Contre les mâles blancs
Ingénieur de formation, Delphine Ernotte, née Cunci, le 28 juillet 1966 à Bayonne, a fait toute sa carrière à France Telecom, devenu Orange. Le 16 juin 1990, elle épouse le comédien Marc Ernotte ; elle a deux enfants. Depuis le 22 août 2015, et malgré une intense polémique, elle est présidente de France Télévisions où elle a entrepris de profondes réformes structurelles. Elle s’est engagée dans le projet d’une chaîne d’information continue du service public, FranceInfo. Réélue en 2020, elle se donne comme objectif prioritaire la présence de 25% de “personnes non-blanches” à l’antenne.
Femme la plus influente des médias français, selon GQ (mars 2016), elle est engagée dans un pari risqué tant le navire France Télévisions fait eau de toutes parts et est difficilement manœuvrable. Par ailleurs, elle est accusée d’être le porte-drapeau de la reprise en main de l’audiovisuel public par Hollande en vue de la campagne présidentielle et fragilisée par les polémiques insistantes autour de sa nomination et de son entourage fortement marqué à gauche.
Alors que tous les indicateurs sont au rouge – comptes, revenus des publicités, échecs des lancements des nouvelles émissions, celle que beaucoup verraient bien « exploser en vol » alors qu’elle ne connaît pas grand chose aux médias a dû faire ses preuves. Vite, très vite. De coupes budgétaires en plans sociaux, elle s’avère être l’artisan, bien malgré elle, du rétrécissement de France Télévisions qui voit, année après année, sa dotation et ses audiences rétrécir.
Portrait vidéo
Formation
Elle est diplômée de l’École centrale de Paris (promotion 1989) après une classe préparatoire au lycée Hoche de Versailles.
Parcours professionnel
Elle entre à France Telecom en 1989, comme analyste financière jusqu’en 1993, puis ingénieur économiste au service Recherche & Développement jusqu’en 1999. Elle dirige ensuite un réseau de boutiques à Paris, puis dirige SDR chez Orange de 2000 à 2004. Repérée par Jean-Paul Cottet, puis Thierry Breton qui la propulsent dans l’opérationnel, elle est nommée directrice régionale du Centre-Val-de-Loire de 2004 à 2006, puis directrice de communication d’Orange de 2006 à 2008. Elle y est chargée notamment du renouveau de la marque Orange. En 2008 elle est directrice commerciale France, puis directrice grand public en 2009. En 2010 elle devient directrice générale adjointe chargée des opérations France, puis directrice générale d’Orange France en 2011.
Elle se retrouve confrontée, d’abord sous les ordres de son ancien patron Didier Lombard, puis comme directrice générale d’Orange France elle-même, à la problématique des suicides de salariés de France Telecom, causés par un management qui leur mettait trop de pression sur les épaules. Deux vagues ont lieu, l’une en 2008–2009 (une soixantaine), l’autre entre début 2013 et mars 2014 (une vingtaine). Cependant, début 2015, Stéphane Richard aimerait l’exfiltrer d’Orange, avance Mediapart : « selon de très bonnes sources, Stéphane Richard a jugé que Delphine Ernotte avait même intrigué pour essayer de prendre sa place ». Et il chercherait à confier à un proche, Ramon Fernandez, le poste qu’occupe Delphine Ernotte. Elle trouvera en tout cas, au sein d’Orange, d’excellents appuis pour partir à la conquête de France Télévisions, notamment Xavier Couture et David Kessler, avance le média d’investigation.
Le 23 avril 2015, Delphine Ernotte est élue par les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la présidence de France Télévisions pour remplacer Rémy Pflimlin à partir du 22 août 2015 et pour une durée de cinq ans. Cette nomination a immédiatement causé une intense polémique, notamment car elle n’a jamais été journaliste et n’a jamais dirigé de média. Elle est dénoncée par plusieurs syndicats et médias – dont le Nouvel Obs et Mediapart – comme une preuve supplémentaire de la mainmise de l’entre-soi politico-économique sur le monde médiatique, et notamment sur les médias publics. Les rédactions de France 2 et de France 3 dénoncent une procédure « opaque » qui a conduit à sa nomination, tandis que plusieurs journalistes – dont Laurent Mauduit (Mediapart) – dénoncent des « irrégularités », comme le plagiat par Delphine Ernotte du projet de son concurrent Didier Quillot.
