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François Ruffin

12 mars 2025

Temps de lecture : 16 minutes
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François Ruffin

Temps de lecture : 16 minutes

Petit père des pauvres

« Per­dre les ouvri­ers, pour la gauche, cest per­dre son âme », France Inter, 08/07/2024.

La vie et l’œuvre de François Ruf­fin sont indis­so­cia­bles de la ville d’Amiens, local­ité qui l’a vu pass­er de vendeur de jour­naux à la criée à député de la Nation, désor­mais bien cam­pé dans sa cir­con­scrip­tion de la Somme cernée par les ter­res fron­tistes. Tel un haut-par­leur vivant, Ruf­fin réper­cute depuis plus de vingt ans dans les médias les doléances des ouvri­ers et des tra­vailleurs pré­caires tout en déploy­ant avec brio les modal­ités de l’agit-prop gauchiste (« Nuit Debout », « La Fête à Macron »). De coups d’éclats en coups d’éclats, comme une mouche facétieuse autour du bœuf, des étu­di­ants petit-bour­geois du CFJ à Bernard Arnault, l’homme a su se choisir les bons enne­mis (de classe) pour s’attirer la lumière et fédér­er lente­ment autour de lui le petit peu­ple déclassé et l’intelligentsia d’extrême-gauche. Le tout en con­ser­vant jalouse­ment son autonomie finan­cière assurée par le suc­cès pub­lic inat­ten­du de ses doc­u­men­taires. Le fon­da­teur de Fakir, en plus d’être la Némé­sis picarde d’Emmanuel Macron, devient le pen­dant de gauche d’Eric Zem­mour, lui aus­si ex-jour­nal­iste aux ambi­tions lit­téraires élevées, peu à peu séduit par la con­quête du pou­voir suprême.

Né le 28 octo­bre 1975, il est le fils de Mar­tine Coquem­pot, issue d’une famille de com­merçants de Zutk­erque dans le Pas-de-Calais, et de Jean-Claude Ruf­fin, diplômé de l’Institut nation­al agronomique de Paris, qui fut directeur des ser­vices agronomiques de la plus grande usine d’Europe pour le groupe agroal­i­men­taire français Bon­du­elle, opérant dans le secteur de la con­serve de légumes. La famille Ruf­fin fait l’acquisition d’un pavil­lon à Hen­riv­ille, le quarti­er bour­geois d’Amiens.

Sa sœur, Lau­rence, fut sco­lar­isée à La Prov­i­dence dans la même classe qu’Emmanuel Macron tout au long de ses années de col­lège. Passée par la classe pré­para­toire de Louis-Le-Grand et l’Essec, cette dernière est aujourd’hui PDG de la Scop Alma, spé­cial­isée dans l’édition de logi­ciels infor­ma­tiques, près de Greno­ble. Par ailleurs, elle pré­side égale­ment l’Union régionale des Scop Auvergne-Rhône-Alpes.

Formation

Le jeune Ruf­fin est d’abord sco­lar­isé à La Prov­i­dence, étab­lisse­ment privé catholique, lors de ses années col­lège-lycée. Dépres­sif et en révolte con­tre cet univers bour­geois et policé, ses cama­rades le qual­i­fient de « cul-terreux ».

Après son bac­calau­réat, il s’engage dans des études de Let­tres mod­ernes à l’université Jules Verne d’Amiens. Déjà doué d’une sen­si­bil­ité cri­tique vis-à-vis des dis­cours médi­a­tiques, son mémoire de maîtrise de let­tres a pour titre « l’usage du dis­cours rap­porté dans les ques­tions aux hommes poli­tiques dans les JT de France 2 pour la cam­pagne lég­isla­tive de 1997 ». Par la suite, une amie de Fakir lui trou­ve un stage au ser­vice Économie et société de Libéra­tion. Afin de ras­sur­er ses par­ents, le jeune homme se résout à pass­er les con­cours d’entrée aux prin­ci­pales écoles de jour­nal­isme et intè­gre le CFJ de Paris en sep­tem­bre 2000.

