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Claude Perdriel

26 août 2024

Temps de lecture : 24 minutes
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Claude Perdriel

Temps de lecture : 24 minutes

Roi du sanibroyeur et ex-empereur de L’Obs

Claude Perdriel, décrit partout comme un amoureux de la presse, est surtout un homme d’affaires convaincu de ses idéaux de gauche pour lesquels il a bâti un empire d’influence grâce à l’argent des sanibroyeurs qu’il a inventés. Rallié tôt à Emmanuel Macron, il le soutient régulièrement dans Challenges.

Formation

Né au Havre en 1926, Claude Per­driel grandit dans le 16e arrondisse­ment parisien, élevé selon Wikipedia « par sa grand-mère mater­nelle et dans la famille juive de la mar­raine de sa mère ». Élève au lycée Jan­son-de-Sail­ly, il entre à Poly­tech­nique en 1947. Cette solide for­ma­tion, Claude Per­driel s’en servi­ra pour faire prospér­er ses affaires et il met­tra toute sa vie une bonne par­tie de l’ar­gent gag­né dans ses entre­pris­es au ser­vice de ses ambi­tions médiatiques.

Parcours professionnel

Il faut dis­tinguer plusieurs étapes dans le par­cours pro­fes­sion­nel de Claude Per­driel. D’un côté des ini­tia­tives indus­trielles et de l’autre le monde de la presse, dans laque­lle il écrit très peu mais qu’il influ­ence beaucoup.

Côté industriel

L’homme des sani­broyeurs : Claude Per­driel com­mence sa car­rière pro­fes­sion­nelle en se lançant dans la con­struc­tion de sta­tions de traite­ment d’eaux usées, il fonde la Société Française d’As­sainisse­ment (SFA) en 1958. À 32, il est donc déjà PDG de son entre­prise. Il dépose ensuite le brevet du Sani­broyeur, dont il invente le con­cept et le nom. Présente dans 28 pays, l’en­tre­prise de Claude Per­driel a décliné son principe de base en créant des san­i­taires pour seniors, pour hand­i­capés, des WC à pom­pes sur les bateaux, des baig­noires, des sys­tèmes de mas­sage, etc. À la fin des années 1980 il rachète son prin­ci­pal con­cur­rent, la SETMA, qu’il intè­gre à son groupe.

Cette idée pour traiter les excré­ments a été couron­née de suc­cès, puisqu’elle lui per­met d’align­er quelques 180 mil­lions de chiffres d’af­faires annuels. C’est au sein de la même entre­prise que l’on retrou­ve une branche indus­trielle et une branche presse, la pre­mière ren­flouant régulière­ment la sec­onde : « elle sera la « pompe à phy­nance » de son groupe de presse » comme l’écrit Pierre de Gas­quet pour Les Échos. Mal­gré ses beaux béné­fices, Per­driel délo­calise mas­sive­ment ces dix dernières années en Tunisie, Turquie et Chine.

L’époque du mini­tel : L’in­ven­tion du mini­tel per­met à Claude Per­driel de s’en­richir con­sid­érable­ment. Il se lance en effet dans les lignes éro­tiques, « les mes­sageries ros­es », telles que «3615 Jane» et «3615 Aline» avec Hen­ri de Maublanc. Le sys­tème de paiement est révo­lu­tion­naire, il suf­fit de taper 3615 et votre fac­ture de télé­phone s’alour­dit d’un franc par minute, dont la moitié est rever­sée à l’édi­teur. Si cela nous sem­ble basique aujourd’hui, c’é­tait en 1984 le début d’un nou­veau mod­èle économique.

La presse, d’abord inquiète de ce con­cur­rent qui pour­rait lui enlever une part du marché pub­lic­i­taire, va vite être ras­surée : elle obtient le mono­pole du marché et se lance donc à corps per­du dans cette aven­ture. « À peu près tous les groupes de presse exploiteront le Mini­tel comme une vache à lait, tout en dénonçant les coûts exces­sifs dans leurs jour­naux. Pen­dant dix ans l’argent coule à flot. L’argent du Mini­tel ren­flouera les caiss­es du papi­er jusqu’à l’arrivée en France, en 1994, de l’Internet, du web, et de “cette for­mi­da­ble lib­erté gra­tu­ite” que tous van­teront dans leurs colonnes ! » écrit Michel Puech pour Médi­a­part.

Les autres entre­pris­es : Il fut un temps asso­cié à Edmond de Roth­schild dans une société d’im­mo­bili­er ; il a égale­ment ven­du du char­bon et des ascenseurs ; a détenu des parts dans une entre­prise qui fab­rique des voiles pour delta­planes et dans la chaîne de fleuristes Au Nom de la Rose.