Olivier Schrameck, président du CSA, a en effet changé la procédure d’usage, comme l’explique le Monde (30 avril 15). Les huit conseillers « pensaient que chacun des conseillers cocherait des cases dans la liste des 33 candidats en lice : les postulants ayant reçu cinq voix seraient de facto retenus pour audition, mais le collège discuterait ensuite des cas ayant obtenu moins de voix ». Or le jour du scrutin, Schrameck a imposé un vote à bulletin secret sur chaque candidat par ordre alphabétique, ce qui semble avoir « permis, à un bloc de quatre membres du CSA de favoriser l’élimination de candidats sérieux, dès l’établissement de la liste des sept candidats à auditionner. Il s’agirait des quatre conseillers ayant opté pour Delphine Ernotte dès le premier tour du vote final, qui en comptera trois : Olivier Schrameck et la conseillère chargée de l’audiovisuel public, Sylvie Pierre-Brossolette, nommés début 2013, ainsi que Nathalie Sonnac et Nicolas Curien, arrivés début 2015 », et qui selon Mediapart sont redevables de leur nomination à Schrameck. Cependant une plainte déposée par les syndicats CGC-Médias et CFDT Médias France Télévisions contre Olivier Schrameck pour abus d’autorité et trafic d’influence a été classée sans suite par le parquet de Paris en juillet 2016. La CGC Médias a déposé une nouvelle plainte avec constitution, cette fois, de partie civile.
Au sein de France Télévisions, elle ne se fait pas que des amis avec l’éviction successive de Philippe Verdier – le prétexte officiel est qu’il a utilisé l’image du groupe pour la promotion de son livre, l’officieux, c’est qu’il a osé remettre en cause la théorie du réchauffement climatique –, Julien Lepers (Questions pour un champion) et de Pascal Golomer. Elle a aussi supprimé plusieurs émissions, dont Des paroles et des actes (France 2), bouleversé Envoyé Spécial présenté depuis 15 ans par Françoise Joly et Guilaine Chenu, qui ont été écartées, ou encore arrêté Médias le Mag (France 5), 30 millions d’Amis, qui avait 40 ans d’ancienneté, Comment ça va bien ?, Toute une histoire, On n’est pas des cobayes ou encore On n’est pas des pigeons.
Par ailleurs ses déclarations fracassantes, notamment sur le fait que la chaîne est « une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans » et son engagement pour la parité homme-femme, troublent les habitudes internes. Elle incarne aussi une reprise en main de l’audiovisuel public par le pouvoir, afin d’assurer la campagne présidentielle de François Hollande. La création d’une chaîne d’information continue s’inscrirait avant tout dans cet objectif, selon certaines sources internes. Elle n’a en effet pas de justification économique – le marché des chaînes d’information continue sur la TNT est saturé, et la part de marché atteinte est minime, 0,2% des PDM en moyenne fin septembre d’après Le Parisien, après un pic à 0,8% au moment du lancement de la chaîne, l’effet de curiosité jouant à plein. Et son équilibre économique est mal parti : budgeté à l’origine à 6 millions d’€ (dont 1,5 millions pour Radio France), elle coûtera déjà 18 millions d’€ à l’année (dont 3,5 millions pour Radio France), tandis que le syndicat CGC-Médias annonce « jusqu’à 50 millions d’€ de coût annuel » pour cette chaîne.
Par ailleurs, d’autres indicateurs passent au rouge. Selon la CGC-Médias qui publie les comptes sociaux en 2015, « le groupe France-Télévisions est en faillite », victime d’une montagne de pertes cumulées (218 millions d’€ en cinq ans) sous la présidence Pflimlin, d’une érosion des capitaux propres (de 496 millions d’€ fin 2010 à 270 millions d’€ fin 2015), une hausse du coût des programmes achetés (+130 millions d’€) et d’une trésorerie négative, comblée par l’emprunt (134 millions d’€ de déficit en 2015). Les audiences de France Télévisions n’ont jamais été aussi basses avec 12,5% de parts de marché pour France 2, et moins de 10% pour France 3 en septembre 2016, selon e‑alsace. Les recettes publicitaires dévissent – 18 millions d’€ manquent déjà par rapport aux prévisions 2016, et 120 millions d’€ de recettes ont été perdus en cinq ans, selon la CGC-Médias.
