Humoriste non subventionné
« Je n’ai pas d’autre ambition, (confie-t-il), que de critiquer le pouvoir et l’autorité morale qui lui est attachée : or, l’autorité morale, en France, c’est la gauche ».
Enfant du titisme finissant et tard venu à la langue française, l’homme n’était pas prédestiné à remplir les théâtres parisiens sous le haut patronage de Laurent Ruquier. Et pourtant, ses saillies l’ont élevé, depuis quinze ans, au rang des humoristes les plus appréciés d’un pays dont il n’a pas la citoyenneté. L’offensive des médias libéraux-libertaires s’accroît suite à son retrait de la scène et son arrivée sur les médias détenus par Vincent Bolloré. La petite musique droitière qui incommodait certains journalistes dans les cafés-théâtres devient aussitôt dangereuse lorsque celle-ci se fait entendre dans les matinales aux heures de grande écoute. En particulier pour les membres du gouvernement ou les partis de gauche qui en prennent pour leur grade dans le Journal du Dimanche et Europe 1 où sévit le comique. L’humour de l’ours slovène est soudainement, trop tard peut-être, pris au sérieux ; les médias, eux, ont fini de rire.
Portrait vidéo
Formation
Après une petite enfance en Slovénie, son pays de naissance, son père s’installe en Algérie en 1984 à la faveur d’une proposition d’emploi de commercial dans le secteur gazier. Au gré des séjours professionnels du père, la famille réside pendant douze ans en Algérie. Le garçon est alors scolarisé dès ses six ans à l’école française d’Hydra, une banlieue d’Alger, où il se familiarise avec la langue de Molière. La famille Püst sera contrainte à l’exil au plus fort de la guerre civile en 1991. Si son pays natal échappe en grande partie aux atrocités de Yougoslavie en déclarant son indépendance très tôt, la famille n’est pas épargnée par le fracas des armes (« deux avions de chasse de type MiG qui survolent au ras des pâquerettes le cœur historique de Ljubljana et font voler en éclats toutes les vitres du centre-ville de la capitale slovène dans un fracas innommable ») et par les dissensions idéologiques (« je vois tout à coup des gens très proches s’engueuler avec mes parents pour un truc aussi con que l’idéologie ou Milosevic… Des gens qui étaient les meilleurs amis et habitaient en face les uns des autres se sont ainsi battus »).
Direction la France et Aix-en-Provence, où le double exilé obtient son bac scientifique dans un établissement catholique de la ville. Souhaitant éviter une classe préparatoire qui retarderait son entrée dans la vie active, il n’opte pas pour HEC Paris et se rabat sur son équivalent suisse en entamant à contre-cœur des études à l’Institut des hautes études économiques de Lausanne.
Parcours professionnel
Son diplôme en poche, il exerce comme gestionnaire de fortune à Lausanne et à Genève pendant deux ans et demi entre 2002 et 2005. Cet emploi ne lui apportant aucune gratification autre que financière : « Je recevais des clients qui venaient déposer leur petit pécule. Un vrai tapin ! La facette la plus assumée de la vénalité. Il faut adorer l’argent ». Après une année sabbatique où cet amoureux de la montagne envisage la profession de guide de haute montagne, il prend des cours de théâtre dans une association. Puis saute le pas et se va produire sur des scènes ouvertes au Caveau de l’Hôtel de Ville à Lausanne ou au Théâtre de L’Echandole d’Yverdon, ou il accompagne ses sketchs de chansons.
Souhaitant éprouver plus encore son talent, il veut ensuite faire ses preuves à Paris, où il finit par s’installer pour vivre la vie de bohème inaccessible aux banquiers genevois. Le succès est long à venir ; la maturation artistique, douloureuse. Il abandonne les chansons pour se concentrer uniquement sur ses facultés comiques. Son jeu hiératique et ses moues désabusées lui valent l’attention du public, et en particulier celle de Laurent Ruquier, dès son premier spectacle au Caveau de la République.
- 2009 : « Sous-développé affectif ».
- 2010 : « Enfin sur Scène » : générale à La Cigale puis au Studio des Champs-Elysées.
- 2011 — 2014 : « Gaspart Proust tapine », générale au Théâtre du Rond-Point, suivie tournée dans toute la France et dernières au Théâtre Montparnasse.
- 2017–2018 : « J’aime pas le classique mais avec Gaspard Proust j’aime bien », tournée en France et en Suisse.
