Papesse féministe de la mitterrandie culturelle
« Je me sens africaine, pas française ! De par mes sensations, perceptions, notamment des odeurs »
De sa thèse d’histoire sur le féminisme aux nombreuses biographies qu’elle a consacrées, tout au long de sa carrière, à des grandes figures féminines, Laure Adler n’aura cessé d’être fascinée par les glorieux destins de femmes et, à sa manière, en aura incarné un. En bonne héritière des idéaux de 68, elle prend sa retraite radiophonique à 73 ans pour laisser la place aux jeunes et à leur « citoyenneté engagée ».
Conseillère culturelle de François Mitterrand, directrice (très controversée) de France Culture entre 1999 et 2005, cumulant les postes de pouvoir dans diverses institutions et chez de nombreux éditeurs, Laure Adler aura régné et règne encore sur le monde de la culture tel qu’il émergea de la mitterrandie. Une vision de la culture forcément « engagée » donc très idéologique et liée au combat politique et à l’analyse de l’actualité davantage qu’à une perspective patrimoniale, ce qui lui sera parfois rudement reproché. S’étant forgé une carrière comparable à celle des héroïnes de sa mythologie progressiste, donc foncièrement manichéenne, il lui aura été difficile de s’imaginer ailleurs que retranchée dans le Camp du Bien, d’où elle n’hésite pas à lancer des oukazes contre les déviants, ceux-ci, comme Renaud Camus ou Richard Millet, eussent-ils commis des œuvres d’une qualité culturelle infiniment supérieure à ses propres romans pour le moins insignifiants. Mais le pouvoir et la réussite personnelle ne rendent pas forcément clément ; les femmes pas davantage que les hommes.
Née Laure Clauzet en mars 1950, à Caen, cette fille d’un ingénieur agronome a grandi en Guinée-Conakry puis à Abidjan (Côte‑d’Ivoire) jusqu’à ses dix-sept ans. À L’Orient Littéraire, elle déclare : « Mes parents n’étaient pas de ces Blancs arrogants qui venaient « faire du CFA ». Ils étaient plutôt tiers-mondistes ». Son père était favorable à l’indépendance de la Guinée Française, mais sa famille a quand même du fuir « pour des raisons de sécurité » dès qu’elle a été déclarée. Elle est mariée au producteur de France Culture, Alain Veinstein, avec lequel elle a eu deux enfants : Léa, productrice de documentaires pour France Culture et Arte Radio, et Paloma, actrice.
Formation universitaire
Laure Adler passe son bac en France, au lycée Jeanne d’Arc de Clermont-Ferrand, où elle est rentée en 1967. Forte de son statut de déléguée à l’Union nationale des comités d’action lycéens, elle est de ces étudiants qui occupent la Sorbonne à partir du 3 mai. De cette période, elle se souvient notamment qu’elle est « arrivée à un moment où les jeunes étaient accueillis partout. On était considérés presque comme des égaux. On nous disait tout le temps que nous étions l’avenir ». Cette même année, elle rencontre dans un kibboutz – qu’elle a rejoint en stop pour découvrir un lieu de vie « alternatif » – l’ethnologue Fred Adler, son premier mari dont elle conservera le nom pour sa vie publique. Elle se retrouve rapidement enceinte d’Adler, qui est alors un homme marié, et devient mère à vingt ans. Souhaitant d’abord être psychiatre, elle échoue au concours de médecine. Elle passe ensuite une maîtrise de philosophie puis réalise une thèse d’Histoire sur les féministes du XIXème siècle.
Parcours professionnel
Elle entre à France Culture en 1974 en tant que secrétaire, puis nègre, de Jacques Duchateau, l’animateur de « Panorama ». Entre 1981 et 1987, elle participe régulièrement à l’émission « Droit de réponse », animée par Michel Polac. Elle est nommée conseillère à la culture par François Mitterrand en 1989 puis aborde la télévision en 1993, reprenant durant quatre ans pour France 2 « Le Cercle de minuit », émission nocturne de débats culturels créée par Michel Field. Elle passe ensuite sur Arte pour présenter une émission mensuelle d’entretiens : « Permis de penser ». À compter de 1995, elle devient membre du jury du prix de l’écrit intime. Après avoir collaboré avec les éditions Payot, Denoël et Plon, elle intègre en 1997 les éditions Grasset comme responsable des essais et documents. Elle publie en 1998 une biographie de Marguerite Duras qu’Alain Vircondelet, universitaire et éminent spécialiste de cet écrivain, dénonce comme une « escroquerie intellectuelle », l’accusant d’avoir « cannibalisé » son travail et celui de journalistes comme Christine Blot-Labarrère sans indiquer ses références.
