Portrait d’un combattant de la liberté d’information
Avant Edward Snowden, avant Bradley Manning, il y avait Julian Assange. Ancien informaticien et hacker, fondateur de la plateforme WikiLeaks, Julian Assange s’est attiré les foudres du gouvernement américain lorsqu’il a mis en lumière les dessous de la guerre d’Irak. En 2010, il fait fuiter près de 400 000 documents classifiés de l’armée américaine, portant sur le conflit qui a débuté en mars 2003. Tortures, crimes de guerre, massacres sont révélés au grand public. Ces documents permettent aussi de chiffrer à 109 032 le nombre de morts irakiens causés par le conflit de 2004 à 2009, dont 60% de civils, alors même que les États-Unis vendaient aux médias « les frappes chirurgicales » et affirmaient ne pas disposer d’un tel bilan chiffré.
L’épée de Damoclès de la demande d’extradition américaine pèse sur l’activiste, à la santé désormais précaire, alors qu’il est incarcéré dans une prison de haute sécurité britannique depuis 2019, au grand dam de ses nombreux soutiens à travers le monde. La Haute cour de justice de Londres a autorisé son extradition le 11 décembre 2021, lui faisant courir le risque de 175 années de détention.
La Cour Suprême britannique a confirmé juridiquement le 14 mars 2022 une possible extradition. Un recours est déposé devant les magistrats de Westminster, la ministre du Home Office (ministre de l’Intérieur). Craignant une extradition proche, Julian Assange s’est marié le 23 mars 2022 avec sa compagne Stella Moris.
Le 26 mars 2024, la Haute Cour de Justice du Royaume-Uni donne trois semaines au gouvernement américain pour donner certaines garanties concernant le procès qui attend Assange, suspendant de fait son expulsion en attendant la réponse des autorités américaines. Fin juin une procédure de plaider coupable permettra au héros de la liberté d’information de retrouver l’Australie et les siens.
On UN Human Rights Day a UK court throws investigative journalism into darkness and continues the torture of #Assange. This fight will not end here.
— Kristinn Hrafnsson (@khrafnsson) December 10, 2021
Cette orchestration de ce qui constitue aujourd’hui encore la plus grosse fuite de documents militaires secrets de toute l’Histoire a coûté cher au fondateur de la plateforme de divulgation : il était depuis 2012 réfugié dans l’ambassade londonienne de l’Équateur, qui lui a accordé l’asile, après qu’il ait fait l’objet d’accusations de viol par deux femmes suédoises. Ces faits remonteraient à août 2010, soit un mois après la fuite des documents relatifs au conflit irakien. Ces accusations ont amené le gouvernement suédois à demander son extradition. Julian Assange dément les faits qui lui sont reprochés, absurdes selon lui, et affirme faire l’objet de persécutions politiques.
Ces poursuites suédoises sont classées sans suite en mai 2017. De plus l’enquête pourrait être rouverte s’il retourne sur le territoire suédois d’ici 2020, date à laquelle les faits seront prescrits. Arrêté le 11 avril 2019, il est condamné à cinquante semaines de prison par la justice anglaise pour avoir violé les termes de sa liberté conditionnelle. Il est placé à la prison de haute sécurité de Belmarsh et risque l’extradition aux États-Unis, qui le réclament pour pas moins de dix-huit chefs d’accusation. Le gouvernement américain a juré de le punir sévèrement pour « trahison », ce qui l’exposerait à une peine maximale de 175 ans de prison. En octobre 2019, sa première apparition publique depuis son arrestation laisse entrevoir un homme amaigri et diminué dont l’état de santé est jugé préoccupant. C’est suite à ce constat alarmant qu’une soixantaine de médecins rédige une lettre au ministre de l’Intérieur britannique, Priti Patel, la priant de bien vouloir transférer l’accusé dans un hôpital universitaire pour qu’il reçoive des soins médicaux. La lettre reste sans réponse. Grâce aux efforts de ses avocats, il n’est plus placé à l’isolement et est transféré dans une aile médicale de la prison de Belmarsh en janvier 2020.
