Roi du sanibroyeur et ex-empereur de L’Obs
Claude Perdriel, décrit partout comme un amoureux de la presse, est surtout un homme d’affaires convaincu de ses idéaux de gauche pour lesquels il a bâti un empire d’influence grâce à l’argent des sanibroyeurs qu’il a inventés. Rallié tôt à Emmanuel Macron, il le soutient régulièrement dans Challenges.
Formation
Né au Havre en 1926, Claude Perdriel grandit dans le 16e arrondissement parisien, élevé selon Wikipedia « par sa grand-mère maternelle et dans la famille juive de la marraine de sa mère ». Élève au lycée Janson-de-Sailly, il entre à Polytechnique en 1947. Cette solide formation, Claude Perdriel s’en servira pour faire prospérer ses affaires et il mettra toute sa vie une bonne partie de l’argent gagné dans ses entreprises au service de ses ambitions médiatiques.
Parcours professionnel
Il faut distinguer plusieurs étapes dans le parcours professionnel de Claude Perdriel. D’un côté des initiatives industrielles et de l’autre le monde de la presse, dans laquelle il écrit très peu mais qu’il influence beaucoup.
Côté industriel
L’homme des sanibroyeurs : Claude Perdriel commence sa carrière professionnelle en se lançant dans la construction de stations de traitement d’eaux usées, il fonde la Société Française d’Assainissement (SFA) en 1958. À 32, il est donc déjà PDG de son entreprise. Il dépose ensuite le brevet du Sanibroyeur, dont il invente le concept et le nom. Présente dans 28 pays, l’entreprise de Claude Perdriel a décliné son principe de base en créant des sanitaires pour seniors, pour handicapés, des WC à pompes sur les bateaux, des baignoires, des systèmes de massage, etc. À la fin des années 1980 il rachète son principal concurrent, la SETMA, qu’il intègre à son groupe.
Cette idée pour traiter les excréments a été couronnée de succès, puisqu’elle lui permet d’aligner quelques 180 millions de chiffres d’affaires annuels. C’est au sein de la même entreprise que l’on retrouve une branche industrielle et une branche presse, la première renflouant régulièrement la seconde : « elle sera la « pompe à phynance » de son groupe de presse » comme l’écrit Pierre de Gasquet pour Les Échos. Malgré ses beaux bénéfices, Perdriel délocalise massivement ces dix dernières années en Tunisie, Turquie et Chine.
L’époque du minitel : L’invention du minitel permet à Claude Perdriel de s’enrichir considérablement. Il se lance en effet dans les lignes érotiques, « les messageries roses », telles que «3615 Jane» et «3615 Aline» avec Henri de Maublanc. Le système de paiement est révolutionnaire, il suffit de taper 3615 et votre facture de téléphone s’alourdit d’un franc par minute, dont la moitié est reversée à l’éditeur. Si cela nous semble basique aujourd’hui, c’était en 1984 le début d’un nouveau modèle économique.
La presse, d’abord inquiète de ce concurrent qui pourrait lui enlever une part du marché publicitaire, va vite être rassurée : elle obtient le monopole du marché et se lance donc à corps perdu dans cette aventure. « À peu près tous les groupes de presse exploiteront le Minitel comme une vache à lait, tout en dénonçant les coûts excessifs dans leurs journaux. Pendant dix ans l’argent coule à flot. L’argent du Minitel renflouera les caisses du papier jusqu’à l’arrivée en France, en 1994, de l’Internet, du web, et de “cette formidable liberté gratuite” que tous vanteront dans leurs colonnes ! » écrit Michel Puech pour Médiapart.
Les autres entreprises : Il fut un temps associé à Edmond de Rothschild dans une société d’immobilier ; il a également vendu du charbon et des ascenseurs ; a détenu des parts dans une entreprise qui fabrique des voiles pour deltaplanes et dans la chaîne de fleuristes Au Nom de la Rose.
