dures judi­ci­aires inten­tées par les organ­i­sa­tions pro-dji­had culturel.

L’Est de l’Allemagne ne veut lui non plus rien enten­dre du burki­ni. Cette par­tie de l’Allemagne a cela de par­ti­c­uli­er qu’elle pos­sède en effet une forte cul­ture du natur­isme (FKK = Freikör­perkul­tur). Née dès les années 20, cette pra­tique n’a cessé de se ren­forcer sous un nation­al-social­isme soucieux de pro­mou­voir la cul­ture du corps, et plus tard sous la dic­tature com­mu­niste. Elle est ain­si ren­trée intacte de plein pied dans la nou­velle Alle­magne réu­nifiée, alors qu’elle avait forte­ment décliné à l’ouest après la guerre. C’est ain­si que de nom­breuses piscines du Bran­de­bourg, du Meck­lem­bourg-Poméranie et de Saxe, de Saxe-Anhalt ou de Thuringe ont à leur tour ban­ni le burki­ni. Alors que le nud­isme est autorisé en de nom­breux endroits. Il est vrai par ailleurs qu’à part Berlin, le taux d’immigrés dans la pop­u­la­tion est ici moin­dre qu’à l’ouest – et on se sou­vient aus­si que la pop­u­la­tion est forte­ment hos­tile à l’immigration afro-musul­mane, et que PEGIDA et l’AfD font un tabac dans cette par­tie de l’Allemagne. Or juste­ment, des inci­dents ont été sig­nalés aux ther­mes de Berlin. Des femmes voilées, choquées par la résis­tance au dji­had cul­turel ren­con­trée à Bad Saarow (Bran­den­burg), ont eu une belle occa­sion de se pos­er en vic­times en déclarant, le 22 août 2016 au Han­nover­sche All­ge­meine Zeitung , qu’elles « se sen­taient dis­crim­inées ». Des plaintes clas­siques pour « racisme », « injures » etc. ont été déposées.

La sit­u­a­tion est bien dif­férente, par exem­ple, en Rhé­nanie du Nord-West­phalie. À Ober­hausen par exem­ple, le directeur général de l’office des piscines munic­i­pales OGM, Hart­mut Schmidt, a déclaré au West­deutsche All­ge­meine Zeitung s’être « décidé en faveur de la tolérance ». Dort­mund a préféré par con­tre ban­nir le burki­ni de ses piscines municipales.

Con­clu­sion : on ne peut qu’être frap­pé à nou­veau par les cli­vages régionaux que sus­cite la ques­tion de l’islam en général en Alle­magne – le burki­ni n’étant qu’un aspect par­mi bien d’autres. Les régions issues de l’ex-RDA y sont farouche­ment hos­tiles, à l’instar des pays d’Europe Cen­trale, et rejet­tent bien plus forte­ment le poli­tique­ment cor­rect qui s’est imposé à l’ouest. Mais égale­ment les régions du sud, à forte iden­tité bavaroise et aus­si alé­manique, ont plutôt mal accueil­li le burki­ni. Le rejet alé­manique a d’ailleurs fort logique­ment trou­vé un écho dans la Suisse alé­manique toute proche : sig­nalons le cas de Bâle, excédée par les débor­de­ments des musul­mans venus de l’Alsace toute proche. Les régions de l’ouest en revanche, sans forte iden­tité depuis l’exode rur­al mas­sif de l’époque indus­trielle et à fort taux d’immigration – et par­tant d’électeurs musul­mans, notam­ment ger­mano-turcs – ont adop­té des atti­tudes plus con­trastées et par­tant sou­vent plus « tolérantes ».

Un débat tout aussi faussé qu’en France, mais dans des termes très différents du débat français : pas de laïcité ni de « valeurs de la République »… c’est l’hygiène qui justifie les prohibitions… mais le public n’est pas dupe.

