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Clément Viktorovitch

24 juin 2024

Temps de lecture : 11 minutes
Accueil | Portraits | Clément Viktorovitch
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Clément Viktorovitch

Temps de lecture : 11 minutes

Père la morale du PAF, pour lequel il n’y a pas de lien entre immigration et délinquance

Le « fact-checking » ayant le vent dans le dos, le PAF et la presse voient croître le nombre de « fact-checkeurs ». Dans cette catégorie, Clément Viktorovicth creuse son trou depuis plusieurs années. Officiant sur France Info, l’universitaire, lunettes rondes sur le nez, « décrypte » les discours et les procédés rhétoriques.

Origines et formations

Clé­ment naît le 29 mai 1984 aux Lilas. Sa famille est, selon ses mots, « ni aisée, ni mod­este, entre-les deux », mais bien « parisi­enne ». Sa mère est une insti­tutrice dans la « tra­di­tion répub­li­caine ». Elle est pas­sion­née de lit­téra­ture ; son père, Mau­rice Vik­torovitch, directeur des opéra­tions d’une société de con­seil en actu­ar­i­at, est égale­ment sax­o­phon­iste et mem­bre de l’association Saint Denis Jazz. C’est de ce cock­tail que va naître la pas­sion du jeune Clé­ment pour la rhé­torique qu’il enseigne à l’IEP de Paris. C’est d’ailleurs à ses par­ents qu’il dédie son livre pub­lié en 2022 inti­t­ulé Le Pou­voir rhé­torique. De son pro­pre aveu, c’est « un gamin assez chi­ant ». Néan­moins, s’il tient de sa mère un goût pour la lit­téra­ture, il tient aus­si à pré­cis­er que sa « vraie cul­ture, c’est la pop culture. ».

Après un bac sci­en­tifique obtenu au lycée Hélène Bouch­er (20e arrondisse­ment de Paris), il entre en fac d’his­toire, où il mène d’abord une maîtrise con­sacrée au mariage et à la sex­u­al­ité des clercs à l’ère mérovingi­en­ne. Nous sommes alors en 2006, et la France est sec­ouée par les man­i­fes­ta­tions con­tre le con­trat pre­mière embauche (CPE), pro­mul­gué par Dominique de Villepin. Le jeune étu­di­ant observe alors les débats par­lemen­taires à l’Assem­blée et trou­ve sa voie. Si, plus jeune, il hésite entre astro­physi­cien, jour­nal­iste ou encore enseignant-chercheur en his­toire médié­vale, il décide de se con­sacr­er à la sci­ence poli­tique. Il réalise d’abord une maîtrise à Pan­théon-Sor­bonne, puis une thèse sous la direc­tion de Flo­rence Haegel, con­sacrée aux débats par­lemen­taires au Sénat et à l’Assem­blée entre 2008 et 2012. Sa direc­trice se sou­vient d’un étu­di­ant autonome et bril­lant. Il fait sa thèse à Sci­ence Po Paris et la sou­tient en 2013.

Parcours professionnel

Il fait ses pre­miers pas sur le petit écran en 2014 sur Pub­lic Sénat, lors d’une émis­sion con­sacrée au Front Nation­al. Il dis­sèque le verbe de Louis Aliot entre « métaphores sim­pli­fi­ca­tri­ces » et « for­mules euphémisantes ». Il a alors un style très uni­ver­si­taire, mais a, sem­ble-t-il déjà trou­vé son créneau.

Deux ans plus tard, il inter­vient sur i>Télé sous les aus­pices d’Au­drey Pul­var. La cam­pagne prési­den­tielle de 2017 lui per­met de gag­n­er en galon. Il est enrôlé dans l’équipe de Pas­cal Praud et offi­cie dans l’Heure des Pros. Il est alors con­sid­éré comme la cau­tion de gauche de l’émis­sion et s’il­lus­tre en con­tre­dis­ant cer­taines per­son­nal­ités sur des sujets comme l’is­lam ou l’im­mi­gra­tion. Le 20 sep­tem­bre 2018, il a un débat ani­mé avec Char­lotte d’Or­nel­las à pro­pos de l’im­mi­gra­tion, où il s’é­chine avec force et ent­hou­si­asme à essay­er de démon­ter le chiffre de 200 000 arrivées de migrants sur le ter­ri­toire en une année. Ironique­ment, il sera qual­i­fié d’« islamo-gauchiste » par un chroniqueur de Téléra­ma. Néan­moins il quitte l’émis­sion après une sai­son et rejoint Lau­rence Fer­rari qui ani­me Punch­line. Par­al­lèle­ment, il inter­vient aus­si dans On refait le monde, dif­fusée sur RTL et ani­mée par Marc-Olivi­er Fogiel.

