Trotskyste un jour, trotskyste toujours ?
« Le métissage, c’est une politique. Et, plus précisément, une politique de résistance »
« Il faudra tout de même qu’on sache qui est vraiment ce monsieur Plenel ». Cette phrase de François Mitterrand, cité par Pierre Péan et Philippe Cohen dans leur enquête La Face cachée du Monde, illustre tout le « mythe », qui s’est construit autour d’Edwy Plenel, construction à laquelle il a lui-même participé. Journaliste emblématique des années Mitterrand, mis sur écoute par l’Elysée dans l’affaire des Irlandais de Vincennes, Edwy Plenel est resté pendant dix ans le maître du Monde, avec Alain Minc et Jean-Marie Colombani. Bien qu’affaibli, en 2003, par les révélations de Pierre Péan et de Philippe Cohen, il a poursuivi sa carrière de redresseur de torts autoproclamé et de journaliste d’investigation aux méthodes contestées. Journaliste brillant pour les uns, revanchard militant peu soucieux de la vérité pour les autres, Edwy Plenel aura quoi qu’il en soit marqué le journalisme de ces trois dernières décennies.
Actualisé au 15 août 2023
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.
Edwy Plenel: “Zemmour, c’est le néo-pétainisme” pic.twitter.com/EELvFmcLAK
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Portrait vidéo
Formation
Le seul diplôme d’Hervé-Edwy Plenel, son vrai nom, né en 1952, est son baccalauréat, ce dernier ayant refusé de se présenter aux examens d’entrée à l’IEP Paris.
Son père Alain Plenel, vice-recteur de la Martinique, connu pour ses engagements anticolonialistes, a été rétrogradé de l’Éducation nationale en 1965 sous la présidence du général de Gaulle et réhabilité en 1982 avec l’intervention de Stéphane Hessel.
Parcours professionnel
Il est difficile de dissocier, du moins en son début, le parcours professionnel d’Edwy Plenel de son parcours politique. Son engagement politique à la Ligue Communiste Révolutionnaire et sa profession de journaliste sont en effet intimement liées, puisqu’Edwy Plenel commence à écrire sous le pseudonyme de Krasny, dès 1969. Comme il le dit lui même, dans son autobiographie Secrets de Jeunesse (Stock 2001), « Krasny est apparu en février 1969 au détour d’un journal lycéen, Le Tigre en papier, au lycée Victor Hugo d’Alger. « Joseph » a attendu le début des années 1970, quand j’ai commencé à écrire régulièrement dans Rouge ». Pourquoi un tel pseudo ? Parce que « le mot est russe et veut dire « rouge ». Deux références ; une histoire, une couleur ; les bolchéviks ; le drapeau, 1917, l’éternité ».
Dans Rouge, ses premiers articles concernent la question coloniale.
En 1976, il entre comme rédacteur permanent, puis secrétaire de la rédaction à Rouge. C’est là qu’il obtient sa première carte de presse. Il adhère à l’Association de la presse d’information sur la jeunesse (APIJ). En 1978, le voilà directeur de la publication de Barricades, « un mensuel jeune pour la révolution », destiné à la jeunesse et lancé par la Ligue Communiste Révolutionnaire. Edwy Plenel apparaît seul dans l’ours du magazine. Le style se veut volontiers « jeune » et provocateur, bien différent de la rigueur rébarbative, mais toute trotskiste, de Rouge.
Pour Edwy Plenel, l’année 1980 marque un tournant. En quittant officiellement la LCR, Edwy Plenel cesse définitivement de n’être qu’un camarade rédacteur pour devenir réellement journaliste. Il entre donc au Matin de Paris et pige, à l’occasion, pour Le Monde de l’éducation. Il devient également président de l’Association des journalistes jeunesse et éducation. Ce n’est qu’en fin d’année, après l’été, qu’il entre au service éducation du Monde. Il ne quittera le journal que 25 ans plus tard.
Durant l’été 1982, Edwy Plenel devient journaliste d’investigation au Monde, au lendemain de l’attentat de la rue des Rosiers. Il est alors correspondant du journal au ministère de l’intérieur, poste central s’il en est. Grâce à ses amitiés avec certains policiers (et notamment Bernard Deleplace, du syndicat FASP), Edwy Plenel dispose d’un réseau efficace d’informateurs.
Il suit pour le quotidien les grandes affaires qui marquent les années Mitterrand. Comme le dit Emmanuel Lemieux, « de l’affaire des Irlandais de Vincennes à l’attentat des services secrets français sur le Raimbow Warrior, Plenel se fit une signature dans le club des journalistes d’investigation, aux ego détestables et aux mœurs décriés » (Technikart n°69, février 2003).
C’est d’ailleurs durant l’affaire des Irlandais de Vincennes, qu’Edwy Plenel est mis sur écoute, sur ordre de l’Élysée. Cette mise sur écoute, ainsi que la haine réciproque des deux personnages, Mitterrand et lui, participeront largement au mythe, soigneusement entretenu, qui entoure Edwy Plenel.
Durant l’été 1991, Edwy Plenel signe un article sous le titre Un scandale à Panama. C’est son raté le plus célèbre, puisqu’il accuse le parti socialiste d’avoir touché, notamment pour la campagne présidentielle de 1988, de l’argent du général Noriega, dictateur du Panama. La source d’Edwy Plenel était fausse. Selon Pierre Péan et Philippe Cohen, Edwy Plenel ne s’est jamais réellement excusé d’avoir ainsi désinformé ses lecteurs.
En 1992, dans La Part d’Ombre, Edwy Plenel « démonte le système secret mitterrandien qui double la vie politique française depuis 1981 », comme le dit Patrick Eveno (Le journal Le Monde, une histoire d’indépendance, Odile Jacob, 2001).
En 1993, Edwy Plenel, à la suite du Canard Enchainé, consacre plusieurs de ses articles, dans Le Monde, au fameux prêt sans intérêt obtenu par Pierre Bérégovoy, alors premier ministre, auprès de Roger-Patrice Pelat, pour l’achat d’un appartement, prêt dont on sait aujourd’hui qu’il n’était que la partie émergée d’un iceberg d’affairisme et de corruption (Jacques Follorou, Le dernier secret, 2008). La campagne est violente et se terminera par le suicide de l’homme politique. C’est à l’occasion des funérailles de son ancien premier ministre que François Mitterrand, dans un discours resté célèbre, dénoncera les journalistes : « toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme, et finalement sa vie ».