Aviation sanitaire et d’affaires : Il s’est même lancé un temps dans l’aviation, avec Skyfree à Malte pour les vols d’affaires classiques et Skyfirst en France pour les vols sanitaires : « Fondu d’aviation, Claude Perdriel a piloté de petits monomoteurs et a possédé jusqu’à quatre avions privés, des Falcon pour la plupart », écrit ainsi Mediapart (31/05/2017) « En 2010, la compagnie qui les exploite fait faillite. Claude Perdriel décide alors de lancer avec des associés sa propre compagnie aérienne, spécialisée dans le transport sanitaire : Air Albatros, rapidement rebaptisée Skyfirst et basée sur l’aéroport d’affaires du Bourget, au nord de Paris. Elle exploite un seul de ses jets, un Falcon 50, réaménagé en appareil médical pour le rapatriement des blessés […] Mais Skyfirst est un échec financier. En 2012, Claude Perdriel injecte 2,1 millions d’euros pour éponger les pertes et met fin à l’activité aérienne de la compagnie, qui ne fera plus que de l’assistance au sol ». Les trois pilotes contesteront par la suite leur licenciement économique – ils estiment qu’ils auraient du être reclassés dans la société sœur à Malte où l’avion, un Falcon 50, est transféré.
Côté presse
Les cahiers de saison : Avec ses premiers salaires d’ingénieurs, il finance déjà sa revue littéraire Les cahiers de saison, en lien avec Jacques Brenner. Cela lui permet de développer un réseau dans le monde des décideurs.
Le sauvage : Mensuel écologique paru de 1973 à 1991 et qui a resurgi sur la toile depuis 4 ans. Selon Wikipédia, c’est un numéro du Nouvel Observateur consacré à l’écologie, et qui se serait particulièrement bien vendu, qui aurait décidé Claude Perdriel à se relancer dans l’aventure.
La revue du Planning familial : Claude Perdriel la reprend un temps car il se dit attaché à la question de la contraception et de l’avortement.
Le Matin de Paris : Quotidien socialiste créé en mars 1977 par Claude Perdriel. Fortement mitterrandien, il a cessé de paraître dix ans plus tard. On pouvait y lire les papiers d’un pigiste aujourd’hui bien connu… François Hollande ! Le Matin de Paris, au niveau rédactionnel comme administratif échangeait beaucoup avec Le Nouvel Observateur.
Cependant, « l’aventure tourne court après l’arrivée de la gauche au pouvoir. L’extase devient un calvaire. Le bébé lui coûte 100 millions de dettes en 1985 », relève Libération (14/9/2016). Le journal est notamment plombé par son orientation très politique et le coûteux échec du Matin du Nord (1979–1982). Cette édition locale lancée « pour des raisons de soutiens à Pierre Mauroy » est attaquée par l’Humanité et le quotidien communiste régional Liberté – en effet, les fichiers de la ville et de syndicats (comme la CFDT et le SNI) ont été transmis au journal, affirment les concurrents communistes malgré les démentis de Pierre Mauroy.
Après la victoire de François Miterrand, le Matin de Paris perd un tiers de ses ventes ; sa diffusion payée se trouvait à 110.000 exemplaires avec des pointes à 180.000 ; elle ne revient plus à ce niveau. En 1984 Max Théret, créateur de la FNAC, investit dans le titre et Max Gallo, porte-parole du gouvernement, prend la direction de la rédaction, rejoint par son ancien directeur de cabinet François Hollande. L’actionnaire de référence devient l’italien Giancarlo Paretti, Paul Quilès, député socialiste, rejoint la direction de la rédaction. Cousue de fil blanc, la proximité avec le PS nuit à la crédibilité du titre, donc à ses ventes. En 1987, la diffusion tombe à 50.000 exemplaires. Le dépôt de bilan est prononcé le 6 mai. Après l’échec d’une vente à Francis Bouygues pour 100 millions de francs, la liquidation judiciaire est prononcée à la fin de l’année.
Challenges : « À l’origine, Challenges était surtout un journal d’étudiant. C’est moi qui ai souhaité en faire un hebdomadaire économique » (Le Figaro).
En 1982, Patrick Fauconnier, un ancien étudiant de l’ESSEC, lance un mensuel gratuit à destination des étudiants afin d’occuper un segment de la presse française qu’il considère insuffisamment fourni : l’enseignement économique et l’entrepreneuriat. En 1984, malgré un succès d’estime, le journal rencontre des difficultés financières. Son fondateur appelle alors Claude Perdriel qui accepte d’investir dans la publication. Le journal devient payant à partir de 1985 et Perdriel le rachète l’acné suivante, rajoutant au passage un « s » au titre initial.
Triba : Mensuel destiné aux familles recomposées, lancé en octobre 2001 et suspendu au bout du troisième numéro.