L’Allemagne est un pays démoc­ra­tique. Il n’existe aucune base légale pour inter­dire ou pre­scrire légale­ment un vête­ment quel­conque aux citoyens. Il a donc fal­lu trou­ver autre chose pour jus­ti­fi­er les inter­dits. L’Allemagne n’est par ailleurs pas un pays laïc. Elle recon­naît cer­tains cultes, au nom desquels d’ailleurs l’État prélève une dime qu’il reverse aux dif­férents cultes recon­nus. Il n’y a d’ailleurs pra­tique­ment pas de mot alle­mand pour dire « laïc­ité » et l’équivalent du mot français n’est jamais util­isé et pra­tique­ment incom­pris. Il est vrai que la laïc­ité à la française cache en réal­ité la déi­fi­ca­tion d’un État théocra­tique. Rien de tel en Alle­magne, pas plus que de « valeurs de la République » cen­sées sup­planter la volon­té pop­u­laire, et donc la démocratie.

Mais l’Allemagne est très à cheval sur la pro­preté. C’est ain­si que les longs shorts, fort en vogue out­re-Atlan­tique, ont été pro­hibés dans ce pays pour des raisons d’hygiène. C’est donc cette inter­dic­tion qui a servi de jurispru­dence pour les arrêtés anti-burkini.

C’est ce que reflè­tent aus­si les arti­cles pub­liés dans la presse nationale et régionale. Partout, les vraies ques­tions ont été soigneuse­ment évitées. Nul n’ignore que l’argument « de l’hygiène » n’est qu’un par­avent visant à soigneuse­ment éviter les ques­tions de fond. En Alle­magne comme en France, le poli­tique­ment cor­rect a tué la réal­ité de la lib­erté d’expression dans de nom­breux domaines.

Comme en France, on a vu des « intel­lectuels » turcs, comme le chercheur spé­cial­iste des ques­tions des migra­tions Özkan Ezli, déclar­er sans rire au quo­ti­di­en Die Welt  le 22 juil­let dernier que le burki­ni, ce sym­bole d’apartheid car­ac­téris­tique d’un islam géné­tique­ment por­teur d’une idéolo­gie du pur et de l’impur séparant musul­mans et infidèles au même titre que le voile ou le halal, était « un vête­ment ambiva­lent posi­tif » qui per­me­t­tait aux femmes musul­manes de « s’intégrer sociale­ment ». L’intégration par la sépa­ra­tion, voilà un beau con­cept à ajouter à la longue liste des ter­mes tech­niques orwelliens.

Partout donc, le monde politique et médiatique a soigneusement occulté le problème latent de la cohabitation, dans un même pays, de populations aux valeurs radicalement opposées.

Pour­tant, ce qui est occulté par les autorités soucieuses d’éviter tout débat sur la paix civile, le car­ac­tère idéologique irréal­iste de la non-poli­tique migra­toire et les men­songes éhon­tés de l’idéologie d’État depuis des décen­nies, ne trompe plus guère l’opinion publique. Il est en effet intéres­sant de lire les mul­ti­ples com­men­taires des lecteurs, qui mon­trent les pas­sions, les inquié­tudes et les pris­es de con­science de l’ampleur des prob­lèmes qu’a déclenché l’offensive du burki­ni. Les Alle­mands de base sont de plus en plus con­scients que la ques­tion du burki­ni n’a rien à voir avec l’hygiène, mais avec les valeurs fon­da­men­tales de l’égalité hommes-femmes (que nie le burki­ni), de l’unité de la société (que nie le burki­ni) et au-delà de la com­pat­i­bil­ité de l’islam et de son idéolo­gie du pur et de l’impur séparant musul­mans et infidèles avec les valeurs mul­ti­sécu­laires d’une Alle­magne de cul­ture chré­ti­enne, et donc majori­taire­ment « infidèle ».

Dans tous les cas, cette sépa­ra­tion abyssale entre les élites et le peu­ple est par­faite­ment illus­trée par ce sondage réal­isé par l’Hildesheimer All­ge­meine Zeitung le 18 août dernier :

Ques­tion : que pensez-vous de l’interdiction du burki­ni dans les piscines ?
Répons­es :           1 019

Je suis pour :      62,5%
Je suis con­tre :  32,5%
Ça m’est égal :     5,0%

Quant au maire de Neu­traubling, Heinz Kiech­le, il a déclaré au quo­ti­di­en Die Welt, le 11 juin, avoir été inondé de mes­sages de sou­tien de sa déci­sion d’interdiction, à des années-lumière des débats du monde poli­tique et médiatique.

Sources

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