Un diable de rouge
« Je suis un islamo-gauchiste modéré mais j’aime beaucoup les gens de droite »
Alexandre Wieczorek (il a simplifié l’orthographe), belge à l’état civil, a passé avec brio toutes les étapes du cursus honorum de l’humoriste officiel, repéré dans les petites salles du café-théâtre par des producteurs avisés puis triomphant à la radio publique, tout en débitant des chroniques à la télé. Avec un spectacle tous les dix ans et des vannes sous-traitées à des auteurs anonymes, la PME comique Vizorek&Co est bien rodée et ne connaît visiblement pas la crise. Membre éminent de la délégation belge de France Inter (Charline Vanhoenacker, Guillermo Guiz, Stéphane de Groodt), il a quitté son cocon après une décennie pour rejoindre RTL qui doit composer sans Pascal Praud.
Origines
Il grandit dans une famille bourgeoise d’Uccle, banlieue cossue de Bruxelles, non loin de l’École Européenne qui accueille les enfants des fonctionnaires européens peuplant les institutions de la ville. Le futur humoriste doit son nom polonais à un grand-père mineur venu travailler en Belgique. Le père, Yves Wieczorek, a obtenu une petite notoriété dans la chanson lors des années 80 mais a fait fortune en ouvrant des magasins de chaussures à travers la Belgique.
Formation
Il est scolarisé au lycée Henriette Dachsbek. Une fois son bac obtenu, il effectue ses études supérieures à Solvay, l’équivalent belge d’HEC, dont il passe le concours d’entrée en 2001. Il obtient son diplôme d’ingénieur de gestion trois ans plus tard, sans faire preuve d’un grand intérêt pour ce domaine. « A partir de la troisième année à Solvay, je sentais que je ne ferai jamais banquier et je n’aime pas l’échec donc je me suis dit je vais faire journalisme ». Il s’engage donc des études de journalisme en parallèle à l’Université Libre de Bruxelles, d’où il ressort diplômé en 2005. Il passe son stage de fin d’année à Vivacité Sport, à Mons, où il commente des matchs de foot et de basket.
Tenté par la scène, il s’inscrit la même année au cours Florent à Paris. Lors de la dernière année de son cursus, il rencontre Stéphanie Bataille, qui enseigne à l’école le cours de one-man show. Ce coup de foudre professionnel l’incitera à écrire son premier spectacle qui rencontre un succès immédiat, « Alex Vizorek est une œuvre d’art », mêlant grands noms de la peinture et considérations triviales du quotidien.
Parcours professionnel
À Bruxelles, il se produit au club Kings of Comedy, puis est révélé aussi par le Made in Brussels show. En 2009, il se fait surtout remarquer lors du Festival du Rire de Montreux avec son premier spectacle. En août 2009, il est finaliste et deuxième à la radio académie de Bel RTL.
Presse écrite
2013- : chronique économique humoristique hebdomadaire dans le quotidien belge Le Soir.
2017–2019 : chronique bi-hebdomadaire « Mon idole » dans Les Inrocks.
Radio
2011–2013 : pour Les enfants de Chœur, sur VivaCité la radio populaire de la RTBF, équivalent du Mouv’..
2011–2014 : « On n’est pas rentré ! » sur la RTBF
2012–2017 : « Le Café serré », toujours sur la RTBF
2012- 2014 : « On va tous y passer » sur France Inter, animé par Frédéric Lopez.
2014–2023 : « Si tu écoutes j’annule tout »/« Par Jupiter »/« C’est encore nous » sur France Inter, qu’il anime avec Charline Vanhoenacker. Billet d’humour sur la matinale de France Inter.
2020–2023 : « Pastek », qu’il anime avec Tanguy Pastureau le samedi de 19h à 20h.
2023 : RTL « Les Grosses Têtes » et chroniqueur (« La Vizo Conférence ») dans RTL Soir de 18h à 20h du lundi au jeudi
Télévision
2015–2017 : « Ça balance à Paris » sur Paris Première.
2017–2019 : « C l’Hebdo » sur France 5.
2017–2019 : il succède à Stéphane Guillon en tant qu’éditorialiste humoriste sur le plateau de « Salut les Terriens » sur C8.
2019-: Suite à l’arrêt de l’émission, il est recruté par un autre vétéran du petit écran, Michel Drucker sur Vivement Dimanche. Il y tient une revue de presse.
2023 : « La carte blanche d’Alex Vizorek » sur Télématin (France 2).
