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Catherine Sueur

29 mai 2022

Temps de lecture : 9 minutes
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Catherine Sueur

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Du wokisme féministe et médiatique chic à l’Inspection des Finances

C’est lors du conseil des ministres du 13 avril 2022 qu’a été actée la nomination à la tête de l’Inspection générale des finances de Catherine Sueur. Elle prend la relève de Marie-Christine Lepetit à la tête de la prestigieuse institution depuis une décennie. La tâche sera rude pour la nouvelle locataire de Bercy, mais cette féministe woke dans l’âme est habituée au défi.

Origines et formations

Cather­ine Sueur voit le jour le 9 décem­bre 1975 à Orléans. Elle con­fie à Libéra­tion : « Je viens d’une famille d’héri­tiers à la Bour­dieu ». Le père, Jean-Pierre, a été député-maire d’Or­léans entre 1989 et 2001. Mais plus qu’un élu local, ce sont les man­dats nationaux qui ont occupé M. Sueur une bonne par­tie de sa car­rière. Dès 1967, il adhère au Par­ti social­iste unifié de Michel Rocard qu’il ren­con­tre à ce moment. Attaché à la con­struc­tion européenne, la « vague rose » du 10 mai 1981 le porte au Palais Bour­bon. Il est élu député du Loiret et le restera durant dix ans. En 1991, aban­don­nant sa charge de député, il est nom­mé secré­taire d’É­tat auprès du min­istre de l’In­térieur, Pierre Joxe, en charge des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales. Il garde cette fonc­tion jusqu’en 1993. La gauche battue dans les urnes et con­trainte à une sec­onde cohab­i­ta­tion, il regagne alors sa mairie d’Or­léans. En 2001, il gagne un siège de séna­teur du Loiret. Notons égale­ment que c’est un uni­ver­si­taire, agrégé de let­tres mod­ernes. Occupé par ces charges, Jean-Pierre laisse à Monique, sa femme et la mère de Cather­ine, la charge du foy­er. La con­cer­nant, nous apprenons qu’elle est sta­tis­ti­ci­enne et enseignante-chercheuse en math­é­ma­tiques. Elle impres­sionne sa fille cadette par sa ges­tion du foy­er et de sa car­rière, allant même jusqu’à en par­ler comme d’une « héroïne ». Peut-être une orig­ine du fémin­isme de Catherine ?

Sans sur­prise, la réus­site sco­laire compte énor­mé­ment chez les Sueur. L’aînée fait HEC, la dernière est comé­di­enne. Celle qui brille c’est la cadette : Cather­ine. Elle fait son lycée à Voltaire de la Source, un étab­lisse­ment orléanais. En 1996 elle intè­gre, après un pre­mier essai infructueux, poly­tech­nique. Les étu­di­ants y vien­nent « de milieu plus divers qu’à l’E­NA » se sou­vient-elle ajoutant « Pour entr­er à Sci­ence Po ou HEC, il faut avoir lu les bonnes choses. » Une manière douce de dire qu’il faut être du sérail social et intel­lectuel pour réus­sir dans ces étab­lisse­ments. Après l’X elle fait l’E­NA, là encore au bout du sec­ond essai. Elle en sort en 2003 dans la pro­mo­tion René Cassin, un an avant Emmanuel Macron. Classée sep­tième, elle opte pour l’in­spec­tion générale des finances.

Parcours professionnel

Avant de sor­tir de l’E­NA, elle a réal­isé plusieurs stages. Le pre­mier durant six mois à l’am­bas­sade de France à Haïti, puis à la pré­fec­ture des Alpes-Mar­itimes à Nice, deux des­ti­na­tions loin d’être désagréables. Lors de son entrée à l’In­spec­tion générale des finances, elle réalise sa « tournée », l’équivalent énar­que du tour de France des com­pagnons du devoir, où elle enchaîne les mis­sions et table sur des ques­tions telles que le prix du gaz.

En 2007, l’élec­tion de Nico­las Sarkozy la pousse à aller vers le secteur privé, ne « voulant pas faire du cab­i­net min­istériel ». Elle se dirige alors vers le milieu cul­turel en tant qu’ad­min­is­tra­trice générale du Musée du Lou­vre, alors dirigé par Hen­ri Loyrette. Elle quitte ce poste en mars 2011 pour devenir secré­taire générale du groupe Le Monde, racheté depuis peu par le trio Niel, Pigasse et Bergé. En octo­bre 2012, elle quitte Le Monde pour aller sur le ser­vice pub­lic en devenant direc­trice générale déléguée de Radio France, alors présidée par Jean-Luc Hees.