Avi­a­tion san­i­taire et d’affaires : Il s’est même lancé un temps dans l’aviation, avec Skyfree à Malte pour les vols d’affaires clas­siques et Sky­first en France pour les vols san­i­taires : « Fon­du d’aviation, Claude Per­driel a piloté de petits monomo­teurs et a pos­sédé jusqu’à qua­tre avions privés, des Fal­con pour la plu­part », écrit ain­si Medi­a­part (31/05/2017) « En 2010, la com­pag­nie qui les exploite fait fail­lite. Claude Per­driel décide alors de lancer avec des asso­ciés sa pro­pre com­pag­nie aéri­enne, spé­cial­isée dans le trans­port san­i­taire : Air Alba­tros, rapi­de­ment rebap­tisée Sky­first et basée sur l’aéroport d’affaires du Bour­get, au nord de Paris. Elle exploite un seul de ses jets, un Fal­con 50, réamé­nagé en appareil médi­cal pour le rap­a­triement des blessés […] Mais Sky­first est un échec financier. En 2012, Claude Per­driel injecte 2,1 mil­lions d’euros pour éponger les pertes et met fin à l’activité aéri­enne de la com­pag­nie, qui ne fera plus que de l’assistance au sol ». Les trois pilotes con­tes­teront par la suite leur licen­ciement économique – ils esti­ment qu’ils auraient du être reclassés dans la société sœur à Malte où l’avion, un Fal­con 50, est transféré.

Côté presse

Les cahiers de sai­son : Avec ses pre­miers salaires d’ingénieurs, il finance déjà sa revue lit­téraire Les cahiers de sai­son, en lien avec Jacques Bren­ner. Cela lui per­met de dévelop­per un réseau dans le monde des décideurs.

Le sauvage : Men­su­el écologique paru de 1973 à 1991 et qui a resur­gi sur la toile depuis 4 ans. Selon Wikipé­dia, c’est un numéro du Nou­v­el Obser­va­teur con­sacré à l’é­colo­gie, et qui se serait par­ti­c­ulière­ment bien ven­du, qui aurait décidé Claude Per­driel à se relancer dans l’aventure.

La revue du Plan­ning famil­ial : Claude Per­driel la reprend un temps car il se dit attaché à la ques­tion de la con­tra­cep­tion et de l’avortement.

Le Matin de Paris : Quo­ti­di­en social­iste créé en mars 1977 par Claude Per­driel. Forte­ment mit­ter­ran­di­en, il a cessé de paraître dix ans plus tard. On pou­vait y lire les papiers d’un pigiste aujour­d’hui bien con­nu… François Hol­lande ! Le Matin de Paris, au niveau rédac­tion­nel comme admin­is­tratif échangeait beau­coup avec Le Nou­v­el Obser­va­teur.

Cepen­dant, « l’aventure tourne court après l’arrivée de la gauche au pou­voir. L’extase devient un cal­vaire. Le bébé lui coûte 100 mil­lions de dettes en 1985 », relève Libéra­tion (14/9/2016). Le jour­nal est notam­ment plom­bé par son ori­en­ta­tion très poli­tique et le coû­teux échec du Matin du Nord (1979–1982). Cette édi­tion locale lancée « pour des raisons de sou­tiens à Pierre Mau­roy » est attaquée par l’Humanité et le quo­ti­di­en com­mu­niste région­al Lib­erté – en effet, les fichiers de la ville et de syn­di­cats (comme la CFDT et le SNI) ont été trans­mis au jour­nal, affir­ment les con­cur­rents com­mu­nistes mal­gré les démen­tis de Pierre Mauroy.

Après la vic­toire de François Miter­rand, le Matin de Paris perd un tiers de ses ventes ; sa dif­fu­sion payée se trou­vait à 110.000 exem­plaires avec des pointes à 180.000 ; elle ne revient plus à ce niveau. En 1984 Max Théret, créa­teur de la FNAC, investit dans le titre et Max Gal­lo, porte-parole du gou­verne­ment, prend la direc­tion de la rédac­tion, rejoint par son ancien directeur de cab­i­net François Hol­lande. L’actionnaire de référence devient l’italien Gian­car­lo Paret­ti, Paul Quilès, député social­iste, rejoint la direc­tion de la rédac­tion. Cousue de fil blanc, la prox­im­ité avec le PS nuit à la crédi­bil­ité du titre, donc à ses ventes. En 1987, la dif­fu­sion tombe à 50.000 exem­plaires. Le dépôt de bilan est pronon­cé le 6 mai. Après l’échec d’une vente à Fran­cis Bouygues pour 100 mil­lions de francs, la liq­ui­da­tion judi­ci­aire est pronon­cée à la fin de l’année.

