Jean-Baptiste Malet
Petit journaliste deviendra grand…
Dernière modification le 06/01/2019
« Je revendique d’être un journaliste engagé. »
C’est encore un tout jeune journaliste, qui écrit (pour le moment ?) dans des journaux ou magazines à diffusion limitée. Mais ce jeune homme pressé a déjà trouvé sa spécialité : la lutte contre l’extrême droite. Il est déjà l’auteur de nombreux articles, d’un livre et d’un film sur le sujet. Il est également l’auteur d’un pamphlet remarqué contre l’entreprise Amazon. On n’a pas fini d’entendre parler de Jean-Baptiste Malet.
Formation
Né en 16 avril 1987, à Toulon, Jean-Baptiste Malet explique son engagement par la victoire du Front National aux élections municipales de 1995. Il avait alors huit ans… Au début des années 2000, il est élève à l’école militaire d’Aix-en-Provence. Il fait ensuite une licence de lettres modernes à l’Université de la Garde. Pour payer ses études, il fait des « petits boulots », aussi bien comme surveillant, que dans un Mac Donald, ou dans une maison de retraite. Il ne manque jamais une occasion de mettre ces expériences en avant, notamment pour justifier son point de vue sur Amazon.
Parcours professionnel
En 2007, il commence par réaliser des enquêtes pour Le Ravi, mensuel satirique de la région PACA. Il pige également pour Charlie Hebdo, Regards, ou encore Rue 89. Il travaille aujourd’hui pour Golias magazine et sa version hebdomadaire Golias hebdo, la référence des catholiques progressistes.
À l’instar de Renaud Dély, ses sujets de prédilection sont le Front National, « les liaisons dangereuses » entre le FN et l’UMP, les « nostalgériques », rapatriés et anciens de l’Algérie Française, les réseaux catholiques « ultra-conservateurs », les identitaires, etc…
En 2011, il publie aux éditions Golias, Derrière les lignes du Front. Pendant un an, Jean-Baptiste Malet « a pratiqué, par l’immersion et l’enquête, un journalisme aux multiples figures », selon la présentation de l’ouvrage. La critique est assez élogieuse et vaut à son auteur une certaine célébrité, notamment pour avoir révélé qu’un important importateur de viande halal était élu du Front National au conseil régional Nord-Pas-de-Calais ! (Quand le coq gaulois est halal).
De 2008 à 2014, il écrit pour Charlie Hebdo, L’Humanité, Golias Hebdo, Regards, Témoignage chrétien, Rue89, Bakchich.
Mains brunes sur la ville, documentaire qui veut « proposer une analyse accessible au plus grand nombre et révéler le véritable visage de l’extrême droite contemporaine »
En 2012, il sort, en collaboration avec Richard Mallet, Mains brunes sur la ville, documentaire qui veut « proposer une analyse accessible au plus grand nombre et révéler le véritable visage de l’extrême droite contemporaine ». Le film, tourné au printemps 2011, s’intéresse à Jacques et Marie-Claude Bompard, anciens du Front National, maires d’Orange et de Bollène, dans le Vaucluse. Le film est disponible sur Youtube.
Pour le tournage de ce film, Jean-Baptiste Malet avoue avoir « eu recours à divers stratagèmes pour recueillir leurs propos : journaliste reporter d’images inconnu de leurs services, caméra cachée ».
Localement, la diffusion de ce film, qualifié de « brûlot », (La Provence, 27 mai 2012), en pleine campagne électorale, fait, bien évidemment débat, notamment dans la presse locale. La Provence estime que « sa force est de montrer le fossé entre la forme et le fond, entre la communication lissée d’une part et, d’autre part, les coupes sombres au long cours, notamment pour ce qui relève du monde social, associatif, et de toute ce qui figure hors de la vitrine officielle des deux municipalités ». Toutefois, le journal regrette « des lacunes ». « Si le documentaire a le mérite d’exister, il aurait gagné en force en tendant un peu moins le micro aux opposants historiques de Jacques Bompard et en approfondissant plus encore l’enquête, images à l’appui, révélations aux forceps ». La Provence, 30 mai 2012
Pour les mairies de Bollène et d’Orange, la cause est entendue. Il s’agit d’« un film qui peut parfaitement prétendre à la victoire aux Gérard du cinéma, catégorie film de propagande du temps de l’URSS » (Vaucluse matin, 25 mars 2012).