Si la pandémie de Covid 19 contribue à repousser son procès, la Grande-Bretagne reste campée sur le statu quo : la juge Vanessa Baraitser refuse d’extrader l’activiste vers les « États-Unis, estimant que ses conditions de détention aux États-Unis « ne l’empêcheraient pas de se suicider », tout en écartant la possibilité d’une remise en liberté qui fait redouter à la magistrature britannique une fuite vers un pays susceptible de lui accorder l’asile politique.
Portrait vidéo
Biographie et parcours professionnel
Il naît en Australie, dans la ville de Townsville en juillet 1971. Sa mère est artiste, son père est activiste anti-guerre. Le couple se sépare avant sa naissance, et Julian est élevé par son beau-père acteur. À leur divorce en 1979, sa mère se remarie avec un membre actif du mouvement New Age australien. Avant de se séparer en 1982, le couple voyage énormément, et l’enfance de Julian Assange est mouvementée : il connaît trente villes australiennes différentes avant même l’adolescence… Il étudie ensuite la programmation, les mathématiques, et la physique à l’Université du Queensland en 1994, puis à l’Université de Melbourne en 2003. Il ne complète aucun de ces cursus, préférant pratiquer le hacking. Avec ses deux amis baptisés « Trax » et « Prime Suspect », ils forment un groupe de hackers « éthiques » appelé les « Subversifs Internationaux ». Ils piratent ensemble le Pentagone, l’US Navy, le département de la Défense américain, Citibank, et diverses sociétés de communication ainsi que des universités. Assange est mis sur écoute dès 1991 par les autorités australiennes, qui finissent par l’arrêter en 1994 au motif de 31 actes de hacking perpétrés. Jugé en 1996, il plaide coupable. Parce qu’il n’a pas démontré d’intentions malveillantes, et que son enfance est jugée « difficile », la justice se montre clémente et le condamne simplement à payer une amende.
En parallèle de ses années de hacking, Julian Assange est aussi consultant en informatique pour les autorités policières, notamment dans le cadre d’enquêtes de la brigade des mineurs. Il crée également l’un des premiers fournisseurs d’accès à internet australien, et programme de nombreux logiciels de cryptage de données. En 1998, il tourne la page du hacking et co-fonde l’entreprise Earthmen Technology. Dès 1999, il avertit le public qu’un brevet déposé auprès de la NSA permettrait de collecter massivement les données téléphoniques.
En 2013, il fonde le parti politique WikiLeaks, après avoir annoncé sa candidature au sénat australien au printemps 2012. Il est par ailleurs animateur d’une émission de débats sur Russia Today d’avril à juillet de la même année. En juillet 2015, il demande l’asile à la France, où il a une compagne et un enfant, s’adressant directement au président Hollande dans une lettre ouverte publiée par Le Monde. Une demande laconiquement rejetée par l’Élysée. Pour Juan Branco, conseiller juridique de Wikileaks, « le refus intervient 45 minutes après publication du texte, or l’Élysée n’a pas vraiment de compétence et se réclame d’un “examen approfondi” d’une telle demande, or la demande d’asile relève de l’Ofpra. Avant de publier sa fin de non-recevoir, l’exécutif ne s’est appuyé que sur des manchettes de journaux. C’est de la pure communication, c’est ridicule. Ils ont peur. »
En 2016, après 16 mois d’enquête, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention de Assange par la Grande-Bretagne et la Suède était illégale. Cette détention était constituée par le fait même de sa réclusion volontaire dans l’ambassade équatorienne : « La privation de liberté existe lorsqu’une personne est obligée de choisir entre le confinement, ou le renoncement à un droit fondamental – comme l’asile – et donc de faire face à un risque légitime de persécution », écrivait ainsi le groupe d’enquête. « La sortie de M. Assange de l’ambassade équatorienne l’obligerait à renoncer à son droit d’asile et à s’exposer à la persécution et au risque de maltraitances physiques et mentales que l’acceptation de sa demande asile avait pour but de lui éviter ».
