Mister Fake News
Jean-Michel Décugis est surtout connu pour ses bévues journalistiques, alimentant en infox/fake news les médias pour lesquels il travaille. Né à Lunel dans l’Hérault, où il a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans, le premier grand journal pour lequel il travaille est Le Figaro où il s’occupe des affaires judiciaires. Il publie son premier ouvrage en 1995, intitulé Paroles de banlieues, avec un confrère du Figaro, Aziz Zemouri.
Plus tard, il rejoint Le Point jusqu’en 2013, toujours sur les questions de justice. Il écrit deux livres liés à cette thématique, le premier en 2006, intitulé Place Beauvau, la face cachée de la police et le deuxième en 2007, Justice : la bombe à retardement. Ces deux ouvrages sont co-écrits avec Christophe Labbé et Olivia Recasens, aussi journalistes au Point. En 2008, il a l’occasion de donner des cours sur “l’écriture journalistique” (sur les fake news ?) au Centre de Formation des Journalistes de Paris. Après un passage à la télévision, il rejoint ensuite Le Parisien comme spécialiste justice/police
Il se fait essentiellement remarquer pour diverses histoires de “fake news”, nées de son imagination fertile ou inspirée.
Premier bidonnage, le polygame de Montfermeil
La première information fabriquée par Jean-Michel Décugis remonte à 2010. Lors de la publication d’un grand dossier du Point sur ces choses “qu’on n’ose pas dire”, relatives à “l’immigration”, les “Roms”, les “allocations”, etc., Décugis rédige une double page sur la polygamie, accompagné de Labbé et Recasens. Pour les besoins de cet article, il va alors interroger une femme de polygame de Montfermeil et en faire son portrait. Elle s’appelle Bintou, est une Malienne de 32 ans et la troisième femme d’un Malien d’une soixantaine d’années. Le journaliste revient en détails sur son entrevue, c’est “une jeune femme au joli visage légèrement scarifié de chaque côté des yeux”, elle ne peut “pas partir car elle n’a pas de travail, pas de maison, pas de famille”. Jusque-là, tout semble possible, sauf qu’après la parution de cet article, on apprend que Décugis n’avait jamais rencontré physiquement cette personne (contrairement à ce qu’il mentionne plus tard dans l’article), l’entretien avait été réalisé à distance et qu’en plus de cela, Bintou n’existe pas. Le journaliste a été piégé par Abdel, “fixeur pour les journalistes” et contacté pour trouver un polygame dans le cadre du reportage. Ce dernier s’est fait passer pour une femme, Bintou, et a passé un entretien à distance avec Décugis qui n’y a vu que du feu. En plus d’avoir démontré son attirance pour surjouer ses récits avec des termes comme “joli visage légèrement scarifié de chaque côté des yeux”, pour le mensonge, puisqu’il explique avoir rencontré Bintou, il a démontré qu’il ne vérifiait pas forcément ses sources. Ces faits ne sont pas passés inaperçus, Le Point allant jusqu’à publier un article explicatif sur cette histoire.
Deuxième bidonnage, l’affaire Mehra
En 2012, Décugis récidive dans la “fake news”. Après les attentats perpétrés par l’islamiste Mohammed Merah, il rédige un article avec son ancien confrère du Figaro, désormais passé au Point aussi, Aziz Zemouri, pour défendre l’hypothèse selon laquelle l’auteur de l’attentat serait un néonazi. Le Point, par son intermédiaire, devient le premier journal à relayer cette théorie devenue absurde.
Troisième bidonnage, Dupont de Ligonnès
Lancer en exclusivité des fausses informations est une activité qui semble lui convenir, puisqu’il récidive en 2019. Maintenant au Parisien, en octobre 2019, c’est lui qui dévoile en exclusivité pour le journal l’information selon laquelle Xavier Dupont de Ligonnès aurait été arrêté. Sans conditionnel, il affirme que Dupont de Ligonnès “a été arrêté” qu’il voyageait “grâce à un passeport volé en 2014” et “avait changé d’apparence”. On retrouve bien l’attirance pour les détails, aussi inventés soient-ils, comme lors de l’affaire du polygame en 2010. Il n’hésite même pas à faire des interviews avec d’autres médias pour y raconter en détails l’arrestation. Une fois de plus, une fausse information, autrefois on disait un bobard part d’un journaliste un peu rapide pour sortir un scoop avant ses confrères.