Parcours professionnel

  • 1998 — 1999 : séjour esti­val en Biélorussie où l’accompagne un ami de la fac­ulté. Il y médite des sujets d’articles pen­dant l’été, puis il met le cap pour le Texas où il résidera pen­dant un an en tant qu’enseignant-chercheur dans le cadre d’un parte­nar­i­at académique avec l’université d’Austin.
  • 1999 : crée la revue Fakir peu après son retour du Texas endécem­bre 1999 et en imprime le pre­mier numéro, com­prenant un compte-reportage sur le zoo de la ville, à cinq cents exem­plaires. Durant ses pre­mières années de pub­li­ca­tion, le jour­nal va pren­dre par­ti, par­fois de façon très vir­u­lente et sys­té­ma­tique, con­tre la munic­i­pal­ité UMP d’Amiens.
  • 2003 : débute sa col­lab­o­ra­tion avec Le Monde diplo­ma­tique et Acrimed. Sol­lic­ité par Daniel Mer­met, qui le presse d’intégrer son équipe de reporters à « Là-bas si j’y suis » sur France Inter. Il décline l’offre dans un pre­mier temps.
  • 2006 : dit oui à Mer­met et reste sept ans à men­er des reportages soci­aux sous les ordres d’un patron réputé dif­fi­cile, dont il gagne peu à peu l’estime.
  • 2008 : con­damné en diffama­tion à la suite de la pub­li­ca­tion de son livre, Quarti­er Nord, con­tenant des por­traits peu flat­teurs d’habitants, majori­taire­ment immi­grés, de cette ban­lieue d’Amiens.
  • 2009 : Fakir accède à une dif­fu­sion nationale.
  • 2016 : il est l’instigateur de la man­i­fes­ta­tion « Nuit Debout », place de la République à Paris. La même année, son doc­u­men­taire, Mer­ci Patron !, un doc­u­men­taire cri­tique et satirique qui suit une famille qui a per­du son emploi chez un four­nisseur de LVMH est récom­pen­sé par le César du meilleur documentaire.
  • 2017 : élu à l’Assemblée nationale en tant que député de la pre­mière cir­con­scrip­tion de la Somme à la faveur d’une cam­pagne menée tous azimuts, débor­dant de moyens et de bénév­oles venus de toute la France (spec­ta­cles de mar­i­on­nettes, con­cert du groupe Tryo, dis­tri­b­u­tion d’exemplaires de Fakir et de DVD de Mer­ci Patron !).
  • 2019 : pre­mières révéla­tions de Medi­a­part quant à l’opération de sur­veil­lance ini­tiée par LVMH dont il aurait été la cible pen­dant le tour­nage de Mer­ci Patron ! entre 2013 et 2016. Le géant du luxe aurait investi plus de 2 mil­lions d’euros à ces fins pen­dant cette période.
  • 2022 : il est recon­duit dans ses fonc­tions à l’Assemblée et doit céder la prési­dence de Fakir à un proche collaborateur.

Parcours militant

Mu d’une sen­si­bil­ité de gauche anti-libérale affir­mée, Ruf­fin est « struc­turé par la lutte des class­es ».

L’homme n’a jamais adhéré à aucun par­ti. Il con­fesse seule­ment avoir cotisé à l’Association pour la tax­a­tion des trans­ac­tions finan­cières et pour l’action citoyenne (Attac) après avoir décou­vert son lance­ment, en 1998, en lisant Le Monde diplo­ma­tique.

Con­cer­nant ses préférences élec­torales, il s’est livré au jour­nal­iste de Libéra­tion Rachid Laïreche en 2021: « Je vote tou­jours bien à gauche, donc jamais pour le Par­ti social­iste au pre­mier tour. J’ai fait du Laguiller et du Besan­cenot. Depuis 2012, j’ai opté pour Mélen­chon. J’ai tou­jours voté pour des minori­taires ».

Fort du sou­tien de La France insoumise, des com­mu­nistes, d’Europe Écolo­gie-Les Verts et d’Ensemble, le can­di­dat de Picardie debout !, le mou­ve­ment qu’il a créé, lance sa cam­pagne dans la com­mune de Flix­e­court, le 17 févri­er 2017, avec de la musique, des chants et des marionnettes.