WikiLeaks
C’est en 2006 qu’il fonde la plateforme WikiLeaks, alors qu’il étudie à l’Université de Melbourne. Cette structure, à mi-chemin entre le journalisme et l’activisme, se donne pour ambition de publier des informations classifiées ou tenues secrètes. Ses premières activités, de 2006 à 2009, sont peu remarquées. C’est à partir de 2010 qu’elle attire l’attention des médias internationaux, après la publication de documents classifiés américains.
WikiLeaks s’illustre dans un premier temps en faisant fuiter plus de 250 000 câbles diplomatiques confidentiels à la fin 2010. Ces documents portent sur des échanges diplomatiques entre plus de 150 pays, allant de 1966 à 2010. Un volume de données colossal, qui seront relayées par de nombreux médias occidentaux (Le Monde, le Guardian, le New York Times, Der Spiegiel). En 2011, WikiLeaks prend la décision de publier l’intégralité des données, soit 251 287 documents.
Par ailleurs, WikiLeaks publie en 2011 des documents classifiés sur la base d’incarcération américaine de Guantánamo, qui révèlent notamment que le gouvernement savait que de nombreux détenus étaient innocents. Pour le journaliste Glenn Greenwald, ces documents démontrent la nature de l’action américaine, « injuste et oppressante ». Une dimension inhumaine que les médias américains se seraient empressés d’atténuer suite aux révélations.
Enfin, la plateforme du hacker reconverti s’est aussi illustrée par la divulgation d’informations hautement confidentielles sur la guerre menée en Irak par les États-Unis à partir de mars 2003. Ces fuites révèlent notamment que le conflit a coûté la vie à plus de 100 000 irakiens, majoritairement des civils. Cette publication de 391 832 rapports en fait, aujourd’hui encore, la plus grande fuite de documents de l’Histoire militaire mondiale.
À l’été 2015, la plateforme fait fuiter des documents qui démontrent que la NSA a directement espionné les présidents Chirac, Sarkozy et Hollande. Une opération que Assange intitule « Franceleaks », affirmant que les raisons de ces surveillances sont à la fois politiques et économiques, et qu’elles s’inscrivent dans une manœuvre d’espionnage industriel, ayant pour finalité de miner la compétitivité des entreprises françaises au profit des États-Unis.
À Paris Match qui le rencontre mi-juin 2016, il explique que malgré les procédures judiciaires lancées contre lui et sa réclusion volontaire dans l’ambassade d’Équateur, Wikileaks est une affaire qui continue de tourner : « Aujourd’hui, WikiLeaks a une centaine d’employés, nous sommes entièrement financés par nos lecteurs, nous publions des millions de documents et, malgré tous les moyens coercitifs exercés par les 29 000 chargés de communication du Pentagone, la CIA et le FBI, nous n’avons jamais cessé d’opérer. Et WikiLeaks n’a aucun emprunt, aucune dette ».
À l’été 2016, Wikileaks publie quelques 20.000 mails internes du comité interne du Parti Démocrate américain (DNC) qui prouvent que l’appareil du Parti a favorisé Hillary Clinton au détriment de Bernie Sanders. Ces mails ont une grande résonance outre-Atlantique – la Russie est accusée d’avoir été à l’origine de la fuite – et notamment au sein du parti démocrate lui-même.