Chal­lenges : « À l’origine, Chal­lenges était surtout un jour­nal d’étudiant. C’est moi qui ai souhaité en faire un heb­do­madaire économique » (Le Figaro).
En 1982, Patrick Fau­con­nier, un ancien étu­di­ant de l’ESSEC, lance un men­su­el gra­tu­it à des­ti­na­tion des étu­di­ants afin d’occuper un seg­ment de la presse française qu’il con­sid­ère insuff­isam­ment fourni : l’enseignement économique et l’entrepreneuriat. En 1984, mal­gré un suc­cès d’estime, le jour­nal ren­con­tre des dif­fi­cultés finan­cières. Son fon­da­teur appelle alors Claude Per­driel qui accepte d’investir dans la pub­li­ca­tion. Le jour­nal devient payant à par­tir de 1985 et Per­driel le rachète l’acné suiv­ante, rajoutant au pas­sage un « s » au titre initial.

Tri­ba : Men­su­el des­tiné aux familles recom­posées, lancé en octo­bre 2001 et sus­pendu au bout du troisième numéro.

Le Nou­veau Ciné­ma : mag­a­zine de ciné­ma pub­lié entre octo­bre 1999 et sep­tem­bre 2000, avant de fusion­ner au sein du sup­plé­ment TéléObs du Nou­v­el Obser­va­teur en octo­bre 2000.

Le Nou­v­el Obser­va­teur : Il a créé ce men­su­el, qu’il con­sid­ère comme l’œuvre de sa vie, en 1964 avec Jean Daniel Ben­saïd : « C’est un jour­nal mendé­siste, social-démoc­rate de gauche. C’est un jour­nal du cœur qui défend depuis cinquante ans la veuve et l’or­phe­lin, les pau­vres. » Le pre­mier s’oc­cupe du mod­èle économique tan­dis que le sec­ond se charge de la par­tie rédac­tion­nelle. Pour autant, Claude Per­driel assure égale­ment un con­trôle sur les rubriques et ceux qui les diri­gent, se révélant par­ti­c­ulière­ment atten­tif aux recrute­ments. Il est en effet plus facile de laiss­er une lib­erté cer­taine à des jour­nal­istes qui parta­gent les mêmes objec­tifs poli­tiques que soi. Out­re l’heb­do­madaire Le Nou­v­el Obser­va­teur (dif­fu­sion 498 495 exem­plaires en 2013), le groupe pos­sède égale­ment le bimen­su­el Chal­lenges (dif­fu­sion 224 465 exem­plaires en 2013) et le men­su­el Sci­ences et Avenir (dif­fu­sion 263 282 exem­plaires en 2013). Le Nou­v­el Obser­va­teur obtient un nom­bre de pages de pub­lic­ité élevé.

Début jan­vi­er 2014, Claude Per­driel a cédé Le Nou­v­el Obser­va­teur au trio Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, déjà action­naires du Monde. Il avait pour­tant annon­cé en 1999 avoir procédé à une dona­tion partage au béné­fice de ses six enfants et de sa dernière épouse. Mais affir­mant aux Échos que « la seule idée d’un vrai entre­pre­neur, c’est de dévelop­per son entre­prise », Claude Per­driel a préféré à sa famille le trio dont un proche affirme que leur idée « est de pour­suiv­re dans la con­sti­tu­tion d’un grand groupe de média européen ». Une vente « idéologique » égale­ment car « ce qui m’in­téres­sait, c’est que l’ob­ser­va­teur reste franche­ment à gauche » a déclaré Per­driel, qui a aus­si cédé le titre à un prix net­te­ment inférieur à sa valeur – 4.1 mil­lions d’euros à peine. Cepen­dant il y con­serve un rôle surtout « moral », selon lui, et par­ticipe à l’éviction – poli­tique – d’Aude Lancelin, trop à gauche par rap­port à la ligne du Nou­v­el Obs.

En revanche, Claude Per­driel garde Chal­lenges. Ce mag­a­zine économique lui per­met de con­tin­uer à influer, douce­ment mais sûre­ment, sur les thé­ma­tiques qui lui sont chères. Out­re les choix rédac­tion­nels, lui qui n’écrit qua­si­ment jamais s’au­torise cepen­dant par­fois des pub­li­ca­tions telle cette tri­bune en faveur de l’ex­plo­ration du gaz de schiste en France parue en juil­let 2012.