Du côté des vraies informations, il a été l’un des premiers journalistes à apporter des informations supplémentaires sur les plaintes pour viol à l’encontre de Tariq Ramadan. Il est l’auteur de deux articles, révélant qu’à la suite d’Henda Ayari, deux autres femmes ont porté plainte contre l’islamologue, “Christelle” et “Yasmina”.
Quatrième bidonnage, une victime habillée en pédocriminel
Le 16 avril 2024, Philippe Coopman est sauvagement agressé et tué à Grande-Synthe, dans le Nord. Le 18 avril Le Parisien publie un article sous les signatures de Jérémie Pham-Lê, Timothée Bountry et de Jean-Michel Décugis.
Que faisait Philippe dans la rue cette nuit-là ? Il aurait donné rendez-vous à une jeune fille de 14 ans, rencontrée sur Coco, un site de rencontres. Philippe ayant 22 ans, l’étiquette de pédocriminel s’approche dangereusement. Les deux suspects affirment l’avoir piégé avec un faux profil de jeune fille. D’agresseurs, ils deviennent pour certains des héros incompris qui chassent les prédateurs. Le Parisien titre : « Meurtre sauvage de Philippe C. à Grande-Synthe : la victime piégée par des ados sur le site de rencontres Coco », sans point d’interrogation. Cette accusation sera reprise notamment par RMC. Suit le portrait des meurtriers de Philippe, « soupçonnés d’être à l’origine de violences commises deux jours plus tôt […] envers un homme à qui on avait donné un rendez-vous intime ». Des phrases qui mettent Philippe et les prédateurs sexuels sur le même plan.
On a appris depuis que ce soir-là, les deux mineurs avaient tendu un piège à un autre individu qui, peu confiant, ne s’était pas rendu au rendez-vous. Les deux agresseurs lui ont téléphoné pour savoir où il était, et Philippe, qui était lui-même au téléphone avec des amis, a tourné le coin de la rue. Philippe était au mauvais endroit, au mauvais moment, et a croisé les mauvaises personnes. En revanche, après l’avoir massacré, les deux meurtriers ont ramassé son téléphone et constaté qu’il y avait quelqu’un au bout du fil. Ils savaient donc qu’ils s’étaient trompés sur la personne, ce qui ne les a pas empêchés de donner cette version lors de l’enquête. Le jeune homme se trouve deux fois victime : d’abord de ses agresseurs, à cause de la malchance pourrait-on dire, ensuite des fausses informations du Parisien et de l’affabulateur Décugis avec ses comparses.
Télévision puis Le Parisien
Avant d’arriver au Parisien et de s’y faire remarquer pour l’affaire Dupont de Ligonnès, Décugis est passé par i>Télé (devenu ensuite CNews). Il y a été jusqu’en décembre 2016, chef du service police / justice. Ce poste lui ayant donné l’opportunité d’être au cœur de l’actualité des attentats islamistes du 13 novembre 2015, il co-écrit en 2016, Les coulisses du 13 novembre, avec François Malye et Jérôme Vincent, tous deux journalistes au Point.
Après ce passage dans le monde télévisuel, dont il semble être resté proche de par sa femme qui travaillerait pour l’émission C à vous (dans laquelle on le retrouve souvent), Décugis est retourné à la presse écrite.
Depuis janvier 2017, il est Grand reporter police/justice au Parisien. En 2017, il sort une nouvelle enquête avec à nouveau un journaliste du Point, Marc Leplongeon, intitulée Le chaudron français. Il s’intéresse aux nombreux jeunes originaires de la ville de son enfance, Lunel, partis faire le djihad en Syrie.
