La bien-pensance en ligne
Avec la défiance grandissante dans les médias dominants, internet est devenu le second souffle du système afin de toucher un public convoité : les jeunes. Parmi ces ambassadeurs du renouveau de la bien-pensance en ligne, il y a Jean Massiet.
Origines et formation
Né le 1er octobre 1988 à Paris, il grandit au sein d’un milieu bourgeois où il reçoit une bonne éducation teintée de catholicisme. Il rentre au lycée Paul Lapine à Courbevoie. Sur le conseil de sa sœur aînée, il participe à la réunion de rentrée du journal du lycée et rapidement en devient le responsable, ce premier engagement le marquera.
Son bac en poche, il rentre en première année de licence à Paris-Nanterre. Nous sommes alors en 2007. En 2010, il fait une première année de master à l’ENS dans le droit public. Il poursuit en 2011 avec un master d’affaires publiques et administratives à Panthéon-Sorbonne.
Parcours professionnel
Préparé par son cursus universitaire à un poste de collaborateur parlementaire, il effectue tout d’abord un stage auprès de Colombe Brossel, adjointe à la mairie de Paris en charge des affaires sociales et périscolaires. Il se met ensuite au service de Frédérique Calandra, maire socialiste du 20e arrondissement de Paris.
Entre 2012 et 2014, il est chargé de mission auprès du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis. Enfin, en 2014, il rentre au cabinet de Marisol Touraine, alors ministre de la Culture. Il y reste jusqu’en 2015. Cette année-là, les attaques contre la rédaction de Charlie Hebdo, dont il était proche, lui montrent que le politique n’est pas pour lui. Il déclare à ce sujet : « J’aurais suivi le parcours et le cursus qui étaient tracés pour moi et je serais aujourd’hui contrôleur de gestion à la Société Générale, marié avec 2 enfants, un labrador et un pavillon dans les Yvelines. […] Tu comprends à cette caricature que je suis bien content d’être là où j’en suis. »
Durant l’été 2015, il travaille sur le projet Vie Publique, une chaîne Twitch où il veut commenter les questions au gouvernement. Il finance ce projet en empruntant 5 000 euros sur ses propres fonds. Néanmoins, l’émission doit changer de nom sur demande des services du ministère de l’Intérieur, et devient Accropolis. La chaîne est bannie de Twitch peu après son lancement car la plateforme n’accepte pas les chaînes hors celles de jeux vidéo. Massiet va alors sur YouTube. En septembre 2019, Massiet se voit diagnostiquer un état de burn-out. Le projet Accropolis prend fin en 2021, et il se consacre alors à ses projets en solitaire.
Il lance sa chaîne solo où il reprend le concept de commenter les questions au gouvernement à la mi-septembre 2021. Le 14 juin 2021, il est également l’un des deux commentateurs d’un match d’e‑sport opposant Ugo Bernalicis et Denis Masséglia.
Durant le premier confinement, il lance Jean Massiet Invitational, une émission d’interview de personnalités politiques, qui cesse à l’automne 2020 après 9 diffusions. Enfin, en 2022, à l’occasion des élections présidentielles, il lance l’émission Backseat, dans laquelle entouré de chroniqueurs, il reçoit des personnalités politiques, notamment des ministres. En 2023, l’émission est prolongée.
Collaborations
Dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube le 28 avril 2023, il affirme avoir effectué plusieurs collaborations avec la Cour des comptes ou encore la Cour européenne. Par ailleurs, en collaboration avec le streameur Hugo Travers, il présente Questions aux sénateurs, une émission diffusée de manière hebdomadaire en partenariat avec LCP.
Parcours militant
Jean Massiet se veut engagé pour l’éducation populaire à la sauce Parti socialiste et la « liberté des médias » dont il a une conception toute personnelle et très peu libertaire. Dans ses années lycéennes, il est président de l’association Jet d’encre qui travaille pour promouvoir les initiatives venant des jeunes. Il est également membre du conseil d’administration d’Animafac et secrétaire général du réseau qui s’occupe des associations juniors.