Par­ti avec 10 points de retard face au représen­tant local de Macron, un cer­tain Nico­las Dumont, François Ruf­fin est finale­ment élu avec 4 000 voix d’avance.

De son pro­pre aveu, il utilise plus l’Assemblée nationale comme une caisse de réso­nance que comme un moyen de con­cré­tis­er ses textes de lois. Aus­si, la majorité de ses propo­si­tions, por­tant notam­ment sur les con­di­tions de tra­vail des aux­il­i­aires de vie et des femmes de ménages de l’Assem­blée, le burn-out en entre­prise, la pré­car­ité étu­di­ante ou les salaires des plus rich­es, sont révo­quées par la majorité présidentielle.

Cinq ans plus tard, c’est en tant que non-inscrit que François Ruf­fin est d’abord présen­té sur le trom­binoscope de la nou­velle Assem­blée nationale. Après la rup­ture con­som­mée avec La France insoumise (LFI), le député réélu décide finale­ment de se ral­li­er aux écol­o­gistes afin de ne pas rester isolé et béné­fici­er d’un temps de parole plus important.

À la suite de la dis­so­lu­tion sur­prise de l’Assemblée en juil­let 2024, il ne con­serve son siège que de justesse et ne doit sa survie poli­tique qu’au retrait de la liste de la majorité prési­den­tielle pen­dant l’entre-deux tours.

Publications choisies

  • 2003 : Petits sol­dats du jour­nal­isme, Les Arènes.
  • 2007 : Quarti­er Nord, Fayard.
  • 2008 : La guerre des class­es, Fayard.
  • 2019 : Ce pays que tu ne con­nais pas, Les Arènes.
  • 2019 : Il est où le bon­heur, Les Liens qui libèrent.
  • 2020 : Leur folie, nos vies : la bataille de l’après, Les Liens qui libèrent.

Filmographie

En tant que réalisateur

  • 2016 : Mer­ci Patron !
  • 2020 : J’veux du soleil (co-réal­isé avec Gilles Perret)
  • 2021 : Debout les femmes ! (co-réal­isé avec Gilles Perret)
  • 2024 : Au boulot ! (co-réal­isé avec Gilles Perret)

Ce qu’il gagne

Le tri­om­phe inespéré de Mer­ci Patron ! (qui a rap­porté 3 110 030 euros pour un film ayant coûté au départ 158 000 euros) a rap­porté des cen­taines de mil­liers d’euros à François Ruf­fin (si l’on addi­tionne tous les droits perçus), à la fois prin­ci­pal action­naire de la société de pro­duc­tion Les Qua­tre Cents Clous, co-pro­duc­teur à titre indi­vidu­el, réal­isa­teur, scé­nar­iste, auteur et acteur du film. À ces émol­u­ments, il faut ajouter les béné­fices de l’association Fakir via les abon­nements au jour­nal ou la vente de DVD et de pro­duits dérivés.

En 2017, l’homme avait omis de men­tion­ner dans sa déc­la­ra­tion de pat­ri­moine la société qu’il avait créée afin de recevoir les droits d’auteurs per­son­nels de Mer­ci Patron !.

En tant que député, François Ruf­fin perçoit 7 209,74 euros brut men­su­el, soit 5 800 euros net. Toute­fois, il hon­ore sa promesse de cam­pagne de se pay­er au SMIC. Un an près son élec­tion, il con­firme à Mar­i­anne se vers­er 1 100 euros par mois sur son compte et don­ner la majorité de sa rémunéra­tion nette (3000 euros) à des associations.