Le Monde : Claude Per­driel est pro­prié­taire de 2,5% du cap­i­tal du Monde et siège à son con­seil de surveillance.

Rue89 : En jan­vi­er 2012, Per­driel rachète Rue 89 pour 7,5 mil­lions d’eu­ros. Il en prof­ite pour déclar­er qu’avec « inter­net, je retrou­ve l’e­sprit de Mai 68 », qu’il agit ain­si car « si d’autres sites qui parta­gent les mêmes valeurs que nous, ont besoin d’aide, et bien, je suis prêt à les aider », le tout assor­ti de belles promess­es d’indépen­dance rédac­tion­nelle… Las ! Un an pile poil plus tard, il con­traint Rue89 à démis­sion­ner du Spi­il (Syn­di­cat de la presse indépen­dante d’in­for­ma­tion en ligne). La rédac­tion de Médi­a­part écrira à cette occa­sion : « En con­tra­dic­tion fla­grante avec les valeurs de lib­erté et de plu­ral­isme que Le Nou­v­el Obser­va­teur affirme défendre, la déci­sion imposée par son pro­prié­taire Claude Per­driel à Rue89, un an à peine après l’avoir racheté, con­firme que la ques­tion de l’indépen­dance de l’in­for­ma­tion, celle des équipes qui la pro­duisent comme celle des entre­pris­es qui en vivent, est aujour­d’hui une bataille essen­tielle. »

Sophia Pub­li­ca­tions : en 2014, il prend 50% des parts de Sophia Pub­li­ca­tions (l’Histoire, la Recherche, le Mag­a­zine lit­téraire, His­to­ria) et la total­ité le 11 juil­let 2016. Il recon­stitue ain­si un groupe de presse et espère rééquili­br­er les déficits de Chal­lenges.

Fin 2017 il lance avec Thier­ry Ver­ret (les heb­dos le Phare de Ré, Lit­toral à Marennes, Haute-Sain­tonge à Jon­zac, mais aus­si Wel­com­ing You, Sor­tir 17, Ici Lon­dres), Xavier Niel et Bruno Ledoux une nou­velle for­mule du Mag­a­zine lit­téraire, pour un mil­lion d’euros d’investissement et un objec­tif de 35.000 ventes mensuelles.

Renault et Chal­lenges : au print­emps 2018 le con­struc­teur Renault acquiert 40% du groupe Chal­lenges, défici­taire de 2 à 3.5 mil­lions d’€ par an depuis 2014. Le groupe Chal­lenges y récupère 5 mil­lions d’euros d’investissement et l’espoir d’être redressé, quant au con­struc­teur, il veut créer… des con­tenus pour occu­per les futurs acheteurs de ses voitures autonomes. Per­driel décide égale­ment de diver­si­fi­er la ligne édi­to­ri­ale de l’hebdomadaire afin de le recon­ver­tir en news­magazine et de dévelop­per les pages con­sacrées à la cul­ture et à l’actualité économique inter­na­tionale. C’est dans ce cadre que se noue le parte­nar­i­at avec The Econ­o­mist, « le jour­nal le plus influ­ent du monde », qui per­met à Chal­lenges de traduire et de repub­li­er des arti­cles parus dans la pub­li­ca­tion bri­tan­nique, reflète cette nou­velle ori­en­ta­tion qui entend émanciper la revue de l’actualité franco-française.

Arnault en pôle posi­tion : la col­lab­o­ra­tion avec Renault ayant pâti de l’affaire Car­los Ghosn, Per­driel se voit dans l’obligation de faire ren­tr­er un nou­v­el action­naire au cap­i­tal de son groupe de presse pour éponger ses déficits gran­dis­sants. Le nonagé­naire jette son dévolu sur Bernard Arnault, troisième for­tune mon­di­ale et déjà pro­prié­taire du Parisien, auquel il cède 40 % de la nou­velle entité. Le prési­dent de LVMH se posi­tionne ain­si en repre­neur poten­tiel du groupe Chal­lenges lors du décès de Per­driel. Un an plus tard, la Let­tre de l’Audiovisuel annonce que les deux mil­liar­daires investis­sent 7 mil­lions d’euros dans l’hebdomadaire Chal­lenges afin de com­penser ses pertes. La ces­sion d’His­to­ria n’aura donc pas suf­fit et LVMH pour­suit, pièce par pièce, le rachat de Croque Futur.