- 2016 — 2021 : « Nouveau Spectacle ». La captation de son seul en scène, intitulée « Dernier Spectacle », est diffusée sur Amazon Prime à partir de novembre 2021 suite aux dernières représentations de sa carrière, données à la Seine Musicale les 5 et 6 novembre 2021.
Parcours dans les médias
- 2010 : premiers pas à la radio parmi le panel de chroniqueurs convoqué par Laurent Ruquier sur « On va s’gêner ».
- 2012 : il hérite d’une chronique intitulée « Espace Délation » dans Le Point grâce à son ami Jérôme Béglé.
- 2012 — 2015 : il prend la suite de Stéphane Guillon en tant que bouffon sur le plateau de « Salut les Terriens ». Thierry Ardisson l’aurait préféré à Nicolas Bedos et Sophia Aram. Sa chronique s’intitule « Elle est pas belle la vie ? », formule qui ponctue toutes ses interventions. Il dérogera à ce rituel une seule fois, au lendemain des attentats de Charlie Hebdo.
- 2022 — 2023 : Jérôme Beglé est directeur général du Journal du Dimanche depuis janvier 2022 et l’invite une nouvelle fois en tant qu’éditorialiste dans « sa « rédaction. Sa chronique est intitulée « Avec tout mon respect ».
- 2023 — : il quitte la rédaction du JDD suite à la grève historique de l’été et est recasé chez Europe 1 sur la matinale de Dimitri Pavlenko.
Idées politiques
De la bouche du prêtre qui lui a donné son baptême télévisuel, Thierry Ardisson, l’humoriste est « est profondément de droite. Ce n’est pas du marketing ».
Pour le quotidien de référence, l’affaire est entendue dès 2011 : « Desproges était anar, Gaspard Proust ne se cache pas d’être de droite. C’est l’Éric Zemmour de l’humour. Ses cibles : les profs, les femmes, les juifs, l’islam, les Chiennes de garde, Jean Daniel, Michel Onfray, François Hollande comparé à une flammekueche ».
À Paris Match, il assure ne pas être autant réactionnaire que son personnage : « Si la peine de mort revenait, je descendrais dans la rue. Le mariage gay ne me pose aucun problème. Je préfère deux homosexuels qui aiment un enfant plutôt qu’un couple d’hétéros qui le détestent ».
Enfant, il est embrigadé en Yougoslavie chez les pionniers de Tito, l’équivalent communiste du mouvement scout, un évènement qui semble l’avoir immunisé contre toute forme de gauchisme.
Publications
- Mea Culpa, Plon, Paris, 2023.
Collaborations
Contre les recommandations de son cercle proche, il répond favorablement à la proposition de Valeurs Actuelles d’animer leur raout « Grand Débat des valeurs » au Dôme de Paris en amont des présidentielles de 2022. Rémunéré pour sa prestation, il débite ses blagues en introduction du meeting face aux divers personnalités de droite (Marion Maréchal, Éric Ciotti, Jordan Bardella) et deux candidats (Valérie Pécresse et Éric Zemmour).
Sa présence à l’événement militant suscite les prévisibles réactions outrées de magazines qui l’encensent depuis dix ans. Parmi le concert de critiques, le confrère Stéphane Guillon n’y va pas de main morte : « De mémoire, il y a deux comiques qui ont réussi à faire applaudir des révisionnistes sur scène : Dieudonné avec Robert Faurisson et Proust avec Éric Zemmour. Ça place Gaspard dans le rang des très très grands ! ».
Se défendant d’être engagé politiquement, il déclarait à Paris Match en 2013 : « Vous ne me verrez jamais à un meeting de l’UMP ». Si la soirée de Valeurs Actuelles n’était pas un meeting à proprement parler, la nuance demeure subtile.
Ce qu’il gagne
Selon le site l’Internaute, l’humoriste aurait perçu 5000 euros par chronique lors de son passage dans « Salut Les terriens » de 2012 à 2015.
Vie privée
Résident à Chamonix la moitié de l’année, il descend régulièrement à Paris pour satisfaire à ses obligations éditoriales. À Paris, il a d’abord habité dans le XIXe arrondissement puis, une fois son succès entériné, dans le Ve arrondissement.