La critique est partagée sur le film, même si, dans l’ensemble, le sujet est salué. Ainsi, Thomas Sotinel, dans Le Monde, du 20 mars 2012 : « on dira que ce n’est qu’une question de titre, fait pour attirer le chaland antifasciste, mais ce raccourci qui se transforme en impasse analytique résume bien la faiblesse constitutive de ce documentaire militant ». Même son de cloche chez Matthieu Bareyre, du site Critikat, qui, après avoir loué l’objet du documentaire, estime qu’« il n’y a pas en ce film l’ombre d’un outillage visuel et/ou conceptuel susceptible de nous permettre une compréhension véritable de l’actualité de l’extrême-droite ». Pour Virgile Dumez, du site de critique À voir à lire, « Mains brunes sur la ville risque tout au plus de rejoindre cette longue cohorte de documentaires politiques qui emportent l’adhésion de ceux qui sont déjà convaincus avant d’entrer dans la salle ».
Cela semble effectivement le cas, puisque malgré la diffusion du film pendant la campagne des élections législatives, par Fabienne Haloui, candidate du Front de Gauche, Jacques Bompard est élu député.
En 2013, il publie En Amazonie, une enquête qui a pour objectif de « découvrir le visage de la multinationale au-delà de son moteur de recherche et de ses pages de catalogues ». Pour cela, Jean-Baptiste Malet, cachant sa profession de journaliste, se fait embaucher comme intérimaire dans les entrepôts de Montélimar. « Selon Malet, Amazon transforme ses recrues en « robots hébétés ».
La critique est élogieuse. Libération estime que ce livre « décrit un univers incroyable aux accents totalitaires » ; L’Humanité écrit que le livre « casse le mythe d’une économie numérique désincarnée ».
Seule fausse note, Var Matin, qui ironise sur un auteur qui « découvre le monde du travail ». De même, le quotidien pose une question : « Grands absents de cette enquête, les représentants syndicaux du site. « On ne doit pas parler aux journalistes à Amazon », martèle l’auteur. Ont-ils été simplement échaudés d’avoir eux aussi été trompés par leur interlocuteur » ? Jean-Baptiste Malet l’avoue dans un entretien à La Croix : « quand les syndicats ont su que j’étais journaliste, ils n’ont plus voulu me parler ».
Enfin, Jean-Baptiste Malet dénonce l’utilisation d’argent public pour aider Amazon à installer ses entrepôts : « Amazon fait des bénéfices considérables mais paie très peu d’impôts en France, grâce à un montage fiscal passant par le Luxembourg. Alors, quand on voit un ministre les accueillir à bras ouverts, des collectivités locales subventionner l’implantation des entrepôts, on ne peut que se demander si l’argent public doit aller à une entreprise qui agit ainsi »…
En 2017, il signe L’Empire de l’or rouge, une enquête allant de la Chine au Ghana, en passant par les États-Unis, le Canada, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre et la France sur la géopolitique du concentré de tomate industriel. L’ouvrage a été traduit en Italie par les éditions Piemme du groupe Mondadori, lui-même tenu par la famille Berlusconi – qui le retirent du catalogue quelques mois après la parution, ce qui interroge sur des soupçons de pressions ; au Japon par les éditions Ohta, en Espagne par les éditions Península et en Allemagne par les éditions Eichborn.
En Italie il se trouve que dès sa sortie le livre a été attaqué par une entreprise citée dans le livre ; après qu’il ait refusé la demande de l’avocat de Mondadori de ne plus parler dudit industriel, son livre a été retiré du catalogue.
Le 22 octobre 2018 il reçoit à Istanbul le prix Albert Londres pour cette enquête ; il déclare alors dans Télérama (23/10/2018) : « Se consacrer pendant deux ans et demi à un sujet comme celui-ci signifie énormément de solitude, de moments loin de chez soi, de longues lectures en bibliothèque… Pendant toute cette enquête, j’ai vraiment sacrifié ma vie personnelle, ma vie intime, je n’ai fait que travailler. C’est le lot des journalistes indépendants ».
