L’inclassable : « Je suis illisible… »
Frédéric Taddeï est né en janvier 1961. Son père est un banquier d’origine italienne, sa mère, femme au foyer, est lorraine. Frédéric Taddeï a deux sœurs, Marie-Isabelle et Sandrine, avec qui il travaille depuis des années à la préparation de ses émissions. Il est depuis 1994 le compagnon de l’actrice Claire Nebout. L’écrivain Marc-Edouard Nabe est le parrain de leur fils.
Après avoir animé quatre ans l’émission vedette de RT, Interdit d’interdire, il se met en retrait en février 2022 devant le conflit ukraino-russe. Après un an de mise au vert médiatique, il est de retour sur les ondes de CNews pour incarner une certaine idée du débat et du pluralisme.
Portrait vidéo
Formation universitaire
Frédéric Taddeï n’a aucune formation. Il dit avoir recommencé six fois une première année universitaire, dans différentes disciplines (deux ans de droit, histoire, sémiologie).
Parcours professionnel
Dix ans de pérégrinations ont suivi son bac. Dix ans pendant lesquels il voyage et se cultive. Après quoi, se considérant comme ayant été jusqu’à lors un « touriste dans sa propre vie », il lance la revue Maintenant en 1990, reprenant (fait exprès ou non) le même titre que celle qu’avait fondée le boxeur poète Arthur Cravan au début du 20ème siècle (Maintenant, 5 numéros de 1912 à 1915). Repéré par l’homme de presse Jean François Bizot (1944–2007), il débute à Radio Nova avant de piger pour le Magazine Actuel, le magazine branché des années 70 et 80 qui disparaitra en 1994. Il fréquente un temps L’Idiot International, journal pamphlétaire culte de l’avant-garde et de la contre-culture, avant que son directeur de publication, Jean-Edern Hallier, ne soit contraint de mettre la clé sous la porte suite à de multiples condamnations judiciaires (février 1994).
En 1994, à Canal+, il présente une chronique littéraire pour l’émission « Nulle Part Ailleurs », même s’il le nie aujourd’hui en affirmant qu’il s’est toujours refusé à l’exercice de la chronique.
En 1998, Thierry Ardisson lui cède l’émission « Paris Dernière » sur la chaine Paris Première. Caméra au poing, il filme la nuit parisienne et les adresses branchées de la capitale. Le format de l’émission est tout à fait novateur, réalisé entièrement en caméra subjective, et détournant les codes du reportage. De cette émission, il estime alors qu’elle est la seule à pouvoir offrir dans trente ans, un portrait de ce que furent les années 2000. Ses premières années dans le monde du journalisme et de la télévision sont donc signées par le sceau de l’avant-garde et de la nouveauté.
S’en suit « D’art d’art » à partir de 2000, un programme d’une minute trente présenté sur France 2, où il relève le pari d’intéresser le spectateur à l’histoire d’une œuvre d’art. On lui reconnait le mérite d’avoir inventé un nouveau genre, dans lequel le spécialiste et l’érudit, d’ordinaire mis en avant, cèdent la place à l’amateur. L’émission est suivie par quelques cinq millions de français chaque semaine.
En 2005, il anime sur Europe 1 « Regarde les hommes changer », émission d’une heure avec un seul invité qui devient « Regarde le monde changer » en 2009 et ne dure plus que quinze minutes.
En 2006, il lance sur France 3 une émission quotidienne, « Ce soir (ou jamais !) » dans laquelle il invite des intellectuels et des artistes à débattre de l’actualité. À ce sujet, il déclare qu’il souhaite « rétablir la démocratie dans cet univers qu’est la télévision ».
En septembre 2010, Frédéric Taddeï tient, dans le Figaro Magazine, ses « carnets de voyageur moderne ». De 2010 à 2011, il présente sur Europe 1 « Le Débat des grandes voix ». A la rentrée 2011, « Ce soir (ou jamais !) » passe à un rythme hebdomadaire. Taddeï quitte définitivement Europe 1 pour France Culture et présente l’émission « Tête-à-tête » dans laquelle il échange avec son invité pendant une heure, le dimanche à 17h. La même année, il remplace Frédéric Beigbeder dans le magazine GQ, son rôle consistant alors à interroger des personnalités dans un restaurant. Il devient en outre le « monsieur cinéma » de France 3, le jeudi soir, en présentant « La grande soirée cinéma ».