Le Nouveau Cinéma : magazine de cinéma publié entre octobre 1999 et septembre 2000, avant de fusionner au sein du supplément TéléObs du Nouvel Observateur en octobre 2000.
Le Nouvel Observateur : Il a créé ce mensuel, qu’il considère comme l’œuvre de sa vie, en 1964 avec Jean Daniel Bensaïd : « C’est un journal mendésiste, social-démocrate de gauche. C’est un journal du cœur qui défend depuis cinquante ans la veuve et l’orphelin, les pauvres. » Le premier s’occupe du modèle économique tandis que le second se charge de la partie rédactionnelle. Pour autant, Claude Perdriel assure également un contrôle sur les rubriques et ceux qui les dirigent, se révélant particulièrement attentif aux recrutements. Il est en effet plus facile de laisser une liberté certaine à des journalistes qui partagent les mêmes objectifs politiques que soi. Outre l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur (diffusion 498 495 exemplaires en 2013), le groupe possède également le bimensuel Challenges (diffusion 224 465 exemplaires en 2013) et le mensuel Sciences et Avenir (diffusion 263 282 exemplaires en 2013). Le Nouvel Observateur obtient un nombre de pages de publicité élevé.
Début janvier 2014, Claude Perdriel a cédé Le Nouvel Observateur au trio Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, déjà actionnaires du Monde. Il avait pourtant annoncé en 1999 avoir procédé à une donation partage au bénéfice de ses six enfants et de sa dernière épouse. Mais affirmant aux Échos que « la seule idée d’un vrai entrepreneur, c’est de développer son entreprise », Claude Perdriel a préféré à sa famille le trio dont un proche affirme que leur idée « est de poursuivre dans la constitution d’un grand groupe de média européen ». Une vente « idéologique » également car « ce qui m’intéressait, c’est que l’observateur reste franchement à gauche » a déclaré Perdriel, qui a aussi cédé le titre à un prix nettement inférieur à sa valeur – 4.1 millions d’euros à peine. Cependant il y conserve un rôle surtout « moral », selon lui, et participe à l’éviction – politique – d’Aude Lancelin, trop à gauche par rapport à la ligne du Nouvel Obs.
En revanche, Claude Perdriel garde Challenges. Ce magazine économique lui permet de continuer à influer, doucement mais sûrement, sur les thématiques qui lui sont chères. Outre les choix rédactionnels, lui qui n’écrit quasiment jamais s’autorise cependant parfois des publications telle cette tribune en faveur de l’exploration du gaz de schiste en France parue en juillet 2012.
Le Monde : Claude Perdriel est propriétaire de 2,5% du capital du Monde et siège à son conseil de surveillance.
Rue89 : En janvier 2012, Perdriel rachète Rue 89 pour 7,5 millions d’euros. Il en profite pour déclarer qu’avec « internet, je retrouve l’esprit de Mai 68 », qu’il agit ainsi car « si d’autres sites qui partagent les mêmes valeurs que nous, ont besoin d’aide, et bien, je suis prêt à les aider », le tout assorti de belles promesses d’indépendance rédactionnelle… Las ! Un an pile poil plus tard, il contraint Rue89 à démissionner du Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne). La rédaction de Médiapart écrira à cette occasion : « En contradiction flagrante avec les valeurs de liberté et de pluralisme que Le Nouvel Observateur affirme défendre, la décision imposée par son propriétaire Claude Perdriel à Rue89, un an à peine après l’avoir racheté, confirme que la question de l’indépendance de l’information, celle des équipes qui la produisent comme celle des entreprises qui en vivent, est aujourd’hui une bataille essentielle. »
Sophia Publications : en 2014, il prend 50% des parts de Sophia Publications (l’Histoire, la Recherche, le Magazine littéraire, Historia) et la totalité le 11 juillet 2016. Il reconstitue ainsi un groupe de presse et espère rééquilibrer les déficits de Challenges.
Fin 2017 il lance avec Thierry Verret (les hebdos le Phare de Ré, Littoral à Marennes, Haute-Saintonge à Jonzac, mais aussi Welcoming You, Sortir 17, Ici Londres), Xavier Niel et Bruno Ledoux une nouvelle formule du Magazine littéraire, pour un million d’euros d’investissement et un objectif de 35.000 ventes mensuelles.