À l’automne 2016 Wikileaks perturbe grandement la campagne de Hillary Clinton aux USA en publiant les mails de John Podesta, ancien conseiller de Barack Obama et directeur de campagne d’Hillary Clinton. Ces mails dévoilent entre autres les liens entre les Clinton et les grands lobbies américains, les petits profits de Bill Clinton, les arrangements politiciens des démocrates… Le gouvernement équatorien coupe alors l’accès internet de Julien Assange, mais il est trop tard. Ses révélations ont un retentissement énorme outre-Atlantique où ils contribuent à la victoire de Donald Trump. En 2018, l’Équateur obtient un peu plus de 10 milliards de dollars de prêts du FMI et de la Banque Mondiale, sous influence américaine. Le nouveau président équatorien, Lenin Moreno, prend rapidement ses distances avec Assange jusqu’au moment où il le fait expulser de l’ambassade d’Équateur à Londres le 11 avril 2019. Assange est alors arrêté par la police britannique, condamné à cinquante semaines de prison et menacé d’extradition vers les États-Unis soit directement, soit via la Suède.
Début 2021, un tribunal de première instance refuse son extradition, non sur le fond mais pour raisons de santé. Les autorités américaines font appel et un second procès a lieu fin octobre 2021. À l’occasion de ce procès, 39 députés français, à l’initiative de Cédric Villani (ex LREM passé à EELV) ont demandé que la France accorde l’asile politique à Julian Assange. Le 11 décembre 2021, la Haute cour de justice de Londres autorise son extradition.
Une procédure d’appel permet de gagner du temps et de négocier en juin 2024 un plaider coupable avec condamnation à une peine déjà couverte par sa détention. Fin juin Julian Assange est libre, la fin d’un cauchemar de 7 ans d’enfermement dans une pièce suivi par 5 ans dans une prison de haute sécurité. Au nom du droit à l’information.
Sa nébuleuse
Edward Snowden, Glenn Greenwald, Bradley Manning.
Kristinn Hrafnsson, soutien fidèle de l’activiste depuis plus d’une décennie et journaliste d’investigation redouté en Islande, son pays d’origine. Il est nommé rédacteur en chef de Wikileaks par Assange lui-même en 2018.
En avril 2017 Jean-Luc Mélenchon s’engage à donner la nationalité française à Edward Snowden et Julian Assange car ils ont révélé que les États-Unis espionnaient la France. Marine le Pen avait pris cet engagement dès 2013.
Distinctions
2008 : The Economist, prix Nouveaux Médias.
2009 : Amnesty International Grande Bretagne, Prix Médias.
2010 : Homme de l’année TIME, élu par les lecteurs.
Prix Sam Adams.
Homme de l’année Le Monde.
Prix de l’Union des journalistes du Kazakhstan.
2011 : Prix Free Dacia décerné par la publication roumaine en ligne Cotidianul.ro.
Organisation pour la paix, Sydney, médaille d’or.
Prix Martha Gellhorn du journalisme.
Prix de la fondation Walkley pour une contribution notable au journalisme.
Prix Voltaire de la liberté d’expression.
2012 : Prix Big Brother, Héros de la vie privée.
2013 : Prix Global Exchange : Human Rights, choix des lecteurs.
Prix Yoko Onno Lennon du courage.
Médaille d’or du meilleur film au festival de New York.
2014 : Prix de l’Union des journalistes du Kazakhstan.
2019 : Prix Galizia décerné par le Groupe de Gauche du Parlement Européen.
Prix Gavin MacFayden.
2020 : Prix de la Paix de Stuttgart remis par DieAnstifter
Publications
Ouvrages traduits en français :
- Underground, éditions des Équateurs, 2011 (avec Suelette Dreyfus).
- Menaces sur nos libertés, Robert Laffont, 2013 (collectif).
- Contre l’Empire de la surveillance, éditions Galilée, 2015 (avec Noam Chomsky et Ignacio Ramonet).
- Google contre Wikileaks — L’histoire secrète de ma confrontation avec le président de Google, Ring, 2018.
Ce qu’il gagne
Dans la période qui a suivi les premières révélations de WikiLeaks, le compte en banque de Julian Assange, enregistré en Suisse, a été suspendu par l’établissement bancaire PostFinance, en raison d’informations erronées quant à sa domiciliation.
Par ailleurs, d’après le Wall Street Journal, Julian Assange aurait signé un contrat avec la maison d’édition américaine Random House pour la publication de ses mémoires aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour un montant supérieur à 1 millions de dollars.