Les économies ne font pas l’unanimité… comme la dégradation de la qualité de la diffusion de France O, dédiée à l’outre-mer. Pas plus que les réorganisations censées coller à la nouvelle carte administrative : syndicats et personnels de France Télévisions, à l’exception notable de la très puissante CGT, critiquent le passage prévu de 5 à 13 pôles – un par nouvelle région administrative – sur France 3. Et la redevance ne cesse d’augmenter, encore 2€ supplémentaires en 2017, et 14 en tout depuis le début du mandat de François Hollande. Sans oublier la rocambolesque affaire de la programmation puis de la déprogrammation d’un Envoyé Spécial sur l’affaire Bygmalion, réalisée par Elise Lucet – elle a été finalement diffusée après un feuilleton qui a fait les choux gras de la presse, et qui risque de coûter sa place à Delphine Ernotte en 2017, si Nicolas Sarkozy revient aux affaires. Bref, tout va mal.
En octobre 2016, la Cour des comptes dans son rapport sur le groupe audiovisuel public entre 2009 et 2015 est passablement critique vis-à-vis de la gestion de l’entreprise par Remy Pflimlin, prédécesseur de Delphine Ernotte. BFM-Business annonce qu’elle touche un salaire fixe de 322 000 euros brut par an, avec un bonus variable pouvant aller jusqu’à 78 000 euros, soit un total de 400 000 euros bruts par an. Delphine Ernotte répond qu’il s’agit du même salaire que celui de son prédécesseur.
Durant la campagne présidentielle de 2017, elle doit faire face à plusieurs difficultés, entre des critiques concernant L’Émission politique, le peu de succès des émissions d’après-midi de France 2 ainsi que des audiences en berne.
L’éviction de David Pujadas à la rentrée 2017 pour le JT de France 2 lui vaut de nouvelles critiques, tout comme d’autres évictions – celles de Thomas VDB et Mathieu Madénian en mars 2017 notamment ; ils avaient été finalement récupérés par W9. Julien Lepers, Françoise Joly et Guillaume Chenu avaient aussi été éjectés par Delphine Ernotte.
La croisade idéologique d’Ernotte ne doit pas faire oublier les objectifs économiques qui lui ont été fixés lors de sa nomination : elle est chargée de piloter un plan de redressement des comptes totalisant 200 millions d’euros sur cinq ans, tout en doublant les ressources allouées au numériques, alors même que la réforme de la redevance audiovisuelle ampute son budget de 70 millions d’euros. Exit France 4 et France Ô, vestiges d’un service public dispendieux et bien doté, et bienvenue à Salto, la plateforme de télévision de rattrapage et de vidéo à la demande de contenus français qui devrait mutualiser les productions de chaînes publiques et privées (TF1, M6, France Télévisions), elles-mêmes coactionnaires de Salto. Le chantier traîne en longueur, les chaînes ne souhaitant pas mettre leurs audiences en péril en livrant leurs programmes phares sur la plateforme, et le souhait de concurrencer les ogres du secteur (Disney +, Netflix, Amazon Prime) résonne comme un vœu pieux pour beaucoup d’observateurs, hormis Ernotte qui tient là un enjeu important de son mandat. Francis Guthleben, ancien cadre de France Télévisions et auteur de Sauvons France Télévisions critique vertement cette décision inutilement coûteuse et trop tardive :
« Salto est un fiasco annoncé. Le budget est ridicule. C’est trop tard : le nombre de plateformes dans le paysage audiovisuel est suffisant. Netflix, c’est six millions d’abonnés en France. Molotov, c’est dix millions d’utilisateurs réguliers. Disney arrive le 24 mars. L’audiovisuel public risque de se diluer dans un groupe privé. Payer un abonnement pour accéder au replay de contenus audiovisuels publics qu’on a déjà financés une première fois avec sa redevance, ça ne tiendra pas ! ».
Ernotte a beau préciser lors d’une audition à la commission des affaires culturelles de l’Assemblée que « Salto va prendre 0 euros de redevance » et qu’il « s’agit d’un entreprise dans laquelle on coinvestit », le scepticisme reste de mise, compte tenu de la manne qu’elle représente toujours pour le groupe (2,5 milliards d’euros par an). En parallèle, un plan de départs est mis en œuvre dans l’intention de supprimer 900 postes à l’horizon 2020.
Elle est reconduite pour un second mandat en juillet 2020. Elle s’attelle à mettre sur pied des collaborations entre France 3 et France Bleu pour les matinales des régions, puis entre France Télévisions et Radio France, afin de créer « un grand média numérique de la vie locale », ainsi qu’elle le présente dans son audition au Sénat.