Renault et Challenges : au printemps 2018 le constructeur Renault acquiert 40% du groupe Challenges, déficitaire de 2 à 3.5 millions d’€ par an depuis 2014. Le groupe Challenges y récupère 5 millions d’euros d’investissement et l’espoir d’être redressé, quant au constructeur, il veut créer… des contenus pour occuper les futurs acheteurs de ses voitures autonomes. Perdriel décide également de diversifier la ligne éditoriale de l’hebdomadaire afin de le reconvertir en newsmagazine et de développer les pages consacrées à la culture et à l’actualité économique internationale. C’est dans ce cadre que se noue le partenariat avec The Economist, « le journal le plus influent du monde », qui permet à Challenges de traduire et de republier des articles parus dans la publication britannique, reflète cette nouvelle orientation qui entend émanciper la revue de l’actualité franco-française.
Arnault en pôle position : la collaboration avec Renault ayant pâti de l’affaire Carlos Ghosn, Perdriel se voit dans l’obligation de faire rentrer un nouvel actionnaire au capital de son groupe de presse pour éponger ses déficits grandissants. Le nonagénaire jette son dévolu sur Bernard Arnault, troisième fortune mondiale et déjà propriétaire du Parisien, auquel il cède 40 % de la nouvelle entité. Le président de LVMH se positionne ainsi en repreneur potentiel du groupe Challenges lors du décès de Perdriel. Un an plus tard, la Lettre de l’Audiovisuel annonce que les deux milliardaires investissent 7 millions d’euros dans l’hebdomadaire Challenges afin de compenser ses pertes. La cession d’Historia n’aura donc pas suffit et LVMH poursuit, pièce par pièce, le rachat de Croque Futur.
Sa nébuleuse
Membre du Siècle, bien qu’il affirme ne jamais y avoir mis les pieds, Claude Perdriel est proche, très proche de ceux qui ont le pouvoir. « Claude, faites attention quand vous allez vendre, ne faites pas n’importe quoi » lui demande son ancien pigiste François Hollande, en ce début d’année 2014. Et Perdriel de répondre : « Ne vous inquiétez pas, ce sera quelqu’un qui aura nos opinions politiques. »
Pierre Bergé « Je l’estime pour la passion qu’il a eue pour François Mitterrand, pour son mécénat, son soutien à un certain nombre de gens de gauche. On allait aux meetings de Mitterrand ensemble, j’ai de bons souvenirs avec lui », déclare Claude Perdriel aux Échos.
Selon ce même journal, « il cultive un réseau d’amitiés éclectiques. Depuis le patron de Vuitton, Yves Carcelle, un autre « voileux » polytechnicien amateur de régates, jusqu’au couple Kouchner/Ockrent, en passant par le président de Générali, Antoine Bernheim. Ils sont nombreux à participer, chaque année, à sa fête d’anniversaire au Petit Journal Montparnasse, le club de jazz qu’il a récemment racheté. Propriétaire d’un yacht, d’une flotte de jets privés et d’un château près de Disneyland Paris, il passe de longue date ses vacances en Toscane, à Porto Ercole, sur le promontoire de l’Argentario. C’est Jean Daniel qui l’y a entraîné. Il y croise souvent le prince Carlo Caracciolo et Eugenio Scalfari, cofondateurs du quotidien italien La Repubblica. Leur amitié remonte à l’époque où il dirigeait Le Matin de Paris ».
L’ancien banquier de Lazard, directeur pendant 10 ans de la compagnie d’assurance italienne Generali, Antoine Bernheim, était l’un de ses proches amis et l’un des principaux artisans de l’évolution actuelle des médias, grâce aux fusions-acquisitions.
Bénédicte Perdriel, sa troisième épouse. Elle dirige la SFA, préside le conseil de surveillance du Nouvel Observateur et est présente dans tous les actes qu’il signe.
Jean Daniel Bensaïd, son compagnon de toujours, qui a épousé sa première femme. Il était très proche de Mitterrand.
Ceux qu’il a essayé de sacrer comme dauphins pour diriger son groupe, mais qui ne sont pas restés. Franz-Olivier Giesbert qui dirige la rédaction du Nouvel Observateur de 1985 à 1988, Laurent Joffrin, qui reste de 1988 à 1996 puis de 1999 à 2006 et Denis Olivennes ex-FNAC et du groupe Pinault-Printemps-La Redoute, au Nouvel Observateur de 2008 à fin 2010.
