Ce 26 mars 2019, nous étions à deux mois des élections Européennes. De quoi occuper la Une des médias. C’est ainsi que FranceInfo décida de se pencher sur ces élections, selon un angle de vue méritant que l’OJIM jette un œil : une journée spéciale consacrée à « la montée des populismes » en Europe, rien que cela.
Franceinfo n’innove évidemment pas en la matière, la chaîne d’information en continue radio et télévision ayant été précédée par France 5 dès le 19 mars 2019, pour une « grande soirée » consacrée au même thème ou presque : « Europe : la tentation populiste ». L’OJIM reviendra bientôt sur cette dernière émission, laquelle fait suite à celle déjà diffusée le 25 décembre 2018. Les populismes, un marronnier chez France 5, et plus généralement dans les médias d’Etat. Par contre, aucun de ces médias, ni aucun média officiel en règle générale, ne consacre de journée ou de soirée à « la montée du mondialisme en Europe », « la survie de l’idéologie du progrès en Europe » ou encore à « l’Europe libérale-libertaire ». C’est cette absence de points de vue diversifiés qui est reprochée à ces médias, et cela même qu’ils ne comprennent pas tant il leur est évident que ce ne serait pas… de l’information. La preuve par le caprice des journalistes devant la démonstration de Dupont Aignan.
Décryptage de la journée anti-populismes de FranceInfo
Toutes les émissions et tous les journaux d’information sont concernés au long de la journée, avec reportages et débats en forme de « temps forts ».
La sémantique
→ L’expression « populisme/populiste » est employée de façon interchangeable avec « nationalismes / nationalistes » ou « extrême-droite ». Pour Franceinfo et ses journalistes, ces concepts de science politique sont identiques.
→ La réduction et l’amalgame entre les trois concepts ont une conséquence surprenante : parlant de montée des populismes, Franceinfo évite soigneusement les populismes classables à gauche, le trait de la journée étant évidemment à vocation de basse politique, ce dont toute la rédaction se défendrait sans aucun doute la main sur le cœur innocent. Reste qu’évoquer la situation italienne lors du journal de 13 heures, dans le but de montrer la faible croissance économique actuelle de ce pays, en utilisant les vocables « populistes » et « extrême droite » au sujet de la Lega conduit à des manières de dire étonnantes. Exemple : « la coalition au pouvoir entre l’extrême droite de la Lega et le Mouvement 5 Etoiles », un mouvement dont… il n’est rien dit sur le plan populiste.
→ Devant cette non prise en compte du terme « populisme » sur d’autres versants de la vie politique, un philosophe comme Ernesto Laclau auteur de La Raison populiste (Seuil, 2005) doit se retourner dans sa tombe. De même, l’on souhaite à son épouse, la philosophe Chantal Mouffe, auteur l’an passé d’un Pour un populisme de gauche (Albin Michel, 2018), de ne pas avoir écouté cette journée militante et de ce fait bien pauvre en réflexion réellement politique assénée par Franceinfo à ses auditeurs.
→ Ce même jour, la chaîne revient par contre sans cesse sur la candidature Loiseau en tant que tête de liste LREM pour ces Européennes, et sur sa déclaration relative à son « impossibilité de vivre si le RN est le premier parti français du parlement européen ». Notons que peu après l’élection de son DRH à la présidence de la République, Griveaux avait indiqué que le quinquennat serait une réussite si le RN disparaissait de la vie politique.
Le déroulé
→ Outre la présence concrète et permanente de la thématique d’un populisme menaçant l’Europe, et le fait de se couler dans l’ombre du président pour qui les élections doivent, selon ses mots, mettre aux prises populistes et progressistes, Franceinfo consacre donc des « temps forts ». C’est le cas avec le « débat » du midi dont la particularité est de réunir deux invités européistes autour d’un journaliste lui-même européiste. Pas de contradiction, une conversation sympathique entre personnes d’accord sur tous les sujets sans exception.
→ La chaîne invite ses auditeurs à consulter une carte interactive mise en ligne et intitulée « La percée populiste en Europe ». Un regard rapide montrera le message que veut faire passer ce média : l’Europe est proche de basculer. Dans quoi ? En petit et en italique, une définition : Populisme : type de discours centré sur l’écoute du peuple, la défense de ses valeurs, de ses intérêts, de son unité. Voir aussi démagogie, qui dit ce que chacun souhaite entendre; L’ennemi du populiste : une élite lointaine.
C’est d’autant plus intéressant que les sciences politiques actuelles s’accordent justement sur l’impossibilité de clairement définir ce concept, ce que montrent divers essais, dont la Brève introduction au populisme de Cas Mude et Cristobal Rovira Kaltwasser parue aux éditions de l’Aube en 2018, sous l’égide de la Fondation Jean Jaurès et préfacée par le politologue Jean-Yves Camus.
→ Notons qu’à 17 heures, le 26 mars, la carte n’avait été partagée que 285 fois sur les réseaux sociaux.
→ L’analyse se décline en une série de reportages disséminés au long de la journée, récurrents, et consacrés à ces pays : Hongrie, Bulgarie, Suède, Autriche, République Tchèque, Italie, Pologne, Allemagne. Le pire guette…
Les élections vont avoir lieu dans deux mois, la machine de défense des castes et privilèges est en marche. L’OJIM va observer cela régulièrement, en commençant par revenir sur le récent C dans l’air de France 5 lui aussi entré en lutte contre les opposants à l’autoproclamé camp du Bien. La campagne européenne des médias officiels en faveur du macronisme a bel et bien commencé.