Aussi, les orientations de son second mandat se dessinent peu à peu : projet de fusion de l’audiovisuel public et notamment de son offre numérique (« Le service public aujourd’hui, c’est 6 marques, 6 plateformes, encore le double ou le triple de sites Internet… Notre ligne d’horizon est le regroupement pour accroître notre puissance ») et coupes budgétaires importantes pour pallier l’arrêt de la redevance (taille dans les effectifs, les programmes et les marges des producteurs). Comme un symbole, l’arrêt de l’ancienne et coûteuse série de pure propagande, « Plus Belle La Vie » sonne comme un aveu : l’audiovisuel public n’a plus les moyens de ses ambitions. Cette cure d’austérité suscite une grogne en interne qui s’exprime notamment dans une motion de défiance votée par les rédactions de France Télévisions contre le directeur de l’information Laurent Guimier. Ce dernier devait mettre en œuvre la suppression des journaux nationaux de France 3 et leur remplacement par 24 éditions régionales « ICI midi » et « ICI soir ». En d’autres termes, Guimier était chargé d’appliquer le programme de mutualisation des équipes préconisée par Ernotte. Or, comme Michel Field avant lui, il doit quitter son poste quelques mois après la motion. Un désaveu notable pour la présidente.
Parcours militant
Delphine Ernotte n’est pas encartée elle-même, ne l’a jamais été ni a été un soutien public de tel ou autre candidat. Cependant, d’après le journal libéral L’Opinion (2/6/2016) une partie de son entourage l’est, et est marqué à gauche : « Son directeur de cabinet, Stéphane Sitbon-Gomez, était conseiller de Cécile Duflot au ministère du Logement ; son assistante, Catherine Bessis, est conseillère municipale d’opposition dans le XVe arrondissement de Paris et se présente sur son compte Twitter comme “Militante — PS” ; son conseiller en communication “bénévole” Denis Pingaud est un visiteur du soir de François Hollande et proche de Michel Field, nommé successivement patron de France 5 puis directeur de l’information en décembre ; sa sœur, Marie-Christine Lemardeley, est adjointe à la Maire de Paris ; et de manière plus ancienne toutefois, Germain Dagognet, transfuge de TF1, fut à la fin des années quatre-vingt chargé de com du cabinet de Lionel Jospin ». Elle affirme cependant à Puremedias (9 mai 2016) ne pas porter d’idéologie politique… ce qui ne l’aura pas empêchée d’arrêter, notamment pour des raisons politiques selon plusieurs médias, Des Paroles et des actes.
Collaborations
- Le 24 mai 2012, Delphine Ernotte est élue présidente du comité « Éthique et Développement durable » et membre du Comité d’audit et des comptes de Suez Environnement.
- Elle préside le conseil d’administration de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles.
- Elle est membre du conseil d’administration de l’École centrale de Paris
- Elle fait partie aussi du CA de l’établissement culturel « le cent-quatre » à Paris.
- Elle est membre du CA de Suez Environnement
- Elle est cooptée au sein du club Le Siècle en novembre 2013.
- Elle a créé au sein d’Orange le réseau Innov’elles, pour promouvoir la parité homme-femme au sein d’Orange, notamment aux fonctions dirigeantes.
Publications
Avec son mari comédien, Marc Ernotte, elle a écrit et mis en scène une pièce, « Sceptick », l’histoire d’un SDF optimiste, destinée à un jeune public. Elle ne semble avoir eu qu’un succès modeste et local, puisqu’elle n’a été jouée que quelques soirs au Phénix de Valenciennes en 2000.
Ce qu’elle gagne
Elle affirme avoir divisé son salaire par deux en venant à France Télévisions. Selon Capital, elle était payée plus de 700 000 € chez Orange. Son prédécesseur Rémy Pflimlin touchait, selon BFM Business qui a dévoilé un document du ministère des Finances, 400 000 € par an dont 322 000 € de salaire fixe.
Sa nébuleuse
- Fleur Pellerin et Najat Vallaud Belkacem dans le gouvernement Hollande.
- Anne Hidalgo, maire de Paris.
- David Kessler, Xavier Couture, Denis Pingaud, Matthieu Gallet, Anne Hommel, Sylvie Pierre-Brossolette pour le monde politico-médiatique.
- Diego Buñuel : petit fils du cinéaste, ancien responsable de documentaires pour l’Europe chez Netflix, il est nommé directeur des programmes de France Télévisions en juin 2020 pour approvisionner Salto en contenus originaux et novateurs.
Elle l’a dit
« Il faut impérativement que France Télévisions soit à l’image, résonne avec son public, et honnêtement, en arrivant, mon premier constat, c’est que ce n’est pas le cas. On a une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change ». Sur Europe 1, 23 septembre 2015
« Je n’ai besoin de l’autorisation de personne pour lancer une chaîne d’informations (…) J’ai toujours été très claire, c’est un projet présidentiel. Le CSA m’a nommée avec ce projet », devant l’Association des Journalistes Médias, 31/8/2015.