Pour sa part, Julian Assange affirmait en 2012 être ruiné et n’avoir pas touché un sou de ses activités publiques.
Vie privée
Il s’est marié le 23 mars 2022 avec sa compagne Stella Moris, avocate et défenseur des droits de l’homme. D’origine sud-africaine, elle a les nationalités espagnole et suédoise.
Il l’a dit
« Internet, notre plus grand outil d’émancipation, a été transformé en le plus dangereux facilitateur de totalitarisme qui n’a jamais existé.» Cypherpunks, OR Books, 2012.
« Mon nom est Julian Paul Assange. Je suis né le 3 juillet 1971 à Townsville, en Australie. Je suis un journaliste poursuivi et menacé de mort par les autorités états-uniennes du fait de mes activités professionnelles. Je n’ai jamais été formellement accusé d’un délit ou d’un crime de droit commun, nulle part dans le monde, y compris en Suède ou au Royaume-Uni […] L’énumération des actions menées contre mon organisation, mes proches et moi-même ne permet pas d’en saisir toute la violence, mais peut-être en donne-t-elle une idée : appels à mon exécution, à mon kidnapping, et à mon emprisonnement pour espionnage par de hauts responsables politiques et administratifs états-uniens, vols d’informations, de documents et de biens, attaques informatiques répétées, infiltrations successives, interdiction illégale à l’ensemble des plateformes de paiement de procéder à des dons envers mon organisation, surveillance permanente de mes moindres faits et gestes et de mes communications électroniques, poursuites judiciaires inconsidérées se prolongeant depuis plus de cinq ans sans possibilité de me défendre, campagnes de diffamation, menaces physiques répétées, fouilles et harcèlement de mes avocats, etc.», 3 juillet 2015, Le Monde.
« Dénué de l’assistance consulaire et de la protection que me devait mon pays d’origine, l’Australie – où le gouvernement a été sujet à des critiques d’une ampleur inédite suite à sa tentative de me retirer mon passeport en 2010, jusqu’à devoir faire marche arrière et se justifier –, je demeure depuis maintenant trois ans et dix jours au sein de cette ambassade.
J’y dispose de cinq mètres carrés et demi pour mes usages privatifs. L’accès à l’air libre, au soleil, m’a été interdit par les autorités du Royaume-Uni ; ainsi que toute possibilité de me rendre à un hôpital ; je n’ai pu utiliser le balcon du rez-de-chaussée de l’appartement que trois fois depuis mon refuge, à mes risques et périls, et n’ai jamais été autorisé à sortir pour faire de l’exercice », Ibid.
« Souvent dans l’histoire, révéler brutalement au peuple une information jusque-là tenue secrète par les élites a provoqué de grands bouleversements politiques et sociaux […] Or n’importe quel texte, n’importe quelle image peuvent être montrés au monde entier en un instant, pour un coût minime. […] Aujourd’hui, on peut provoquer de grandes réformes politiques avec une très faible dépense d’énergie », Le Monde, 24 décembre 2012.
« [L’espionnage de la France par les États-Unis, NLDR] touche directement l’emploi. Le chômage est particulièrement élevé en France, et il y a une raison à cela : les États-Unis jouent un sale jeu, et cherchent à marginaliser la compétitivité des entreprises françaises, et des entreprises européennes », TF1, 24 juin 2015.
«Vous pouvez soit être informé et être vos propres gouvernants, ou bien être ignorants et avoir quelqu’un d’autre, qui n’est pas ignorant, vous gouverner », Rolling Stone, janvier 2012.