En juin 1994, Edwy Plenel répondra à François Mitterrand, en publiant Un temps de chien, (Stock), en référence directe aux paroles du président de la République. C’est durant cette même année 1994, que le trio Minc, Colombani, Plenel prend en main les destinées du journal. Cet épisode est largement décrit par Pierre Péan et Philippe Cohen dans La Face cachée du Monde.
Rédacteur en chef du Monde, en mars 1994, Edwy Plenel devient adjoint au directeur de la rédaction en septembre de la même année. En avril 1995, il reçoit le titre de directeur adjoint de la rédaction, avant d’en prendre, pour presque dix ans, la direction.
En 2003, Pierre Péan et Philippe Cohen publient La face cachée du Monde. Il s’agit d’une grosse enquête, menée avec méthode et qui jette un pavé dans la mare. Le « quotidien de référence » est largement éclaboussé, ses méthodes contestées, son fonctionnement dénoncé. Ainsi, Le Monde est accusé d’avoir « insidieusement glissé de son rôle de contre-pouvoir vers l’abus de pouvoir permanent ». Et de citer plusieurs exemples de cette dérive du journal : l’appui aux nationalistes corses, les fatwas lancées contre certains écrivains, comme Renaud Camus, la campagne tenace contre Jean-Marie Messier, Jean-Pierre Chevènement ou Dominique Strauss-Kahn. Cette enquête, très documentée, s’attaque également à la gestion interne du Monde, revenant, par exemple, sur la « prise » du journal par le trio Plenel, Colombani, Minc, ou encore sur la gestion financière opaque d’un quotidien toujours prompt à donner des leçons de transparence.
Pour Edwy Plenel, le coup est dur. Daniel Schneidermann le résume ainsi, dans son ouvrage Le cauchemar médiatique (Denoël, 2003) : « la « troïka », la veille encore si redoutée, devint du jour au lendemain un trio de punching-balls, de pantins ridiculisés par les «Guignols » de Canal+, et déculottés par les caricaturistes de Charlie Hebdo ».
La défense d’Edwy Plenel, d’Alain Minc et de Jean-Marie Colombani sera faible. « Il me semblait, continue Daniel Schneidermann, que Le Monde, plutôt que de répondre comme un clan sicilien offensé par la provocation d’un clan rival (mutisme majestueux, chagrin insondable, bordée d’insultes et préparation minutieuse du bain de sang des représailles) devait répondre comme un journal dans une démocratie développée au XXIe siècle : en ouvrant ses bouches, ses comptes et ses archives ». Ce ne sera pas le cas.
Comme le dit Laurent Hubberson, dans son Enquête sur Edwy Plenel (Le Cherche midi, 2008), les trois patrons du journal « ne se remettront pas du « Péan et Cohen ». L’un après l’autre, la crise va les atteindre, le livre va rattraper le ” trio infernal” et ils vont devoir quitter Le Monde dans la douleur ». Ainsi, fin novembre 2004, Edwy Plenel démissionne-t-il de son poste de directeur de la rédaction, avant d’être licencié du « quotidien de référence », le 31 octobre 2005. Une page se tourne.
L’absence de diplôme d’Edwy Plenel ne l’empêche pas d’être nommé, en 2006, professeur associé à l’Université de Montepellier (UFR droit et sciences politiques). Il enseigne également à l’université de Neufchâtel, à l’Académie du journalisme et des médias (AJM), créée par le professeur Vincent Kaufmann, en partenariat avec le Centre de formation au journalisme et aux médias. Dans le cadre de la maîtrise universitaire en journalisme, Edwy Plenel y délivrait un cours de « Perspectives historiques » ainsi qu’un cours de « Perspectives philosophiques et politiques », puis un cours intitulé « Principes du journalisme ».
En 2007, Edwy Plenel annonce un projet de site d’information et d’investigation participatif sur internet. Ce sera Mediapart, qui ouvre le 16 mars 2008. Pour cela, le journaliste réussit à lever quatre millions d’euros. Mediapart entend « inventer un nouveau partenariat journaliste-lecteur ». Pour cela, le site annonce vouloir « fortement améliorer l’écriture plurimédia », « réinventer des traitements journalistiques » et réserver à ses lecteurs « des surprises ».
Très vite, Mediapart reçoit le soutien de nombreux hommes politiques. Parmi eux, Ségolène Royal se distingue en envoyant un mail aux militants de son association Désirs d’avenir, pour les inviter à s’abonner au pure player naissant : « toutes les initiatives audacieuses qui tentent de changer la situation de la concentration de la presse méritent d’être soutenues » (rapporté par Rue 89 – 14/12/2007).
À l’image d’Edwy Plenel, Mediapart cherche à se distinguer par ses enquêtes, aussi bien sur les folles dépenses de la ministre Rachida Dati (2008), que sur les projets d’Areva de rachat des usines nucléaires britanniques, ou sur la CGT etc…
En 2010, Mediapart se fait remarquer par ses révélations et son suivi de l’affaire Bettencourt, montrant des liens entre Eric Woerth, alors ministre du budget, la milliardaire Liliane Bettencourt et le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy.
En octobre 2009, Edwy Plenel est à l’origine, avec les sites @rrêt sur images, Bakchich, Indigo Publications, Rue89, Slate.fr et Terra Eco du SPIIL, syndicat de la presse en ligne, qui compte aujourd’hui, environ 80 membres.
En mars 2011, Edwy Plenel et Mediapart annoncent la création de www.frenchleaks.fr, un site « dédié à la diffusion de documents d’intérêt public concernant notamment la France et l’Europe ». L’objectif est de transmettre et de diffuser des documents « ayant fait l’objet d’investigations des journalistes de Mediapart ». En réalité, le site, annoncé en grande pompe, cessera vite ses activités. Le dernier document mis en ligne datant d’août 2011.
En 2013 Mediapart porte l’affaire Cahuzac et est directement responsable de la démission du ministre du Budget après qu’il ait fini par reconnaître avoir eu des comptes en Suisse et à Singapour.