Sa compagne, Caroline Frey, est une œnologue et vigneronne en vue, propriétaire du château La Lagune dans le Médoc. Son père, Jean-Jacques Frey, a fait fortune dans l’immobilier avant d’acquérir plusieurs hectares en Champagne, en Gironde et sur les rives du Rhône. Il était la 196e fortune de France en 2021 selon le classement Challenges.
Il l’a dit
« À un moment, t‘amène sur le tarmac […] tout ce que la France compte de fichés S, délinquants multirécidivistes, OQTF [obligation de quitter le territoire français, ndlr] antisémites, porteurs de jogging casquette californiens, tu vois ce que je veux dire, franchement, toute la confrérie des “petits anges”, hop tu me charges tout ça dans la soute, direction plein sud, une escale à Cayenne pour les nationaux, et je pense que d’un coup, il y aurait moyen de transformer une sorte de désespoir en grande fête républicaine », Europe 1, 09/11/2023.
« Ô ma Rima Abdul-Jabbar, que tu as dunké profond ce matin-là ! Depuis le temps que j’attendais une nouille progressiste assumer d’une façon si décontractée un projet totalitaire ! Béni soit le ventre qui nous a accouché aux aurores radiophoniques les mots de Staline dans un sari de Gandhi ! Passer cinq minutes à expliquer qu’on pourrait retirer sa fréquence à une chaîne au nom de la liberté et du pluralisme ? On n’a pas fini de nettoyer le verre du panier brisé que par ton dunk tu as causé ! Après la Franco-Libanaise à la culture, la Franco-Sénégalaise au porte-parolat du gouvernement, pourquoi pas un franco-yougo de mon espèce aux commandes d’un ministère que j’aurai sobrement dénommé « ministère de mes Goûts persos à moi ? », Le JDD, 14/02/2023.
« Des esprits chagrins noteront que l’une des preuves les plus flagrantes de cet amour de la sémantique était que dans un pays où l’extrême gauche réussit à se faire appeler la gauche, il était tout à fait logique que la droite se fasse appeler extrême droite. Les pleureuses droitières miauleront que c’est injuste et méchant, révélant par là leur infinie bêtise. La preuve qu’une personne de droite ne comprend strictement rien à la gauche, c’est l’affichage quasi pornographique de son besoin de se faire aimer par cette dernière », Le JDD, 01/05/2022.
« Je ne comprends pas très bien où est le problème, que ce soit dans l’écriture, dans la création artistique ou sur une scène, de dire tout. Si ce sont des mots, des phrases, c’est un cadre qui est fait pour ça. Si on commence à s’empêcher là, à ce moment-là, il faut arrêter de parler de liberté […]. Et puis, il faut être honnête, il y avait plus de place disponible à droite, comme c’est bizarre », Europe 1, 24/09/2022.
« Dans le Bordelais, on fait voler des hélicos pour réchauffer l’air. Une aubaine pour se faire les riches ! Hugo [Clément] jubile. Il ne faut pas se fatigue rà vouloir expliquer le désir d’excellence à un gauchiste », Le JDD, 24/09/2022.
« J’ai fait le sketch sur Canal+ un jour après les attentats [de Charlie Hebdo, ndlr] J’étais terriblement ému. Ça me rappelait des choses très personnelles, car j’ai quitté l’Algérie au moment où les attentats démarraient. Retrouver cette situation en France, dans mon quartier, me rendait furieux ! J’étais en colère. Non, pas ça ici ! Je ne me voyais pas faire des blagues deux jours après », La Provence, 06/04/2017.
« S’il y a une phrase qui me fatigue et pour laquelle je maudis Desproges, c’est bien celle-ci : ” Peut-on rire de tout ? Oui, mais pas avec tout le monde.” Déjà, est-on vraiment obligé de rire de tout, tout le temps ? Honnêtement, il y a un tas de trucs sur lesquels je préférerais voir les gens pleurer… Cette phrase, que les journalistes et la plupart des comiques ressassent depuis des années, fait un mal épouvantable à la notion d’humour. Moi je ne vois pas la scène comme un concours de bites : je monte sur scène pour dire ce que j’ai envie de dire sans être dans la compétition. Ma limite, c’est : est-ce que j’assume de dire sur scène ce que j’ai envie de dire ? », Marie Claire, 2016.
« Merkelmaus. — C’est vrai que ton ministre du “Redressement de la balance des stigmatisations” s’est fait applaudir par des détenus ?
Fraisby. — Je le constate.