En 2019 il quitte CNews, mais reste dans le groupe Canal. Il obtient une chronique dans Clique, émis­sion dif­fusée quo­ti­di­en­nement et ani­mée par Mouloud Achour. Sa chronique, inti­t­ulée Les points sur les i, analyse les dis­cours et les procédés rhé­toriques employés par les per­son­nal­ités poli­tiques. En plus de cette chronique, il obtient sa pro­pre émis­sion à par­tir de novem­bre 2019. Dans son émis­sion Viens voir les doc­teurs (référence à une chan­son du rappeur Doc Gyné­co), il reçoit des uni­ver­si­taires pour évo­quer des sujets d’actualité tels que la ques­tion cli­ma­tique, l’im­mi­gra­tion ou les Gilets jaunes. L’émis­sion est dif­fusée sur Clique TV. Il cesse sa chronique dans Clique en juin 2021. La même année, il rejoint l’équipe de Quo­ti­di­en pour délivr­er une chronique sobre­ment inti­t­ulée « La semaine de Clé­ment Vik­torovitch ». Il reste deux ans dans l’écurie de Yann Barthès avant de « voguer vers de nou­velles aven­tures ».

Depuis août 2021, il reprend son con­cept de « débunk­age ver­bal » sur France info dans une chronique inti­t­ulée Entre les lignes.

Out­re ses activ­ités télévi­suelles et radio­phoniques, il est aus­si enseignant. Sa dis­ci­pline c’est la négo­ci­a­tion, qu’il enseigne à Sci­ences Po Paris depuis 2009. Il l’a aus­si enseignée à l’É­cole de Guerre, l’E­NA entre 2015 et 2018, ain­si qu’à l’ESSEC, entre 2014 et 2018. Il a égale­ment enseigné la sci­ence poli­tique à l’U­ni­ver­sité Paris XIII. Et à ceux qui le met­taient en garde con­tre l’aspect dif­fi­cile de cette uni­ver­sité de ban­lieue, Clé­ment répond qu’il s’ag­it des « mer­veilleuses années de sa vie (sic) ».

Entre 2014 et 2018, il est égale­ment mem­bre du lab­o­ra­toire de recherch­es « com­mu­ni­ca­tion et poli­tique » à IRISSO – Dauphine.

Depuis 2022, il ani­me un « Café Rhé­torique » sur la plate­forme Twitch trois fois par semaine où il com­mente l’actualité en direct.

Parcours militant

Le rhé­teur est un mil­i­tant et ne s’en cache pas. Son cre­do : don­ner les clés pour com­pren­dre les « arnaques » que nous vendent nos gou­ver­nants. Dans cette optique il fonde, en 2011, Aequiv­ox, un blog hébergé par Medi­a­part et qui se veut « poli­tique­ment neu­tre et indépen­dant » (resic). Dans son idée, il s’agis­sait alors « de faire du Nor­man ou Cyprien sur la poli­tique ». Aujour­d’hui les vidéos sont supprimées.

Il fonde égale­ment une uni­ver­sité pop­u­laire, Politeia, en col­lab­o­ra­tion avec Aequiv­ox, et le cen­tre d’é­tudes européennes et poli­tiques com­parées de Sci­ences Po Paris et les bib­lio­thèques de la ville de Paris. Là encore, son objec­tif est de pro­mou­voir l’en­seigne­ment de la rhé­torique. Il s’ag­it pour Vik­torovitch d’un objec­tif : créer une démoc­ra­tie saine et plus par­tic­i­pa­tive où le citoyen a les clés pour décrypter les discours.

Depuis 2019, il super­vise chaque année le con­cours d’éloquence annuel “Les Libres Par­leurs” à des­ti­na­tion des élèves des lycées publics de la ville de Mon­treuil, qu’il a élaboré en parte­nar­i­at avec la munic­i­pal­ité. L’objectif prin­ci­pal est de cul­tiv­er la démoc­ra­ti­sa­tion de la rhé­torique et l’appréciation du débat chez les jeunes.