De 2008 à 2014 Mediapart (ainsi que Arrêts sur Image et Indigo) s’auto-applique la TVA à 2.1% comme pour la presse papier, jusqu’à ce que la loi soit modifiée – les sites devaient alors payer la TVA à taux plein à 19.6%. Un redressement fiscal – déclenché « d’en haut » selon Edwy Plenel a été notifié contre le site pour un total de 4.7 millions d’euros dont 1,35 million de pénalités pour « mauvaise foi ». Alors que Plenel avait contesté le paiement de la pénalité devant le tribunal administratif, qui lui donne provisoirement raison, la Cour d’appel de Paris, saisi par Gérald Darmanin en juillet 2018, casse le jugement et rétablit l’amende. Persévérant, le patron de presse moustachu ne s’en laisse pas compter et fait appel devant le Conseil d’État. Fin 2015 et début 2016 Mediapart versait 2,36 millions d’euros au fisc, après s’être mobilisé contre son redressement – deux amendements ont même été déposés, l’un par des députés socialistes, l’autre par des députés de droite, pour rendre rétroactif jusqu’en 2009 le taux de 2.1% sur la presse, afin de dédouaner le site. Peine perdue.
En 2015, Mediapart et les éditions La Découverte fondent La revue du Crieur, qui paraît trois fois par an. Confondée par Hugues Jallon, éditeur engagé à gauche, et Edwy Plenel, sa rédaction en chef est assurée conjointement par Joseph Confavreux (Mediapart) et Rémy Toulouse (La Découverte). Véritable concentré des marottes d’Edwy Plenel, elle est pour Régis Soubrouillard, dans Marianne (14/06/2015) le meilleur et le pire de Mediapart. Notamment parce qu’elle incarne une « gauche radicale, incapable de nommer les choses » et ne sachant « se définir autrement que dans l’affrontement systématique ou que de s’indigner dans un pathos négatif ».
En 2016 il est docteur honoris causa de l’Université de Mons (Belgique).
Le 17 décembre 2016, le géo-politologue Frédéric Encel qualifie Plenel d’ « ennemi de la nation » dans l’émission Entre les lignes sur La Chaîne parlementaire (LCP). Le lendemain, Edwy Plenel saisit le CSA, puis il saisit ensuite le bureau de l’Assemblée Nationale. Frédéric Encel visait les « soutiens des islamistes en France ». Il affirme que Plenel « se considère lui-même comme un trotskiste qui ose affirmer que Manuel Valls c’est pire que Marine Le Pen » et considère qu’il est l’auteur d’un « livre en faveur des musulmans considérant que les musulmans sont dans la situation des juifs des années 30 ».
En février 2017 sa fille Eve est mise en cause par la droite filloniste – en pleine affaire sur l’emploi présumé fictif de Pénélope Fillon – sur le web où certains affirment qu’elle touche un salaire de 3000 € par mois pour un mi-temps alors qu’elle vit à Berlin. Edwy Plenel intervient pour expliquer que sa fille, engagée contre le SIDA depuis une décennie, est « payée 1.682 euros net par mois pour un emploi à temps partiel qu’elle effectue à Paris » comme coordinatrice de Paris sans sida.
En octobre 2017 l’islamologue suisse Tariq Ramadan est accusé de viols et d’agressions sexuelles. Edwy Plenel est sous le feu des critiques après avoir défendu l’intéressé dont il est proche idéologiquement. Habitué à être le procureur, Edwy Plenel se retrouve sous le feu des critiques de ses confrères.
Charlie Hebdo le caricature en novembre 2017 en détournant sa moustache pour dénoncer son refus de condamner les actes de Tariq Ramadan, il accuse le journal satyrique de faire partie d’une « campagne plus générale de guerre aux musulmans ». Riss, dessinateur de Charlie Hebdo, affirme le 15 novembre que « Plenel condamne à mort une deuxième fois Charlie Hebdo » et « adoube ceux qui demain voudront finir le boulot des frères Kouachi. Si demain on nous liquide tous, si demain nous ne sommes plus là, espérons qu’il subsistera quelques courageux qui demanderont justice contre ceux qui nous auront frappés, mais aussi contre les esprits qui les auront armés ». Devant le tollé, Edwy Plenel reconnaît avoir « surréagi » et présente ses excuses à Charlie Hebdo.
Le 15 avril 2018 il obtient une consécration en étant l’intervieweur d’Emmanuel Macron, avec Jean-Jacques Bourdin, un grand spectacle en Une. Mais aussi un éclairage formidable pour les dix ans de Mediapart.
Au printemps 2019, Juan Branco, auteur de Crépuscule, une vive dénonciation de l’entre-soi politico-financier de la Ve république en déclin, best-seller du mouvement social des Gilets Jaunes, affirme que Xavier Niel est actionnaire de Mediapart. Le journal infirme ces propos : « Il est seulement l’un des 88 contributeurs de notre Société des Amis lors de sa création en 2008, à l’époque de notre lancement […] La Société des Amis de Mediapart, société par actions simplifiée (SAS) […] détient 16,79 % du capital de la Société éditrice de Mediapart. Ses associés n’ont pas le droit de revendre librement leurs parts, tout mouvement interne du capital de cette SAS étant soumis à un comité d’agrément. Bref, aucun des 88 associés de la Société des Amis de Mediapart n’est actionnaire direct de notre journal, aucun ne participe à sa marche économique, aucun n’influence sa vie éditoriale ».
Et de donner d’autres détails : « C’est en janvier et décembre 2008 que Xavier Niel a participé à deux levées de fonds effectuées par la Société des Amis de Mediapart, à hauteur de deux fois 100 000 euros[…] Xavier Niel n’a pas souscrit aux augmentations de capital suivantes, effectuées en 2009 par la Société des Amis qui, au total, a constitué un apport de plus d’un million cent mille euros et rassemble 88 actionnaires. Actuellement, la participation de la holding NJJ de Xavier Niel dans la Société des Amis de Mediapart est de 17,58 % des parts. Par conséquent, la détention indirecte de Xavier Niel représente seulement l’équivalent de 2,95 % du capital de Mediapart ». Ce qui n’est pas négligeable non plus.
Début juillet 2019, Mediapart réinvente le modèle d’Ouest-France en logeant 100% de son capital « dans une structure à but non lucratif » où il sera « inviolable, non cessible et non achetable ».