Cet engagement, forgé à la fois par ces expériences mais aussi par les manifs contre le CPE en 2006, lui permet de mettre un pied dans la sphère politique. S’il indique ne pas avoir été encarté au PS, il se définit lui-même comme un homme de gauche tout en affirmant vouloir conserver à sa chaîne un ton neutre, avant d’affirmer que la neutralité n’existe pas.
En 2023, d’abord sur C à Vous, puis dans Quelle époque ! il reprend la très vieille antienne du cordon sanitaire édicté lors de l’ère François Mitterrand. Il affirme refuser d’interviewer ce qu’il définit comme l’extrême droite et être favorable à son interdiction des antennes.
Il l’a dit
« Enfant de bourgeois ayant reçu une éducation traditionnelle catholique, j’ai commencé grâce à mon engagement à fréquenter quotidiennement des homosexuels, des « pauvres », des arabes, des juifs, des personnes que rien ne m’avait préparé à connaître. », Paperblog, 27 novembre 2017
« Paradoxalement ce pourquoi j’ai milité (la place des jeunes dans la démocratie) a été un poids pour moi avec des responsabilités démesurées et du coup un grand stress. »,Paperblog, 27 novembre 2017
« Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris que l’éducation populaire était un mouvement politique au sens fort du terme : des militants de l’émancipation collective par l’enseignement. Aujourd’hui je revendique mon appartenance à ce mouvement de pensée avec fierté ! »,Paperblog, 27 novembre 2017
« Mon projet n’est pas un projet de gauche. Je reste dans le commentaire. », Fréquencej, 24 mars 2016
« Le front républicain, le bon vieux cordon sanitaire, en Belgique ça marche ! », Quelle époque, 29 avril 2023
« Il y a une différence de nature profonde entre l’extrême droite et le reste du champ politique. Ma position, celle de refuser de recevoir l’extrême droite sur un plateau, est une position qui a été celle de la plupart des médias pendant très longtemps. », C à Vous, 10 avril 2023
« Je suis de gauche mais je mets un point d’honneur à ne pas faire une chaîne de gauche. » Les Inrocks, 13 mars 2016
Sublime ironie : la manifestation anti-République a été autorisée par la justice en vertu de lois dont ces manifestants honnissent l’esprit et qu’ils abrogeront dès qu’ils le pourront
C’est ça la force de la République et la petitesse de l’autoritarisme https://t.co/Woi30PGFIe
— Jean Massiet (@JeanMassiet) May 14, 2023
Nébuleuse
Par son parcours, Jean Massiet a ses entrées dans le milieu de l’e‑sport, qui est un modèle qu’il revendique pour ses émissions. Par ailleurs, il est proche de certaines personnalités gauchistes comme le vidéaste Usul.
Ils l’ont dit
« C’est un collaborateur de cabinet en pleine crise citoyenne depuis les attentats de Charlie Hebdo. Son souhait ? Rendre la politique aux jeunes, ou plutôt réconcilier les jeunes avec la politique. », Fréquencej, 24 mars 2016
« S’il assume parfaitement venir du monde politique et être de sensibilité de gauche, Jean Massiet se défend d’instrumentaliser sa chaîne. », Fréquencej, 24 mars 2016
« Même si sa connaissance de certains dossiers politiques est évidente, le Youtubeur concède “être un citoyen un peu pommé parfois”. », Fréquencej – 24 mars 2016
« Contre le RN, le streameur Jean Massiet n’a rien trouvé de mieux que le bon vieux cordon sanitaire. », Marianne, 2 mai 2023
« Jean Massiet est un trop bon vulgarisateur politique pour tendre le micro aux responsables politiques qui lui déplaisent. » Causeur, 24 avril 2023