Porte-parole des pauvres élites incomprises
Né en mai 1940 à Caen, Alain Duhamel fait partie des éditorialistes indéboulonnables du paysage audiovisuel et radiophonique français. Européiste convaincu, observateur avisé de la Vème République, il est considéré par la critique d’extrême-gauche (Acrimed) comme un « spécialiste en bavardages tous médias », un habile « équilibriste » qui mène sa barque au gré des vents politiques, ou encore comme un fervent défenseur des élites incomprises. À l’inverse, la presse traditionnelle, à l’image du Monde, le considère comme « sans conteste, le plus chevronné, le plus assidu, le plus sagace des observateurs politiques français ». Il annonce son départ de BFMTV en septembre 2024, mais après la saison 2024/2025. Fort heureusement, son neveu Benjamin Duhamel officie à BFMTV, il restera un Duhamel sur le petit écran.
Malgré tout, il incarne pour beaucoup le profil type du journalisme de révérence, l’éditorialiste de la France d’en-haut, de la France du « oui », s’évertuant sans relâche à défendre un monde politique qu’il côtoie peut-être d’un peu trop près… et depuis peut-être un peu trop longtemps.
Parcours professionnel
Le chroniqueur de presse écrite
Alain Duhamel entre dans le bain en 1963, date à laquelle il devient chroniqueur au Monde.
En 1992 (et jusqu’à aujourd’hui) il livre également des chroniques régulières à Libération.
Par ailleurs, il a également tenu des chroniques dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, Nice-Matin et Le Point.
L’homme de télévision
Entre 1970 et 1973, il participe à l’émission « À armes égales » sur la première chaîne. À partir de 1977, il rejoint « Cartes sur table », sur Antenne 2, jusqu’en 1981. De 1997 à 2001, il participe à l’émission « Mots croisés » sur France 2 en compagnie d’Arlette Chabot.
Il participera à d’autres émissions telles que « L’Heure de vérité » (1995), « Question ouverte » (2001–2006 sur France 2), « 100 minutes pour convaincre » (2002–2005 sur France 2), et réalise toujours des interventions occasionnelles dans le « Grand Journal » de Canal+.
En 1974 , il anime le débat du second tour entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand aux côtés de Jacqueline Baudrier, puis en 1995 celui entre Jacques Chirac et Lionel Jospin en compagnie de Guillaume Durand.
Le 5 février 2009, il interviewe le président Nicolas Sarkozy avec Laurence Ferrari, Guy Lagache et David Pujadas. En avril 2012, il fait partie du jury de l’émission « Qui veut devenir président ? » sur France 4.
Il rejoint ensuite BFMTV dans différentes émissions animées par Ruth Elkrief, Alain Marschall et Olivier Truchot. À la rentrée 2024, il annonce son départ de l’écran pour juin 2025 argumentant « Soit je divorçais de BFM, soit je divorçais de ma femme ».
L’éditorialiste radiophonique
Après avoir passé 15 ans à France Culture, entre 1974 et 1999, il rejoint RTL en tant qu’éditorialiste politique. En 2013, il passe de la matinale à la tranche 18/19 heures chez Marc-Olivier Fogiel. Depuis 2010, il participe également sur RTL au « face à face Aphatie-Duhamel », où il débat avec son confrère de l’actualité politique.
Faits notoires
En 2007, il affiche ouvertement son hostilité à la candidature de Ségolène Royal pour l’élection présidentielle en l’éliminant purement et simplement de la liste des candidats potentiels (« Les Prétendants 2007 », Plon, 2006).
En 2007, il est suspendu de l’émission « A vous de juger », de l’antenne de France 2 et de RTL après avoir annoncé, devant les étudiants de l’IEP Paris, qu’il voterait François Bayrou.
Il est régulièrement la cible de la critique d’extrême-gauche, qu’il s’agisse d’Acrimed ou du Monde Diplomatique. Il est considéré comme un « chien de garde » emblématique du système libéral par Serge Halimi (dans son livre du même nom, puis dans le documentaire tiré de l’ouvrage).
Vie privée
Alain Duhamel est le frère du pédiatre et universitaire Jean-François Duhamel, et de l’ancien directeur général de France Télévisions Patrice Duhamel. Il s’est converti au protestantisme par l’intermédiaire de sa belle famille (Le Nouvel Obs du 11 juillet 2013, pages 28–29). Il est marié à France Duhamel, ancienne professeur agrégée de musique et chef d’orchestre et il est le père de deux enfants, Arnaud et Valérie.
Il est l’oncle de Benjamin Duhamel dont il a favorisé la carrière et qui officie à BFMTV.
