Le féminisme aux affaires
Ancienne attachée de presse de Matthieu Pigasse, auquel elle doit sa mobilité professionnelle fulgurante, Élisabeth Laborde est l’archétype de la « dircom » féministe et bobo qui veut remodeler le monde de l’entreprise à l’aune des mantras progressistes contemporains : parité, féminisme et inclusion. Le mâle blanc David Doucet a fait les frais de son intransigeance. Mais de la communication à la gestion d’un organisme de presse, il y a un pas qu’elle ne saurait franchir ; les ventes des Inrocks et Têtu ont plongé sous sa direction. Qu’à cela ne tienne, elle fonde dans la foulée une agence de conseil en communication spécialisée en « gestion de crise, ainsi que la promotion de l’égalité femmes-hommes, de la diversité et de l’inclusion ».
Formation
Élisabeth Laborde est titulaire d’une licence de droit public, puis d’une maîtrise en sciences politiques obtenue à l’Université Toulouse I Capitole et d’un master 2 en droit des média en spécialité droit de la presse glané au sein de ce même établissement.
Parcours
Elle débute en tant qu’attachée de presse essais et documents aux éditions Plon en 2007. Elle est amenée à collaborer dans le cadre de cette activité avec le banquier et patron de presse Matthieu Pigasse qui y publie son premier livre Le Monde d’Après en 2009. Le courant passe, tant et si bien que celui-ci lui offre le poste de responsable presse et relations aux Inrocks en 2010. De 2013 à 2017, elle enchaîne diverses expériences dans la presse (dircom de Libération entre 2013 et 2014) et l’administration publique (conseillère presse du secrétaire d’Etat au numérique entre 2014 et 2015 ; dircom de l’Ina entre 2015 et 2017).
Elle revient dans le giron de l’empire Pigasse pour enfiler une double casquette de secrétaire générale des Nouvelles Editions Indépendantes (qui regroupe tous les actifs de Pigasse dans la presse et l’événementiel) et de directrice générale des Inrocks. Elle soutient la une consacrée à Bertrand Cantat contre l’avis d’une partie de la rédaction. Ce sera son pêché originel et elle n’aura de cesse de redorer par la suite le blason féministe du journal pour revenir en grâce aux yeux du lectorat jeune et féminin.
En décembre 2017, elle est chargée de mettre en place un plan de rupture conventionnelle collective qui équarrit la rédaction : plus de trente journalistes sont priés d’aller voir ailleurs, soit 30% de l’effectif total hors pigistes. Elle est également forcée d’accepter un plan de départs volontaires un an plus tard alors que les finances des Inrocks sont toujours autant dans le rouge. En février 2019, suite à un article à charge de Libération, elle lâche complètement le rédacteur en chef David Doucet accusé d’appartenir à la Ligue du Lol. Une enquête approfondie de NextInpact prouvera toutefois que Doucet est simplement coupable.d’avoir participé à un canular téléphonique dirigée contre une journaliste six ans avant les faits. Ne pouvant risquer une seconde affaire Cantat, Doucet est mis à pied avec fracas et Marie Kirschen, féministe intersectionnelle irréprochable, est nommée à sa place. Dans une déclaration d’intention publiée peu de temps après les faits sur le site, la rédaction s’engage à garantir que « les valeurs d’inclusion soient inscrites dans nos pratiques et notre fonctionnement. » Même si Laborde fait pénitence, il n’en reste pas moins qu’elle échoue à enrayer la baisse des ventes. Elle est licenciée en 2019 et rejoint la direction de la rédaction de Têtu, une autre tête de pont du journalisme libéral-libertaire, en février 2020. Celle-ci est chargée à valoriser l’image de marque en suivant la stratégie de diversification dans les contenus et l’évènementiel voulue par l’actionnaire majoritaire Albin Serviant, qui s’inspire en cela des médias communautaires anglo-saxons comme Attitude : création d’une boutique en ligne, d’un festival ou d’un forum inter-entreprises Têtu Connect pour sensibiliser les salariés aux thématiques LGBT. Le Covid balaie évidemment tout cela sur son passage et Laborde quitte le magazine en 2020 pour fonder son agence de conseil en communication, même si elle n’est jamais restée plus de trois ans dans la même entreprise.
Parcours militant
Selon Le Monde, « Jean-Marc Lalanne, promu directeur de la rédaction fin 2018, disait former avec la directrice générale, Élisabeth Laborde, nommée mi-2017, un « binôme paritaire hypersensible aux questions d’égalité et de diversité ». Les Inrocks sont également hypersensibles au catholicisme, surtout lorsque des fidèles vendéens protestent contre la tenue du concert de métal Hellfest. Le journaliste Nicolas Mollé dresse un réquisitoire de l’association « Provocs Hellfest » où l’association est présentée comme « une secte » et ses membres comme « homophobes et racistes ». L’association porte plainte en diffamation contre Élisabeth Laborde et Nicolas Mollé en septembre 2017. La cour d’appel de Rennes juge la plainte irrecevable en janvier 2019 au motif qu’une association ayant moins de cinq ans d’existence ne peut intenter d’action en justice. Mais la Cour de cassation annule cette décision un an plus tard, estimant que le juge d’instruction doit poursuivre son enquête. Élisabeth Laborde n’est donc pas encore officiellement tirée d’affaires.