« Je ne suis pas en croisade contre l’autorité. L’autorité légitime est importante. Toutes les structures humaines demandent de l’autorité, mais l’autorité doit faire l’objet d’un consentement informé de la part des gouvernés. Actuellement, le consentement, s’il y en a un, n’est pas informé, de fait il est illégitime. Pour communiquer du savoir, nous devons protéger la vie privée des gens, et c’est ce que je fais depuis 20 ans : développer des systèmes et des idéaux pour protéger le droit des gens à communiquer de manière privée, sans interférence gouvernementale, ni surveillance. (…) Le droit à la communication sans surveillance gouvernementale est important, parce que la surveillance n’est jamais qu’une autre forme de censure. Lorsque les gens craignent de s’exprimer parce qu’ils pensent qu’ils pourraient être écoutés par le pouvoir, qui a la possibilité de les enfermer, ils adaptent leur discours. Ils commencent à s’autocensurer », Ibid.
«Les commentateurs ont souligné la façon dont le monde essayait d’ériger un mythe autour de ma personne, qu’il soit négatif ou positif. Un procédé à la fois fascinant, terrifiant, et comique, qui a suscité beaucoup d’hilarité parmi mes proches et mes collaborateurs. Nous faisons face à une situation qui nous engage historiquement, et dont les conséquences sur la vie des gens et les édifices politiques sont considérables. La nature de ces conséquences, extrêmement importantes, va des révolutions aux emplois de nombreux individus, et la gravité de cette entreprise est tellement grande est que je n’ai pas le temps de considérer comment cette notoriété m’affecte personnellement.» Ibid.
« Je suis partisan du Brexit. Le Royaume-Uni est une force pestilentielle pour le reste de l’Europe, et l’Union européenne se portera beaucoup mieux sans. Aujourd’hui, l’Europe n’arrive pas à réaliser les réformes dont elle a cruellement besoin, et l’une des principales raisons en est l’influence néfaste du Royaume-Uni dans les instances décisionnelles. Pour se réformer, l’Europe a besoin d’un électrochoc. Je pense que le Brexit pourrait être ce choc », Paris Match, 16 juin 2016.
« Une Europe forte serait une bonne chose parce que le monde a besoin d’une troisième voie, d’une option alternative entre le bloc américain et le bloc chinois qui se dessinent pour dans vingt ans », ibid.
« Le référendum actuel ressemble beaucoup à celui sur l’indépendance de l’Écosse il y a deux ans. A l’origine, c’est un os à ronger que l’establishment londonien jette au peuple pour l’occuper, uniquement pour des raisons de politique intérieure. Et puis, ensuite, on s’aperçoit que les sondages se resserrent », ibid.
« Je n’avais pas anticipé la taille du scandale. Bien sûr, je me doutais qu’il faudrait payer un prix pour nos actions, mais pas un tel prix », ibid.
« Globalement, nous faisons face à un mur juridique. Toutes les pièces du dossier américain contre moi sont classées “secret-défense”. Ça représente des centaines de milliers de pages de procédures auxquelles mes avocats n’ont pas accès, je peux donc difficilement me défendre », ibid.
Au sujet des Panama Papers [fuites sur l’évasion fiscale de nombreux dirigeants et chefs politiques… mais curieusement aucun aux États-Unis] : « Tout ça est sous l’égide de l’ICIJ (le Consortium international des journalistes d’investigation), basé à Washington, qui travaille avec de l’argent des fondations Ford, Rockefeller et Soros. Comment voulez-vous qu’ils soient réellement indépendants ? En matière de résultats, c’est flagrant : avec seulement 166 documents révélés, les “Panama Papers” sont une des plus petites fuites de l’Histoire. Plus de 99,99 % des documents disponibles ont été censurés, ce n’est absolument pas l’approche que prône WikiLeaks », ibid.
« La communauté anglo-saxonne du renseignement est entrée dans une alliance très étroite, “Five Eyes” (“les cinq yeux”), dont l’Australie est un des cinq États membres. Entre eux ils s’appellent “l’empire”, et je suis considéré comme traître à cet empire. C’est pour ça que je ne pense pas que la Grande-Bretagne renonce un jour à vouloir m’extrader vers les États-Unis, ni que Washington renonce à se venger contre moi », ibid.
