La droitisation invisible
Politologue né en 1978, l’homme a longtemps louvoyé entre plusieurs chapelles de la gauche souverainiste, dans l’espoir de rénover une sociale-démocratie acquise au néolibéralisme. Apparenté aux populistes de gauche, le regard braqué vers l’Amérique du Sud, Gaël Brustier est l’homme d’une idée : la droite a retenu les leçons de Gramsci et gagné la bataille culturelle. Peu importent les flux migratoires, l’arbitraire fiscal ou les entailles à la filiation, Brustier persiste et signe. Avec la bénédiction du Figaro et des catholiques des Éditions du Cerf.
Formation
Il passe sa primaire et son collège dans la ville de son enfance, Gueugnon, puis valide son baccalauréat général au lycée Léon Blum du Creusot, sa ville de naissance.
Il est admis à l’IEP du Strasbourg en 1996 et en ressort diplômé quatre ans plus tard. Docteur en sciences politiques, il a soutenu en 2009 une thèse portant sur Constitution Européenne à l’Université de Strasbourg.
Parcours professionnel et militant
Gaël Brustier est chercheur spécialiste des droites en sciences politiques à l’Université Libre de Bruxelles. Il est intervenu et continue à apparaître à ce titre dans divers médias audiovisuels (France Inter, LCI), tout en étant contributeur régulier de Slate. Il tient une chronique dans le journal catholique La Vie.
Il aime à se présenter comme le créateur d’EUROSUR, une entreprise coopérative spécialisée dans le développement des partenariats entre Europe et Amérique latine. La nature de ses partenariats n’est jamais définie clairement, même si l’on peut inférer qu’il s’agit avant tout d’alliances politiques tant l’Amérique du Sud est le laboratoire de l’extrême-gauche internationale.
De Chevènement à Mélenchon
Après avoir été séduit par la ligne de Philippe Séguin, il milite au RPR avant de se mettre au service des deux partis fondés par Jean-Pierre Chevènement : le Mouvement des Citoyens (MDC), puis le Mouvement Républicain et citoyen (MRC), dont il est secrétaire général.
Il change de monture en 2006 en prenant sa carte au Parti Socialiste. Il se rapproche de Montebourg et devient son directeur de cabinet adjoint, puis son directeur opérationnel de campagne lors de la primaire socialiste de 2011. A la même période, il est aussi le secrétaire du parti dans sa région natale du Charolais. Suite à l’échec de Montebourg aux primaires, il est remercié. Il déplore le manque de consistance idéologique de son ancien poulain : « Il n’a pas de filiation intellectuelle bien définie. Ce n’est pas un théoricien. Il met en musique des trucs qui sonnent bien. C’est un DJ de la politique » (Le Vicomte de Maude Guillemin, éditions du Moment, 2015).
Il entre alors en contact avec Julien Dray, qu’il s’emploie à sensibiliser au souverainisme. De 2012 à 2015, il est chargé de mission au cabinet de Julien Dray, alors conseiller du vice-président à la culture pour la région Île de France. Il siège concomitamment au Conseil National du PS, où il représente l’aile gauche du parti.
Frustré par l’immobilisme et la frilosité des socialistes, surtout sur les questions européennes, il participe à la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Toutefois, son expérience au Média, relais officiel des Insoumis fondé dans le sillage de la campagne, tourne court, la faute à l’autoritarisme de Sophia Chikirou, celle qui fut la directrice de communication de Mélenchon lors de la campagne.
Publications
- Les socialistes, les altermondialistes et les autres : entre Amérique latine et Europe, Bruno Leprince, 2008.
- Recherche le peuple désespérément, François Bourin, 2008.
- Voyage au bout de la droite : des paniques morales à la contestation droitière, Mille et une nuits, 2011.
- La guerre culturelle aura bien lieu : l’occidentalisme ou l’idéologie de la crise, Mille et une nuits, 2013.
- Le mai 68 conservateur : que restera-t-il de la Manif pour tous ?, Le Cerf, 2014.
- À demain Gramsci, Le Cerf, 2015.
- #Nuit debout : que penser ?, Le Cerf, 2016.
- Le désordre idéologique, Le Cerf, 2017.
Collaborations
- Invité d’une table ronde sur le thème « Droitisation de la société ou de l’offre politique ? », 8 novembre 2013
- Invité d’une table ronde sur le thème « La Deuxième gauche : figures et moments d’une histoire intellectuelle » organisé par la Fondation Jean Jaurès, 15 février 2014
- Conférence autour de son livre « Le Désordre idéologique » organisée par la Nouvelle Action Royaliste, 6 décembre 2017
Il l’a dit
« L’imaginaire collectif, les représentations sociales ont basculé à droite. Dès qu’une colère sociale émerge, cette mouvance droitière est en mesure de lui donner un sens et d’en tirer profit. En clair, la droite est désormais en situation de domination culturelle. Ses capacités d’encadrement se sont considérablement développées l’année passée avec la «Manif pour tous». », Libération, 12 novembre 2013
«Nuit Debout a été organisé dès le 31 mars par des gens qui ont pleinement conscience de l’avalanche de défaites culturelles, idéologiques, politiques et électorales de la gauche sur la dernière période. Cette pleine conscience des choses amène à entreprendre une opération militante bien menée et à susciter ainsi ce mouvement. Nuit Debout est à la fois, par l’acte de sursaut qui est à son origine, l’enfant des défaites de la gauche et d’une volonté plus diffuse de participation au débat public, de remise en cause du mauvais fonctionnement de notre démocratie et d’un système économique productiviste qui n’est plus légitime à leurs yeux.», Atlantico, 7 mai 2016.