Les quatre fondateurs donnent des détails sur la structure du journal depuis sa fondation : « L’indépendance économique de Mediapart est actuellement garantie par la position de contrôle des quatre cofondateurs (François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel et Marie-Hélène Smiejan-Wanneroy, cosignataires de cet article) au sein de son capital : ils en possèdent 42,08 %, au sein d’un pôle d’indépendance (Fondateurs, Société des salariés, Société des amis et amis individuels) qui, au total, représente 62 % du capital. Le reste du capital appartient à deux investisseurs partenaires historiques (ils sont présents depuis 2008) : Doxa (31,81 %) et Ecofinance (6,32 %). Depuis la création de Mediapart, la position de contrôle des fondateurs se traduit par leur poids au sein du conseil d’administration, où se prennent toutes les décisions stratégiques pour l’entreprise : sur sept administrateurs, les quatre cofondateurs et le président de la Société des amis (Michel Broué) occupent cinq postes, les deux derniers étant réservés à deux administrateurs extérieurs choisis par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition du CA (actuellement Sébastien Sassolas et François Vitrani) ».
Mediapart affirme tirer son modèle du Scott Trust qui protège depuis 1936 l’indépendance du Guardian en Grande-Bretagne : « Ce Fonds pour une presse libre (FPL) sera créé par les cofondateurs de Mediapart et la présidente de l’actuelle Société des salariés (Martine Orange), réunis dans une Association pour le droit de savoir (ADS). Il protégera l’avenir économique et l’indépendance éditoriale de Mediapart en détenant son capital via une structure intermédiaire, la Société pour la protection de l’indépendance de Mediapart (SPIM) ».
Cependant, cette cession permettra aussi aux quatre fondateurs de retirer 6.8 millions d’euros, selon Electron Libre. Mediapart est cédé à une valeur de 16.8 millions d’euros – à l’exercice 2018 – alors que le site compte 150.000 abonnés (10.000 supplémentaires par an), emploie 87 personnes pour un chiffre d’affaires de 13,8 millions d’euros en 2018 et a dégagé en 2018 un résultat positif de 2.51 millions d’euros. La cession se fera par endettement du site à hauteur de 10.9 millions d’euros, tandis que les salariés devraient obtenir une prime de plusieurs milliers d’euros. Les membres de la société des amis – dont Xavier Niel – devraient eux aussi récupérer de l’argent dans l’opération.
En juillet 2019, ce sont les révélations de Mediapart – d’abord sur des dîners fastueux organisés en tant que président de l’Assemblée Nationale, puis sur le réaménagement de son appartement privé au ministère de l’Ecologie, puis sur l’emploi de ses indemnités parlementaires (IRFM) qui provoquent le départ du n°2 de l’Etat, le ministre de l’Environnement François de Rugy – liquéfié par les révélations et très mal conseillé du reste.
Cependant, les révélations de Mediapart sur le « logement à vocation sociale » dont de Rugy aurait bénéficié à Orvault (44) s’avèrent fausses, tandis que les travaux dans l’appartement privatif de Rugy et les dîners à l’Assemblée sont validés dans les grandes lignes ; l’affaire De Rugy se dégonfle moins de 15 jours après avoir éclaté.
Une fois de Rugy mis sur la touche, Gérarld Darmanin, fils spirituel de Nicolas Sarkozy, devient naturellement la cible préférentielle de Mediapart/Plenel. Le ministre dépose plainte contre Mediapart dans la foulée de l’attentat visant Samuel Paty pour un billet critiquant la « barbarie » dont firent preuve les agents de police en abattant le terroriste tchétchène. Même si Mediapart n’est que l’hébergeur du blog en question, et ne peut être tenu responsable juridiquement de son contenu, Plenel rend coup pour coup : sur BFMTV, il accuse Darmanin d’avoir menti devant les parlementaires en prétendant que les magistrats n’avaient pas eu accès aux images de vidéosurveillance de l’appartement de Michel Zecler avant les révélations de Loopsider. « Qu’a fait M. Darmanin ? Tout ça se passe le lundi et le mardi. Est-ce qu’il a suspendu quelqu’un ? Non, il n’a suspendu personne » tempête l’homme sur le plateau de la chaîne d’information.
Il va même jusqu’à accuser le ministre de colporter des clichés antisémites en lisant sur France 5 des extraits de livre sur le séparatisme islamiste, dans lequel ce dernier vante la politique d’inclusion des Juifs dans la société française par Napoléon et l’érige en modèle de « lutte pour l’intégration » républicaine. En dépit de la polémique qui enfle inévitablement sur les réseaux sociaux, certains commentateurs notent que cette accusation provient d’un antisioniste et d’un islamophile convaincu et doutent de la sincérité de cette mise au pilori médiatique.
En 2021, l’organe de presse affiche une santé économique insolente : le média en ligne comptabilise 218 000 abonnées, emploie 118 salariés et engrange des profits s’élevant à 4 millions d’euros. Mediapart est épargné par les fléaux qui affectent profondément la profession comme la faillite du distributeur historique Presstalis et la chute considérable des revenus publicitaires. Une période bienvenue pour préparer la transition pour le directeur de la rédaction : « Cette transition a commencé en 2018 avec le passage de témoin à la direction éditoriale de François Bonnet à Carine Fouteau et Stéphane Alliès, un tandem paritaire. La transition doit aboutir au remplacement de moi-même et de Marie-Hélène à la direction générale ».
Parcours politique
Le parcours politique d’Edwy Plenel commence à la maison, puisque son père est un militant anticolonialiste.
En 1969, le jeune Edwy Plenel s’engage à la Ligue Communiste Révolutionnaire d’Alain Krivine. Il devient rapidement responsable de la cellule du quartier latin, ainsi que du secteur CET / Jeune. Entre 1970 et 1978, date de son service militaire, Edwy Plenel ne vit que dans et pour la LCR. Il la quitte, officiellement, entre 1979 et 1980. En juillet 1985, il intervient à un stage de jeunes trotskistes, mais, cette fois-ci, en tant qu’invité extérieur. Cependant, ses liens avec Alain Krivine ne se démentiront jamais.