En août 2018, Jean-Baptiste Malet publie dans le Monde diplomatique une enquête sur Pierre Rabhi, paysan ardéchois pionnier du bio, intitulée « Le système Pierre Rabhi ». Après ses réactions indignées il revient dessus d’abord dans un entretien au Média, une web-télé proche de la France Insoumise, dans un nouveau texte paru en novembre, où il maintient ses accusations.
Parcours militant
En 2009, à 22 ans, Jean-Baptiste Malet est candidat, pour Europe Écologie Les Verts, à l’élection cantonale partielle de Solliès-Pont, dans le Var. Il réalise le score de 15,71%. À cette occasion, il reçoit le soutien de Noël Mamère, lui même ancien journaliste (Var matin, 23 août 2013).
En 2012, il déclare ne plus être encarté, mais rester engagé à l’extrême-gauche : « Le jeune Toulonnais s’est depuis détaché des partis politiques. C’est finalement dans son boulot de journaliste qu’il trouve sa pleine « capacité d’action ». Il ajoute : « Je revendique être un journaliste engagé. Si je n’ai plus de carte nulle part, je fais mon travail avec conviction. » Plus de carte de parti mais une carte de presse, comme une autre façon de marcher ».
Et fort logiquement il soutient Mélenchon : « A mon sens, le seul qui, au plan national, bouge vraiment les lignes, est Jean-Luc Mélenchon. Il passe véritablement à l’offensive contre le capitalisme. Je crois sincèrement au bien-fondé de sa candidature ».
Il déclare dans Var-Matin (9/8/2017) que l’Empire de l’or rouge est un « outil de critique sociale pour décrypter le capitalisme ».
Ce qu’il gagne
Non renseigné
Publications
- Derrière les lignes du Front. Immersions et reportages en terre d’extrême droite, Editions Golias, septembre 2011.
- Mains brunes sur la ville, avec Bernard Richard, La Mare Production, mars 2012.
- En Amazonie, Fayard, 2013.
- L’Empire de l’or rouge, Fayard, 2017.
Il l’a dit
« Je ne suis pas hostile au fait qu’on interroge le FN, qu’on débatte avec lui. Moi-même je l’ai fait, mais pas n’importe comment, je ne me suis pas contenté de tendre le micro. En revanche, je supporte mal les gens qui me félicitent en disant : « C’est super-dangereux, l’infiltration ! » Je n’ai jamais vu personne féliciter un grutier en lui disant : « Bravo d’être monté si haut, c’est dangereux. » J’ai juste fait mon métier. Que les confrères fassent le leur », L’Humanité, 10 janvier 2012.
« Le ton ouvriériste de ce parti est une chimère : il n’y a aucun ouvrier dans son encadrement. Ce n’est pas seulement un parti raciste d’un point de vue racial, c’est un parti raciste d’un point de vue social. Il y a clairement une volonté de défendre un ordre naturel, où les pauvres sont à leur place quand ils sont en bas de l’échelle », toujours au sujet du FN, ibid.
« Il y a une déconnexion totale entre la gauche mondaine, pétitionnaire, de centre-ville, et le chaos social laissé à l’abandon et au FN » , ibid.
« Je revendique d’être un journaliste engagé. Si je n’ai plus de carte nulle part, je fais mon travail avec conviction », La Marseillaise, 11 avril 2012
« À mon sens, le seul qui, au plan national, bouge vraiment les lignes, est Jean-Luc Mélenchon. Il passe véritablement à l’offensive contre le capitalisme. Je crois sincèrement au bien-fondé de sa candidature », La Marseillaise, 11 avril 2012.
« Un journaliste est un contre-pouvoir », Var Matin, 11 mai 2013.
« Quand on est un travailleur intellectuel, et qu’on voit les ouvriers contents de manger du chocolat offert par l’entreprise, si on garde un préjugé de classe, on peut penser que ces gens acceptent parce qu’ils ne sont pas diplômés, qu’ils manquent de sens critique. En réalité, en repensant à George Orwell, qui découvre la même réalité dans le Quai de Wigan, j’ai compris que ces gens, s’ils étaient contents de cette convivialité artificielle, c’est que c’est tout ce qu’on leur a laissé. On leur a pris leur énergie, leur enthousiasme, et on leur rend un peu de bonheur conditionné », L’Humanité, 2 mai 2013, à propos de En Amazonie.