Parcours militant
Claude Perdriel a toujours dit être de gauche, se définissant comme « un mendésiste du fond du cœur », avoir soutenu Pierre-Mendès France puis Mitterrand, dont il a été le directeur de campagne en 1974. « Scène d’anthologie, du QG de la tour Montparnasse, Mitterrand annonce confier la direction financière de la campagne à André Rousselet, la publicité et la communication à Claude Perdriel. Deux hommes pour le même poste », révèle Libération (14/09/2016).
Le quotidien Le matin de Paris qu’il a créé soutenait clairement la politique de gauche d’alors.
En 2010 il se déclare en faveur de Dominique Strauss-Khan.
En 2011 il qualifie de « ridicule » le projet de François Hollande de faire une taxe sur les hauts revenus.
En octobre 2016, il se déclare pour Emmanuel Macron. À l’occasion des élections du printemps 2022, il intervient directement pour publier dans Challenges une couverture défavorable à Marine Le Pen, puis une autre défavorable à Jean-Luc Mélenchon, sans consulter la rédaction.
Ce qu’il gagne
SFA génère un résultat net d’une dizaine de millions par an et le patrimoine personnel de Claude Perdriel était estimé à 110 millions d’euros en 2013 selon Challenges, il se classe ainsi 370éme fortune française. Il déclare se contenter de vivre avec un million d’euros annuel…
Il l’a dit
« C’est vrai que diriger “Le Nouvel Obs” donne une image de luxe et de confort. Cela n’a pas toujours été le cas. J’ai tiré le diable par la queue pendant trente ans. Cela énerve les gens à droite que l’on puisse à la fois être de gauche, aimer vivre et être heureux », Les Échos.
« Mon tempérament est de me révolter. J’ai découvert la conscience politique par la lutte contre l’antisémitisme. Je suis de gauche pour de mauvaises raisons, comme les enfants peuvent l’être. Je suis de la gauche du cœur, pas de la gauche partisane. Le monopole du cœur est ce qui fait la différence entre les courants politiques : à gauche, on regarde les gens avant de regarder les chiffres. Je suis pour la défense des pauvres et contre l’injustice. J’ai toujours souhaité contribuer à améliorer le sort des gens », Le Nouvel Économiste (03/06/2010).
« Je pense que l’homme a inventé Dieu mais en réalité, c’est l’homme lui-même qui est divin », ibid.
En ce qui concerne la vente du Nouvel Observateur : « Ce qui m’intéressait, c’est que l’Observateur reste franchement à gauche ».
« Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas une idée. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout! Cela la regarde mais ce n’est pas la ligne du journal », Le Figaro , 01/06/2016.
Sur le décès de Jean Daniel : « Jean a aussi été un grand directeur du Nouvel Observateur, qui a voulu réunir dans ce journal tout ce que la France comptait de grands intellectuels de gauche. Il faisait venir des penseurs de la social-démocratie mais aussi André Gorz, un philosophe anticapitaliste. Il avait le souci du pluralisme. Grâce à lui, le Nouvel Observateur a joué un rôle dans la société française, a été de toutes les grandes batailles : contre le racisme, pour l’avortement, contre la peine de mort, pour l’écologie… Il a été un leader d’opinion. », Libération, 20 février 2020.
« Notre pays n’est pas en déclin, ces dix dernières années ont permis de nous dégager en grande partie du fléau du chômage, l’industrialisation repart, l’apprentissage fonctionne », Challenges, 2 juillet 2022.
Ils l’ont dit
« Deux mois plus tard, à France Observateur, la crise qui couve amène le départ de Claude Bourdet et d’une partie de la rédaction. Ceux qui restent, avec Gilles Martinet et Hector de Galard, sont rejoints par un groupe venu de L’Express avec Jean Daniel. Ainsi naît Le Nouvel Observateur, que son nouvel bailleur de fonds, Claude Perdriel, et son nouveau directeur, Jean Daniel engagement sur la même voie. La transformation sera plus lente et moins radicale. Moins radicale, car l’hebdomadaire est engagé clairement à gauche, proche désormais du nouveau parti socialiste plutôt que du PSU. Plus lente, puisqu’elle s’effectue par étapes et ne s’achève qu’en septembre 1972 après deux ans de tests sur les formules envisagées. Ainsi s’élabore un type d’hebdomadaire original, intermédiaire entre le news-magazine, car il adopte sa présentation et cherche à tirer d’importantes recettes de la publicité, et l’hebdomadaire d’opinion. Le Nouvel Observateur décolle lentement, 69 000 exemplaires en 1966, puis s’emballe et dépasse les 370 000 à la fin des années 1970. L’apparition du news-magazine dans la presse française marque une date : elle souligne l’importance nouvelle des préoccupations gestionnaires, la place prise par le marketing et l’étude du public. », Médias et Journalistes de la République, Marc Martin, éd. Odile Jacob, mai 1997.
