50% Sens Commun, 50% Bardella, 100% journaliste
« Génération de l’identité malheureuse, les enfants du siècle pourraient aussi être la génération du sursaut après le chaos, de la sagesse retrouvée, de la limite après la folle tentation de l’illimitation », Limite, 25/11/2016.
Né en 1986 à Épinay-sur-Seine, fils de vendeurs de vêtements italiens et portugais, ses ascendances populo-banlieusardes contrastent avec celles de ses collègues du Figaro. Il est vrai que rares sont les journalistes de droite pouvant se targuer d’avoir traîné ses guêtres au Bondy Blog. Mais celui qui n’hésite pas à se définir comme un « petit Blanc » est pourtant devenu le fer de lance masculin de la génération dite « néo-réactionnaire » (Gabrielle Cluzel, Eugénie Bastié, Charlotte d’Ornellas) qui a investi patiemment les médias traditionnels à la faveur des succès éditoriaux de Valeurs actuelles et du Figaro Vox. Avocat médiatique des populismes et de la démondialisation, il s’attaque à longueur de tribunes et de chroniques aux ravages sociaux et moraux causés par l’ordre libéral-libertaire.
Formation universitaire
Il entame en 2004 des études d’histoire sans grande conviction à l’Université Paris VIII de Saint-Denis. Six ans plus tard, il obtient sa maîtrise avec mention ; son mémoire est consacré à l’identité nationale.
Après avoir échoué aux oraux du concours de la Fémis en 2008, ses parents entendent parler de la classe préparatoire « Égalité des chances », accessible sur critères sociaux, qui aide des jeunes gens issus de milieu modeste à préparer les concours des écoles de journalisme. Le jeune Devecchio saisit sa chance et, un an plus tard, intègre le prestigieux Centre de formation des journalistes de Paris (CFJ). Il en ressort diplômé d’un master en presse écrite-multimédia en 2012.
Parcours professionnel
En parallèle de ses études au CFJ, il pige pour Marianne et effectue des stages à Libération et au Point. Son stage de fin d’études est effectué au Parisien au moment où les élections présidentielles battent leur plein.
Son premier vrai point de chute est Atlantico, le pure player libéral-conservateur dirigé par Jean-Sébastien Ferjou, où il sera à la tête du service politique entre 2012 et 2014. Pas assez libéral au goût de sa hiérarchie, le jeune journaliste ne se sent pas à sa place et envoie une candidature spontanée au Figaro.
Fraîchement embauché, il est affecté au Figaro Vox, nouvelle plateforme de débats dont le but avoué est d’amplifier l’audience numérique du site en proposant « des thématiques volontairement insolites ou polémiques et une grande liberté de ton ».
Le contenu éditorial de la plateforme, qui ne compte alors qu’un chef, un animateur et une stagiaire, marque un infléchissement certain à droite à partir de 2014, souhait de la rédaction et notamment d’Alexis Brézet, directeur de la rédaction du Figaro Magazine et passé par Valeurs actuelles. Les observateurs y voient une tentative de passerelle entre la droite républicaine et la droite identitaire.
Alexandre Devecchio est choisi pour animer le de surgeon web des pages Débats du Figaro, dont la tonalité identitaire et catholique détonne au sein de la rédaction, somme toute policée, du Figaro. Bientôt, il lui revient d’animer les pages « Esprits Libres » du Figaro Magazine.
Le succès du Figaro Vox donne à Devecchio un relief certain et il gagne vite ses galons d’éditorialiste dans les médias de grand chemin. Tant est si bien que, début 2023, il est promu rédacteur en chef des pages Débats du Figaro, et donc, des six journalistes du Figaro Vox.
Télévision
Il remplace numériquement Éric Zemmour pendant la période estivale de 2021 dans l’émission « Face à L’Info » sur CNews aux côtés des chroniqueurs habitués à donner la réplique à l’éditorialiste vedette comme Marc Menant et Dimitri Pavlenko.
Il fait face à Raphaël Enthoven dans une émission de débat contradictoire sur LCI tous les jeudis à 21h.
Radio
Chaque dimanche de 11h à 12h, il anime l’émission « En toute vérité » sur Sud Radio.
À la rentrée 2021, il fait partie de la nouvelle cohorte d’éditorialistes rejoignant France Inter, aux côtés d’Étienne Gernelle et Natacha Polony. Devecchio et les autres interviennent à l’occasion d’une pastille de la matinale intitulée « En toute subjectivité ». Une décision malencontreuse, comme on l’imagine sans peine, pour les salariés de France Inter qui « trouvent regrettable que ces éditos remplacent la chronique Environnement ».
