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Jacques Cardoze

18 novembre 2024

Temps de lecture : 10 minutes
Accueil | Portraits | Jacques Cardoze
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Jacques Cardoze

Temps de lecture : 10 minutes

Le repenti du service public

Il a été, pendant une vingtaine d’années, une figure importante du groupe France Télévisions, mais en rejoignant la bande de Touche pas à mon poste, à la rentrée 2023, Jacques Cardoze s’est servi de sa nouvelle tribune pour dénoncer les rouages du service public. Il n’y restera qu’un an pour se consacrer à des enquêtes avant de candidater à la direction de Public Sénat.

Origines et formation

Jacques Car­doze voit le jour le 14 sep­tem­bre 1969 à Bor­deaux. Il a deux frères. Dans la famille Car­doze, la pra­tique d’une activ­ité artis­tique tient une place impor­tante. De cette pra­tique, les deux frères de Jacques fer­ont leur méti­er puisque l’un est devenu vio­lon­cel­liste à l’orchestre phil­har­monique de Paris, l’autre est bas­son­iste à Lyon. Jacques lui-même suiv­ra dans un pre­mier temps un par­cours artis­tique. Il se dirige vers une car­rière de danseur de bal­let à l’Opéra. Tout d’abord, il intè­gre l’école de l’Opéra à Paris, dont il est ren­voyé à l’âge de treize ans pour indis­ci­pline. Mal­gré cela il mon­tre du tal­ent et sort diplômé du con­ser­va­toire nation­al de Paris. Par la suite, il intè­gre le bal­let français de Paris, à ce moment-là dirigé par le célèbre danseur Patrick Dupont. C’est en 1992 que Jacques Car­doze se tourne vers le journalisme.

Cette tran­si­tion peut sur­pren­dre, pour­tant le jour­nal­isme tient le haut du pavé chez les Car­doze. Le père de Jacques n’est autre que Michel Car­doze, jour­nal­iste con­nu, qui a été présen­ta­teur sur des chaînes telles que TF1. Il était égale­ment mem­bre du Par­ti Com­mu­niste Français et a été l’une des plumes du jour­nal L’Humanité. Par ce choix, Jacques suit le chemin tracé par son père. Il est alors for­mé au sein de Radio France.

Parcours professionnel

En 1992, il com­mence sa car­rière à Radio France au ser­vice des sports. Il y com­mente alors les matchs de foot­ball. C’est égale­ment durant cette péri­ode qu’il fait ses pre­mières ani­ma­tions en présen­tant le jour­nal des sports entre 1992 et 1995. Deux ans plus tard, en 1994, il rejoint France Télévi­sions, tou­jours au ser­vice des sports, où il par­ticipe à la créa­tion de ce qui va devenir Tout le sport.

En 1995, il devient reporter pour France 2 où il se fait rapi­de­ment remar­quer. Cette année-là, il est envoyé pour cou­vrir les grandes grèves con­tre la réforme des retraites du gou­verne­ment Jup­pé. En 1997, il devient cor­re­spon­dant de France 2 à Mar­seille, poste qu’il con­serve jusqu’en 1999. Dans cette fonc­tion, il cou­vre la mort du préfet Erignac.

Durant sa péri­ode en tant que reporter pour France 2, il a l’occasion de réalis­er un pre­mier numéro d’Envoyé Spé­cial. Dans la pre­mière moitié des années 2000, il va col­la­bor­er à cette émis­sion et quelques autres. Pour Envoyé Spé­cial, il réalise des reportages sur les sondages et le vote pour le Front Nation­al en 2002. Après les atten­tats de New York en 2001, il va à la fron­tière afghane réalis­er un reportage sur les tal­ibans. Lors de l’invasion de l’Irak en 2003, lui et son cam­era­man sont vic­times d’une attaque par l’armée améri­caine, qui les prend pour des rebelles. Les deux hommes sont pré­sumés morts pen­dant un peu moins de 24 h avant de réap­pa­raître. Cet épisode mar­quant fait par­tie des quelques-uns que Jacques Car­doze a pu tra­vers­er lors de ces enquêtes au long cours. Il va égale­ment par­ticiper à l’émission Com­plé­ment d’enquête et à une autre inti­t­ulée Un œil sur la planète.

Durant cette même péri­ode, il grav­it un éch­e­lon sup­plé­men­taire au sein de France Télévi­sions en étant pro­mu grand reporter au sein du ser­vice enquête et reportage. Il va cou­vrir des sujets var­iés tels que les atten­tats de Madrid, la mort de Yass­er Arafat, les émeutes de 2005 ou encore la guerre du Liban en 2006.

Entre 2007 et 2009, il rem­plit le rôle de jok­er pour l’animation des jour­naux de Télé­matin. En 2007 égale­ment, il devient respon­s­able adjoint du ser­vice étranger de France 2 et cou­vre l’investiture de Barack Oba­ma, la mort de Mick­aël Jack­son ou encore les J.O de 2012.