Voir aussi : Benjamin Duhamel, portrait
Parcours militant
En 2007, devant les étudiant de l’IEP Paris, il a annoncé qu’il voterait François Bayrou, ce qui lui a valu une suspension de l’émission « À vous de juger », des antennes de France Télévisions et de RTL jusqu’à la présidentielle.
Ce qu’il gagne
Non renseigné.
Publications
- La République giscardienne. Anatomie politique de la France, Grasset, 1980.
- La République de monsieur Mitterrand, Grasset, 1982.
- Les Prétendants, Gallimard, 1983.
- Le Complexe d’Astérix. Essai sur le caractère politique des Français, Gallimard, 1985.
- Le Ve Président, Gallimard, 1987.
- Les Habits neufs de la politique, Flammarion, 1989.
- De Gaulle-Mitterrand. La marque et la trace, Flammarion, 1991.
- Les Peurs françaises, Flammarion, 1993.
- La Politique imaginaire. Les mythes politiques français, Flammarion, 1995 (Prix de l’essai de l’Académie française).
- François Mitterrand, portrait d’un artiste, Flammarion, 1997.
- Une Ambition française, Plon, 1999. (Prix du livre politique).
- Derrière le miroir. Les hommes politiques à la télévision, Plon, 2000.
- Les Prétendants 2007, Plon, 2006.
- La marche consulaire, Plon, 2009.
- Cartes sur table, Plon, 2010, avec son frère Patrice Duhamel.
- Portraits souvenirs. 50 ans de vie politique, Plon, 2012.
- Une histoire personnelle de la Ve République, Plon, 2014.
Récompenses
- Légion d’honneur en janvier 2005, commandeur en mars 2013
- Membre de l’académie des sciences morales et politiques depuis le 10 décembre 2012
- Membre de l’académie de Nîmes depuis le 6 mars 2015
Il l’a dit
« Pour dire les choses comme elles sont, rien dans l’itinéraire de Ségolène Royal au PS ne lui valait un statut de présidentiable et rien dans les fonctions officielles de second rang qu’elle avait occupées au gouvernement ne la prédestinait ni même ne la préparait à une candidature, en tout cas pas le bilan qu’elle y avait laissé », Alain Duhamel : Les Prétendants 2007, Plon, 2006
« L’affaire Strauss-Kahn, ça m’a atteint. Les turpitudes de l’élection du président de l’UMP m’ont plus que choqué. Ensuite, Cahuzac, ça m’a littéralement écœuré », RTL, juin 2013
« Ça fait cinquante ans que je m’occupe de politique, que j’essaye de comprendre la politique, que j’essaye d’expliquer la politique, que j’essaye de justifier la politique (…) pour essayer de lui conserver un certain statut dans l’esprit des gens. Et quand je vois ce qui s’est passé en deux ans, je ne vais pas dire que je suis effondré mais je suis touché. Et je suis écœuré », ibid.
« Je ne suis pas dégoûté de la vie politique. Ma passion est intacte, car la politique est la chose la plus importante au monde. Mais ma considération pour le monde politique actuel s’est dégradée. Le débat s’est abaissé, les personnages ont rapetissé et les populismes ont progressé », ibid.
«Je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Je suis plus analyste que polémiste et je ne veux pas résumer ma pensée en 140 caractères », ibid.