En octobre 2011, Taddeï lance dans l’ombre de « Ce soir (ou jamais !) » un pure player intitulé Newsring, pour lequel il obtient une levée de fond record pour un site participatif : 3,5 millions d’euros. L’objectif est de créer un véritable site de débat où la parole n’est confisquée par personne.
En mars 2013, l’émission passe sur France 2.
Frédéric Taddéï est l’objet de polémiques récurrentes. Il lui est régulièrement reproché d’inviter à son émission des personnalités « contestées » ou « sulfureuses », telles que Marc-Edouard Nabe, Tariq Ramadan, Dieudonné M’Bala M’Bala, Alain Soral ou Alain de Benoist. Le 15 septembre 2009, suite au scandale créé par le comédien et réalisateur Mathieu Kassovitz qui remet en question l’interprétation officielle des attentats du 11 septembre 2001 sur le plateau de « Ce soir (ou jamais !) », une petite cabale médiatique se développe, visant à supprimer son émission, dont Taddéï ressort néanmoins indemne. Deux ans plus tard, son émission cessera cependant d’être quotidienne pour devenir hebdomadaire.
En mars 2013, invité dans l’émission « C à vous » à l’occasion du transfert de son émission de France 3 à France 2, le journaliste Patrick Cohen [portrait] lui reproche d’inviter « des gens qu’on n’entend pas ailleurs [mais] aussi des gens que les autres médias n’ont pas forcément envie d’entendre ». « Est-ce que vous continuerez à inviter Tariq Ramadan, Dieudonné, Alain Soral ? » lui demande Cohen. « Vous, vous faites le journal, vous ne faites pas une émission de débats intellectuels, lui répond Taddéï. Je suis sur le service public, ce n’est pas à moi d’inviter les gens en fonction de mes sympathies ou de mes antipathies ». Mais l’allusion au service public ne trouble pas Cohen, lequel officie sur France Inter, qui réplique : « ce n’est pas une question de sympathie ou d’antipathie ! On a une responsabilité, quand on anime une émission de débats publics, de ne pas propager des thèses complotistes ou de ne pas donner la parole à des cerveaux malades »…
Dans une chronique parue quelques jours plus tard dans Libération et intitulée « La liste de Patrick Cohen », Daniel Schneiderman estime que « se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle ».
En juin 2017, il décide d’arrêter son émission Hier aujourd’hui demain sur France 2, après que la chaîne ait changé son horaire (minuit plutôt que 22h30) et supprimé les bandes annonces. En parallèle, il succède à son ami et acolyte noctambule Frédéric Beigbeider à la rédaction du périodique Lui, magazine érotique-chic, réplique hexagonale de Playboy au moment de sa création dans les années 60.
En juin 2018, après 16 ans de présentation de l’émission D’art d’art, il est remplacé par Adèle Van Reeth. Delphine Ernotte continue sa chasse aux « hommes blancs de plus de cinquante ans » et aux animateurs historiques… Il n’a appris son éviction que trois semaines avant la reprise des enregistrements, de son producteur, et s’est résigné – peut-être à cause du sort d’Hier aujourd’hui demain en 2017.
À la rentrée 2018 il passe sur l’antenne française de Russia Today, où il anime une émission de débats culturels et de société d’une heure, quatre fois par semaine. Il anime aussi depuis novembre 2018 une émission hebdomadaire au titre huysmansien, “En ballade”, le dimanche sur Europe 1.
Son ralliement à RT France n’est pas sans provoquer de remous au sein de l’intelligentsia, qui voit là un prétexte idéal pour discréditer un journaliste dont l’attachement à la liberté d’expression ne pouvait qu’être suspect. Les procès d’intention pleuvent, il est sommé de ce qui est considéré comme un soutien tacite du régime poutinien. Toutefois, la rhétorique de la chaîne, volontiers anxiogène, fait mouche alors que la France offre au monde le spectacle continu et inébranlable de sa désagrégation et elle est plébiscitée par les Gilets Jaunes, ce qui confère à la chaîne le statut de « média d’opposition ». Taddeï, quant à lui, contribue à la normalisation de la chaîne en invitant des personnalités de bords politiques divers (Juan Branco, Jean-François Kahn, Fergane Azihari, Emmanuel Todd) et des représentants politiques, notamment issus de la France Insoumise (Djordje Kuzmanovic en tête) dont les réticences initiales cèdent devant le constat la bonne tenue des débats et le nombre de vues.