Sa nébuleuse

Mem­bre du Siè­cle, bien qu’il affirme ne jamais y avoir mis les pieds, Claude Per­driel est proche, très proche de ceux qui ont le pou­voir. « Claude, faites atten­tion quand vous allez ven­dre, ne faites pas n’im­porte quoi » lui demande son ancien pigiste François Hol­lande, en ce début d’an­née 2014. Et Per­driel de répon­dre : « Ne vous inquiétez pas, ce sera quelqu’un qui aura nos opin­ions politiques. »

Pierre Bergé « Je l’estime pour la pas­sion qu’il a eue pour François Mit­ter­rand, pour son mécé­nat, son sou­tien à un cer­tain nom­bre de gens de gauche. On allait aux meet­ings de Mit­ter­rand ensem­ble, j’ai de bons sou­venirs avec lui », déclare Claude Per­driel aux Échos.

Selon ce même jour­nal, « il cul­tive un réseau d’ami­tiés éclec­tiques. Depuis le patron de Vuit­ton, Yves Car­celle, un autre « voileux » poly­tech­ni­cien ama­teur de régates, jusqu’au cou­ple Kouchner/Ockrent, en pas­sant par le prési­dent de Générali, Antoine Bern­heim. Ils sont nom­breux à par­ticiper, chaque année, à sa fête d’an­niver­saire au Petit Jour­nal Mont­par­nasse, le club de jazz qu’il a récem­ment racheté. Pro­prié­taire d’un yacht, d’une flotte de jets privés et d’un château près de Dis­ney­land Paris, il passe de longue date ses vacances en Toscane, à Por­to Ercole, sur le promon­toire de l’Ar­gen­tario. C’est Jean Daniel qui l’y a entraîné. Il y croise sou­vent le prince Car­lo Carac­ci­o­lo et Euge­nio Scal­fari, cofon­da­teurs du quo­ti­di­en ital­ien La Repub­bli­ca. Leur ami­tié remonte à l’époque où il dirigeait Le Matin de Paris ».

L’an­cien ban­quier de Lazard, directeur pen­dant 10 ans de la com­pag­nie d’assurance ital­i­enne Gen­er­ali, Antoine Bern­heim, était l’un de ses proches amis et l’un des prin­ci­paux arti­sans de l’évolution actuelle des médias, grâce aux fusions-acquisitions.

Béné­dicte Per­driel, sa troisième épouse. Elle dirige la SFA, pré­side le con­seil de sur­veil­lance du Nou­v­el Obser­va­teur et est présente dans tous les actes qu’il signe.

Jean Daniel Ben­saïd, son com­pagnon de tou­jours, qui a épousé sa pre­mière femme. Il était très proche de Mitterrand.

Ceux qu’il a essayé de sacr­er comme dauphins pour diriger son groupe, mais qui ne sont pas restés. Franz-Olivi­er Gies­bert qui dirige la rédac­tion du Nou­v­el Obser­va­teur de 1985 à 1988, Lau­rent Jof­frin, qui reste de 1988 à 1996 puis de 1999 à 2006 et Denis Olivennes ex-FNAC et du groupe Pin­ault-Print­emps-La Red­oute, au Nou­v­el Obser­va­teur de 2008 à fin 2010.

Parcours militant

Claude Per­driel a tou­jours dit être de gauche, se définis­sant comme « un mendé­siste du fond du cœur », avoir soutenu Pierre-Mendès France puis Mit­ter­rand, dont il a été le directeur de cam­pagne en 1974. « Scène d’anthologie, du QG de la tour Mont­par­nasse, Mit­ter­rand annonce con­fi­er la direc­tion finan­cière de la cam­pagne à André Rous­se­let, la pub­lic­ité et la com­mu­ni­ca­tion à Claude Per­driel. Deux hommes pour le même poste », révèle Libéra­tion (14/09/2016).

Le quo­ti­di­en Le matin de Paris qu’il a créé soute­nait claire­ment la poli­tique de gauche d’alors.

En 2010 il se déclare en faveur de Dominique Strauss-Khan.

En 2011 il qual­i­fie de « ridicule » le pro­jet de François Hol­lande de faire une taxe sur les hauts revenus.

En octo­bre 2016, il se déclare pour Emmanuel Macron. À l’occasion des élec­tions du print­emps 2022, il inter­vient directe­ment pour pub­li­er dans Chal­lenges une cou­ver­ture défa­vor­able à Marine Le Pen, puis une autre défa­vor­able à Jean-Luc Mélen­chon, sans con­sul­ter la rédaction.