Durant les années 1978 et 1979, Edwy Plenel effectue son service militaire à Colmar. Il milite alors dans les comités de soldats. Il sera d’ailleurs sanctionné pour cela.
Partisan de l’intersectionnalité, il est favorable à l’écriture inclusive et aux réunions non-mixtes.
Publications
- La République inachevée. L’État et l’école en France, Payot, 1985 (réédition Stock, 1997, Livre de poche, coll. « Essais », 1999).
- Voyage avec Colomb, Le Monde-Éditions, 1991.
- La Part d’ombre, Stock, 1992 (réédition « Folio Actuel », 1994).
- Un temps de chien, Stock, 1994 (réédition « Folio Actuel », 1996).
- Les Mots volés, Stock, 1997 (réédition « Folio Actuel », 1999).
- L’Épreuve, Stock, 1999.
- Secrets de jeunesse, Stock, 2001 (prix Médicis essai ; réédition « Folio », 2003).
- La Découverte du monde, Stock, 2002 (réédition « Folio Actuel », 2004).
- Procès, Stock, 2006 (prix du Journal du Centre ; réédition « Folio », 2007).
- Le Journaliste et le Président, Stock, 2006.
- Combat pour une presse libre. Le manifeste de Mediapart, Paris, Galaade, 2009.
- L’Effet Le Pen, La Découverte-Le Monde, 1984 (en collaboration avec Alain Rollat).
- Mourir à Ouvéa. Le tournant calédonien, La Découverte-Le Monde, 1988 (en collaboration avec Alain Rollat).
- La République menacée. Dix ans d’effet Le Pen, Le Monde-Éditons, 1992 (en collaboration avec Alain Rollat).
- Chroniques marranes, Stock, 2007.
- Faits et gestes de la présidence Sarkozy, volume 1 : N’oubliez pas !, Don Quichotte, 2010.
- Le Président de trop. Vertus de l’antisarkozysme, vices du présidentialisme, Don Quichotte, 2011
- Le Droit de savoir, Paris, Don Quichotte, 2013 ; Seuil, « Points », 2014.
- Dire non, Paris, Don Quichotte, 2014 ; Seuil, « Points », 2015.
- Pour les musulmans, Paris, La Découverte, 2014 ; La Découverte/Poche, 2016 (prix Fetkann de la mémoire 2014 / prix du Vivre ensemble 2015), (traduit en arabe par Al Doha Magazine; en anglais par Verso).
- La Troisième Equipe. Souvenirs de l’affaire Greenpeace, Paris, Don Quichotte, 2015 ; Seuil, « Points », 2016.
- Dire nous. Contre les peurs et les haines, nos causes communes, Paris, Don Quichotte, 2016 ; Seuil, « Points », 2017.
- Voyage en terres d’espoir, Ivry-sur-Seine, Les Editions de l’Atelier, 2016.
- Le devoir d’hospitalité, Paris, Bayard, 2017.
- La valeur de l’information, éd. Don Quichotte, 2018.
- La victoire des vaincus. À propos des gilets jaunes, Paris, La Découverte, 2019, 190 pages.
- La sauvegarde du peuple, La Découverte, 2020, 208 pages.
Livres d’entretien
- La Nation à l’épreuve, Éditions du Tricorne-France Culture, 2000 (dialogue avec Alain Finkielkraut).
- Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman (entretiens avec Edwy Plenel) L’affaire Clichy, Stock, 2006.
- François Hollande Devoirs de vérité, Stock, 2006 (dialogue avec Edwy Plenel).
- Faut-il croire les journalistes? Paris, Mordicus, 2009 (entretiens de Philippe Gavi avec Serge July, Jean-François Kahn et Edwy Plenel).
- Benjamin Stora, Le 89 arabe, Stock, 2011 (dialogue avec Edwy Plenel).
- Notre France, Paris, Sindbad/Actes Sud, 2011 (conversation avec Farouk Mardam Bey et Elias Sanbar).
- Faits et gestes de la présidence Sarkozy, volume 2 : Finissons-en !, Don Quichotte, 2012.
Collaborations
Edwy Plenel a animé plusieurs émissions de télévision : Le Monde des idées, sur LCI, de 1995 à 2005 ; Entre guillemets, de 2005 à 2007. En 2007 et 2008, il est polémiste sur RTL, dans On refait le monde. Enfin, depuis 2005, il tient une chronique chaque semaine sur France Culture et participe aux duels de France Info, tous les samedis matins, avec Alain Genestar.
Edwy Plenel a également préface ou apporté une contribution à de nombreux ouvrages. Citons ainsi, les Mémoires de Fouché (Arléa, 1993) et N’oubliez pas ! Faits et gestes de la présidence Sarkozy. Décryptage au jour le jour d’une contre-révolution (Don Quichotte, 2010)
Edwy Plenel intervient régulièrement dans de nombreuses réunions ou colloques : assises du journalisme, fête de l’Humanité, festival des cultures de l’islam etc.
De 2008 à 2015, il fut également professeur associé à l’Académie du journalisme et des médias (AJM) de l’Université de Neuchâtel (Suisse), où il délivrait des cours intitulés « Perspectives historiques », « Perspectives historiques et politiques » et « principes du journalisme ». Il a aussi été professeur associé à l’Université Montpellier‑I de 2006 à la rentrée 2012, où il a dispensé des cours intitulés « Philosophie du journalisme », « Sociologie du journalisme », « Presse et pouvoir », « Communication et politique », etc.
Ce qu’il gagne
En avril 2014, Edwy Plenel déclare sur LCI “bien gagner sa vie” avec un salaire brut de 7400 euros, soit 5.700 euros net. Selon lui, son salaire se situe au maximum de l’échelle des rémunérations dans l’équipe de Médiapart dont “la hiérarchie des salaires va de 1 à 4”, ce qui situe le plus bas salaire à environ 1.850 brut. Edwy Plenel a par ailleurs précisé qu’il payait 3.900 euros d’emprunt par mois jusqu’en 2017.
Suite à la cession du capital de Mediapart à une structure à but non lucratif placée hors marché, il se partagera 6,8 millions d’euros avec les trois autres cofondateurs, selon Electron Libre.