« Ses ouvrages centrés sur sa personne, ses centaines de discours et d’entretiens qui, tous, racontent sa vie ont abouti à ce résultat singulier : cet homme qui parle continuellement de lui-même incarne aux yeux de ses admirateurs et des journalistes la modestie et le sens des limites », au sujet de Pierre Rabhi, Le Monde diplomatique, août 2018.
« Je collabore régulièrement au Monde diplomatique et suis très attaché à ce journal, avec lequel je veux continuer à travailler, car c’est un format qui me convient bien. Je suis un journaliste qui tient à rester détaché de l’actualité, du moins la plus immédiate. Pour moi, quand on croque dans une pizza, c’est aussi une forme d’actualité, ça met en branle le monde, il y a derrière cela des mécanismes économiques à disséquer. Je tiens à persévérer dans cette voie-là, cette temporalité-là, à produire des enquêtes et des livres de fond », Télérama 23/0/2018, op.cit.
« Au cœur de l’industrie culturelle, M. Rabhi a su mobiliser l’imaginaire du paradis perdu et en faire un produit de consommation de masse », le Monde diplomatique novembre 2018.
« J’ai découvert durant mon enquête que beaucoup de faits, de détails, ou d’exploits prêtés à Pierre Rabhi sont exagérés. Une part de la responsabilité en revient à l’intéressé lui-même, qui, depuis sa jeunesse, n’a cessé de se raconter pour élaborer son propre mythe », ibid.
« Son « retour à la terre » est celui d’un jeune catholique intransigeant éduqué dans un milieu bourgeois en Algérie française, qui ne supporte ni la violence du monde industriel des années 1960 ni les discours des syndicalistes de l’époque en faveur de la lutte des classes. Il rejoint à cette époque, en Ardèche, des catholiques conservateurs plus âgés que lui et profondément influencés par le ruralisme de Vichy », ibid.
Collaborations
Au printemps 2012, Jean-Baptiste Malet participe à de nombreuses projections de son film mains brunes sur la ville, organisées aussi bien par le Front de Gauche, que par la Ligue des Droits de l’Homme.
En septembre 2012, Jean-Baptiste Malet participe, à un débat sur l’extrême droite, à la Fête de l’Humanité, avec Alexis Corbière, du Parti de Gauche, et Alain Hayot, du Parti communiste.
En avril 2013, il anime un atelier Combattre le vote extrême-droite chez les jeunes, au 83ème congrès de l’UNEF.
Il participe également à de nombreuses réunions publiques pour présenter ses livres et son film.
Sa nébuleuse
Christian Terras (Golias), Bernard Richard.
Ils ont dit
« On se demande si J.-B. Malet n’est pas comme fasciné par son objet d’étude. Son immersion auprès des identitaires niçois, des maréchalistes en goguette ou des militants FN d’Hénin-Beaumont montre une faculté, chez l’auteur, de compréhension des comportements de ces hommes et de ces femmes », « Saint-Just », Cuverville (site satirique toulonnais).
« Les organisateurs avaient cité un nom devant la presse, symbolisant un visible renouveau des troupes progressistes locales ainsi qu’un élan à saluer au chapitre de l’esprit d’initiative. Le nom en question est celui de Jean-Baptiste Malet », La Marseillaise, 11 avril 2012.
« Jean-Baptiste Malet n’est ni un militant, ni un gauchiste, c’est un journaliste qui adopte un parti pris et qui l’assume », Fabienne Haloui, Secrétaire départemental de Vaucluse, du Parti communiste – La Provence, 30 mai 2012.
« Ce monsieur est venu chez moi. Il aurait pu me poser des questions. Pas du tout. Il n’a posé aucune question. Il est reparti et il a fait du puzzle. Il a rassemblé quelques données par-ci par-là, et toujours à charge, à charge, à charge », Pierre Rabhi, France Culture, 23/09/2018.
« Psychanalytiquement, je pourrais dire qu’il était en quête de sa propre valorisation, et que s’attaquer à une personne qui est reconnue, peut-être, c’était plus commode d’arriver à ses fins », ibid.
Crédit photo : David Latour via jean-baptiste-malet.fr
Ce portrait a été financé par les donateurs de l’OJIM
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