« Par solidarité avec Serge July, Louis Dreyfus a préféré quitter le quotidien de la rue Béranger. Il a aussitôt trouvé refuge dans un journal de la même famille politique : Le Nouvel Observateur. Son fondateur, Claude Perdriel, avait d’abord sollicité son ami Fabrice Nora, alors directeur général du Monde, pour occuper le même poste dans son newsmagazine. Ne souhaitant pas abandonner le quotidien du soir., Fabrice Nora lui suggéré d’embaucher son gendre, Louis Dreyfus. Ainsi fut fait. Mais Claude Perdriel ne cherchait pas seulement un bon directeur général. « Je voulais un dauphin qui puisse aussi représenter Le Nouvel Observateur à la radio et à la télévision comme mon ami Laurent Joffrin le fait pour Libération, et mon ami Franz-Olivier Giesbert pour Le Point », raconte le propriétaire du Nouvel Observateur. Il pense avoir trouvé la perle rare en la personne de Denis Olivennes, qu’il nomme à la tête de la news de la place de la Bourse en mars 2008. L’ancien dirigeant de la Fnac et de Canal+ est un patron qui apprécie les joutes intellectuelles et passe bien à la télévision. « Il n’a pas de place ici pour deux ! » déplore Louis Dreyfus, qui se voyait en potentiel successeur de Claude Perdriel. », Un si petit Monde, Odile Benyahia-Kouider, éd. Fayard, 2011.
« C’est un hyperactif hédoniste qui a une volonté de fer », résume son ami le cancérologue David Khayat (22/04/2008).
« Il n’aime pas les gens qui sont toujours d’accord avec lui. Il sait prendre des risques. Il laisse une grande indépendance au jour le jour. Il fait des commentaires après coup. En revanche, il s’intéresse de près à la structure du journal, aux rubriques, aux embauches…» estime Laurent Joffrin (22/04/2008).
« L’entrepreneur parvient alors à transformer la merde en or. Il réitéra son exploit dans les années 1980, au moment où, pariant sur le Minitel, il lance les premières messageries roses : après la merde, le sperme. Claude Perdriel est un homme de bonnes humeurs » écrit François Miclo.
« Claude Perdriel, c’est Don Corleone, l’esprit vengeur en moins. Trois mots le résument : tribu, passion, vision », Le Nouvel Économiste, 03/06/2010.
« Manager affectif à l’autorité centralisée, il dirige une famille en forme de poupées russes. Il connaît chacun de ceux qui y travaillent, il les a repérés, sélectionnés, cooptés, promus, jamais reniés, y compris ceux qui ont pu le trahir », ibid.
« Il s’est découvert une autre famille qui lui ressemble en tous points […] celle de la marraine de sa mère […] Celle qui l’a choisie et qu’il s’est choisi. S’il n’est pas juif, Claude Perdriel porte l’identité juive en bandoulière. Et ceci est à l’origine de sa première conscience politique », ibid.
« Claude Perdriel est avant tout un homme d’action et de détermination […] Soucieux des obstacles humains, il accompagne toujours son opiniâtre et discrète ambition d’une véritable attention aux autres », Jean Daniel à son sujet, ibid.
« Il est avant tout un affectif, guidé par l’impulsion et les attraits que peuvent susciter de nouvelles rencontres […] En termes d’amitié, Claude Perdriel est plutôt définitif. Il aime à jamais ou pas du tout », ibid.