Out­re ses engage­ments asso­ci­at­ifs, il a égale­ment été l’assistant par­lemen­taire d’Adrien Giraud, député-séna­teur Modem de May­otte, « mais pour qui les éti­quettes comp­taient peu » et « défendait davan­tage son île que son par­ti ». Il écrit ses dis­cours entre 2007 et 2008 pour financer sa thèse de doc­tor­at con­sacrée à la délibéra­tion par­lemen­taire à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Même s’il se défend d’être de droite ou de gauche, il énumère à longueurs d’entretiens ses trois con­vic­tions car­di­nales : « Un meilleur partage des richess­es, une meilleure redis­tri­b­u­tion du pou­voir à tra­vers une démoc­ra­tie par­tic­i­pa­tive et une prise en compte de lurgence écologique dans toutes les déci­sions ».

Publications et récompenses

  • Le pou­voir rhé­torique : appren­dre à con­va­in­cre et à décrypter les dis­cours. Seuil, 2021, 478 p.
  • Nom­iné aux Bobards d’Or deux années de suite (2019 et 2020), il reçoit un “Bobard clas­sique” en 2019 pour avoir affir­mé sur CNews “qu’il n’y pas d’im­mi­gra­tion mas­sive”.
  • En 2022, il reçoit le prix étu­di­ant du livre poli­tique LCP, pour Le pou­voir rhétorique.

Spectacles

  • L’Art de ne pas dire (seul en scène), Théâtre Lep­ic, 2024.

Il l’a dit

« On peut con­tin­uer avec cette fake news qui con­siste à dire 200 000 per­son­nes par an, un mil­lion en cinq ans, c’est tout sim­ple­ment faux ! » sur CNews, 20 sep­tem­bre 2018

« On m’ac­cuse de dis­simuler, mais les gars, je n’ai jamais fait de mys­tère de mes con­vic­tions ! J’ai trois con­vic­tions : je souhaite plus de dis­tri­b­u­tion de la richesse entre les citoyens, une meilleure redis­tri­b­u­tion du pou­voir au sein de la société et une prise en compte de l’ur­gence écologique dans toutes les déci­sions. » aux Inrocks, 6 décem­bre 2019

« Je pro­pose que la rhé­torique soit enseignée durant l’année de pre­mière, au lycée. C’est un pro­jet poli­tique : une société dans laque­lle les indi­vidus sont plus éclairés et plus exigeants est une société où ils seront plus en mesure d’exercer leur citoyen­neté. Une démoc­ra­tie, c’est un régime où le pou­voir rhé­torique est partagé. », Téléra­ma, 11 jan­vi­er 2022.

« Je ne me défi­nis pas comme un homme de gauche je ne suis l’homme ni d’un camp, ni d’un par­ti », TéléS­tar, 11 sep­tem­bre 2019.

« Une con­ver­sa­tion Tin­der, il y a rien de plus rhé­torique que ça », Clique TV, 15 décem­bre 2019.

Sur le savoir uni­ver­si­taire : « c’est pas vrai, mais c’est rigoureux », Ibid.

Sur la peine de mort : « C’est un déshon­neur d’avoir atten­du tant de temps avant de l’abolir », Ibid.

Sur son pas­sage à i>Télé : « J’y suis com­plète­ment libre, per­son­ne ne me dit quoi que ce soit. », France info, 25 octo­bre 2018.

« Je con­sid­ère que c’est prob­lé­ma­tique de don­ner la parole à Éric Zem­mour de façon régulière. C’est prob­lé­ma­tique d’institutionnaliser cette parole », Van­i­ty Fair, 26 novem­bre 2019.

« En avril dernier, deux chercheurs du CEPII, Arnaud Philippe et Jérôme Valette, ont pub­lié une note dans laque­lle ils dressent le bilan de plusieurs décen­nies de recherch­es inter­na­tionales sur le lien entre immi­gra­tion et délin­quance. Leur con­clu­sion est sans appel : “Les études con­clu­ent unanime­ment à l’absence d’impact de l’immigration sur la délin­quance.” C’est l’exact con­traire de ce que répè­tent en boucle les Répub­li­cains, le Rassem­ble­ment nation­al, mais aus­si le gou­verne­ment », France Info, 18/06/2023.

Sur le meurtre du jeune Thomas à Crépol : « Quand un fait divers fait écho à un fait social établi, étudié, étayé par des don­nées : on peut dif­fi­cile­ment reprocher aux poli­tiques de sen empar­er.Mais il existe une dif­férence fon­da­men­tale avec ce qui sest passé à Crépol. Peu importe ce que nous con­nais­sons du drame aujourdhui : ce dont il faut se sou­venir, cest quau moment où lextrême droite réag­it, nous nen savions absol­u­ment rien. Était-ce une rixe ayant mal tourné ? Une con­fronta­tion trag­ique entre deux ban­des rivales ? Une expédi­tion organ­isée pour “cass­er du blanc” ? », France Info, 03/12/2023.