Ce qu’il gagne

SFA génère un résul­tat net d’une dizaine de mil­lions par an et le pat­ri­moine per­son­nel de Claude Per­driel était estimé à 110 mil­lions d’eu­ros en 2013 selon Chal­lenges, il se classe ain­si 370éme for­tune française. Il déclare se con­tenter de vivre avec un mil­lion d’eu­ros annuel

Il l’a dit

« C’est vrai que diriger “Le Nou­v­el Obs” donne une image de luxe et de con­fort. Cela n’a pas tou­jours été le cas. J’ai tiré le dia­ble par la queue pen­dant trente ans. Cela énerve les gens à droite que l’on puisse à la fois être de gauche, aimer vivre et être heureux », Les Échos.

« Mon tem­péra­ment est de me révolter. J’ai décou­vert la con­science poli­tique par la lutte con­tre l’antisémitisme. Je suis de gauche pour de mau­vais­es raisons, comme les enfants peu­vent l’être. Je suis de la gauche du cœur, pas de la gauche par­ti­sane. Le mono­pole du cœur est ce qui fait la dif­férence entre les courants poli­tiques : à gauche, on regarde les gens avant de regarder les chiffres. Je suis pour la défense des pau­vres et con­tre l’injustice. J’ai tou­jours souhaité con­tribuer à amélior­er le sort des gens », Le Nou­v­el Écon­o­miste (03/06/2010).

« Je pense que l’homme a inven­té Dieu mais en réal­ité, c’est l’homme lui-même qui est divin », ibid.

En ce qui con­cerne la vente du Nou­v­el Obser­va­teur : « Ce qui m’in­téres­sait, c’est que l’Ob­ser­va­teur reste franche­ment à gauche ».

« Quand on respecte son lecteur, on ne lui impose pas une idée. Aude Lancelin donne la parole à Nuit debout! Cela la regarde mais ce n’est pas la ligne du jour­nal », Le Figaro , 01/06/2016.

Sur le décès de Jean Daniel : « Jean a aus­si été un grand directeur du Nou­v­el Obser­va­teur, qui a voulu réu­nir dans ce jour­nal tout ce que la France comp­tait de grands intel­lectuels de gauche. Il fai­sait venir des penseurs de la social-démoc­ra­tie mais aus­si André Gorz, un philosophe ant­i­cap­i­tal­iste. Il avait le souci du plu­ral­isme. Grâce à lui, le Nou­v­el Obser­va­teur a joué un rôle dans la société française, a été de toutes les grandes batailles : con­tre le racisme, pour l’avortement, con­tre la peine de mort, pour l’écologie… Il a été un leader d’opinion. », Libéra­tion, 20 févri­er 2020.

« Notre pays n’est pas en déclin, ces dix dernières années ont per­mis de nous dégager en grande par­tie du fléau du chô­mage, l’in­dus­tri­al­i­sa­tion repart, l’ap­pren­tis­sage fonc­tionne », Chal­lenges, 2 juil­let 2022.

Ils l’ont dit

« Deux mois plus tard, à France Obser­va­teur, la crise qui cou­ve amène le départ de Claude Bour­det et d’une par­tie de la rédac­tion. Ceux qui restent, avec Gilles Mar­tinet et Hec­tor de Galard, sont rejoints par un groupe venu de L’Express avec Jean Daniel. Ain­si naît Le Nou­v­el Obser­va­teur, que son nou­v­el bailleur de fonds, Claude Per­driel, et son nou­veau directeur, Jean Daniel engage­ment sur la même voie. La trans­for­ma­tion sera plus lente et moins rad­i­cale. Moins rad­i­cale, car l’hebdomadaire est engagé claire­ment à gauche, proche désor­mais du nou­veau par­ti social­iste plutôt que du PSU. Plus lente, puisqu’elle s’effectue par étapes et ne s’achève qu’en sep­tem­bre 1972 après deux ans de tests sur les for­mules envis­agées. Ain­si s’élabore un type d’hebdomadaire orig­i­nal, inter­mé­di­aire entre le news-mag­a­zine, car il adopte sa présen­ta­tion et cherche à tir­er d’importantes recettes de la pub­lic­ité, et l’hebdomadaire d’opinion. Le Nou­v­el Obser­va­teur décolle lente­ment, 69 000 exem­plaires en 1966, puis s’emballe et dépasse les 370 000 à la fin des années 1970. L’apparition du news-mag­a­zine dans la presse française mar­que une date : elle souligne l’importance nou­velle des préoc­cu­pa­tions ges­tion­naires, la place prise par le mar­ket­ing et l’étude du pub­lic. », Médias et Jour­nal­istes de la République, Marc Mar­tin, éd. Odile Jacob, mai 1997.