Il l’a dit

« À leurs côtés, jai con­nu la marche peu tri­om­phale dun fan­tassin de linfor­ma­tion. Jai acquis les réflex­es de survie, pour inté­gr­er les médias et gag­n­er ses galons : recopi­er lAFP, pro­duire vite et mal, imiter les con­cur­rents, cri­ti­quer les livres sans les lire, ne surtout plus penser, trem­bler devant sa hiérar­chie. Une vie de caserne trép­i­dante, où se décou­vre ce jour­nal­isme insipi­de, aéfepéisé, rou­tin­isé, markétisé, sans risque et sans révolte, dépourvu de toute espérance, qui étouffe les rédac­tions de sa pesan­teur », extrait de Les petits sol­dats du jour­nal­isme, repro­duit par Acrimed, 15/03/2003.

« Que les choses soient dites sans fausse mod­estie : je suis l’un des meilleurs jour­nal­istes engagés de ce pays. », Let­tre aux fakiriens, 2 mai 2013.

« Sans me van­ter, et il ny a pas de quoi, dailleurs, sen van­ter, mais jai con­nu ça, des années durant, la médi­ocrité, la nul­lité, le sen­ti­ment de n’être rien et de ne rien val­oir, des années de dépres­sion, de dépré­ci­a­tion, une merde, juste une merde, et lenvie den finir. Je con­nais ça encore, à locca­sion, des failles, des rechutes. Jen tire une force, de toutes ces faib­less­es : lempathie. Dans les blessures des autres, jentends mes blessures. », Ce pays que tu ne con­nais pas, Les Arènes, 2019.

« Je revois ma biogra­phie à tra­vers ces quelques pages [Le Racisme de l’intelligence de Pierre Bour­dieu, ndlr], mon par­cours, mais aus­si com­ment je mute. Je lis Char­lie Heb­do, Cavan­na, qui sont peut-être en train de me trans­former à leur insu en « raciste » social. J’étais en train de renier les orig­ines pop­u­laires qui sont les miennes en reje­tant le foot, le camp­ing, le bob Ricard, la chas­se, l’accordéon. J’étais en train de devenir un con­nard de gauche, un snob, et là, Bour­dieu est en train de me dire « réc­on­cilie-toi ». Au fond, depuis la lec­ture de ce texte-là, j’ai peu changé. Poli­tique­ment, le cœur est là. Mon socle, aus­si. », Rachid Laïreche, « François Ruf­fin, la revanche des bouseux », Les Arènes, 2021.

« Nous sommes là pour renouer avec l’histoire, la grande his­toire du mou­ve­ment ouvri­er. Quelle est-elle ? C’est à la fois la fierté du tra­vail, la dig­nité par le tra­vail, gag­n­er sa vie en tra­vail­lant, et en même temps, libér­er du temps hors-tra­vail. C’est la fin du tra­vail des enfants, et nous avions déjà les mêmes, alors, vos ancêtres, qui cri­aient à la paresse, à la com­péti­tiv­ité. C’est le con­gé mater­nité. C’est le dimanche chômé. C’est le same­di à l’anglaise. Ce sont les con­gés payés. C’est la retraite, cette « nou­velle étape de la vie ». Et c’est enfin, en 1982, la retraite à 60 ans… […] Parce que c’était le sens de l’histoire. Et c’est avec cette his­toire que nous devons renouer. Une his­toire où le tra­vail, le tra­vail néces­saire, le tra­vail qui émancipe, où le tra­vail se marie avec le droit au repos, le droit aux loisirs, le droit à l’oisiveté, que tra­vail et repos se mêlent, s’épousent, pour accouch­er d’un bel enfant : le bon­heur », dis­cours pronon­cé à l’Assemblée nationale, 07/02/2023.

Vie privée

Il est père de deux enfants: Joseph, né en 2006 et Ambre, née en 2008. Entre 2013 et 2018, il fut le com­pagnon de la coor­di­na­trice générale de Fakir, Johan­na Silva.