Sa nébuleuse
- Matthieu Pigasse : il la repère chez Plon pour lui donner les plus hautes fonctions dans sa holding. C’est elle qui gère personnellement sa communication alors qu’elle est secrétaire générale des Nouvelles Editions Indépendantes.
- Marie Kirschen : elle est la première à profiter de l’éviction de David Doucet lui succédant dans sa fonction. C’est sur elle que Laborde espérait refonder l’identité du journal, mais elle sera obligée de quitter ses fonctions en septembre 2020.
- Romain Burrel : Journaliste-pigiste aux Inrocks spécialisé dans les questions LGBT+, elle le retrouve lors de son transfert à Têtu dont Burrel est directeur de la rédaction depuis 2017.
- Laurent Vallet : PDG de l’INA depuis 2015, c’est lui qui la nomme à son poste. Il est reconduit en 2020 et cette dernière le félicite sur Twitter.
Elle l’a dit
« Le travail effectué par Les Inrockuptibles dans son traitement de l’actualité de la culture et de la société œuvre dans le sens de la tolérance, de l’ouverture, de l’entendement et la défense des formes les plus particulières de sensibilités. Enfin, ces épisodes dramatiques doivent être aussi l’occasion d’une réflexion sur la manière dont le pouvoir est réparti et s’exerce dans les rédactions. Un travail de vigilance est mené aujourd’hui aux Inrocks pour que ces valeurs d’inclusion soient inscrites dans nos pratiques et notre fonctionnement. », Les Inrocks, 12/02/2019.
« Pourquoi un tel choix éditorial ? Élisabeth Laborde, directrice générale des Inrocks, explique à L’Express avoir préféré utiliser “le support digital pour être plus réactifs et mieux relayés.” “En l’espèce, le traitement sur le digital nous a semblé plus approprié. Il permet de diffuser un texte plus rapidement et avec un maximum de relais.” », L’Express, 21/02/2019.
« On a un problème de libération de la parole dans les entreprises. », France Inter, 07/03/2019
« Alors, je pense qu’il y a des synergies qui vont se faire très vite avec le groupe SOS. Elles peuvent porter sur plusieurs sujets, moi celle qui me vient en premier c’est Têtu Connect, qui est le premier forum à réunir des entreprises autour des sujets de valorisation des talents LGBT. C’est vrai que le groupe SOS est aussi très en pointe sur les questions liées à la diversité et à la lutte contre les inégalités. », Résidence Creatis, 10 juillet 2020.
Ils l’ont dit
« Lui aussi s’est livré, au siège de Lazard toujours, sous le regard complice de celle qui gère sa communication, Élisabeth Laborde. « Ça le rassure que je sois là », disait la jeune femme, également secrétaire générale de son groupe de presse, Les Nouvelles Éditions indépendantes, et nouvelle directrice des Inrocks. Elle écoutait. », Vanity Fair, 18/10/2018.
« Hoog a eu au passage un mot doux pour Elisabeth Laborde, patronne des Inrocks : “Il va falloir être inventif, stopper l’érosion des ventes”. », lettre d’un salarié anonyme des Inrocks publiée sur l’Ojim, 16/06/2019.
« Sur WhatsApp, Doucet écrit à un ancien des Inrocks qu’« Élisabeth m’a dit que j’avais bien fait de m’excuser, qu’il n’y avait pas mort d’homme (et) que pour elle la polémique me concernant était close ». À Jean-Marc Lalanne, il écrit qu’« Élisabeth a été très sympa au téléphone, j’ai de la chance de vous avoir tous les deux ».
À quoi Élisabeth Laborde, lors de cet entretien, lui répondit : « Quand tu m’as téléphoné, j’ai tout de suite senti que tu étais en panique, et j’ai essayé de te calmer. Je n’avais pas encore connaissance de tous les faits ».
Le lendemain matin, lundi 11 février, changement de ton. Doucet reçoit à 7h39 un SMS d’Élisabeth Laborde le convoquant à 10h. À 8h12, un email l’informe qu’il ne fait plus partie des administrateurs du compte Facebook des Inrockuptibles. À 10h, Laborde lui demande s’il avait songé à démissionner, avant de lui proposer de signer une rupture conventionnelle, au motif que « notre rapport aux femmes est trop fragile, en référence à la couverture que le journal avait faite avec Bertrand Cantat », comme il l’a depuis raconté à Marianne. », NextInpact, 25/02/2020.
« Deux attestations et plusieurs témoignages, évoquant des propos tenus par de hauts responsables des Inrocks, imputent notamment le licenciement, en juillet 2019, d’Élisabeth Laborde, à sa « gestion désastreuse de l’affaire de la Ligue du LOL ». L’ex-patronne du magazine avait validé la fameuse couverture consacrée à Bertrand Cantat – que Doucet avait contestée – avant de décider de le licencier au motif que son nom figurait dans la liste des membres de la Ligue du LOL.
Lui était également reproché le fait qu’elle n’avait fait « aucune enquête interne avant d’acter son licenciement », alors qu’« elle s’est précipitée opportunément sur cette affaire pour licencier Doucet avec qui elle avait un ancien différent », tout en faisant fuiter dans la presse son licenciement. À l’en croire, il s’agirait d’une « vengeance personnelle » de sa part, et qu’« avec un autre directeur à la tête du journal, David Doucet n’aurait pas été licencié », Ibid