Entre 2013 et 2018, il est nom­mé chef du bureau de France 2 à Wash­ing­ton. Cette fonc­tion le fait appa­raître régulière­ment sur les plateaux en tant qu’envoyé spé­cial per­ma­nent. C’est notam­ment lui qui cou­vre pour France Télévi­sions la cam­pagne de Don­ald Trump et annonce son élec­tion sur France 2 et Fran­ce­In­fo.

En 2018 enfin, il achève son cur­sus hon­o­rum sur France 2 où il rem­place Thomas Sot­to à l’animation de Com­plé­ment d’enquête, dont il devient égale­ment le rédac­teur en chef. Néan­moins, comme il le racon­te en sep­tem­bre 2023, la fin de cette col­lab­o­ra­tion sera entachée de plusieurs points d’ombre. Par­mi eux, notons la cen­sure implicite d’un sujet con­sacré à Jean-Luc Mélen­chon, les insultes de « facho » proférées à l’encontre de Car­doze, ou encore le boy­cott des chaînes du groupe Bol­loré par la direc­tion de France Télévi­sions.

Ain­si en 2021, après presque trente années de ser­vice, il quitte Com­plé­ment d’Enquête et le ser­vice pub­lic pour devenir le directeur de com­mu­ni­ca­tion de l’Olympique de Mar­seille, club qu’il affec­tionne plus que les autres. Il quitte cette fonc­tion en décem­bre 2022.

Début 2023, il rejoint l’agence de presse du groupe de presse Stu­dio­Fact Média, agence qui vend par­fois des sujets à Com­plé­ment d’Enquête. Enfin, en juil­let 2023, il con­tacte Cyril Hanouna sur Insta­gram afin de tra­vailler avec lui. Après une brève con­ver­sa­tion, les deux hommes se met­tent d’accord pour que Car­doze rejoigne l’équipe de Touche pas à mon poste. Cette expéri­ence est pour Car­doze une occa­sion de s’éditorialiser, selon ses mots.

Elle sera de courte durée car, en sep­tem­bre 2024, Jacques Car­doze ne reprend pas son poste de chroniqueur auprès de Cyril Hanouna. Il émet en effet le souhait de se con­cen­tr­er sur la réal­i­sa­tion d’en­quêtes pour la chaîne. En effet, il devait réalis­er sur un doc­u­men­taire sur C8 sur les dessous de Com­plément dEnquête, sorte de retour à l’envoyeur de Cyril Hanouna à France 2 pour l’enquête à charge dif­fusée par la chaîne publique. Mais cette réplique ne ver­ra jamais le jour. À la place, le pre­mier numéro d’Enquête com­plé­men­taire est con­sacré au volet sécu­ri­taire de l’organisation des Jeux Olympiques 2024.  Le Parisien vend la mèche et sug­gère que le sujet ini­tial, « trop vio­lent » à l’encontre de France Télévi­sions, a été recalé par l’état-major de Canal+ qui ne souhaite pas une guerre ouverte avec le groupe pub­lic. En effet, les intérêts financiers entre les deux groupes sont nom­breux. A titre d’exemple, le groupe Ban­jay, qui compte comme action­naires Viven­di et Cyril Hanouna, pro­duit égale­ment nom­breuses émis­sions phares de France Télévi­sions, comme « Enfants de la télé » ou « N’ou­bliez pas les paroles ! ». Une guerre entre France Télévi­sions et Canal+ sur la durée pour­rait met­tre à mal cet ecosys­tème, sans même par­ler du finance­ment du ciné­ma français qui repose en grande par­tie sur ces deux acteurs audiovisuels.

Un coup de mas­sue en appelle un autre. Peu de temps après la dif­fu­sion du pre­mier numéro, C8 est vouée à baiss­er le rideau en 2025 à la suite de la déci­sion prise en juil­let 2024 par l’Ar­com de ne pas renou­vel­er son autori­sa­tion d’émettre. Ne sachant pas si ses prochaines enquêtes, con­sacrées respec­tive­ment aux squat­teurs et au gaspillage d’argent pub­lic, pour­ront être dif­fusées à temps, le jour­nal­iste cherche une porte de sortie.

C’est ain­si qu’il en vient à pro­pos­er sa can­di­da­ture à la prési­dence de Pub­lic Sénat à Gérard Larcher. Dans son dossier de can­di­da­ture, il plaide pour rap­proche­ment des ter­ri­toires par le biais d’une nou­velle ver­sion de l’émis­sion « Bon­jour chez vous », inter­ac­tive et ancrée sur un thème d’actualité, tout en inclu­ant plus d’émissions en direct, et de ren­forcer la présence de la chaîne sur les réseaux sociaux.

Parcours militant

Jacques Car­doze n’a, con­traire­ment à son père, jamais était encar­té dans un par­ti ou un mou­ve­ment. En tant que servi­teur du ser­vice pub­lic, il en a partagé les opin­ions et les par­ti pris durant de nom­breuses années, cepen­dant il déclare ne pas aimer les don­neurs de leçon lors de sa pre­mière dans Touche pas à mon poste. S’il ne le dit pas aus­si pré­cisé­ment, on sent que cette tri­bune est pour lui une occa­sion de bro­carder la pen­sée unique rég­nant dans le ser­vice pub­lic qu’il con­naît très bien.