« Dominique Strauss-Kahn était une chance historique pour les socialistes. Parce que son profil correspondait exceptionnellement aux circonstances », RTL
« BHL est l’écrivain le plus médiatique de France, l’idéologue le plus controversé, mais aussi le plus fameux, le symbole de l’intellectuel engagé », RTL, 9 octobre 2007
« Frédéric Nihous est le chef de file d’un groupe de pression, aussi légitime que les autres, pas moins, pas plus légitime. Il n’a strictement rien à faire dans une élection. Il ne veut pas être président de la république, il ne veut même pas réellement être au premier tour. Il veut simplement qu’on parle de la chasse, de la pêche et des traditions. A ce moment là, pourquoi pas un candidat des cyclistes randonneurs du dimanche, pourquoi pas un représentant des boulistes, et puis, je vous assure, que les joueurs de cornemuses sont furieux de ne pas avoir de candidats ! », RTL, 14 décembre 2011
« Les cités des banlieues en difficulté s’embrasèrent à la fin de l’automne à la suite de la mort malheureuse de deux adolescents. D’un seul coup remontèrent à la surface, notamment chez les Beurs, la peur de l’avenir, le sentiment d’être exclus et méprisés, la probabilité du chômage, le goût de la violence, la tentation de la révolte et un antisémitisme de moins en moins réfréné », Une histoire personnelle de la Ve République, Plon, 2014
« Deux France se dessinent, l’une qui se croit capable de construire un avenir différent, l’autre qui s’épouvante et souffre de ne pouvoir revenir au passé. Ce découplage se traduit par l’abstention massive, par le vote extrémiste, par le triomphe des démagogues et des apocalyptiques », Libération, 11 mars 2015
« Eric Zemmour, un ultra au XXIe siècle. Sa France est un pays de mythes et de légendes, anachronisme qui serait peut-être honorable si son cortège d’exclusions, de discriminations, de stigmatisations, d’allégations et de diffamations ne l’accompagnait pas (…) Eric Zemmour est avant tout un décliniste enragé, interprétant chaque fait à travers une grille de la décadence, de la déconstruction délibérée de la France, de l’enlisement criminel de la “grande nation”, de son agonie programmée depuis le départ du général de Gaulle », Libération, 8 octobre 2014
« Sur le fond, son programme de rupture reste porteur de convulsions économiques et d’orages politiques […] il exhale des effluves franquistes ou salazariennes […] Marine Le Pen chemine sur le sentier de la peur et de la fureur. Elle incarne la vengeance de cette France d’en bas qui se sent vulnérable, humiliée, délaissée. La voici désormais figure de proue de la France qui perd. Cela lui garantit un atout redoutable », Libération, 2 juillet 2014
« La Russie n’appartient certes pas à l’Europe démocratique mais l’Ukraine, si. On l’ampute de la Crimée avec un argument ethnique et culturel qui reproduit dramatiquement celui qui était employé avant la Seconde Guerre mondiale », Libération, 20 mars 2014
« Des fractions de plus en plus larges de la société civile paraissent avoir atteint un point d’exaspération tel que des protestations de masse deviennent possibles, voire redoutables », Libération, 5 février 2014
« Gouvernement et socialistes font bien pire : depuis des mois, avec une inventivité et une fertilité croissantes, ils accumulent les bourdes, les maladresses, les provocations irréfléchies, les initiatives calamiteuses, les formulations désastreuses comme s’ils avaient juré de porter l’extrême droite à la première place lors des élections européennes qui, de leur fait, risque de constituer la plus grande catastrophe démocratique depuis l’élection présidentielle de 2002 », Libération, 18 décembre 2013
« Si il s’agit d’insultes racistes, non ! C’est les musulmans qui sont les plus maltraités ! » Canal+, Grand Journal, 15 mars 2013
« Le sondage Ipsos publié vendredi dans le Monde donne une image littéralement effrayante de l’état d’esprit des Français. On savait déjà, par de multiples enquêtes d’opinion, qu’ils battent des records de pessimisme et d’insatisfaction, qu’ils regardent leur situation de façon plus noire que des pays en guerre ou des nations en perdition. La nouveauté de ce sondage est que la France présente de surcroît toutes les caractéristiques du populisme : forte demande d’autorité (87% pensent que la France a besoin “d’un vrai chef pour remettre de l’ordre”), rejet brutal de l’immigration, aversion de la religion musulmane, sentiment massif de dépossession, détestation du monde politique », Libération, 30 janvier 2013
« Politiquement, la question qui se pose est : de quoi Marine Le Pen est-elle le nom ? La réponse directe est : une nouvelle extrême droite, plus dangereuse encore que la précédente. La présidente du Front national a réussi le lifting de sa formation », Libération, 25 avril 2012
« Les Français dans leur majorité sont non seulement hostiles aux immigrés mais exaspérés de tout ce qui peut être fait pour eux (…) Si les Français réagissent comme ça, moi je crois que c’est parce que l’image que la presse, la télévision et les chaînes d’information continue, donnent de l’immigration en France est systématiquement négative », RTL, 31 août 2015
« Marine Le Pen est, en somme, une extrémiste moderne, costumée pour l’information continue, grimée pour les réseaux sociaux (…) C’est un changement de visage, de style et d’époque. Une allure plus rassurante pour une ambition plus inquiétante. L’extrême droite française du XXIe siècle se veut, en effet, plus policée que celle du XXe siècle, mais elle s’annonce beaucoup plus redoutable », Libération, 15 avril 2015
Ils l’ont dit
« Dans le déferlement de commentaires sur le “séisme” provoqué par la condamnation d’Alain Juppé et son “calvaire”, l’un d’entre eux aurait pu d’autant plus facilement passer inaperçu qu’il date de la veille du jugement et émane du spécialiste en bavardages tous médias : Alain Duhamel. » Acrimed, 1er février 2004
« Grand équilibriste entre droite et gauche de gouvernement, fluctuant au gré des vents politique et des médias qui l’accueillent », ibid.
