L’un des journalistes attitrés du Monde affectés au combat contre la droite dite radicale, Nicolas Truong, et son quotidien ont montré combien ils ont du flair en publiant, le 6 mars 2020, en plein essor de la crise mondiale du coronavirus, une tribune destinée à fustiger « les polémistes de la mouvance souverainiste et identitaire ». Depuis, ces frontières si peu aimées sont redevenues une évidence pour tout un chacun. Lecture.
Le titre : « Il s’érige contre la « dictature » de la « bien-pensance » : l’essor du national-populisme intellectuel et médiatique »
Accroche : « Dans la presse comme dans les médias audiovisuels, les polémistes de la mouvance souverainiste et identitaire s’imposent, fustigeant le « droit-de‑l’hommisme » des élites. Rééquilibrage idéologique ou nouvelle hégémonie culturelle ? »
Illustration : une trentaine de têtes de Zemmour.
Surprise : c’est un article d’un journaliste du Monde et pourtant il paraît dans la rubrique « idées ». Autrement dit, un journaliste du Monde donne son opinion dans les pages du Monde, et même dans les pages qu’il dirige. Peut-être une façon élégante de signaler qu’il en est de même dans l’ensemble des pages de ce quotidien, en réalité ?
Nicolas Truong voit une « offensive idéologique »
« La France semble saisie par l’essor du national-populisme médiatique. Il ne se passe pas un trimestre sans qu’une maison d’édition publie un ouvrage contre la « dictature » de la « bien-pensance » progressiste. Pas un mois sans qu’un polémiste fustige le « droit-de‑l’hommisme » des élites. Pas une semaine sans qu’un hebdomadaire raille la « tyrannie de la repentance » ou les « idiots utiles » du communautarisme et de « l’islamo-gauchisme ». Pas une émission de débat sans que soit dénoncée l’emprise du « politiquement correct » ou les dérives du « féminisme victimaire ». Pas un jour sans que des « chaînes infos » imposent des problématiques à sens unique. »
Si tel est le cas, nous sommes heureux d’informer l’auteur que cette situation est celle vécue par les opposants intellectuels du Monde depuis 40 ans. Ce qui n’a pas semblé embêter les journalistes du quotidien.
C’est que, croit savoir Truong, le national-populisme « se répand à l’envi sur les ondes et les écrans, pas uniquement sur des stations d’extrême droite, mais aussi dans certaines émissions de BFM-TV, CNews ou LCI. Cette pensée de la « nouvelle droite », à L’Incorrect, mensuel proche de Marion Maréchal Le Pen, ou à Causeur, média à la tonalité national-souverainiste » (pas de définition ?).
Nouvelle droite, nationalisme, présence du nom Le Pen (sans doute Truong aimerait-il que son patronyme soit accompagné d’un nom qu’il aurait officiellement abandonné ?), des repères en somme. Notons qu’il y aurait aussi Valeurs Actuelles, Le Point, Le Figaro, Marianne… et « bien d’autres ». Peut-être même toute la presse sauf Le Monde, qui sait ?
Heureusement Pierre Rosanvallon, sans doute peu soupçonnable d’engagement idéologique marqué (chacun aura remarqué l’ironie du propos), vient à la rescousse : « Ce populisme intellectuel et médiatique n’a pas d’organe officiel et n’est pas directement associé à un projet politique, mais se diffuse largement dans tout l’espace public », poursuit l’historien ». Truong cite aussi Lindenberg inventeur du mythe des « néo-réacs ».
Alors ? Qui sont les nationaux-populistes ? Ou nationaux-souverainistes ? Enfin, toutes ces formules destinées à rappeler un autre national quelque chose, comme si de rien n’était ?
« Forgée par le philosophe Pierre-André Taguieff, la notion de Nouveau National-Populisme (CNRS Editions, 2012), qui désigne « la forme prise par la démagogie dans les sociétés contemporaines » lorsque « la dimension nationaliste » s’avère « centrale », pourrait s’appliquer. C’est « une dénomination possible » du phénomène, assure Clément Viktorovitch, qui enseigne la rhétorique à Sciences Po et tient une chronique télévisuelle dans l’émission Clique sur Canal+ »
Viktorovitch et Clique, le lecteur peine à imaginer que ce ne soit pas un trait d’humour, coquin de Truong. Le journaliste cite aussi Jean-François Kahn, pour qui les nationaux-populistes seraient des « néofascistes ».