Sa nébuleuse

  • Gilles Per­ret, co-réal­isa­teur de ses doc­u­men­taires. Ruf­fin fait sa ren­con­tre en 2005 lors d’un reportage pour Là-bas si j’y suis devant le Tun­nel du Mont Blanc.
  • Vin­cent Bernardet, assis­tant par­lemen­taire et ancien de Fakir. Il rompt avec son men­tor lors de l’entre-deux tour des municipales
  • Johan­na Sil­va, ex-étu­di­ante de Sci­ences-Po Lille, elle a 25 ans lorsqu’elle ren­con­tre le jour­nal­iste. Employée comme boulangère avant d’intégrer Fakir, elle sera sa com­pagne pen­dant cinq ans avant d’accumuler les cas­quettes : pro­duc­trice du film Mer­ci Patron ! via la société Les Qua­tre Cent Clous créée pour l’occasion, organ­isatrice de « Nuit debout », attachée par­lemen­taire. Elle lève le voile sur sa rela­tion faite d’« emprise » et de « dom­i­na­tion mas­cu­line » avec Ruf­fin dans un livre, paru en 2024.
  • Fabi­an Lemaire, illus­tra­teur, il est le directeur de pub­li­ca­tion de Fakir depuis l’été 2022.
  • Olivi­er Azam, vidéaste, cadreur de Mer­ci Patron !.
  • Ses deux mod­èles en jour­nal­isme, Serge Hal­i­mi, qu’il ren­con­tre après une con­férence à l’université d’Amiens (« C’est un timide plein d’audace qui s’est mis en marche depuis longtemps, mais dans la bonne direc­tion ! ») et François Cavan­na, son « héros », dont le por­trait était affiché au mur de sa cham­bre d’adolescent, qu’il ren­con­tre à la bib­lio­thèque munic­i­pale d’Amiens .
  • Lau­rent Bec­ca­ria, fon­da­teur de la mai­son d’édition des Arènes et son pre­mier éditeur.
  • Me Ben­jamin Sar­fati, son avo­cat et ami.
  • Olivi­er Legrain, mul­ti-mil­lion­aire proche des courants d’extrême-gauche. Il envis­age une can­di­da­ture Ruf­fin en 2027.

Ils ont dit

« Dans ce réquisi­toire, nous ne recon­nais­sons ni notre école, ni notre enseigne­ment. Ni nous-mêmes. Et l’outrance des invec­tives nous estom­aque. «Entre­prise d’abrutisse­ment», le CFJ met­trait en oeu­vre, selon François Ruf­fin, une mécanique d’« asphyx­ie cérébrale » qui pré­pare des étu­di­ants serviles à célébr­er le vide dans un mépris du pub­lic. La descrip­tion, déli­rante, nous ferait hurler de rire si les lecteurs des Petits Sol­dats du jour­nal­isme, et des médias qui s’en font l’é­cho, ne la pre­naient pour argent comp­tant », tri­bune d’ex-étudiants du CFJ, Libéra­tion, 2003.

« La péri­ode la plus som­bre a lieu au col­lège. François Ruf­fin racon­te qu’il se fait traiter de « bouseux », de « péquenot ». Il n’est pas né du bon côté de la bour­geoisie. Il refuse d’intégrer les codes. Pas de vête­ments de mar­que. Les con­flits sont nom­breux. Des mots, des coups, il perd sou­vent », Rachid Laïreche, François Ruf­fin, la revanche des bouseux, Les Arènes, 2021.

« C’est un être très tour­men­té, c’est un hyper­sen­si­ble. Ça le rend atten­dris­sant. Il ne fait pas sem­blant de souf­frir, il a une douleur en lui. Il est con­stam­ment au bord de la falaise », Jean-Luc Mélen­chon, Ibid.

« Tu vois, moi, je suis un pro­lo et François un petit bourge, c’est comme ça. Dans notre camp poli­tique, j’ai croisé des tonnes de bour­geois qui se pren­nent pour des pro­los, et ce n’est pas son cas. J’apprécie ça. C’est une belle qual­ité. », Daniel Mer­met, Ibid.

« Et, finale­ment, François Ruf­fin n’est-il pas lui aus­si devenu un patron ? Fakir a, certes, encore le statut d’association loi de 1901, mais engrange un joli petit chiffre d’affaires puisqu’il vend des jour­naux, des livres courts édités par sa pro­pre mai­son d’édition (Fakir Édi­tions), des pro­duits dérivés (tee-shirts, affich­es, DVD…). En 2016, la struc­ture a con­nu un tour­nant majeur avec la pro­duc­tion de films, dont le pre­mier sera un suc­cès au box-office. Avec Mer­ci Patron !, les caiss­es du jour­nal se sont rem­plies d’un coup. En mars 2017, les comptes affichaient un sol­de posi­tif de 653 978 euros. », Mérième Alaoui, François Ruf­fin ou l’ascension d’un oppor­tuniste, Robert Laf­font, 2021.