Merkelmaus. — C’est juste ?
Fraisby. — Évidemment. Зa prouve que Zemmourovitch a tort. La plupart des délinquants ne sont ni noirs, ni arabes ; ils sont de gauche. Donc, c’est normal qu’ils applaudissent la justice », Le Point, 30/05/2012.
Sa nébuleuse
Thierry Ardisson : il le découvre sur la scène du Studio des Champs-Elysées en 2010 qui et lui offre le fauteuil du comique, laissé vacant par Stéphane Guillon, dans « Salut les Terriens ».
Jérôme Béglé : directeur de Paris Match. Leurs liens d’amitié ont amené Béglé à lui offrir une chronique hebdomadaire dans Le Point en 2012. Cinq ans plus tard, il signera une recension fort élogieuse du one-man show de l’humoriste « Gaspard Proust ne pense qu’à ça ».
Laurent Ruquier : il le repère en 2009 alors qu’il fait la première partie de Patrick Timsit, année de son premier seul en scène intitulé « Sous-développé affectif », et le produit depuis lors via sa société « Ruq Spectacles ». et, il lui permet de venir à la radio pour la première fois en 2009, lorsqu’il est intégré au panel des chroniqueurs d’ « On va s’gêner ».
Alain Chou : son attaché de presse.
Lise Boëll : son éditrice. Directrice de Plon qui passe sous le pavillon d’Editis en 2021, elle a publié le seul livre de Gaspard Proust paru à ce jour, un des plus grands succès éditoriaux de la maison en 2023.
On a dit de lui
« Ça m’aurait intéressé de le voir à une époque. Il y a quelques années c’était un Desproges hard et réac. Maintenant, il est juste rance. Il raconte à la sphère réactionnaire ce qu’elle veut entendre », Bruno-Roger Petit, Libération, 15/12/2023.
« Gaspard Proust est d’extrême droite. Ce n’est pas parce qu’il est comique qu’il n’est pas de droite extrême. Et ce n’est pas Vincent Bolloré qui l’oblige à aller dans ce sens-là, Bolloré le recrute parce qu’il a toujours été dans ce sens-là », François Hollande, Ibid.
« Proust, dont la grand-mère est une rescapée du camp de concentration de Ravensbrück, en a connu justement deux, de guerres : encore enfant en Yougoslavie, puis en Algérie. Intellectuel itinérant, devenu francophile à Alger, il retient de son enfance “tout ce que l’on peut retrouver dans les romans d’Albert Camus”. Les souvenirs crus de cette jeunesse slovéno-algérienne, images de tanks défilant dans les rues, d’attentats et de fusillades ont, on le devine, aiguisé ce regard impitoyable qu’il porte tout autant sur les petits riens du quotidien que sur les grands drames de l’humanité », Les Inrocks, 17/10/2017.
« Son personnage de « connard désinvolte »doublé d’un mufle misogyne, multiplie toujours les saillies sur les religions, les attentats, les bobos, le naufrage du couple, le mariage pour tous. Il a en revanche modifié la teneur de ses attaques politiques faisant croire qu’il a voté Hamon et n’évoquant jamais Mélenchon », Le Monde, 23/09/2017. »
« Dans l’ombre rôde Laurent Ruquier, qui a repéré chez ce Slovéno-Suisse né en 1976 un humour neuf. Il n’écorche pas les mots, ne se pousse pas du col, n’évoque pas sa paternité, ses souvenirs d’enfance, ne se lance pas dans une interminable course à la démagogie. Son humour est qualifié de droite, même si tout le monde en prend pour son grade. Cela ne cadrait pas avec les canons du moment, alors, cela ne pouvait que marcher. Bonne pioche, monsieur Ruquier ! En quelques semaines, une star est née. Une tournée, le théâtre du Rond-Point, la salle Gaveau, le Châtelet, les écrins les plus prestigieux accueilleront le diamant de l’humour », Jérôme Beglé, Le Point, 28/11/2013.
« Le deuxième degré chez Gaspard Proust ? On fouille, on farfouille, on trifouille, en vain. Réglons une fois pour toutes la question : si, on peut rire de tout. Surtout par l’humour noir, revigorant en ceci qu’il est une antiphrase. L’atrocité d’un personnage en souligne davantage la laideur et la bêtise. Pas ici. Etonnant, non ? », Le Monde, 16/11/2011.