La revue Éléments et son rédacteur en chef, François Bousquet, ainsi que la Nouvelle Librairie dont Bousquet est le gérant sont particulièrement prisés de Truong, journaliste qui semble trouver anormal qu’une revue soit sous-titré « Pour la civilisation européenne ». Un titre comme « éléments pour la civilisation africaine » ne l’échauderait sans doute pas. Il égrène d’ailleurs tout ce qui lui paraît anormal, comme par exemple un article sur « le romantisme fasciste » qu’il n’a pas lu, sans quoi il saurait qu’il s’agit en fait d’une recension d’un ouvrage portant ce titre, ou encore une série de noms de personnes qui semblent trop s’approcher des méchants : Bastié, Devecchio, Polony, Gauchet, Guilluy, Jérôme Sainte-Marie, Jacques Julliard, Michel Onfray… Le Monde aurait bien aimé semble-t-il un cordon sanitaire contre un virus qui n’existe pas, bien peu de temps avant qu’un virus bien réel et bien dangereux ne nous tombe dessus.
Mais la situation est encore pire, assure Truong :
« Autre indicateur de la sortie du ghetto : une légitimation politique qui vient du sommet de l’État. Du président de la République lui-même, qui accorda, le 31 octobre 2019, un entretien à Valeurs actuelles sur la question migratoire où Emmanuel Macron désigna les représentants des associations de défense des migrants comme des « droits-de‑l’hommistes la main sur le cœur ». Un adoubement venu également de certains membres du gouvernement qui, à l’image de Marlène Schiappa, s’empresse de débattre avec Eric Zemmour, polémiste deux fois condamné pour provocation à la haine raciale, dans l’émission « Face à l’info », le 10 février, sur CNews, où celui-ci l’exhorta notamment « à aller voir dans certaines régions de France si le « grand remplacement » n’existe pas ».
Ce président que Le Monde a tant contribué à faire élire ne choisit pas bien ses pages. Quant aux ministres LREM, ils devraient bien le savoir tout de même que les lieux de la liberté d’expression sont déterminés par Le Monde ! Depuis le temps…
En passant, Truong signale que Valeurs Actuelles est « connu » pour ses couvertures, entre autres, sur « le philanthrope George Soros ». Philanthrope, il fallait oser.
Il y a bien une sorte de complot mais il ne vient pas d’où l’on pense :
« Le national-populisme médiatique réemploie et détourne ainsi la rhétorique de l’antitotalitarisme. Tout est qualifié de « totalitaire » : le féminisme, l’écologie ou les minorités. La façon de disqualifier la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg est, à cet égard, éclairante. Car l’icône mondiale de 17 ans n’est pas seulement critiquée pour ses idées, elle est renvoyée à son totalitarisme supposé : « Tous les enfants ont du génie sauf Greta Thunberg. Je la sens fanatisée », déclare Jérôme Béglé, directeur adjoint de la rédaction du Point (CNews, 23 septembre) ; son « idéologie » est « d’essence totalitaire », renchérit, sur le même plateau, Ivan Rioufol, chroniqueur au Figaro, alors que le directeur des rédactions du quotidien, Alexis Brézet, considère quant à lui sur LCI : « On a connu, à l’époque de Mao, les gardes rouges qui dénonçaient leurs parents. Là, on a une génération de gardes verts. »
C’est que l’extrême droite mène la France et les médias par le bout du nez métapolitique, approchant ainsi du pouvoir… En vrai, c’est par « haine de la démocratie », référence à Jacques Rancière, lequel est un bon intellectuel puisqu’il est de gauche.
Cerise sur le gâteau :
« Une idéologie, qui, comme le disait Hannah Arendt, consiste à soumettre la réalité à la logique d’une idée. Et à voir le monde en noir et blanc, de part et d’autre d’une frontière qui sépare les bons et les méchants ».
On croirait une description des articles du Monde.
Ceci dit, n’ayons pas peur : « L’emprise du national-populisme médiatique n’est pas une fatalité ». Il faut cependant se méfier car « elle pourrait bien être un jour le programme politique d’un pouvoir bien réel. » Encore un peu de « matin brun » qui approche en somme. Au fait, Le Monde, cela fait combien de fois que vous publiez le même article ?