Ce qu’il gagne

Non ren­seigné.

Récompense

En 2018, il reçoit le grand prix de la presse inter­na­tionale dans la caté­gorie « télévi­sion », qui lui est décerné par l’agence de la presse étrangère.

Il l’a dit

« On est dans une péri­ode où la presse donne beau­coup de leçons. », Touche pas à mon poste, 11 sep­tem­bre 2023.

« En France on a un prob­lème avec ce qui est pop­u­laire. », Le Figaro TV Mag­a­zine, 20 sep­tem­bre 2023.

« Ma pat­te, c’est d’être sur le ter­rain, en m’intégrant aux sujets, en trans­portant les fau­teuils rouges sur les lieux des reportages. », TéléS­tar, 7 févri­er 2019.

« Ça fait 35 ans que je suis jour­nal­iste. France Télévi­sions m’a tout don­né. À part peut-être présen­ter le 20 heures, mais ma chance est passée. », Le Parisien, 7 mai 2021.

« C’est pas un secret de dire qu’au sein de Com­plé­ment d’Enquête on a plutôt un pen­chant de taper sur la droite que sur la gauche. », Touche pas à mon poste, 21 sep­tem­bre 2023.

« Le ser­vice pub­lic ça doit être la neu­tral­ité, ça doit être l’exemple, parce que tous les gens qui sont ici, ils don­nent 150 euros par an. », Touche pas à mon poste, 21 sep­tem­bre 2023.

« Lorsque je suis arrivé à la tête de Com­plé­ment, la direc­tion de l’info m’a dit “c’est une secte” », Touche pas à mon poste, 21 sep­tem­bre 2023.

« Au sein de Com­plé­ment d’Enquête il y a des gens qui sont ouverte­ment d’extrême gauche », CNews, 21 sep­tem­bre 2023.

« Cette émis­sion est une école d’hu­mil­ité et de frus­tra­tion. Je ne mattendais pas à ce que ce soit aus­si dif­fi­cile”, a‑t-il con­fessé, avant d’a­jouter : On ren­con­tre beau­coup de frus­tra­tion quand on est dune école jour­nal­is­tique comme moi : on prépare 20 à 25 sujets mais on est 10 à par­ler et il y a des invités. De plus, Cyril Hanouna peut rebondir à tout moment », Télé Loisirs, 31/05/2024.

Nébuleuse

Après plus de trente ans sur le ser­vice pub­lic, Car­doze gravite aujourd’hui au sein du groupe Bol­loré avec un poste de chroniqueur sur C8 et un pas­sage chez Moran­di­ni sur CNews. Lorsqu’on con­naît les rela­tions entre le groupe Bol­loré et France Télévi­sions, l’ancien employeur de Car­doze, on peut con­sid­ér­er que Car­doze a franchi le Rubi­con médiatique.

Vie privée

Avec sa femme, hôtesse de l’air, il est le père de Thomas Car­doze, qui a étudié à l’École de jour­nal­isme de Toulouse et « rêve de devenir jour­nal­iste » et d’une fille, Julie Car­doze, née en 1999, qui tra­vaille dans les ressources humaines.

Ils l’ont dit

« Son CV bril­lant témoigne de ses nom­breuses vies. », TéléS­tar, 7 févri­er 2019.

« Il faut juger France TV sur des valeurs et Jacques y a adhéré pen­dant 27 ans. », Élise Lucet dans Le Figaro, 27 sep­tem­bre 2023.

« Jacques Car­doze va inter­venir deux fois par semaine dans TPMP. Cer­tains ont vu dans ce récent recrute­ment un sig­nal envoyé par Cyril Hanouna aux équipes de Com­plé­ment d’enquête qui pré­par­ent un doc­u­ment à son sujet. L’ancien rédac­teur en chef du pro­gramme pour­rait ain­si être un allié de taille si le reportage de France 2 se mon­tre à charge con­tre la star de C8. », France­Live, 5 sep­tem­bre 2023.

« Car­doze, lair grave, lunettes sur le nez, quitte son écran dordi­na­teur pour épin­gler des coupures de jour­naux ou des pho­tos sur un pêle-mêle déjà bien gar­ni. Dans la pénom­bre, il fixe scrupuleuse­ment le fruit de mois de tra­vail. La mise en scène frise la par­o­die et nest pas sans rap­pel­er celle des débuts de… Com­plément denquête, l’émission que lancien jour­nal­iste de France Télévi­sions (vingt-sept ans de mai­son) ne perd jamais locca­sion de dézinguer sur le plateau de TPMP. […] Le clin d’œil ne man­quera sans doute pas damuser ses anciens collègues », Téléra­ma, 12/06/2024.

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