« D’abord Hillary, maintenant Marine. Nous sommes en 2017 et la main de fer du patriarcat est plus forte que jamais », Twitter 9 mai 2017
« Je suis toujours extrêmement irrité par les journalistes qui ignorent les ribambelles de trésors historiques qui détaillent comment leurs institutions se comportent réellement. La capacité du public à prendre ces informations et à les mettre en relation avec leurs histoires personnelles, ainsi qu’à les utiliser à des fins juridiques ou au cours de campagnes politiques, est en réalité beaucoup plus grande que celle de n’importe quel journaliste ou rédacteur en chef à l’esprit obtus, y compris moi-même », verbatim de l’entretien avec Randy Credico et Dennis Bernstein, Radio WBAI, 29 juillet 2017
« On parle beaucoup aux États-Unis de l’administration Trump qui ferme l’immigration et le tourisme sur le territoire américain aux ressortissants de certains pays musulmans du Moyen-Orient. Je trouve étrange que l’on parle si peu de ce que je pense être une situation beaucoup plus grave : le refus de toutes les demandes d’asile pour les réfugiés pendant 180 jours. Il n’est pas raisonnable d’accepter des touristes venant du monde entier mais de ne pas accepter de réfugiés », ibid.
« Espagne, ceci ne marchera pas en Catalogne. Le peuple catalan a le droit à l’auto-détermination. Les arrestations ne font que les unifier et les renforcer », Twitter 9 septembre 2017 au sujet du référendum Catalan. Le tweet montrait la photo d’un homme arrêtant une colonne de chars place Tian Anmen à Pékin en 1989.
« Je sais que vous voulez que je me taise, le président équatorien m’a déjà bâillonné. Il m’est interdit de produire du journalisme. Vous agissez en tant qu’agent du gouvernement des États-Unis et m’empêchez de parler de ces violations à un journaliste américain. Quel genre d’État souverain permet à ses ambassadeurs d’être interrogés par une autre nation ? Aucun État qui se respecte ne fait cela ! », propos adressés à un membre de l’ambassade équatorienne à Londres et rapportés dans Gateway Pundit, 26 mars 2019.
Ils l’ont dit
« C’est un traître qui a enfreint toutes les lois des États-Unis. Je suis contre la peine de mort, en conséquence je pense qu’il faut illégalement abattre cet enfoiré […] Un homme mort ne peut rien faire fuiter », Bob Beckel, Fox News, 2010.
«Grand, mince, élégant, Julian Assange, fondateur et patron de WikiLeaks, s’impose d’abord à ses interlocuteurs comme un orateur talentueux, à la voix grave et posée, sachant manier la rigueur, l’humour, l’émotion, mais aussi le sarcasme. En le regardant travailler, on découvre un professionnel surdoué, ultra-performant : dès qu’il se lance dans un projet, il s’y consacre totalement, nuit et jour, jusqu’à épuisement.» Le Monde, 24 décembre 2010.
«Il a été décrit comme un violeur, un combattant ennemi, un agent du Mossad ou de la CIA. Ses deux collaborateurs principaux – le New York Times et le Guardian – l’ont à de nombreuses reprises qualifié de déviant sexuel aux mœurs dissolues, tout en continuant à faire la promotion des livres et des films sur ses exploits. Sa personnalité est controversée : il est charmant, brillant et incorruptible, mais a suscité l’aversion profonde de ses anciens collègues, qui le décrivent comme un mégalomaniaque à l’égo surdimensionné, qui aurait endommagé leur cause », Rolling Stone, janvier 2012.
«De fait, Julian Assange appartient à cette frange rare d’Anglo-Saxons briseurs de tabous. Ange pour les uns, démon pour les autres, résolument à contre-courant, borderline, scandaleux, il est de la race de ces non-conformistes qui cassent les codes et pulvérisent les conventions. D’Oscar Wilde, de Lawrence d’Arabie ou d’Alan Turing, Assange possède le même génie inquiétant, la même marque de fabrique, celle qui fait que grâce à eux le monde n’est plus tout à fait comme avant », L’Hebdo (Suisse), mars 2015.