2023 : il co-anime avec Philipe Caverivière le talk-show humoristique « En bande organisée » sur France 2.
Parcours militant
Citoyen belge, l’homme s’oppose à une régionalisation de la Belgique et, plus farouchement encore, aux partis indépendantistes comme la Nouvelle Alliance flamande (N‑VA) dirigée par Bart de Vewer. « Mettre des murs entre les gens, c’est attiser la haine et cultiver l’ignorance de l’autre » (Paris Match).
Vie privée
Propriétaire d’un logement dans le VIIe arrondissement, on lui prête une relation longue de trois ans avec la journaliste politique Gaël Tchakaloff, qu’il a rencontrée sur un plateau de télévision en 2016.
Il souffrirait depuis son enfance d’anosmie, une pathologie causant la perte totale ou partielle d’odorat. « Un jour, je demande ce qu’on mange. Ma mère me dit : ‘Ça sent le poulet dans la maison’. Je réponds : ‘Comment veux-tu que je sache ?’ Et là ça a un peu tiqué » (Femme actuelle).
Spectacles
- Chroniques en Thalys, Édition Kyro, 2015.
- L’échappée Belge, Kero, 2017
- L’histoire du suppositoire qui visait la Lune, Michel Lafon
Spectacles
- Alex Vizorek est une œuvre d’art, 2010–2020. « J’étais allé voir Fabrice Luchini, qui parlait de littérature sur scène. Je me suis dit que c’était quand même formidable et que, peut-être modestement, je pourrais moi aussi parler d’art » (Europe 1). Représentations en France, Belgique, Canada, Suisse et Italie.
- Ad Vitam, 2021-. « Après l’art, l’humoriste belge choisit rien de moins que la mort comme thème principal de son deuxième seul-en-scène. Il fallait oser ! Et comme souvent avec l’acolyte de Charline Vanhoenacker, c’est une réussite totale. Ad vitam mérite en effet largement le statut de « pépite de l’humour ». On y retrouve le style Vizorek, que l’on aime tant, cette manière de mêler les sujets les plus sérieux aux plus absurdes, de nous faire rire du concept de Dasein cher à Heidegger, tout comme du Viagra, de l’orgasme ou du porc-épic, toujours avec ce sens du comique virtuose, entre candeur, malice, ironie et mauvaise foi jouissive» (Télérama).
Collaborations
Interrogé par Radio France dans le cadre d’une enquête sur l’économie du rire, il admet faire appel aux services de quatre auteurs. Cette sous-traitance des blagues lui permet d’honorer toutes ses obligations médiatiques, aussi bien à la télévision et à la radio qu’en presse écrite. « Comme dans la gastronomie ou les ateliers de peinture, c’est le chef qui reçoit les étoiles et les honneurs […] Chaque blague est facturée. Je pourrais dire : “Cette chronique vous est offerte par… les ateliers Vizorek. »
Volontiers maître de cérémonie, il présente la 9e édition des Magrittes du Cinéma, les Césars belges, en 2019, et les et les 31e et 33e éditions des Molières, toutes deux retransmises sur France 2.
Ce qu’il gagne
Stéphane Guillon percevait une rémunération exceptionnellement élevée de 10 000 euros par chronique dans « Salut Les Terriens ». Si Vizorek, son successeur à l’antenne, ne touche pas les mêmes émolument, il avoue à La Libre Belgique être « très bien payé pour raconter des blagues ».
Sa nébuleuse
Régis Ravanas : patron de RTL, il a su trouver les mots pour lui donner envie de quitter le confort de la Maison ronde. Selon La Libre Belgique, « il demandait à le rencontrer à chaque fin de saison ».
Giles Morin : son producteur, l’équivalent belge de Laurent Ruquier pour sa capacité à dénicher et pousser de jeunes talents humoristiques. On lui doit l’éclosion de la majorité de jeunes humoristes belges, comme Walter, James Deano ou Kody, autant de membres du programme « Les enfants de chœur » où Vizorek a débuté à la radio.
Stéphanie Bataille : rencontrée en 2010, elle est sa metteuse en scène depuis ses débuts. « [M]on amie et ma marraine de métier. Elle a dû voir en moi ce que je ne voyais pas encore. Sans son regard, ma vie aurait été différente » (Marie Claire). Elle est directrice déléguée du Théâtre Antoine.