« Je demande le fromage et le dessert, hausse de la publicité et de la redevance. Sinon il faudra couper quelque part […] Le risque politique m’échappe. L’actionnaire, c’est l’Etat, et il prendra ses responsabilités, moi les miennes. Mon rôle, c’est de défendre mon bout de gras auprès de lui », idem.
« Le fait que je sois proche de l’Elysée, nommée par l’Elysée, c’est une pure calomnie. Je n’avais jamais rencontré le président, je l’ai vu après ma nomination. D’ailleurs on en a plaisanté, il m’a dit “il paraît que je vous ai nommé mais on ne se connaît pas”. Mais c’est classique… Je ne suis pas une femme politique. Je suis arrivée ici car je suis une femme d’entreprise. Je ne suis pas là pour porter une idéologie, je trouve ça malsain. Ma compétence n’est pas d’être de droite ou de gauche. Elle est d’être une femme d’entreprise, et je le revendique », Ozap / Puremedias.com 09 mai 2016
« Quand je suis arrivée en août 2015, j’ai été frappée par le nombre de passerelles en verre qui existent dans notre bâtiment. C’est à l’image de la mission principale de la télévision publique : faire le pont entre les gens et la réalité. Notre rôle est de donner à voir et à comprendre. Le vrai marqueur pour moi, c’est le renforcement très net de l’offre culturelle. A la rentrée, il y aura une émission culturelle sur toutes les chaînes à une heure de grande écoute, on renforcera l’exposition du théâtre, de l’opéra. Nous serons cette passerelle entre le public et le monde de la création », Le Parisien 30/6/2016
« Le service public peut prendre des risques », Les Échos, 26/7/2016
« Les syndicats s’inquiètent de la polycompétence, tel par exemple, un journaliste qui fera du montage. Nous voulons “détayloriser” le travail au sein de France Télévisions. Nous allons revoir l’accord sur les métiers pour instaurer une nouvelle donne. Mais cela se fera dans le dialogue et dans la durée. Et, franceinfo: sera un laboratoire », ibid. Cependant le Canard Enchaîné fait état le 28 septembre d’une condamnation, le 13, de France Télévisions pour confusion des métiers de journaliste et de monteur ; le groupe audiovisuel public a fait appel.
« Nos publics revendiquent d’être mieux représentés, en matière de parité, de couleur de peau, de handicap, d’origine géographique et sociale. La distorsion entre la réalité et sa représentation est trop grande. Nous allons donc évaluer la représentation à l’antenne afin de nous fixer des objectifs pour 2021. D’après le CSA, les personnes « perçues comme non blanches » représenteraient environ 25 % de la société française contre 15 % à la télévision. On a un énorme rattrapage à faire. Ce sera le fil rouge de mon nouveau mandat », Le Monde, 16/11/2020.
« La part de TVA versus la budgétisation, c’est beaucoup mieux, déjà. La budgétisation pure et simple, c’est ce qu’ont voulu les pays qui ont voulu privatiser, comme une partie de cette assemblée le souhaite (avec un geste en direction de la députée RN, Caroline Parmentier, ndlr), l’audiovisuel public. Ça a très bien fonctionné. Ils ont budgétisé, ils ont coupé par deux les budgets, les services publics sont exsangues », audition à la Commission des affaires culturelles, relayée sur PureMédias, 27/10/22.
« Après des plans d’économies assez massifs, on ne sait pas ce qui advient de l’audiovisuel public dans un an […]C’est un triple salto qui nous a été demandé ces dernières années : baisser les budgets, faire plus et faire ensemble. Tout ça, on a pu le réaliser. […] Mais ça nous a demandé un énorme effort. Est-ce qu’on est prêt à aller au-delà ? Bien sûr. Mais je pense qu’il faut qu’on le fasse ensemble et dans le respect des uns des autres », Audition au Sénat, Public Sénat, 07/12/2022.