Il a dit
« Pour nous, au contraire, il ne s’agit pas de réformer l’école, de l’améliorer, de la démocratiser, car, tout simplement, c’est un objectif utopique, irréalisable : l’école est par essence, par nature, par origine un appareil de sélection sociale, de diffusion de l’idéologie bourgeoise. Cette école-là, elle n’est pas amendable, il faudra la détruire », Rouge hebdomadaire, 29 mars 1974.
« Notre fonction première n’est pas de rassurer les esprits et d’apaiser les consciences, mais au contraire d’éveiller et de stimuler ». Un temps de chien, Paris, Stock, 1994.
« Un journaliste du Monde doit apprendre à penser contre lui-même », Le style du Monde, janvier 2002.
« Si le caché et le secret sont, peu ou prou, au principe de la réalité, comment dire le réel sans franchir des frontières taboues, sans violer des territoires interdits, sans outrepasser notre rôle ? Le journalisme est face à ce défi. Qu’il y renonce, et il sera emporté, si ce n’est déjà fait, dans le discrédit qui ébranle sournoisement les pouvoirs. S’il l’assume, il entre en conflit avec les règles établies de protection des secrets, des institutions, des individus, des réputations, etc. » Un temps de chien, Stock, 1994
« Tu comprends, à mon époque, j’avais un mythe : le Che. Pour servir sa cause, il fallait qu’il soit dur avec ses hommes… Moi, tu comprends, je n’y suis pour rien, je suis un mythe pour toute une génération de journalistes ». A Pascale Sauvage, cité par Philippe Cohen et Pierre Péan, La Face Cachée du Monde, Mille et une nuits, Paris, 2003
« Le métissage, ce n’est pas une fusion, l’addition d’un et d’un, la rencontre entre deux identités dans l’illusion de leurs puretés originelles, encore moins un croisement d’espèces et de genres où la biologie aura sa part. Non, le métissage, c’est une politique. Et, plus précisément, une politique de résistance ». La découverte du Monde, Stock, 2002
« Le trotskisme comme expérience et comme héritage fait à jamais partie de mon identité, non pas comme un programme ou un projet, mais comme un état d’esprit, une vieille critique faite de décalage et d’acuités, de défaites et de fidélités ». Secrets de Jeunesse, Stock 2001
« Les médias sont naturellement, majoritairement suivistes, moutonniers, conformistes », entretien avec Oumma.tv, 17 septembre 2011
« La chance de la France, c’est justement ce brassage, ce mélange. C’est cette créolisation du monde qui fait que les identités ne s’annulent pas les unes et les autres, ne se dissolvent pas, qu’elles vivent, qu’elles se fécondent, qu’elles se rencontrent, qu’elles se croisent, qu’elles se respectent », idem.
À propos des drapeaux étrangers, place de la Bastille, le soir de l’élection de François Hollande : « c’était une superbe image de la France », France 3, « Ce Soir ou Jamais », 8 mai 2012
« Cette jeunesse n’a‑t-elle pas, elle aussi, des idéaux, des principes et des valeurs ? N’est-elle pas, autant que vous et moi, concernée par le monde, ses drames et ses injustices ? Par exemple, comment pouvez-vous ne pas prendre en compte cette part d’idéal, fût-il ensuite dévoyé, qui pousse un jeune de nos villes à partir combattre en Syrie contre un régime dictatorial et criminel que vous-même, François Hollande, avez imprudemment appelé à punir il y a tout juste un an ? Est-ce si compliqué de savoir distinguer ce qui est de l’ordre de l’idéalisme juvénile et ce qui relève de la menace terroriste, au lieu de tout criminaliser en bloc en désignant indistinctement des djihadistes ? » Lettre ouverte à François Hollande, Mediapart, 23 juillet 2014.
« C’est une chance pour la France d’être aujourd’hui le premier pays musulman d’Europe », 20minutes.fr, 19 septembre 2014
« Cette façon d’agiter la querelle religieuse, de stigmatiser l’islam, de s’en prendre à ses symboles : le vêtement, le voile, le halal, les mosquées, est contraire au véritable esprit de la loi sur la laïcité, qui reconnaît les cultures minoritaires (…) Ce “laïcisme” est le Cheval de Troie de l’islamophobie, il est à la laïcité ce que l’intégrisme est à la religion. Il a une similitude avec l’antisémitisme : sous prétexte de ce sectarisme laïc, on installe l’habitude d’une discrimination et d’une stigmatisation », idem.
« Le totalitarisme nous dit : tout est possible, on peut tout dire, tout est pensable, tout est imaginable. Et on peut s’habituer au pire, se dire qu’il y a des gens, des civilisations supérieurs à d’autres, et qu’il y a une peur, qui serait les musulmans. La démocratie, c’est l’inverse. C’est de dire que tout n’est pas possible », «C à vous », France 5, 6 janvier 2015.
« Au pas de charge, Janvier 2015 s’est transformé en Septembre 2001 : l’occasion terroriste qui fait le larron sécuritaire. Le projet de loi relatif au renseignement marque une rupture sans précédent non seulement dans l’histoire politique de la gauche du demi-siècle écoulé mais aussi pour l’avenir de notre démocratie, quels qu’en soient les gouvernants demain : sans consulter ni écouter la société, sans l’entendre alors que la protestation de ses acteurs citoyens est générale, une loi bâclée et précipitée, votée dans l’urgence, risque d’offrir au pouvoir exécutif, via les services secrets et les techniques numériques, un champ d’arbitraire infini dans le contrôle des individus, de leurs communications, de leurs fréquentations, de leurs convictions, de leurs engagements, de leurs curiosités », Mediapart, 29 avril 2015.
« L’histoire de France nous a habitués à ce que des pouvoirs de droite, conservateurs par réflexe, autoritaires par habitude, s’en prennent aux libertés. Mais ce n’était pas une fatalité sans retour puisque l’opposition de gauche devenait l’alternative en disant non à ce coup d’état permanent », ibid.