« Enfermé au premier étage d’une maison de ville, Julian Assange souffre de pathologies liées à l’isolement et à l’absence de lumière naturelle : carences vitaminiques, terreurs nocturnes, douleurs rhumatismales », Paris Match, 16 juin 2016
« Les adjoints d’Assange s’emparent des passeports, des téléphones portables et de tous les appareils de la délégation du prix Albert-Londres venue interviewer le fondateur de WikiLeaks. Ils affirment avoir détecté trop de mouchards et de gadgets d’espionnage en quatre ans de claustration », ibid.
« Il connaît sur le bout des doigts toutes les procédures judiciaires le concernant, mêle aux détails techniques de grandes considérations morales ou politiques sur la marche du monde, avec cette acuité un peu fiévreuse que peuvent avoir ceux qui restent obsessionnellement attelés à une même tâche. De temps à autre, un employé de WikiLeaks, transi de ferveur, vient glisser une petite note à son patron, qu’il traite avec des égards de ministre ou de père abbé, acquiesçant aux ordres du maître de WikiLeaks par un hochement de tête silencieux », ibid.
« Malgré son enfermement, c’est bien lui qui continue de gérer sa plateforme numérique de documents fuités, qu’il présente comme la plus grande publication indépendante au monde », ibid.
Mike Pompeo, directeur de la CIA a accusé (14 avril 2017) Wikileaks d’être un « service de renseignement non étatique hostile, souvent soutenu par des acteurs étatiques comme la Russie ».
« Il se peut que l’enquête suédoise sur Assange ait été déclenchée à la demande des États-Unis. Le journaliste John Pilger a documenté la pression politique du gouvernement américain sur les autorités suédoises : le Premier ministre suédois et le ministre des Affaires étrangères ont tous deux attaqué Assange, qui a été mis en accusation sans aucune charge retenue. Assange a été prévenu que le service de renseignement suédois, le SAPO, avait été informé par son homologue américain que l’arrangement sur le partage d’informations américano-suédois serait interrompu si la Suède lui offrait sa protection », Consortium News, 29 mai 2017
« Il est troublant de constater que cette ambiance de suspicion et d’intimidation, qui compromet encore davantage les soins médicaux offerts à Assange, était consciemment orchestrée. Assange faisait l’objet d’une opération d’espionnage 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à l’intérieur de l’ambassade, comme l’a montré l’exploitation d’enregistrements vidéo et audio réalisés à son insu. Il était surveillé en privé et avec des visiteurs, dont des membres de sa famille, des amis, des journalistes, des avocats et des médecins. Non seulement ses droits à la vie privée, à la vie personnelle et à la liberté d’expression ont été violés, mais également son droit à la confidentialité des échanges avec un médecin.
Nous condamnons la torture d’Assange. Nous condamnons le déni de son droit fondamental à des soins de santé appropriés. Nous condamnons ce climat de peur qui entrave son accès aux soins. » extrait de la lettre publiée par Doctors4Assange pour exiger sa prise en charge médicale, The Lancet, 17 février 2020.
« Depuis plus de 10 ans, Julian Assange, journaliste récompensé par de nombreux prix, est privé de liberté. Son crime ? Avoir fait œuvre de vérité et d’indépendance. Nous réclamons que la France lui accorde l’asile, pour la liberté de la presse, pour le respect des droits humains. » Cédric Villani, Twitter, 3 novembre 2021.
« En un jour marqué par les droits inhumains, une cour britannique jette le journalisme d’investigation dans un âge d’obscurité et autorise la poursuite des tortures d’Assange. Le combat ne s’arrêtera pas là ». Kristinn Hrafnsson, rédacteur en chef de Wikileaks sur Twitter le 11 décembre 2021.
Crédit photo : newmediadaysdk via Flickr (cc)