« Par sol­i­dar­ité avec Serge July, Louis Drey­fus a préféré quit­ter le quo­ti­di­en de la rue Béranger. Il a aus­sitôt trou­vé refuge dans un jour­nal de la même famille poli­tique : Le Nou­v­el Obser­va­teur. Son fon­da­teur, Claude Per­driel, avait d’abord sol­lic­ité son ami Fab­rice Nora, alors directeur général du Monde, pour occu­per le même poste dans son news­magazine. Ne souhai­tant pas aban­don­ner le quo­ti­di­en du soir., Fab­rice Nora lui sug­géré d’embaucher son gen­dre, Louis Drey­fus. Ain­si fut fait. Mais Claude Per­driel ne cher­chait pas seule­ment un bon directeur général. « Je voulais un dauphin qui puisse aus­si représen­ter Le Nou­v­el Obser­va­teur à la radio et à la télévi­sion comme mon ami Lau­rent Jof­frin le fait pour Libéra­tion, et mon ami Franz-Olivi­er Gies­bert pour Le Point », racon­te le pro­prié­taire du Nou­v­el Obser­va­teur. Il pense avoir trou­vé la per­le rare en la per­son­ne de Denis Olivennes, qu’il nomme à la tête de la news de la place de la Bourse en mars 2008. L’ancien dirigeant de la Fnac et de Canal+ est un patron qui appré­cie les joutes intel­lectuelles et passe bien à la télévi­sion. « Il n’a pas de place ici pour deux ! » déplore Louis Drey­fus, qui se voy­ait en poten­tiel suc­cesseur de Claude Per­driel. », Un si petit Monde, Odile Benyahia-Kouider, éd. Fayard, 2011.

« C’est un hyper­ac­t­if hédon­iste qui a une volon­té de fer », résume son ami le can­céro­logue David Khay­at (22/04/2008).

« Il n’aime pas les gens qui sont tou­jours d’ac­cord avec lui. Il sait pren­dre des risques. Il laisse une grande indépen­dance au jour le jour. Il fait des com­men­taires après coup. En revanche, il s’in­téresse de près à la struc­ture du jour­nal, aux rubriques, aux embauch­es…» estime Lau­rent Jof­frin (22/04/2008).

« L’entrepreneur parvient alors à trans­former la merde en or. Il réitéra son exploit dans les années 1980, au moment où, pari­ant sur le Mini­tel, il lance les pre­mières mes­sageries ros­es : après la merde, le sperme. Claude Per­driel est un homme de bonnes humeurs » écrit François Miclo.

« Claude Per­driel, c’est Don Cor­leone, l’esprit vengeur en moins. Trois mots le résu­ment : tribu, pas­sion, vision », Le Nou­v­el Écon­o­miste, 03/06/2010.

« Man­ag­er affec­tif à l’autorité cen­tral­isée, il dirige une famille en forme de poupées russ­es. Il con­naît cha­cun de ceux qui y tra­vail­lent, il les a repérés, sélec­tion­nés, coop­tés, pro­mus, jamais reniés, y com­pris ceux qui ont pu le trahir », ibid.

« Il s’est décou­vert une autre famille qui lui ressem­ble en tous points […] celle de la mar­raine de sa mère […] Celle qui l’a choisie et qu’il s’est choisi. S’il n’est pas juif, Claude Per­driel porte l’identité juive en ban­doulière. Et ceci est à l’origine de sa pre­mière con­science poli­tique », ibid.

« Claude Per­driel est avant tout un homme d’action et de déter­mi­na­tion […] Soucieux des obsta­cles humains, il accom­pa­gne tou­jours son opiniâtre et dis­crète ambi­tion d’une véri­ta­ble atten­tion aux autres », Jean Daniel à son sujet, ibid.

« Il est avant tout un affec­tif, guidé par l’impulsion et les attraits que peu­vent sus­citer de nou­velles ren­con­tres […] En ter­mes d’amitié, Claude Per­driel est plutôt défini­tif. Il aime à jamais ou pas du tout », ibid.

« Claude Per­driel cherche une com­bi­nai­son qui lui per­me­t­trait de trans­met­tre le cap­i­tal à sa sec­onde épouse, tout en main­tenant l’au­tonomie des titres et des rédac­tions. Esti­mant que les rédac­tions ne sont pas aptes à gér­er les jour­naux, il refuse de trans­met­tre une par­tie du cap­i­tal aux sociétés de rédac­teurs », Patrick Eveno dans L’his­toire du jour­nal Le Monde 1944–2004

À l’époque où Per­driel envis­ageait de racheter Le Monde : « Nous soutenons avec ent­hou­si­asme Claude Per­driel qui par­le en vrai homme de presse quand il explique : «Le dan­ger aujour­d’hui est que, n’ayant pas fait les réformes néces­saires et sans moyens financiers, la presse et ses lecteurs tombent entre les mains des pou­voirs de l’ar­gent, du poli­tique ou du CAC 40, dont les intérêts sont liés.» Oui, mille fois oui ! Mais alors : pourquoi pro­pose-t-il de repren­dre Le Monde en s’as­so­ciant avec Orange, l’un des prin­ci­paux groupes du CAC 40, aujour­d’hui dirigé par Stéphane Richard qui fut directeur de cab­i­net de Chris­tine Lagarde et demeure l’un des amis proches de Nico­las Sarkozy ? » écrit François Bon­net pour Médi­a­part (16/06/2010).