« Le totalitarisme nous dit : tout est possible, on peut tout dire, tout est pensable, tout est imaginable. Et on peut s’habituer au pire, se dire qu’il y a des gens, des civilisations supérieurs à d’autres, et qu’il y a une peur, qui serait les musulmans. La démocratie, c’est l’inverse. C’est de dire que tout n’est pas possible », « C à vous », France 5, 6 janvier 2015
« Au pas de charge, Janvier 2015 s’est transformé en Septembre 2001 : l’occasion terroriste qui fait le larron sécuritaire. Le projet de loi relatif au renseignement marque une rupture sans précédent non seulement dans l’histoire politique de la gauche du demi-siècle écoulé mais aussi pour l’avenir de notre démocratie, quels qu’en soient les gouvernants demain : sans consulter ni écouter la société, sans l’entendre alors que la protestation de ses acteurs citoyens est générale, une loi bâclée et précipitée, votée dans l’urgence, risque d’offrir au pouvoir exécutif, via les services secrets et les techniques numériques, un champ d’arbitraire infini dans le contrôle des individus, de leurs communications, de leurs fréquentations, de leurs convictions, de leurs engagements, de leurs curiosités », Mediapart, 29 avril 2015.
« L’histoire de France nous a habitués à ce que des pouvoirs de droite, conservateurs par réflexe, autoritaires par habitude, s’en prennent aux libertés. Mais ce n’était pas une fatalité sans retour puisque l’opposition de gauche devenait l’alternative en disant non à ce coup d’état permanent », ibid
« J’avais deux objectifs, représenter l’interpellation collective de Mediapart et de notre public. Nous sommes un journal qui a accompagné l’élection d’Emmanuel Macron contre l’extrême droite mais dont les lecteurs n’ont pas forcément voté pour son programme. Donc c’était légitime que je porte les questions, les interrogations, les doutes et les critiques. Le président n’a pas tenu compte de la diversité du vote qui l’a installé à l’Élysée. Mon deuxième objectif était de casser les codes de cette interview monarchique. Je respecte cette figure présidentielle mais je suis là pour montrer que cette fonction est la représentation de la volonté générale, pas d’une victoire personnelle », Le Télégramme, 21/04/2018, suite à son interview du président Macron.
« Nous avons 151 000 abonnés. Mediapart est rentable depuis 2011 et a un taux de profit exceptionnel. Une réussite improbable qui démontre la valeur de l’information. Le modèle de la gratuité est un modèle destructeur de valeur », ibid.
« Le seul critère qui nous anime est celui de la loi de 1881. Est-ce que ce que nous révélons est d’intérêt public ? C’est ce qui nous guide », ibid.
Sa nébuleuse
Nicole Lapierre, son épouse, « porteuse de ses ambitions, un véritable coach qui l’aidera bientôt à gravir une à une toutes les marches du podium », selon Pierre Péan et Philippe Cohen. Celle-ci codirige la revue Communications, ainsi que la collection Un ordre d’idées chez Stock.
Nébuleuse LCR : Daniel Bensaïd, Christophe Aguiton, Philippe Corcuff, Henri Weber, Alain Krivine, Paul Aliès, ancien élu de Pezenas (Héraut), secrétaire national adjoint à la rénovation du parti socialiste. C’est lui qui a marié Edwy Plenel et Nicole Lapierre, à la fin des années 90. C’est également grâce à lui qu’Edwy Plenel entre à la faculté de Montpellier.
Nébuleuse Le Monde : Hervé Gattegno, (aujourd’hui rédacteur en chef du Point), Anne Chemin, Pascale Sauvage etc.
Nébuleuse Mediapart : En plus d’Edwy Plenel, ils sont cinq à avoir fondé le site d’information : François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Marie-Hélène Smiéjan (dont le fils, Stanislas, a pris une part active à la campagne de Macron en 2017), Godefroy Beauvallet. C’est l’ancien responsable internet de la campagne présidentielle de Ségolène Royal (2007), Benoît Thieulin, qui gère l’interface du site.
Ils ont dit
« Il faudra tout de même qu’on sache qui est vraiment ce monsieur Plenel. (…) Il parlera moins haut quand on saura qu’il travaille pour une puissance étrangère », François Mitterrand, cité par Philippe Cohen et Pierre Péan, La Face Cachée du Monde, Mille et une nuits, Paris, 2003
« Plenel ? Il ne m’a pas lâché pendant dix ans et j’ai fini par penser qu’il travaillait lui aussi pour les Américains », François Mitterrand, cité par Pierre Favier, La décennie Mitterrand, Le Seuil, Tome IV, 1999
« Edwy Plenel a eu l’ “honneur” d’être écouté sur ordre personnel d’un président de la République ! Notre “ego” collectif et le sien en particulier auraient pu y trouver une forme de satisfaction. Mais, on ne peut considérer les écoutes autrement que comme la forme moderne des lettres de cachet », Jean-Marie Colombani, Le Monde, 28 avril 1997.
« Mitterrand avait, je ne sais pourquoi, une véritable détestation envers Plenel, qui était un très bon journaliste d’investigation », Pierre Joxe, A propos de la France, Itinéraires 1, Flammarion, 1998.
« C’est un bosseur, présent dès les aurores au journal. Cet homme flamboyant sème l’inquiétude et la peur. Portant sa passion en écharpe, il offre à tous le spectacle impressionnant de ses engouements et de ses haines. S’il déteste quelqu’un, l’existence de la personne qu’il a prise pour cible risque fort de devenir un enfer. Plenel n’hésite pas à humilier publiquement, à monter des coups dans le dos de ses ennemis qu’il peut même, le cas échéant, agresser ouvertement », Philippe Cohen et Pierre Péan, La Face Cachée du Monde, Mille et une nuits, Paris, 2003.
« Le journaliste plénéien est un combattant qui, au nom de l’urgence et de la nécessité, abandonne ses scrupules sur les moyens à utiliser pour fouailler les plaies… Ivre de mots, il en oublie les actes qu’il se voit contraint de commettre pour les justifier », ibid.
« C’est bien cette conception du journalisme, qui se situe quelque part entre celle du procureur soviétique Vichinsky et du conventionnel Marat, entre justice procédurale et tribunal populaire, entre filature policière et dénonciation publique, que Plenel, une fois parvenu à la tête de la rédaction du Monde, a imposé », ibid.
« Edwy Plenel restera le journaliste emblématique des “années Mitterrand”. Il est en quelque sorte à Mitterrand, mais par antiphrase, ce que Joinville fut à Saint-Louis. Ses centaines d’articles sur le sujet, qu’il a complétés par trois livres, pourraient, réunis, former l’équivalent – en négatif, bien sûr – du Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Louis », ibid.