« Alain Duhamel n’a pas tranché au nom du droit, mais de la morale : avoir cautionné des emplois fictifs serait “relativement sans gravité”. Relativement à quoi ? », ibid.
« Chroniqueur de “La France d’en haut” », ibid.
Considéré comme un « européiste acharné » par Le Monde Diplomatique, février 2005
« Alain Duhamel symbolise à merveille cette élite omniprésente. Naguère plutôt barriste, aujourd’hui plutôt balladurien, il préside le comité éditorial d’Europe 1 (…) Intarissable, il écrit également — comment l’ignorer ? — un livre tous les deux ans, en général pour défendre nos élites incomprises et les vertus de l’Europe libérale. » Le Monde Diplomatique, février 2005
« Ces trois derniers mois, chacun des trois auteurs qui occupent le plus les médias (Alain Duhamel, Bernard-Henri Lévy et Alain Minc), a publié un essai politique dénonçant les tentations irrationnelles qu’ils prêtent au peuple », ibid.
« Il est, sans conteste, le plus chevronné, le plus assidu, le plus sagace des observateurs politiques français », Le Monde 24 septembre 2014
« Né à la politique sous les auspices de Mendès France et de Gaulle, placés au sommet de son Panthéon personnel, n’a‑t-il pas tout vu, vécu, analysé et commenté de la scène politique nationale, depuis le milieu des années 1960 ? Aux premières loges autant qu’en coulisses, pas un épisode marquant, pas un des fauves, petits et grands, n’ont échappé à son inlassable curiosité ni à l’acuité de sa plume », ibid.
« Ce matin sur RTL, Alain Duhamel, le fin politologue qui avait oublié Ségolène Royal dans sa liste des prétendants à l’Elysée en 2007, a estimé que je n’avais “strictement rien à faire dans une élection”. Quel mépris à l’égard des électeurs qui m’ont élu (…) Pour ce reliquat de la politologie au pifomètre des années Giscard, ma candidature à l’élection présidentielle est “absolument choquante” (…) Dans son numéro de comique des ondes, Duhamel n’arrive même pas à se renouveler. Ce Fernand Raynaud de l’analyse politique avait fait exactement le même sketch lors des présidentielles de 2002 et 2007 concernant la candidature de Jean Saint-Josse puis la mienne », Frédéric Nihous, décembre 2011
« Pour Alain Duhamel, il faut manifestement appartenir, comme lui, aux clubs les plus huppés de la capitale pour avoir le droit d’être considéré (…) Je suis le candidat de la ruralité : 20 % des Français soit 13 millions de personnes ! Ceux qui sont systématiquement oubliés par les politiques gouvernementales et maintenant insultés à l’antenne de la première radio de France ! Alain Duhamel, enlevez vos souliers vernis, mettez des bottes, sortez pour une fois de votre studio de radio parisien et dépassez le périphérique pour aller voir cette France que vous ne connaissez pas ! Oui, je défends la France des traditions ! Venez là voir. Je vous y invite. A 71 ans, vous allez découvrir une chose stupéfiante : il y a une vie en dehors de Paris », ibid.
« En six ans de proximité, j’ai pu mesurer son honnêteté intellectuelle, son amour du journalisme, son souci d’exercer son métier en travaillant avec humilité, alors même que son exceptionnelle carrière, sa culture et sa mémoire pourraient susciter des attitudes plus paresseuses », Jean-Michel Aphatie, février 2009.
« Ainsi s’achève un demi-siècle de quintessence de journalisme politique en vase clos, dans une radicale cécité à l’évolution sociale et sociétale, qui amena Duhamel par exemple à «oublier» Ségolène Royal, parmi les photos de couverture d’un livre sur les candidats possibles à la présidentielle de 2007 : elle n’appartenait pas au cercle magique (et masculin) des prétendants légitimes. Ainsi sort de scène le symbole de la domination, dans l’audiovisuel public et privé, du journalisme de Cour, d’exégèse et d’accompagnement, sur le journalisme d’investigation. Domination qui conduisit, notamment, à maintenir le bon peuple dans l’ignorance de la maladie de Pompidou, du cancer de Mitterrand, de son passé vichyste, de l’existence de sa fille naturelle, de l’obsession sexuelle de «DSK», etc., etc. » Daniel Schneidermann, Libération, 7 septembre 2024.
Crédit photo : capture d’écran vidéo RTL (DR)