Il se met en retrait de son émission en février 2022 face au conflit entre l’Ukraine et la Russie.
L’homme conserve tout de même son émission d’entretiens hebdomadaires sur Europe 1 « C’est arrivé demain » mais ne tient pas à rebondir immédiatement à la télé, surtout après que son image a été associé à celle, désormais radioactive, de RT France.
Aussi, on le retrouve à la tête de la rédaction d’une agence de production de podcasts, Lymédias, qui fait son apparition sur la toile en avril 2022. Taddeï est aux manettes d’un des podcasts figurant au catalogue de la plateforme « Pourquoi ? ». Si Philippe Chevalier, Thierry Ardisson ou encore Nelson Monfort sont annoncés en guise de produits d’appel au lancement de la plateforme pour animer des podcasts consacrés à l’humour et au sport, la sauce ne prend pas. Restent les valeurs sûres du podcast, comme le féminisme, l’écologie ou l’entreprenariat, qui se taillent désormais la part du lion chez Lymédias. Comme si les valeurs sûres de la télé ou de la radio n’étaient pas taillés pour ce nouveau format… à l’exception du très plastique Taddeï.
Suite à de longues négociations avec Serge Nedjar, il choisit CNews pour son retour à la télé. À partir de février 2022, il anime « Les visiteurs du soir » les samedi et dimanche entre 22h et minuit. Dans la bouche de Taddeï, l’émission est conçue comme un programme qui « prendrait du recul sur l’actualité, de la hauteur, avec des invités qui savent de quoi ils parlent ». Il est tentant d’y voir le contrepoint parfait de l’« Heure des Pros » et l’embauche de Taddeï est symptomatique de la nouvelle stratégie de la rédaction de CNews qui souhaite attirer de nouveaux invités afin de se normaliser.
Parcours militant
Non renseigné
Publications
- Frédéric Taddeï et Marie-Isabelle Taddeï, D’Art d’Art !, vol. 1, Paris, Éditions du Chêne, 2008
- Frédéric Taddeï et Marie-Isabelle Taddeï, D’Art d’Art !, vol. 2, Paris, Éditions du Chêne, 2009
Ce qu’il gagne
Outre son salaire pour ses émissions, il intervient dans des conférences à « raison de trois par an » . Mais aussi des soirées dans les entreprises – il aurait ainsi touché 6000 € pour une remise de prix chez Lidl.
Récompenses
- Prix Philippe-Caloni (2007)
- Prix Roland-Dorgelès (2014)
Sa nébuleuse
- Jean François Bizot (1944–2007), essayiste, romancier, homme de presse et de radio (Radio Nova, Actuel…), l’homme qui l’a lancé.
- Nathalie Boels-Kugel : productrice d’origine hollandaise, elle est à l’initiative de « D’Art d’Art » : « À l’époque, j’étais chroniqueur dans l’émission « Nulle Part ailleurs » sur Canal+, et il m’arrivait de parler d’un tableau pendant cinq minutes. Natalie Boels-Kugel a pensé qu’un module d’émission encore plus court, pour parler d’art de façon haut de gamme, permettrait une diffusion à des heures de très grande écoute. »
- Jean-Pierre Elkabbach et Thierry Ardisson qui lui ont confié l’émission « Paris Dernière » (« On hésitait à l’époque entre Le Bolloc’h, Beigbeder et Taddéï », confiera plus tard Thierry Ardisson)
- Rachel Kahn, responsable de l’unité divertissements de France 3 à partir de 2000, qui propose à Frédéric Taddéï de créer l’émission « Ce soir (ou jamais !) »
- Jean-Luc Hees : c’est à la faveur d’un coup de fil de l’ancien président de Radio France qu’il se décide à rejoindre France Culture. À ce sujet, l’intéressé déclare : « Je sais que je vais avoir l’air un peu léger en arrivant à Culture, qui m’a toujours épaté par le niveau de ses programmes. Y venir est une gageure. J’en suis ravi ! ». Il dirige actuellement le comité d’éthique de la chaîne RT France à titre bénévole.
- Bruno Gaston : Fondateur des Inrockuptibles et ancien producteur de Nulle Part Ailleurs, il convainc Taddeï de revenir sur Europe 1 en 2013 alors qu’il assure la direction des programmes.