« Le système Plenel ne tolère pas l’indifférence : ou on est avec lui, ou on est contre lui », ibid.
« Lorsqu’un projet est présenté dans une réunion, personne ne s’exprime plus avant Edwy Plenel. Les gens ont peur. Il y a au Monde, toutes les caractéristiques de fonctionnement d’une institution totalitaire », ibid.
« Pour ses détracteurs, Edwy Plenel ressemble à Charlot dictateur, jouant du popotin avec la mappemonde. On y verrait plutôt un dessin à la pointe sèche, éclaboussé de taches noires pour les cheveux et cette moustache années 30. Froid, clandestin, assez dur et peu inquiet », Emmanuel Lemieux, Technikart n°69, février 2003.
« Étrange… Nous avons tous habillé notre foi en un monde meilleur de toutes sortes d’oripeaux. Et nombre d’entre nous ont ensuite jeté leur défroque de militant révolutionnaire sans regret. (…) Plenel, lui, a peu changé. Et comme s’il sacrifiait toujours aux rites de son ancien groupe, il règle son compte en priorité à ses frères ennemis. Il consacre ainsi des pages entières à la secte lambertiste, concurrente de la sienne, secte dont 99,99 % des habitants de la planète se moquent comme de leur première chemise. Mais pour Plenel, il est important de montrer qu’il existe de bons et de mauvais trotskistes, ou plutôt de vrais et de faux trotskistes », Pierre Rigoulout, cité par Emmanuel Lemieux, Technikart n°69, février 2003.
« L’indéniable brutalité humaine dont fait preuve Edwy Plenel, sa difficulté à fixer lui-même des bornes à son pouvoir sont d’autant plus déroutantes qu’elles s’entremêlent étroitement à une sincère autoreprésentation en victime (de son dévouement à la collectivité, de la logique de la raison d’État, des complots mitterrandiens et néo-mitterrandiens) qui le rend ultra-sensible à toutes les marques d’attention ‑et peut le pousser, par exemple, à pleurer sur un plateau quand sa collaboratrice Josyane Savigneau fait l’éloge d’un de ses livres, grand moment de télévision », Daniel Schneidermann, Le cauchemar médiatique, Denoël, 2003.
« Le «pape de l’investigation» serait-il en réalité un idéologue peu scrupuleux ? Longtemps, le directeur de Mediapart a été considéré comme le modèle du «journaliste indépendant». Une image flatteuse qui s’estompe depuis quelques semaines », Figaro Vox 26/11/2017.
« Dans cette école [Sciences Po], qui célèbre le «hijab day», l’auteur de Pour les musulmans a été accueilli sous un tonnerre d’applaudissement. Au cœur de ce microcosme en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés, à deux pas du Café de Flore et des Deux Magots, le rebelle officiel est comme chez lui ».
« Jusqu’ici, pour beaucoup de ses confrères, il était un mélange d’Émile Zola et de Bob Woodward (l’enquêteur du Watergate). L’homme des Irlandais de Vincennes et du Rainbow Warrior. Depuis quelques semaines pourtant, cette image s’estompe et celle qui se dessine est beaucoup moins flatteuse. Habitué à enfiler le costume de procureur, Plenel se retrouve cette fois sur le banc des accusés », ibid.
« Avant Internet et avant Mediapart, Edwy Plenel a sans doute été l’un des éditorialistes les plus influents de la presse française. Sa carrière commence à l’extrême gauche, avant d’atterrir à l’extrême centre, du moins en théorie », Contrepoints, 16/04/2018
« Le gauchisme culturel de Plenel marchait donc main dans la main avec le keynésianisme le plus mollasson, tout en refusant à ses adversaires toute légitimité, de peur de rompre cet équilibre qu’un jour Alain Minc a désigné sous le terme ronflant de « cercle de la raison », ibid.
« Dans cet écosystème journalistique particulier, Plenel se fit remarquer pour les mêmes raisons qu’à l’occasion de sa polémique avec Charlie Hebdo. Son biais partisan gauchiste, sa vision complotiste du monde et les campagnes contre ses adversaires ont alimenté les pages très critiques du livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, La face cachée du Monde, sorti en 2003.Pour les deux auteurs, Le Monde période Minc-Colombani-Plenel aurait été transformé en véritable pouvoir de lobbying et d’intimidation, jouant de son influence pour pousser ou discréditer intellectuels, politiques et entrepreneurs qui ne pensaient pas dans la ligne du parti », ibid.
« Internet a clos un cycle, celui qui faisait des éditocrates comme Edwy Plenel des médiateurs indispensables du débat public français », ibid.
« On a l’impression, quand on lit le texte du jugement, d’un article de Mediapart. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on se demande si la justice n’est plus que le bras armé de Mediapart, l’auxiliaire de Mediapart, comme Mediapart est l’auxiliaire de la justice. On sait que la justice montre, une fois de plus, qu’elle est indépendante du pouvoir politique, même des anciens présidents, mais est-ce qu’elle est indépendante d’Edwy Plenel ? Est-ce qu’Edwy Plenel est le vrai patron des magistrats aujourd’hui en France, je pose la question ! », Eric Zemmour, Face à l’Info, 02/03/2021.
« Ce qui nous intéresse ici, chez M. Plenel, ce n’est pas l’homme mais le symbole : militant de l’ultragauche, il incarne jusqu’à la caricature l’idéologisation à outrance d’une presse qui biaise volontiers l’information ou qui, au nom de la transparence, souvent de mèche avec des magistrats engagés, monte des “affaires” contre ses adversaires politiques, lance des campagnes de presse avant d’instituer en toute hâte des tribunaux populaires.‘
Avec Plenel, un nouvel acteur de la vie politique est né : le magistraliste ou le journastrat, au choix. Un hybride à deux têtes qui s’attaque sans cesse ni pitié au camp du mal, c’est-à-dire pour l’essentiel à la droite. L’un porte le fer judiciaire, l’autre assure le relais médiatique. Cumulant les pouvoirs judiciaire et médiatique, ce nouveau pouvoir mène toujours ses enquêtes à charge », Frantz-Olivier Giesbert, Revue des Deux Mondes, avril 2021.
Crédit photo : Xavier Malafosse via Wikimedia (cc)