« Si «Per­dreau» a com­mu­niqué avec un tem­po réguli­er sur les nou­velles for­mules de son heb­do et sur son départ de la place de la Bourse, il par­le trop peu au goût des jour­nal­istes médias. On le dit secret. On le cite comme un des derniers diplodocus de la presse qui redore le bla­son d’une pro­fes­sion en crise struc­turelle et lui redonne de la fierté. On se réjouit de voir cet indépen­dant en embus­cade à chaque ces­sion de titre. Un patron de presse à l’ancienne aux yeux bleu aci­er, aimant les jour­naux et les jour­nal­istes, resté à l’écart des pré­da­teurs du cap­i­tal­isme indus­triel », Libéra­tion, 14/09/2016

« Il l’avait prév­enue dès leur pre­mier ren­dez-vous. Il ne con­serve rien, aucune archive per­son­nelle », ibid.

« Claude Per­driel a appris à ne plus s’attacher aux objets, dont il peut à tout instant être dépos­sédé». Dans sa nou­velle mai­son XVIIIe, rue de Bour­gogne, la biographe remar­que le bureau nu, mis à part un vol­ume de Charles Péguy, son maître à penser. Dans ses rési­dences suc­ces­sives, il n’entraîne avec lui que le baby-foot et des canapés Knoll beige », ibid.

« Quand un jour­nal va mal, il investit davan­tage et embauche, sa règle implaca­ble pour soutenir son heb­do », ibid.

« Quand Claude aime une femme, il lui trou­ve une mai­son. Quand il aime un homme, il lui fait un jour­nal », Marie-Dominique Lelièvre, dans sa biogra­phie de Claude Per­driel Sans oubli­er d’être heureux (2016).

« C’est un nom qu’on ne s’attendait pas à trou­ver dans les Mal­ta Files : Claude Per­driel, 90 ans, patron social, cofon­da­teur de L’Obs, « de gauche depuis tou­jours ». Il est surtout con­nu pour avoir mis sa for­tune au ser­vice de sa pas­sion pour la presse. Mais pour ses pas­sions privées, la voile et l’aviation, Claude Per­driel a pour­tant choisi deux par­adis fis­caux. Son yacht est détenu et mis en loca­tion par une société lux­em­bour­geoise. Tan­dis que sa com­pag­nie aéri­enne Sky­first, qui exploite ses jets privés, est imma­triculée à Malte », Medi­a­part, 31 mai 2017.

« Si on écoute les pro­tag­o­nistes, l’arrivée de LVMH ne serait qu’une his­toire entre ingénieurs ayant étudié sur la Mon­tagne Sainte-Geneviève, dans le très éli­tiste 5e arrondisse­ment de Paris. Pour des raisons évi­dentes, Claude Per­driel cherche à rem­plac­er Car­los Ghosn, lui aus­si poly­tech­ni­cien, qui avait fait entr­er Renault au cap­i­tal deux ans plus tôt. Il appelle Bernard Arnault, autre lau­réat de l’illustre école. Un X rem­place un X, comme un clou chas­se l’autre. Adieu Car­los, bon­jour Bernard. Apparem­ment, le fait que LVMH ait fait espi­onner un jour­nal, Fakir, et son rédac­teur en chef François Ruf­fin pen­dant trois ans par l’ex-commissaire Bernard Squarci­ni ne dérange per­son­ne… », Alter­na­tives économiques, 8 octo­bre 2020.

« Pourquoi Bol­loré ? Qu’ils l’avouent ou le démentent, qu’ils en soient eux-mêmes con­scients ou non, tous les indus­triels qui investis­sent dans les médias souhait­ent ori­en­ter l’in­for­ma­tion. Et tous dans le même sens (à la loin­taine excep­tion peut-être d’un Claude Per­driel, fon­da­teur du “Nou­v­el Obs”) : dans le sens du con­sen­te­ment à l’é­conomie libérale, ou néo-libérale », Arrêts sur Image, 16 févri­er 2022.

Crédit pho­to : Le Figaro / le.buzz.media

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