« Dans le fond, jai tou­jours tenu le même dis­cours, sour­cé, étayé. Et puis, je nai jamais pré­ten­du être neu­tre, jai tou­jours assumé mes idées : plus de partage des richess­es, du pou­voir pour les citoyens et la prise en compte des enjeux écologiques dans chaque déci­sion. Ce qui est dif­férent avec Twitch, cest un change­ment de forme, de ton, parce que tu es en direct, et que tu peux réa­gir de manière plus émo­tion­nelle », Scam, 10 avril 2024.

Nébuleuse

Il doit son arrivée sur i>Télé son ami Mikaël Guedj, jour­nal­iste sur la chaîne. Il fait ses débuts aux côtés d’Audrey Pul­var. Comme le souligne Les Inrocks, il tente de « faire enten­dre une parole pro­gres­siste et rigoureuse » (Les Inrocks, 6 décem­bre 2018). Pas éton­nant, donc, de le voir d’abord aux côtés de Mouloud Achour, puis sur France info, antenne publique. Mais ras­surons-nous, c’est un uni­ver­si­taire, c’est un pro­gres­sisme sup­posé rigoureux.

Ils l’ont dit

« Face à Vik­torovitch, les fan­tasmes iden­ti­taires font pschitt. », Les Inrocks, 6 décem­bre 2018

« Le camp du bien tient sa nou­velle coqueluche. Lunettes ron­des, barbe légère et vis­age prévenant, Clé­ment Vik­torovitch est le nou­veau père-la-morale du PAF. », Valeurs Actuelles, 22 octo­bre 2019.

« Le principe de cette émis­sion men­su­elle est le suiv­ant : sur un thème dactu­al­ité (le cli­mat, les Gilets Jaunes), Clé­ment Vik­torovitch fait inter­venir, « non pas des édi­to­ri­al­istes, non pas des polémistes, non pas des jour­nal­istes mais des uni­ver­si­taires ». Com­prenez : non pas des gens qui dévelop­pent des opin­ions mais des gens qui exposent des vérités ; on pour­rait se réjouir dune démarche rel­e­vant de la vul­gar­i­sa­tion de débat sci­en­tifique mais il nen est rien. Limage que cette émis­sion (après deux épisodes seule­ment, con­cé­dons-le) donne de la recherche uni­ver­si­taire est celle dun dis­cours homogène et pétri de cer­ti­tudes ; on est en plein dans le grand mal de notre époque, le règne de lexpert. Et surtout, le con­cept même de l’émission est une invi­ta­tion à baiss­er la garde. Délais­sez votre esprit cri­tique, soyez en con­fi­ance, de toute façon vous ny con­nais­sez rien, eux, ils savent. Et puis, je suis Clé­ment Vik­torovitch, jamais je ne lais­serai per­son­ne vous manip­uler, faites-moi con­fi­ance. Vous pou­vez donc gob­er sans réfléchir tout ce qui vous sera dit dans le cadre de cette émis­sion. Pen­dant que les autres débat­tent et abusent de la rhé­torique, la sci­ence nous dit ceci, donc croyez la sci­ence. Avec Clé­ment Vik­torovitch, la sci­ence (les sci­ences sociales dans le cas des Gilets Jaunes, les sci­ences dures pour l’étude du cli­mat) par­le dune seule voix. Cest trompeur : en réal­ité, les col­lo­ques uni­ver­si­taires sont des lieux de débats par­fois très ten­dus. La recherche est un cadre daffron­te­ments dont lidéolo­gie est rarement absente. Il est dan­gereux de faire ain­si idéalis­er la sci­ence », Ingrid Riocre­ux, Causeur, 20 novem­bre 2019.

« C’é­tait un bon com­pagnon. Il est très réac­t­if, bril­lant, avec une capac­ité de syn­thèse rare. Il a beau­coup de qual­ités pour faire de la télévi­sion. », Pas­cal Praud à France Info, 25 octo­bre 2018.

« Clé­ment est clair, con­cis et péda­go. Il donne de la teneur à ses pro­pos. », Pas­cal Praud, Ibid.

« Pour moi il était tout sauf un clasheur, il n’é­tait pas for­cé­ment très engagé. », Hélène Riss­er, Ibid.

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