« Claude Perdriel cherche une combinaison qui lui permettrait de transmettre le capital à sa seconde épouse, tout en maintenant l’autonomie des titres et des rédactions. Estimant que les rédactions ne sont pas aptes à gérer les journaux, il refuse de transmettre une partie du capital aux sociétés de rédacteurs », Patrick Eveno dans L’histoire du journal Le Monde 1944–2004
À l’époque où Perdriel envisageait de racheter Le Monde : « Nous soutenons avec enthousiasme Claude Perdriel qui parle en vrai homme de presse quand il explique : «Le danger aujourd’hui est que, n’ayant pas fait les réformes nécessaires et sans moyens financiers, la presse et ses lecteurs tombent entre les mains des pouvoirs de l’argent, du politique ou du CAC 40, dont les intérêts sont liés.» Oui, mille fois oui ! Mais alors : pourquoi propose-t-il de reprendre Le Monde en s’associant avec Orange, l’un des principaux groupes du CAC 40, aujourd’hui dirigé par Stéphane Richard qui fut directeur de cabinet de Christine Lagarde et demeure l’un des amis proches de Nicolas Sarkozy ? » écrit François Bonnet pour Médiapart (16/06/2010).
« Si «Perdreau» a communiqué avec un tempo régulier sur les nouvelles formules de son hebdo et sur son départ de la place de la Bourse, il parle trop peu au goût des journalistes médias. On le dit secret. On le cite comme un des derniers diplodocus de la presse qui redore le blason d’une profession en crise structurelle et lui redonne de la fierté. On se réjouit de voir cet indépendant en embuscade à chaque cession de titre. Un patron de presse à l’ancienne aux yeux bleu acier, aimant les journaux et les journalistes, resté à l’écart des prédateurs du capitalisme industriel », Libération, 14/09/2016
« Il l’avait prévenue dès leur premier rendez-vous. Il ne conserve rien, aucune archive personnelle », ibid.
« Claude Perdriel a appris à ne plus s’attacher aux objets, dont il peut à tout instant être dépossédé». Dans sa nouvelle maison XVIIIe, rue de Bourgogne, la biographe remarque le bureau nu, mis à part un volume de Charles Péguy, son maître à penser. Dans ses résidences successives, il n’entraîne avec lui que le baby-foot et des canapés Knoll beige », ibid.
« Quand un journal va mal, il investit davantage et embauche, sa règle implacable pour soutenir son hebdo », ibid.
« Quand Claude aime une femme, il lui trouve une maison. Quand il aime un homme, il lui fait un journal », Marie-Dominique Lelièvre, dans sa biographie de Claude Perdriel Sans oublier d’être heureux (2016).
« C’est un nom qu’on ne s’attendait pas à trouver dans les Malta Files : Claude Perdriel, 90 ans, patron social, cofondateur de L’Obs, « de gauche depuis toujours ». Il est surtout connu pour avoir mis sa fortune au service de sa passion pour la presse. Mais pour ses passions privées, la voile et l’aviation, Claude Perdriel a pourtant choisi deux paradis fiscaux. Son yacht est détenu et mis en location par une société luxembourgeoise. Tandis que sa compagnie aérienne Skyfirst, qui exploite ses jets privés, est immatriculée à Malte », Mediapart, 31 mai 2017.
« Si on écoute les protagonistes, l’arrivée de LVMH ne serait qu’une histoire entre ingénieurs ayant étudié sur la Montagne Sainte-Geneviève, dans le très élitiste 5e arrondissement de Paris. Pour des raisons évidentes, Claude Perdriel cherche à remplacer Carlos Ghosn, lui aussi polytechnicien, qui avait fait entrer Renault au capital deux ans plus tôt. Il appelle Bernard Arnault, autre lauréat de l’illustre école. Un X remplace un X, comme un clou chasse l’autre. Adieu Carlos, bonjour Bernard. Apparemment, le fait que LVMH ait fait espionner un journal, Fakir, et son rédacteur en chef François Ruffin pendant trois ans par l’ex-commissaire Bernard Squarcini ne dérange personne… », Alternatives économiques, 8 octobre 2020.
« Pourquoi Bolloré ? Qu’ils l’avouent ou le démentent, qu’ils en soient eux-mêmes conscients ou non, tous les industriels qui investissent dans les médias souhaitent orienter l’information. Et tous dans le même sens (à la lointaine exception peut-être d’un Claude Perdriel, fondateur du “Nouvel Obs”) : dans le sens du consentement à l’économie libérale, ou néo-libérale », Arrêts sur Image, 16 février 2022.
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