On l’a dit à son sujet
« En désignant Mme Delphine Ernotte Cunci, le Conseil a fait le choix de confier la présidence de France Télévisions à une femme dotée de solides compétences de management et d’une expérience reconnue dans la gestion du dialogue social, qui a exercé des fonctions de direction au sein de l’un des plus grands groupes numériques européens, imprégné d’une forte culture de service public. » Communiqué du CSA, 23 avril 2015
« Delphine Ernotte est très “réseautée” : elle est amie des ministres Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem. Stéphane Richard, président d’Orange, l’a aidée à trouver un point de chute car il devenait évident que la place de numéro un qu’elle pouvait briguer à une période ne lui était plus destinée. Elle a également été aidée par David Kessler (ex-Elysée), Xavier Couture (ex-TF1 et Canal+) et par le lobbyiste Denis Pingaud, qui avait fait la campagne de Mathieu Gallet ». Le Nouvel Obs, 23 avril 2015
« En la personne de Delphine Ernotte, jusque-là directrice générale adjointe d’Orange et directrice exécutive d’Orange-France, c’est une personne sans la moindre expérience des enjeux télévisuels – ni des programmes, ni de l’information ! – qu’une très courte majorité des membres du CSA a pris le responsabilité de porter à la présidence du groupe public. Et si cela a été possible, c’est par un concours stupéfiant de jeux d’influence multiples », Mediapart, 16 mai 2015
« Delphine Ernotte a profité d’un concours de circonstances et d’un concert de manœuvres, de pressions et d’irrégularités, mis exclusivement à son service. […] On fait nommer et on influence quelques conseillers, on écarte sans justification sérieuse des rivaux dangereux, on plagie le projet d’un candidat et on promeut une femme, tout cela dans un climat de connivence et de clientélisme aux antipodes de la transparence que l’audiovisuel aurait exigée » Philippe Bilger, Boulevard Voltaire, 22 mai 2015
« Selon Delphine Ernotte, il y aurait trop d’hommes blancs de plus de 50 ans à la télévision. J’espère qu’elle ne les a pas comptés, car les statistiques raciales sont prohibées. Il est vrai qu’elle risque moins d’ennuis que le maire de Béziers, puisqu’elle appartient au camp du Bien. Celui qui a le droit de faire du racialisme tranquille. Renseignements pris, la dame n’a nommé que des blancs. À commencer par son bras droit. Comme il était le principal collaborateur de Mme Duflot, il lui sera excusé sa couleur. Un mâle blanc de gauche est un blanc bien et droit. » Valeurs Actuelles, 28 septembre 2015
« À la fin des années 1990, je cherchais un directeur d’agence, Delphine s’est présentée alors qu’elle n’avait aucune des compétences requises !, sourit le directeur exécutif d’Orange. Ce culot m’a plu, je lui ai proposé autre chose. », Jean-Paul Cottet au sujet de Delphine Ernotte, Capital, 20 janvier 2016
« Elle a un côté chef de guerre. Stéphane Richard dîne avec Xavier Niel ou appelle Martin Bouygues quand il est mort (sic), mais elle préfère garder ses distances avec ceux qu’elle voit comme des adversaires », un cadre à son sujet, ibid.
« Elle est talentueuse, ambitieuse, avec plus de réseaux politiques qu’elle ne le dit », Stéphane Richard à son sujet, ibid.
« Au siège de France Télévisions, depuis quelques semaines, une lettre circule, écrite par un mystérieux corbeau apparemment bien informé. Ce courrier prétend que Delphine Ernotte, au moment de son départ de France Telecom (où elle était directrice exécutive), était engagée dans une procédure de licenciement. Pourquoi c’est crédible ? Parce que son départ faciliterait les discussions avec Bouygues Telecom, que Stéphane Richard, patron d’Orange, souhaite racheter. Une opération qu’elle ne voyait semble-t-il pas d’un bon œil, craignant de perdre son job au profit d’Olivier Roussat, actuel PDG de Bouygues Telecom », Atlantico, 2 février 2016
« Depuis qu’elle est arrivée ici, elle ne pense qu’à ça [la chaîne d’information continue]. C’est son obsession. Sans doute espère-t-elle marquer de son empreinte l’histoire de France Télé », un journaliste cité par le TéléObs, 1er septembre 2016.
« Piégée par son directeur de l’information, Michel Field, la présidente de France Télévisions ne cache plus sa colère. Et à juste titre. A aucun moment elle a eu véritablement la main sur un dossier lamentablement géré. Fragilisée, prise en étau entre un Nicolas Sarkozy aux abois et une rédaction sur le qui-vive guerrier, en équilibre sur le fil de rasoir, Delphine Ernotte s’est mis durablement à dos l’ancien chef de l’état, qui n’oubliera sans doute pas cet épisode », Renaud Revel, Immédias, 9 septembre 2016.