En 2018, il sort un nouveau livre, Mimi, qui connaît un certain succès. Co-écrit de nouveau avec Leplongeon et avec Pauline Guéna, le livre est une enquête sur Michèle Marchand, la controversée conseillère de l’ombre du couple Macron. Cette dernière a d’ailleurs essayé d’empêcher la sortie de ce livre, dont la publication aurait entraîné une prise de distance du couple présidentiel vis-à-vis d’elle.
Condamnations pour diffamation
Si avec Décugis, les “fake news” sont courantes, le journaliste se fait aussi remarquer par ses condamnations en justice pour diffamation dans le cadre de ses articles.
En 2012, il co-rédige avec entre autres, Aziz Zemouri et Christophe Labbé, un portrait peu flatteur sur Rachida Dati. Les mots employés sont si peu appropriés que Dati porte plainte pour diffamation et obtient gain de cause. Les 5 co-auteurs sont condamnés en 2014, à lui verser, solidairement avec Franz-Olivier Giesbert, la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts. A cette somme, s’ajoute une amende pour Le Point ainsi que pour les 5 journalistes (avec sursis pour trois d’entre eux).
En 2013, c’est un article sur Bernard Tapie qui est cette fois incriminé. Écrit par 4 des 5 journalistes ayant déjà co-signés celui de 2012 sur Dati, dont Décugis, l’article affirmait entre autres, que Tapie avait influé sur le cours de l’affaire du Crédit lyonnais. Les 4 journalistes se sont de nouveau retrouvés condamnés pour diffamation, avec amendes et, dommages et intérêts, à verser, toujours solidairement avec Franz-Olivier Giesbert.
Sa nébuleuse
Nombreux sont les journalistes passés au Point dans la nébuleuse de Décugis. On peut le constater entre autres, dans la rédaction de ses livres, la quasi-totalité de ses co-auteurs ont des liens avec l’hebdomadaire. Parmi ces derniers, mentionnons tout d’abord, Aziz Zemouri, un virulent détracteur de Zemmour. Avec Décugis, ils ont tous les deux commencés leur carrière au Figaro. Par la suite, les deux sont passés au Point où ils ont co-écrit de nombreux articles et ce, jusqu’au départ de Décugis du Point, en 2013. Ils ont d’ailleurs tous deux été condamnés dans les affaires relatives aux articles sur Dati et Tapie. Zemouri s’est plus récemment fait remarquer pour ses prises de positions en faveur de Tariq Ramadan.
Décugis s’est entouré de Marc Leplongeon, avec lequel il a co-écrit ses trois derniers livres. Plus jeune que Décugis, il a fait toute sa carrière en tant que journaliste police / justice au Point.
Pauline Guéna est la troisième co-auteur, avec Décugis et Leplongeon, du livre Mimi, ainsi que de La Poudrière, livre-enquête sur “l’ultra-droite”, ayant “repris du poil de la bête avec la Manif pour tous”, et qui serait l’une des principales menaces pour la République. Pauline Guéna est écrivain, professeur d’histoire-géographie et docteur en histoire médiévale. Elle a écrit plusieurs articles sur Slate et collaboré entre autres, à la rédaction du livre autobiographique de Safia Otokoré, militante socialiste française originaire de Djibouti. La Poudrière ressemble plus à une collection de fiches de police plus ou moins remaniées qu’à un ouvrage d’investigation
Ce qu’il gagne
Non renseigné.
Publications
- Avec Aziz Zemouri, Paroles de banlieues, Plon, 1995
- Avec Christophe Labbé et Olivia Recasens, Place Beauvau, la face cachée de la police, Robert Laffont, 2006
- Avec Christophe Labbé et Olivia Recasens, Justice : la bombe à retardement, Robert Laffont, 2007
- Avec François Malye et Jérôme Vincent, Les coulisses du 13 novembre, Plon, 2016
- Avec Marc Leplongeon, Le chaudron français, Grasset, 2017
- Avec Marc Leplongeon et Pauline Guéna, Mimi, Grasset, 2018
- Avec Marc Leplongeon et Pauline Guéna, La Poudrière, Grasset, 2020
Photo : capture d’écran vidéo RMC