Après cet inter­lude médi­a­tique, elle devient direc­trice générale adjointe, aux côtés de Mar­tin Hirsch, de l’AP-HP entre jan­vi­er 2017 et mars 2018. Elle retourne ensuite briève­ment à l’In­spec­tion générale des finances de juin à décem­bre 2018. Sur ces allers-retours entre pub­lic et privé elle souligne : « con­traire­ment à beau­coup, moi je le fais ! ».

Enfin, elle revient dans les médias. D’abord en tant que prési­dente de Téléra­ma de jan­vi­er 2019 à mai 2022, puis en tant que prési­dente du con­seil de sur­veil­lance de L’Obs entre décem­bre 2019 et mai 2022. Elle dirige égale­ment le pôle mag­a­zine du groupe Le Monde com­prenant L’Obs, Cour­ri­er Inter­na­tion­al et la Vie. Dans cette fonc­tion, elle gère le tour­nant numérique de Téléra­ma. En mai 2022, elle est nom­mée à la tête de l’In­spec­tion générale des finances.

Dès les pre­miers mois, sa prési­dence de Téléra­ma est mar­quée par une enquête, com­mandée auprès du cab­i­net de Car­o­line de Haas afin de révéler de poten­tiels agisse­ments « sex­istes » au sein de la rédac­tion. Deux jour­nal­istes seront licen­ciés suite à cette enquête. Les avo­cats d’Em­manuel Tel­li­er, l’un des deux jour­nal­istes licen­ciés, dénon­cent dans un com­mu­niqué le par­ti pris de l’en­quête et le con­texte de nom­i­na­tion de Cather­ine Sueur, lais­sant entrevoir des rival­ités internes. En mai 2021, l’en­tre­prise est con­damnée pour licen­ciement abusif aux Prud’hommes Sa présence influe aus­si sur la ligne édi­to­ri­ale de la revue qui n’hésite pas, en octo­bre 2019, à car­i­ca­tur­er Éric Zem­mour en nazi. Il y en a cer­tains qui osent tout…

Parcours militant

Si Cather­ine Sueur n’a jamais été encar­tée dans aucun par­ti, con­traire­ment à son père, son engage­ment fémin­iste est évi­dent. Elle ne s’en cache pas lorsqu’elle déclare être « très cause des femmes ». Son pas­sage à Téléra­ma est mar­qué par l’af­faire évo­quée plus haut, mais aus­si par un change­ment sym­bol­ique qui en dit long. En mars 2022, Ulysse, mas­cotte du mag­a­zine depuis 72 ans, laisse la place à Péné­lope, une femme dess­inée par Péné­lope Bagieu, mil­i­tante fémin­iste. Entre Haas et Bagieu, Cather­ine Sueur sem­ble aimer le tra­vail de ces mil­i­tantes dont elle regarde avec intérêt les modes d’ac­tions. Sur ce change­ment, la prési­dente du direc­toire se con­tente d’un « ça nous plai­sait ». Dans la même veine, c’est durant son pas­sage à Radio France qu’un sondage interne mon­tre que 80% des femmes pensent que leurs con­di­tions de tra­vail ne sont pas iden­tiques à celles des hommes. Les mau­vais­es langues penseront que la chas­se aux hommes est un passe-temps de Cather­ine Sueur.

Salaire

Elle con­fi­ait à Libéra­tion touch­er 12 000 € brut, ajoutant « bien moins que dans les médias ».

Vie privée

Son mari est, comme elle, énar­que, poly­tech­ni­cien et haut fonc­tion­naire. Repro­duc­tion sociale dites-vous ? Ils ont deux petites filles de 6 et 8 ans.

Elle l’a dit

« Je suis très cause des femmes », Libéra­tion, 17 mai 2022

« En 2007, c’é­tait la sarkozie tri­om­phante, je n’avais pas envie de faire du cab­i­net min­istériel », Ibid.

« J’ai tou­jours tra­vail­lé dans les plus grands trucs : l’AP-HP, plus grand hôpi­tal d’Europe ; Radio France, plus grande radio de France ; le Monde, pre­mier jour­nal de France ; le Lou­vre, plus grand musée du monde. Est-ce un hasard ou pas ? Peut-être que j’aime ces struc­tures-là. », Ibid.