« Fallait-il diffuser cette interview [de Bernard Attal], quand la totalité de ce document est programmé pour la fin septembre? Bien, évidemment non. En cédant aux oukases d’Elise Lucet et de la rédaction de France 2, Delphine Ernotte et Michel Field ont là encore foulé aux pieds quelques règles élémentaires. Ils instillent également l’idée que dans cette partie de ball-trap Nicolas Sarkozy constitue une cible privilégiée. Et qu’Alain Juppé, dont Delphine Ernotte s’est discrètement rapproché, un possible recours… », ibid.
« Installée à la tête d’Envoyé spécial la très, (très), indépendante journaliste de France 2 apparaît comme un trublion incontrôlable et une vestale de l’info intouchable. Imposée par Michel Field à la tête d’un magazine qui se promet d’être décapant, cette voltigeuse de l’info, à qui l’on doit notamment une enquête urticante sur l’affaire Bymalion est le caillou dans la chaussure. Si d’aucuns contestent en interne le courage et les qualités de cette journaliste, véritable figure de la maison, sa propension à dégoupiller sans crier gare donne des frissons. En tous les cas à sa pédégère. Le caractère inquisitoire de nombre de ses reportages et ses mises au pilori, sans aucun préavis, inquiètent », Immedias, 29 septembre 2016.
« Delphine Ernotte ne fait pas partie des sept dirigeants dont le parquet a demandé le renvoi en correctionnelle après la série de suicides intervenus en 2008 et 2009. Au contraire, c’est durant cette période tragique qu’elle se fait remarquer, lorsqu’elle accepte, alors que rien ne l’y obligeait, de témoigner sur France 3. « Elle a fait preuve d’une grande droiture, de courage, d’une capacité à reconnaître les erreurs qui avaient pu être commises, et qui d’ailleurs n’étaient pas les siennes, se souvient l’ancienne ministre de la Culture Christine Albanel, aujourd’hui directrice exécutive chez Orange.
Elle n’a jamais été dans l’évitement. Puis je l’ai vue changer quand elle a pris la direction d’Orange France et de ses 80 000 salariés. Elle s’est épanouie. C’est une femme qui n’a pas peur du pouvoir, qui aime se battre et faire des choses. » La voici aujourd’hui dans la lumière. Lors de sa première conférence de presse, le 31 août 2015, elle étonne par son vocabulaire fleuri : Harry Roselmack sur France 2 ? « Une connerie » ; le modèle de diffusion actuel ? « Il se casse la gueule » ; les dirigeants de Netflix se préoccupent-ils de l’exception culturelle ? « Ils s’en battent la cravate »… Ce qui ne l’empêche pas d’arracher à l’État une rallonge exceptionnelle de 25 millions d’euros et de contraindre plusieurs sociétés de production à baisser leurs tarifs. », Marie Claire, 5 octobre 2016
« En vertu d’une tradition républicaine et cathodique, Nicolas Sarkozy est accueilli ce soir par la présidente de France Télévisions avant d’entrer sur le plateau de l’Emission politique. Il en profite pour entreprendre Delphine Ernotte sur l’émission de la chaîne Envoyé Spécial consacrée à l’affaire Bygmalion. L’émission n’est pas du goût de [Sarkozy]. Il l’a fait savoir très sèchement à Delphine Ernotte, avant de conclure par un glacial “Souvenez-vous que dans quelques mois je serai votre actionnaire de référence”. Le directeur de l’information Michel Field, soupçonné par une partie de la rédaction de connivence avec le clan Sarkozy, s’est arrangé pour ne pas assister à la scène », Challenges, « Nicolas Sarkozy passe un savon à Delphine Ernotte », n°490, 22 septembre 2016.
« Je salue également Madame Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions qui, entre deux licenciements, est venue se distraire », Nicolas Bedos, 29/05/2017 lors de la 29e cérémonie des Molières
« C’est une idéologue, elle représente cette gauche culturelle de l’entre-soi qui pense que la télé doit être sympa et bobo. Ça ne la dérange pas de s’adresser à un petit milieu parisien : tant que ça plaît à 10 000 ‘twittos’, elle est heureuse », un pilier de France Télévisions à son sujet, Valeurs Actuelles, 30 juin 2017.
« Ernotte ne comprend rien, elle veut tout révolutionner. France Télévisions est un paquebot. Un changement si brutal peut tout faire chavirer », un journaliste à son sujet, ibid.