- Jean-Yves Le Fur : homme d’affaires ayant fait fortune dans la mode (propriétaire de l’agence Mad Agency, chargée de la communication de Zadig&Voltaire) et l’événementiel, patron de presse (DS, Numéro) et figure incontournable du monde de la nuit parisienne, il rachète le magazine Lui en 2013 dans des conditions rocambolesques, mais se voit dans l’obligation de revendre ses parts quelques années plus tard alors que le magazine est poursuivi pour impayés. Ami commun de Frédéric Beigbeider et Frédéric Taddeï, son nom apparaît dans le carnet noir du milliardaire amateur de massages Jeffrey Epstein.
Il l’a dit
À propos de l’émission « Ce soir (ou jamais !) »
« Je défie qui que ce soit de dire ce que je pense des sujets, des débats que j’anime. Je suis illisible. […] J’invite des artistes et des intellectuels représentatifs. Je prends garde à ce qu’il y ait des antagonismes, des centristes et des excentriques, des contestataires, des hommes et des femmes, des vieux et des jeunes. Bref, la configuration idéale. Je veux qu’ils aient le temps de parler et qu’ils aient le temps de finir leur phrase. Je rends la parole à celui qui a été coupé. Quand on anime une émission comme celle-ci on doit bien connaître la loi… », Agoravox, 15 juin 2010
« Légitimité ? C’est un mot qui n’existe pas. Qui est légitime ? Un économiste serait légitime pour parler d’économie, mais un artiste ne le serait pas… c’est un gag ! Prenons un exemple : la crise de 1929 ; à votre avis, qui dit les choses les plus intéressantes sur la crise économique ? Le chroniqueur économique du San Francisco Examiner, ou Charlie Chaplin ? », Enquête&Débat, 23 juin 2012
« Dans les autres émissions de télé, le public est payé. Il siffle ou applaudit quand on lui dit. C’est en fonction du chauffeur de salle. On les prend pour pire que des potiches. Mon public n’est pas payé, il n’intervient pas pour donner son avis et dire ce qui est bien ou mal. Au centre du débat, ce n’est pas un combat de gladiateur. Il n’y a pas de prime à dire “la guerre c’est moche”, “la mort c’est pas bien”. Partout ailleurs, le mec qui dit cela est applaudi ! », Ibid.
« Il n’y a pas de censure à la télévision. Il n’y a que de l’autocensure. Des gens qui se disent “ah ! mais je ne peux pas inviter celui-là ou celui-ci, sinon on va penser que je pense comme lui”. Moi j’invite tout le monde ! », Ibid.
« J’attends de mes invités que sur un sujet rebattu, c’est-à-dire l’actualité, ils disent quelque chose de non convenu. Il faut du courage et de la modestie durant une interview. Oser poser certaines questions, ne pas avoir peur de passer pour un imbécile. Il faut garder en tête que si un jour il reste quelque chose de votre travail, ça sera les réponses et non les questions. », Le Journal du Dimanche, 13 mars 2010.
« Je croyais naïvement que B‑H Lévy voulait être le Sartre de son époque. Je me trompais. Il se contente d’un rôle moins ambitieux : agent de la circulation médiatique. Il siffle quand ça lui déplaît, agite son bâton, demande les papiers, fait souffler dans le ballon. Heureusement que nous vivons en démocratie, sinon il nous passerait à tabac ! », Le Point, 8 juillet 2010.
« Ceux qui pensent que tout se ramène à un affrontement UMP/PS n’ont rien compris à notre époque. », Le Nouvel Observateur, 21 avril 2011.
« Toutes les opinions autorisées par la loi sont défendues par la constitution. Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé et ce n’est pas à moi, animateur de télévision, qui vais décider de ce qu’on a le droit de dire (…) Je m’interdis d’être le procureur ou le défenseur des uns et des autres (…) Il y a des gens que ça choque, je le comprends, mais il ne faut pas regarder l’émission », sur le plateau de« C à vous » 12 mars 2013.
« Je ne vois pas l’intérêt de faire une émission dont tout le monde ignore l’existence. J’en ai trop fait qui ont eu un gros impact comme Ce soir (ou jamais !) ou marqué les esprits comme Paris dernière, pour avoir envie de poursuivre… Je n’ai pas compris l’obstination de France 2 à programmer cette émission si tard, et à la dénigrer, alors qu’elle coûtait quand même assez cher à fabriquer ! Mais attention, je n’en veux à personne. Je trouve même cela amusant : ça vous apprend l’humilité. J’ai été choyé pendant assez longtemps à la télé, je ne le suis plus, aujourd’hui, voilà ! », Télérama, 1er juin 2017.