« On a souvent dit de Buchanan ou Trump qu’ils étaient racistes ou xénophobes. Il ne faut jamais sous-estimer ce type de levier idéologique dans la société nord-américaine. Il est des petites villes de Pennsylvanie, oщ une discrimination raciale était encore explicitement en vigueur au début des années 1970 (la Pennsylvanie est pourtant un État du Nord). Les SDF étaient tous, ou presque, afro-américains voici vingt ans, а Philadelphie, ce qui a considérablement changé et démontre la mutation de la société états-unienne. La carte de la mortalité infantile, Emmanuel Todd l’a maintes fois souligné, ne s’est émoussée dans sa spectaculaire différence entre quartiers noirs et blancs, qu’avec la crise. Sédimentations successives d’un passé qui, décidément, ne passe pas, la question raciale et raciste travaille puissamment la société américaine. », Slate, 31 janvier 2017.
« Les Identitaires sont les révélateurs d’une évolution européenne ainsi que d’une mutation des représentations collectives dans nos sociétés. Ils tentent de tirer parti des paniques morales qui minent nos sociétés (souvent en rapport avec l’islam, mais aussi avec les mutations « sociétales »), comme ils tentent de servir de poisson-pilote dans une période de radicalisation des droites parlementaires, notamment de la droite française.
En ce sens, ils contribuent, dans les réseaux militants de la droite radicalisée et de l’extrême-droite, à façonner des éléments de réponses et d’explication à la « crise » à partir du déclinisme, d’affirmations uchroniques (c’est-à-dire faisant référence à un temps qui n’a pas existé) et de l’idée que des solutions purement locales peuvent être développés. », Le Désordre Idéologique, pp. 27–28, Le Cerf, 2017.
« Le gaullo-communisme comme fait historique est а relativiser, sa réification et son instrumentalisation aux fins d’un projet politique authentiquement néolibéral est en revanche а considérer comme l’un des pions du grand jeu de la guerre culturelle qui se livre des ronds-points du pays aux cercles germanopratins et plateaux bavards en continu.
Les «gilets jaunes» ne sont pas moins que le reste du peuple franзais imprégnés de ce projet gaullo-communiste; ils l’intègrent а leur idéologie propre. Oui, les «gilets jaunes» sont aussi les enfants de De Gaulle et Thorez. », Slate, 23 janvier 2019
Sa nébuleuse
Son coauteur et complice Jean-Philippe Huelin professeur d’histoire-géographie dans le Jura, vice-président d’ECLA chargé des affaires culturelles et conseiller délégué de Lons-le-Saunier.
Brustier appartient à divers cercles de pensée marqués à gauche, notamment la Fondation du 2 Mars, anciennement Fondation Marc Bloch, pendant républicain de la fondation Saint Simon. Philippe Raynaud, éphémère président de la fondation entre 2003 et 2005, incarne cette affinité entre les deux entités. Tentant de dépasser le clivage droite-gauche à ses débuts, elle perdit peu à peu de sa superbe avec le déclin du séguinisme et l’accession à la présidence d’Élisabeth Lévy au milieu des années 2000.
Les membres les plus à gauches de la Fondation ont reflué par la suite vers la Fondation Res Publica, dont Brustier est, en toute logique, membre du conseil scientifique. Il est un des experts de l’Observatoire des radicalités politiques, une émanation de la Fondation Jean Jaurès dirigée par Jean-Yves Camus, aux côtés de l’anticomplotiste de combat Rudy Reichstadt.
Il a été contributeur d’un rapport commandé par le think tank européen FEPS sur le rapport au « gender » dans les mouvements d’extrême droite en France.
Il est membre d’ATTAC, vénérable association anticapitaliste, et est prend part à ce titre à ses universités d’été et journées d’études.
Enfin, il a animé un confidentiel « Centre d’études sur la République, l’internationalisme, le socialisme et l’Europe ».
Ils ont dit
« La plume de Gaël Brustier dans Slate est alerte mais trempée d’amertume et un rien goguenarde : il s’agit de garder les rieurs de son côté pendant que les jeunes tentent d’éteindre l’incendie. Répétez après moi : où se situe le camp du bien ? Voilà vous avez compris, partout sauf à la Manif pour tous. », Aleteia, 16 septembre 2015
« Intellectuel engagé à gauche, l’auteur du Mai 68 conservateur est aussi l’un des meilleurs observateurs de la droite française », Alexandre Devecchio, Le Figaro, 22 décembre 2017
« euh… @Gaelbrustier tu m’envoies un message à l’instant dans lequel tu parles des conditions de rémunération. Plutôt que de surfer sur la vague du moment, tu ne crois pas qu’on parle avant non ? Tu as signé un contrat il y a qqs semaines et n’a jamais rien dit sur le salaire.
la semaine dernière tu disais encore vouloir te consacrer davantage au nouveau site et écrire des papiers. Franchement, ta façon de faire est déconcertante. » Sophia Chikirou, Journal de Saône et Loire, 14 mars 2018
Illustration : capture d’écran vidéo “La mémoire des luttes” (2015)