Parcours militant
Concernant son engagement local, il a été membre du conseil consultatif de quartier du Centre Ville d’Épinay en 2010.
Il prend parti, comme le reste de la rédaction du Figaro, pour François Fillon lors de la campagne présidentielle 2017 et pour François-Xavier Bellamy, qu’il compare au « Petit Prince », lors des européennes de 2019.
L’Express met en exergue sa proximité avec Jordan Bardella, vice-président du RN : « Alexandre Devecchio discute avec Jordan Bardella. Le rédacteur en chef adjoint du FigaroVox, les pages débat du quotidien conservateur, connaît bien le député européen. Ils ont tous les deux grandi en Seine-Saint-Denis, ont fréquenté le même collège, partagent de nombreux constats politiques, sur l’immigration, les classes populaires…»
Publications
- Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée, Le Cerf, 2016.
- Bienvenue dans le pire des Mondes, en collaboration avec Natacha Polony et le Comité Orwell, Plon, 2016.
- Recomposition, Le Cerf, 2019.
Nébuleuse
Il est membre du Comité Les Orwelliens, un cercle de pensée qui entend « défendre la liberté d’expression et le pluralisme des idées ». Cette association est présidée par Natacha Polony, alors plume du Figaro et pas encore rédactrice en chef de Marianne. La même Polony qui fut d’ailleurs la première invitée des rencontres du Figaro, pilotées alors par l’équipe du Figaro Vox et animées par Devecchio lui-même.
Jean-François Colosimo, son éditeur au Cerf. L’homme aurait dû éditer un semestriel dirigé par Devecchio intitulé Recomposition mais le projet resta mort-né.
Vincent Trémolet de Villers, fils de l’avocat à sensibilité monarchiste Jacques Trémolet de Villers, à qui Alexis Brézet confie le Figaro Vox en février 2014.
Eugénie Bastié, stagiaire au Figaro Vox lorsque l’homme y débutait. Membre, comme lui, du comité Orwell, elle se fît aussi éditer par le parrain de le jeune génération conservatrice, Jean-François Colosimo.
En sa qualité d’aspirant journaliste issu des banlieues, il a intégré le Bondy Blog en 2008 afin d’avoir accès au partenariat tissé avec l’ESJ Lille. S’il reconnaît que le média a « le mérite de donner la parole sans filtre aux habitants des banlieues » et « reflète assez fidèlement l’état d’esprit qui y règne », il déplore toutefois que « le discours victimaire et communautaire était déjà dominant ». Il semble avoir conservé une certaine estime pour le premier directeur du Bondy Blog, tenant d’une ligne laïque,
Antoine Menuisier, qui a droit à des entretiens parus sur le Figaro Vox.
Daoud Bourgezala, bras droit d’Emmanuel Lévy dans la revue Causeur. En effet, Devecchio n’a jamais hésiter à inviter des personnalités issues de Causeur sur son Figaro Vox. Comme un échange de bons procédés, on pouvait lire par exemples sur Causeur en 2016 que le Figaro Vox était « un lieu privilégié du débat d’idées ».
Vie privée
Il a eu pour compagne entre 2016 et 2019 Noémie Halioua, journaliste chez Actualité Juive et correspondante à Paris de la chaîne i24News, et auteur d’un livre sur le morcellement identitaire et religieux à l’œuvre dans la ville de Sarcelles, Les uns contre les autres. Par ailleurs, ils se partagent le même éditeur.
Il l’a dit
« Longtemps la violence des banlieues a été circonscrite de l’autre côté du périphérique. On sait maintenant qu’elle peut venir percuter les quartiers branchés de la capitale. Une jeunesse enfiévrée par une mystique mortifère de l’islam radical en a visé une autre. Une jeunesse perçue comme privilégiée et qui avait les charmes de l’innocence. Ils étaient venus supporter leur équipe de foot, applaudir leur groupe de rock préféré ou savourer en terrasse les derniers jours de douceur de l’automne. Leurs parents n’avaient pas connu la guerre et rêvé d’une société où il serait interdit d’interdire. Cette jeunesse devait être à l’avant-garde d’une humanité «festive, plurielle et métissée», pionnière d’un monde sans frontières qui communierait dans le culte de la consommation et du vivre-ensemble. Après les attentats de janvier, elle avait cru que les marches blanches et les slogans suffiraient à congédier les ombres. Moins d’un an plus tard, elle découvre de la façon la plus épouvantable que l’on puisse imaginer que l’Histoire est tragique », Le Figaro, 16/11/2015.