« Delphine Ernotte est en train de casser France Télévisions. [Elle] ne connaît rien à la télé et est en train de casser le groupe. Xavier Couture, qui travaille à ses côtés, est atterré et tente de lui faire comprendre certaines choses, mais cela paraît compliqué », Le Monde 4 novembre 2017.
« Dans un paysage télévisuel sinistré, où les intellectuels, les chercheurs, les savants, les contestataires n’ont plus la parole et où les vrais débats ont totalement disparu, c’est la seule chaîne de télévision qui m’ait donné carte blanche pour faire ce que je faisais dans Ce soir ou jamais : des émissions intelligentes, sans parti pris, dans lesquelles on pourra discuter de tout, entre gens qui savent de quoi ils parlent, qu’on ne voit pas ailleurs, et qui ne sont pas d’accord entre eux », Libération, 16 juillet 2018.
À propos de RT France
« La question que vous devriez me poser, c’est : comment se fait-il que Frédéric Taddeï, pour faire ce qu’il a fait pendant dix ans, tellement librement et avec beaucoup de succès, sur France Télévisions, soit obligé d’aller le faire aujourd’hui sur une chaîne russe ? », France Inter, 21 septembre 2018.
« Je me fiche complètement de qui me paye du moment qu’on me laisse libre de faire ce que je veux, d’inviter qui je veux et de parler de ce que je veux. », Causeur, 4 septembre 2018.
« Certaines personnes pensent qu’on ne veut plus de débats. Je l’avais déjà dit en septembre dernier à mon arrivée sur RT. Trois mois plus tard, les «gilets jaunes» arrivent et la réponse d’Emmanuel Macron a été… un grand débat. On voit bien qu’il y a une vertu à débattre. Quand il n’y en a pas, les gens le ressentent. Et les téléspectateurs ne sont pas dupes: ce qui est présenté comme des débats aujourd’hui à la télévision, ce sont des émissions avec des chroniqueurs ou des éditorialistes payés par la chaîne, qui se ressemblent et qui tiennent des rôles. Ce n’est pas ça, des vrais débats. Sur le service public particulièrement, je pense qu’il y a une peur, une aversion pour le risque. On préfère le clash: ça génère des clics et c’est rassurant puisqu’il y a un gentil et un méchant. Alors que dans les vrais débats, vous êtes obligé d’écouter tout le monde. », Le Figaro, 30 juillet 2019.
« Je ne peux pas continuer une émission de débat contradictoire à partir du moment où mon pays se retrouve en conflit ouvert avec la Russie ». Annonçant son retrait de son émission sur RT France. BuzzTV, 23 février 2022, après le début du conflit Ukraine-Russie.
« Le podcast est le média le plus intéressant aujourd’hui car il supprime l’intermédiaire qui est la chaîne de télé ou la station de radio. Vous n’avez personne pour vous dire à quelle heure vous serez à l’antenne ni qu’il faudra faire mieux demain. Ça change tout. Et ça donne des entretiens différents. Je découvre mais je commence à changer ma façon d’interviewer », FranceInfo, 16/06/2022.
À propos de CNews
« Je ne pense pas que CNews soit plus une chaîne d’opinion que les autres. On a tellement l’habitude d’entendre certaines opinions qu’on a l’impression qu’elles n’en sont plus. Il y a des gens qu’on n’invite pas sur certaines chaînes. Il y en a qu’on encense partout, d’autres qui se font systématiquement attaquer… », Le Parisien, 25/02/2023.
« Quand je suis allé sur RT, qu’est-ce que je n’ai pas entendu ! Que j’allais faire la propagande de Poutine. L’émission a duré trois saisons, quatre fois par semaine, personne n’y a trouvé la moindre propagande pour qui que ce soit. Aujourd’hui, c’est CNEWS qui a l’air de poser problème à certains ? Ceux qui connaissent mon travail savent que, mes émissions ont beau évoluer en fonction des chaînes, des horaires et des moyens mis à ma disposition, je reste toujours le même. Et c’est pour cette raison que CNEWS a fait appel à moi, ce dont je la remercie », CNews, 04/03/2023.