Sur France Inter : « C’est une belle entre­prise, pas tou­jours facile à réformer. », Straté­gies, 5 avril 2022

« Quand je suis arrivée à Radio France c’é­tait en 2011, il y avait un comité de direc­tion, effec­tive­ment, avec tous les patrons de chaînes qui étaient que des hommes. C’é­tait des choses qui étaient encore pos­si­bles en 2011. Et là où je pense on a pro­gressé, c’est que main­tenant ça c’est plus pos­si­ble. » Vis­i­ble, youtube.com

« J’ai fait toutes les grandes écoles de la République, j’ai coché toutes les cas­es. » Ibid.

« C’est indis­pens­able d’avoir une action déter­minée en faveur de l’é­gal­ité pro­fes­sion­nelle, car qu’il s’agisse de car­rière ou de har­cèle­ment sex­uel, les choses ne sont pas encore réglées. C’est pourquoi je regarde avec beau­coup d’in­térêt la troisième généra­tion de fémin­istes, qui avec de nou­veaux moyens d’ac­tion et des exi­gences plus fortes nous mon­trent qu’on peut aller plus loin. » Femmes de Cul­ture, octo­bre 2020, rachelnullans.paris

Sur le change­ment de mas­cotte de Téléra­ma : « On est à une époque où la place des femmes est affir­mée, et qu’un tel emblème devi­enne féminin, ça nous plai­sait. », RTBF, 23 mars 2022, rtbf.be

Nébuleuse

C’est tou­jours aux côtés des gens influ­ents que se trou­ve Cather­ine Sueur. Qu’il s’agisse de Jean-Luc Hees, Louis Drey­fus ou Mar­tin Hirsch, tous louent son pro­fes­sion­nal­isme et son sens du dialogue.

Out­re ses qual­ités, la nou­velle patronne de l’in­spec­tion générale des finances avait quelques atouts solides pour réus­sir, un père séna­teur social­iste, un pas­sage par­mi les plus pres­tigieuses écoles et une récom­pense en tant que Young Leader de la French Amer­i­can Foun­da­tion, une dis­tinc­tion utile pour se démar­quer et béné­fici­er d’appuis bien placés.

Ils l’ont dit

« Elle est à la fois directe et douée pour le devoir de réserve. », Libéra­tion, 17 mai 2022.

« Elle assume son appar­te­nance à l’élite et sa recherche de l’ex­cel­lence. », Ibid.

« Elle n’est ni cas­sante, ni arro­gante, mais elle aime que ça suive. Son sourire est un morceau de sucre. Suf­fit-il à faire avaler des pilules dif­fi­ciles ? », Ibid.

« Cather­ine Sueur, 46 ans, est une habituée des postes au sein de l’« élite répub­li­caine »., » La République du Cen­tre, 13 avril 2022.
« Le cab­i­net De Haas va « con­tin­uer à accom­pa­g­n­er Téléra­ma, notam­ment pour avoir un diag­nos­tic partagé sur ce qui a dys­fonc­tion­né et ce sur quoi il faut qu’on pro­gresse pour que ça ne recom­mence pas », explique Cather­ine Sueur, la nou­velle prési­dente du direc­toire. Une réu­nion à ce sujet est prévue d’ici à l’été. « Tous ces hommes à réé­du­quer dans leurs com­porte­ments, dans leurs rela­tions aux femmes… ça ne se fera pas du jour au lende­main… », ajoute Fabi­enne Pas­caud » (direc­trice de la rédaction).
Une cam­pagne de réé­d­u­ca­tion sex­uelle est donc en cours à Téléra­ma et sera insti­tu­tion­nal­isée. Après la révo­lu­tion cul­turelle chi­noise, les dis­si­dents étaient envoyés à la cam­pagne soign­er les cochons. Nous sug­gérons à Cather­ine Sueur, nou­velle prési­dente du titre, quelques mesures sus­cep­ti­bles de ren­forcer la morale chré­ti­enne de gauche du titre :

  • Port d’un cil­ice pour les hommes, afin de leur rap­pel­er leur con­di­tion de pécheurs.
  • Recrute­ment exclusif de LGBT+ pour affirmer les droits des minorités.
  • Cas­tra­tion chim­ique des con­trevenants au pre­mier avertissement.
  • Cas­tra­tion physique défini­tive en cas de récidive.

Ojim, Puri­tanisme et chas­se à l’homme à Téléra­ma, 4 juin 2019

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