« Sur le plan sociologique, je me reconnais dans la « génération Zemmour ». Petit-fils d’immigrés qui ont fait un effort pour s’assimiler à la société française, fils de petits commerçants qui ont plutôt souffert de la mondialisation, j’ai grandi à Épinay-sur-Seine et fait mes études à Saint-Denis dans le fameux 9.3. Je suis ce qu’on appelle « un petit Blanc », un de ceux dont les parents ont été mis en accusation comme « beauf », « racistes » ou « islamophobes », Revue des Deux Mondes, 04/01/2017.
« L’uniformisation planétaire n’a pas produit le village mondial pacifié espéré, mais au contraire engendrée de multiples fractures sociales, culturelles, démocratiques. Face à ce profond désordre, les populistes proposent de rétablir un certain nombre de repères. Le nouveau monde auquel ils aspirent n’est pas synonyme de fermeture, mais se veut avant tout plus stable », Atlantico, 15/09/2019.
« La France des pavillons et des maisons individuelles est bien souvent une France qui souffre comme on peut le voir aujourd’hui avec la hausse du prix de l’énergie. La fermeture des usines, consécutive au transfert en Asie de millions d’emplois industriels, suivie par la disparition des commerces et des services publics, a précipité le déclin de nombreuses villes, qu’elles soient petites ou moyennes.A cela s’est ajouté, pour les habitants des pavillons de banlieue proche, l’insécurité physique et culturelle liée à la proximité des grands ensembles.Mais cette France ne veut pas mourir. Elle demande à être entendue et respectée. Et si elle se sent oubliée ou méprisée, elle continuera de se révolter. Dans la rue ou dans les urnes… », France Inter, 20/10/2021.
« Les politiques et les juges sont irresponsables, personne ne vient leur demander des comptes […] Peut-être que demain il faudra élire les juges comme aux États-Unis », CNews, 05/10/2022.
On a dit de lui
« La direction du Figaro a pensé à lui, alors qu’il était journaliste à Atlantico et peu considéré – sa chefferie trouvait qu’il avait une lecture du monde “trop fermée” », L’Obs, 14/10/2015.
« Un ancien de son école de journalisme le décrit comme un élève intéressant, dans son coin, qui n’avait pas peur de ne pas penser comme les autres. Pas méchant et tenace, capable d’obtenir de bonnes interviews. Des journalistes qui l’ont croisé le décrivent aussi comme « un autiste », « un stakhanoviste » et un « ovni », Ibid.
« Cet ouvrage fort imparfait suscite néanmoins la réflexion. Passons rapidement sur la «génération Dieudonné» dans laquelle Devecchio range pêle-mêle jeunes des banlieues en sécession, salafistes et djihadistes. Non seulement l’addition met mal а l’aise, mais l’auteur, fils d’immigré portugais, a beau avoir vécu en Seine-Saint-Denis dans sa jeunesse, ce n’est pas le sujet qu’il maîtrise le mieux », Slate, 15/08/2019.
« Il se passe un truc, près du bar. Une embrouille de couple. Tout le monde, à la terrasse, est atterrée de voir une engueulade de couple, comme ça. Mais personne ne fait rien. Quand je me lève pour intervenir, il était face à elle, il lui criait dessus, elle était contre le mur, il faisait de grands gestes. C’est quand j’ai demandé à la fille si ça allait que j’ai reconnu Devecchio » Yassine Bellatar, Libération, 16/03/2018.
« En cette rentrée, Jean-François Colosimo redonne sa chance à Alexandre Devecchio, ami et collègue d’Eugénie Bastié au FigaroVox, qui vient de sortir Recomposition, un essai sur le populisme au niveau mondial. « Un ouvrage magistral pour comprendre l’avènement d’une époque radicalement nouvelle », assure la quatrième de couverture. Rien que ça. Il y a trois ans, le premier livre du journaliste, Les Nouveaux Enfants du siècle, s’était écoulé à seulement 1 442 exemplaires. On ne peut pas devenir Éric Zemmour du premier coup. « Colosimo est l’éditeur d’une génération, s’enflamme Eugénie Bastié dans un éclat de rire. Si, à 30 ans, tu n’as pas été édité au Cerf, tu as loupé ta vie ! », Le Monde, 02/02/2019.
« Ce grand travailleur ne se considère pas comme un journaliste d’idées. Il fonde ses idées empiriquement. Nul besoin de théories sur « le meilleur des mondes globalisés » pour constater ses ravages sur ses parents, vendeurs de textile sur le marché qui ont vu leurs fournisseurs disparaître. « J’essaye d’être utile aux gens en les informant. » Pour cela, il reste ouvert à tous. « Ce n’est pas quelqu’un dont on se méfie, et c’est pour ça qu’il va très loin », assure une bonne connaisseuse des milieux militants et politiques catholiques », L’Incorrect, 08/02/2019.