Guillermo Guiz : ami de Vizorek et également humoriste, ils s’associent en 2018 pour racheter les parts de Giles Morin, fondateur du Kings of Comedy Club, petite salle de spectacle où ils ont fait leurs débuts sur scène.
Charline Vanhoenacker : le duo qu’il forme avec Charline contribue à propulser France Inter au premier rang de l’audimat et à ravir la part la plus gauchiste des auditeurs, orpheline de Daniel Mermet et Pascale Clark. Dans les colonnes de Libération, elle dit à son sujet « Je suis certaine qu’on se retrouvera […]. Après notre troisième semaine ensemble, il m’avait sorti un truc mignon : “S’il fallait signer pour travailler cinquante ans avec toi, je signerais.” Moi aussi. C’est comme si on s’était mariés professionnellement ». Ils se connaissaient avant d’être associés dans la même émission : « Je connaissais Charline avant Inter : je participais à une émission, en Belgique, dans laquelle elle intervenait depuis Paris.
Quand je suis venu travailler à Paris, avec Frédéric Lopez elle était chez Pascale Clark, on s’est rencontrés occasionnellement et c’est Philippe Val qui a eu l’idée de nous acoquiner pour un été, et ça a bien marché… » (L’Alsace).
Guillaume Meurice : compagnons d’antenne pendant près d’une décennie, il vante sa capacité de travail : « C’est un gros bosseur, qui s’adapte à tout, confirme Guillaume Meurice. Le premier qu’on appelle quand il faut remplacer en urgence un chroniqueur malade ».
Arthur : producteur d’« En bande organisée » sur France 2. Cette émission est tournée au Studio Gabriel, sur le plateau même où Michel Drucker met en boîte ses « Vivement Dimanche », émission où Vizorek apparaît depuis 2019.
Il l’a dit
« ÊTES-VOUS GARÇON OU HOMME ? - Garçon, et c’est une raison pour laquelle je n’ai pas envie d’avoir d’enfant, un passage où, en principe, on devient vraiment un homme, ce qui ne m’enthousiasme pas particulièrement. À 39 ans, c’est un peu bizarre, mais pour un comique, c’est plutôt bien de rester un peu enfantin… », Marie Claire, 02,03/2021.
« Je n’ai pas spécialement envie de faire du mal aux gens, à des catégories comme les religieux par exemple. Et Dieu sait si je n’aime pas la religion… Mais je ne m’empêche pas de traiter ce sujet et j’aimerais qu’on rit ensemble. Par contre, je n’hésite pas à m’attaquer aux politiques, ad hominem. Parce qu’ils s’exposent et peuvent eux-mêmes se montrer très violents. Cela ne me dérange donc pas trop d’accabler Fillon », Art&Culture, 01/01/2018.
« En France, l’extrême-droite a accès aux médias, c’est une bonne chose ? Je trouve que la politique belge du cordon sanitaire est plus salutaire. Surtout, en cette époque où, pour reprendre l’expression de l’un de mes collègues de France Inter, «la vérité est devenue une opinion comme une autre », Paris Match, 02/03/2017.
« Malgré ce que pensent fièrement les journalistes français qui prônent un combat par les idées, je crois au système belge francophone qui refuse de les laisser s’exprimer dans les médias. Ils sont marrants en France, ça marche tellement bien que le FN est à 40%… », Pollen Mag, 30/10/2016.
On l’a dit à son sujet
« La marque Vizorek, c’est cette faculté à glisser habilement d’un registre à l’autre : du chansonnier au standuppeur, du bon au mauvais goût, de la culture classique à la populaire. Son dernier spectacle, Ad Vitam, en est l’exemple parfait : une heure trente sur la mort, avec une ou deux «blagues de teub» au milieu d’un exposé comique sur le concept heideggerien du Dasein. Inspiration Fabrice Luchini, une révélation à ses débuts. La plasticienne Sophie Calle ou la chanteuse Mylène Farmer sont venues applaudir celui qui se dit aussi à l’aise à la Fiac qu’au bar à fléchettes, sa passion extrême. Zéro snobisme », Libération, 08/09/2023.
« Sur France Inter, les humoristes sont devenus les chiens de garde de la pensée unique. Ils pensent tous pareil, mais tous ! Et je tape sur la ‘Manif pour tous’ un jour, et je tape sur la droite le lendemain. Et le troisième jour, je dis à quel point c’est mal de voter Front national… Comme c’est rebelle et courageux ! » Élisabeth Levy, C8.