« Le fer­vent défenseur des salariés, des ouvri­ers en par­ti­c­uli­er, s’avérait en effet être un patron dur à vivre, une sorte d’« essoreuse » qui ne con­naî­trait pas « le droit à la décon­nex­ion » et qui paierait mal ses employés d’abord à Fakir, puis à l’Assemblée nationale », Ibid.

« Il me traitait ain­si sim­ple­ment car j’ai un nom à par­tic­ule, c’est vrai­ment ridicule. C’est de la mesquiner­ie, ce n’est pas de l’intelligence. S’il est encore sur la lutte des class­es, il est en retard, quand même ! », Gilles de Robi­en, ancien maire UMP d’Amiens, Ibid.

Sur la pub­li­ca­tion de son enquête Quarti­er Nord : « Pour recueil­lir toutes ces bribes de vies cassées, ces con­fi­dences si pré­cieuses, François Ruf­fin était prêt à aller plus loin que les sim­ples ser­vices ren­dus. Avec un bud­get qui sem­ble illim­ité, il n’hésite pas, comme il le racon­te lui-même dans l’ouvrage, à sor­tir sa carte bleue ou son car­net de chèques pour racheter la Game Boy cassée du fils de Zoubir ou éponger ses dettes chez Finaref. Il ira jusqu’à acheter de la drogue pour un témoin en manque et facilit­era même sa revente au détail. », Ibid.

« Quand on allait boire des coups, lui cour­rait gare du Nord repren­dre son train pour Amiens, relève Christophe Chohin, rédac­teur en chef adjoint à France 3, issu de la même pro­mo. Alors qu’on pou­vait prof­iter de la vie après les cours, lui avait son canard à sor­tir. C’était un bosseur. », Les Jours, 03/03/2024.

« Aujourd’hui, et c’est évidem­ment tant mieux, un mec qui frappe sa femme, ça ne passe pas, tout le monde con­damne, et lui sait qu’il fait une énorme con­ner­ie. Col­lec­tive­ment, on est tous d’accord pour dire que c’est inac­cept­able. Par con­tre, quand Ruf­fin me traite avec un com­porte­ment que j’estime être d’une cer­taine bru­tal­ité, ce n’est pas quelque chose qui va être pen­sé comme vio­lent. Pas assez pour être con­damné, en tous les cas. Je pense quand même que lui sait qu’il a décon­né, qu’il a été vio­lent », Johan­na Sil­va, Medi­a­part, 24/07/2024.

« Bien sûr, il s’est inspiré de Michael Moore. Il a longtemps bass­iné ses invités en leur dif­fu­sant Roger et Moi (1989), où le réal­isa­teur du Michi­gan pour­chas­se le patron de Gen­er­al Motors comme Ruf­fin pour­suiv­ra le tycoon de LVMH. Il appré­cie aus­si Ken Loach et Stephen Frears. Et de tacler la gri­saille édi­fi­ante du ciné social français. […] Il y a chez Ruf­fin un côté canaille et arnaque­ur. Il aimait les can­u­lars radio­phoniques de Jean-Yves Lafesse et a suivi son exem­ple. Il se présente en Robin des bois. Mais on ressent aus­si chez lui des façons d’Arsène Lupin, une jubi­la­tion à se déguis­er et à racon­ter des craques. Il détourne sans ver­gogne des con­cepts d’émission de télé-réal­ité pour les met­tre au ser­vice de son pro­pos. Dans Au boulot ! cela oscille entre Vis ma vie et Ren­dez-vous en terre incon­nue. Voici son pro­jet : Il s’agit de faire mil­i­tant sans faire chi­ant », Libéra­tion, 04/11/2024.

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