Ils l’ont dit
« Il n’appartient à aucun milieu répertorié. Il est réellement, dans le monde médiatique, une figure alternative », Sandrine Treiner (journaliste ayant travaillé avec lui de 2005 à 2009), Le Journal du Dimanche, 13 mars 2010.
Frédéric Taddéï est « plutôt proche de la tendance “Indigènes de la République” », Caroline Fourest [portrait], dans son autobiographie publiée sur son blog.
« Justement, quand j’ai appris que Frédéric Taddeï, pour lequel j’ai de l’admiration professionnelle (et de la sympathie personnelle), allait sur Russia Today, c’est la première question qui m’est venue à l’esprit — et que nous lui avons posée: était-il gêné par le fait d’être payé par Poutine (ou, plus précisément, par l’État russe qui est l’actionnaire de RT). Eh bien, il le proclame en Une de Causeur, il s’en fout! Cette indifférence au qu’en-dira-t-on est rafraîchissante. J’aurais peut-être eu plus de scrupule à sa place et j’aurais peut-être eu tort car ses arguments sont assez convaincants. Tout d’abord, l’important est qu’il soit libre. J’imagine qu’il aura à cœur très vite d’organiser un débat sur la Russie et d’y inviter des adversaires de Poutine, les sujets ne manquant pas, par exemple, le sort du cinéaste Oleg Sentsov (dont nous avons oublié de lui parler). Mais surtout, Taddeï a beau jeu de se moquer de notre arrogance sur le sujet, et de notre propension à penser qu’il y a d’un côté la vertueuse information, la nôtre, et de l’autre l’horrible propagande. Il suffit d’écouter France Inter pour comprendre que cette pieuse distinction ne tient pas la route. » Élisabeth Lévy, Le Figaro Vox, 21 septembre 2018.
« La discussion, technique et cordiale, tourne autour de la spéculation financière, de « la régulation des produits dérivés » ou de « la réduction des marchés de dettes ». Et le contraste est saisissant entre le débat et ceux qui le suivent. Sur le chat de YouTube, un « zététicien » (tels que se nomment les professionnels du scepticisme scientifique) demande une émission sur les ovnis ; des « réinformateurs » compulsifs réclament Alain Soral, Dieudonné, mais aussi le YouTubeur d’extrême droite Raptor Dissident ou le cortège des candidats à moins d’1% (François « Frexit » Asselineau ou Jacques Cheminade). On y retrouve les codes de l’infréquentable forum 18–25 de jeuxvideo.com – « yo les kheys » pour se saluer – et d’inquiétantes décharges antisémites contre les tenants supposés de la finance mondiale, à base de « Juden Raus » (« dehors les Juifs », un slogan nazi) ou de hashtags #gasthemall qui ne méritent aucune traduction. On ferme la fenêtre, nauséeux. », Télérama, 5 novembre 2018.
« Comment a‑t-on glissé de France 3 vers Russia Today ? Est-ce le monde qui a changé, ou la télévision ? C’est le coup de génie de RT : trop maligne pour être un bête organe de propagande, la chaîne veut porter la voix des partis d’opposition et des factions minoritaires, comme une version coagulée du Média insoumis (les accrochages financiers en moins). », Ibid
« En France, la chaîne a commencé par approcher la polémiste Natacha Polony, sans succès. Puis elle a embauché l’ancien chroniqueur économique de TF1, Jean-Marc Sylvestre, avant de jeter son dévolu sur Frédéric Taddeï. L’ex-animateur de « Ce soir ou jamais », poussé vers la sortie par France Télévisions, présente alors un profil idéal pour la chaîne : cultivé, hors courant et provocateur. En plus, il fait savoir qu’il a besoin d’argent. Xenia Fedorova lui propose un contrat sur mesure, avec une émission quotidienne malicieusement baptisée « Interdit d’interdire » », Vanity Fair, 19 juin 2019.
« Il a tenu bon envers et contre tout sur le service public. Mais, telle la Chèvre de monsieur Seguin, il a fini par se faire bouffer par le politiquement correct. Et s’il a rejoint RT, c’est parce que c’est la seule chaîne qui l’ait accueilli », Thierry Ardisson, Stratégies, 17/09/2019.
« La nouvelle arme fatale dont s’est saisie CNews pour illustrer cette inflexion et éloigner les accusations de non-respect du pluralisme », Challenges, 06/03/2023.
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