« Ingénieur, cette fille de médecin a évolué pendant toute sa carrière dans des milieux masculins. Au point de développer, selon les mots de ceux qui travaillent avec elle, une véritable “haine du mâle blanc”. Chez Jean-Pierre Elkabbach, elle précisait sa pensée au moment de demander du changement : “mettre des femmes, des jeunes, toutes les origines”. Ce précepte est appliqué en juin 2016, alors qu’il faut choisir qui succédera à Marie Drucker comme joker de Laurent Delahousse à la présentation des JT du weekend. Trois profils émergent des castings internes. La rédaction en chef fait son choix, mais Delphine Ernotte intervient pour imposer un nom qui n’avait pas retenu l’attention. Leïla Kaddour- Boudadi, 36 ans, d’origine algérienne, sera le nouveau visage de l’information de France 2. En interne, ses performances sont sévèrement critiquées », ibid.
« Côté grille des programmes, le plus visible pour le grand public, elle entame un grand ménage quelques mois à peine après s’être installée. Exit des émissions historiques comme «30 millions d’amis” ou «Ce soir ou jamais». À la rentrée dernière, les téléspectateurs de France 2 ont vu leurs après-midis complètement chamboulés, découvrant de nouveaux visages, avec Thomas Thouroude ou Amanda Scott… Un échec. La stratégie d’élargissement du public et de montée en gamme ne paie pas, les téléphages de cette tranche horaire ne reconnaissent plus leur chaîne. L’audience de France 2 est tombée à son plus bas niveau historique à l’automne. Il faut alors revoir la copie, opérer de nouveaux changements. Sans effets notables: les après-midis sont toujours en berne et l’audience a touché un nouveau plancher en mars (12,1%) », Les Échos, 14 avril 2017
« Chez Orange, elle était à la fois une femme dans un milieu d’hommes et une centralienne dans un état-major de polytechniciens. Chez France Télévisions, elle est une ingénieure dans un monde, sinon d’artistes, du moins de semi-saltimbanques. Un combat permanent », ibid.
« Delphine Ernotte, nommée par le CSA pour ses compétences managériales et sa connaissance des tuyaux télécoms, n’a de toute évidence pas gagné la confiance de sa tutelle. Plus grave dans ce puits de rumeurs et de règlements de compte qu’est le Tout-Paris médiatique: elle a perdu à chaque fois la bataille face aux femmes-ministres de la Culture qui se sont succédé, d’un quinquennat à l’autre. Fleur Pellerin, peu prisée des milieux culturels, flirtait avec le secteur numérique qu’elle a fini par intégrer, à la tête d’un fonds d’investissement.
Audrey Azoulay, aujourd’hui patronne de l’Unesco, avait le Tout-Paris du cinéma à ses pieds. Françoise Nyssen, grande dame d’Actes Sud, est l’incarnation d’une sorte de service public des lettres: «L’équation est simple: un service public fort de l’audiovisuel a besoin d’un président fort qui sache le défendre», nous expliquait, avant son décès, Rémy Pflimlin, dépité d’avoir été recalé pour un second mandat.
Reste un atout paradoxal à l’intéressée: sa discrétion. Et l’existence d’un adversaire hors cadre, l’alliance des géants numériques Google et Netflix, susceptible de faire vaciller tout l’écosystème de la production télévisuelle française. Après la révocation du PDG de Radio France Mathieu Gallet pour «favoritisme», Delphine Ernotte est en plus seule à incarner la continuité. Elle ou le chaos? «Sa ténacité a été jusque-là remarquable, juge le député européen Jean-Marie Cavada, ex-PDG de Radio France. Or le service public, face aux ouragans populistes et numériques, a besoin de dirigeants capables de résister» », Le Temps, 7 février 2018.
« D’une part, et Delphine Ernotte, la patronne de France Télévisions, l’a clairement expliqué, pas un euro de la redevance ira dans cette inévitable sortie de route financière. On se demande comment seront trouvés les 120 millions de mise initiale au projet ; France Télévisions avait probablement gardé des noisettes dans une cave et apuré ses déficits des années passées, voilà tout.
D’autre part, il ne faut jamais oublier qu’avec l’État comme patron, on peut tout se permettre, y compris martyriser les concurrents en utilisant les prétextes les plus bidons, ce que ne se prive certainement pas de faire la même Delphine dont l’épaisseur idéologique autorise toutes les acrobaties, y compris le salto, donc : puisque la concurrence, c’est méchant, et que Netflix, Prime et Disney Plus sont des super-concurrents donc des super-méchants, il faut absolument mettre en place un véritable « arsenal législatif » pour mener à bien la « guerre culturelle » qui va opposer le nouveau petit Français aux géants américains. », h16, Contrepoints, 15 janvier 2020.
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