Si les accusations de l’universitaire sont complètement ignorées, ces références sont néanmoins rétablies par Gallimard dans l’édition de poche. Laure Adler devient également cette même année directrice de la collection « Partage du savoir » aux Presses Universitaires de France. En janvier 1999, elle est nommée directrice de France Culture. Elle remanie en profondeur l’image et la programmation de la chaîne et suscite des contestations très virulentes, notamment de la part de plusieurs associations d’auditeurs, comme « sosfranceculture » ou « ddfc », ainsi que de la part de certains journalistes et producteurs de la chaîne. Cependant ses réformes donnent lieu à une augmentation d’audience, quoique la durée moyenne d’écoute diminue. Ses contempteurs lui reprochent une vision utilitariste de la culture, de délaisser une mission patrimoniale pour une approche trop liée à l’actualité, et critiquent sa gestion comme trop dirigiste et caractérisée par le renvoi d’ascenseur. Laure Adler conservera un souvenir douloureux de cette période, comme elle en témoignait encore en 2012 lors d’un entretien avec le JDD : « J’ai subi beaucoup de violence à France Culture. J’ai été agressée physiquement, sexuellement, moralement. On m’attendait le soir, au sixième étage, à 22 heures, devant l’ascenseur. Un type entrait avec moi et me crachait au visage. »
Durant l’« Affaire Camus », en 2000, Laure Adler fait partie de ses accusateurs les plus virulents et ira même jusqu’à juger l’écrivain « pire qu’Hitler »… En décembre 2005, elle laisse son poste de directrice de France Culture à David Kessler, non sans s’être appropriée au passage l’émission « À voix nue », la plus prestigieuse et la mieux rémunérée de la chaîne, ce qui provoque encore des commentaires acerbes. Elle rejoint alors le groupe La Martinière et prend la direction du secteur « Littérature et Documents » des éditions du Seuil, mais est licenciée l’année suivante. En 2006, Laure Adler reçoit la légion d’honneur des mains de Jack Lang. En mars 2007, elle signe avec 150 intellectuels un texte appelant à voter pour Ségolène Royal, « contre une droite d’arrogance », pour « une gauche d’espérance » et quoique l’arrogance n’ait visiblement pas été le défaut qu’on lui reprocha le moins. Cette même année, elle intente un procès au président d’une association d’auditeurs de France Culture, au sujet d’une simple caricature, avant de retirer finalement sa plainte. En 2008, elle donne des cours d’« histoire des femmes et du féminisme » à l’I.E.P. de Paris. Depuis 2009, elle fait partie du jury du prix de la BNF et participe à la Commission « Culture et Université » présidée par Emmanuel Ethis. Elle collectionne encore aujourd’hui les très hautes et prestigieuses responsabilités : présentant « Studio Théâtre » sur France Inter, animant l’émission littéraire « Tropismes » sur France Ô, « Hors-Champs » sur France Culture et, avec Bruno Racine, l’émission « Le Cercle de la BNF » en collaboration avec Le Magazine littéraire ; elle est également membre du Conseil d’Orientation du think tank « En Temps Réel », membre du Conseil d’administration du Théâtre de la Ville à Paris ainsi que de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, et enfin membre du conseil de surveillance du quotidien Le Monde. En septembre 2012, dès les débuts de l’« affaire Millet », Laure Adler appelle Gallimard à licencier l’écrivain, par ailleurs éditeur dans cette maison.
Elle est faite officier de la Légion d’Honneur à titre civil le 31 décembre 2015.
En février 2016, pensant qu’elle était victime d’un canular téléphonique, elle refuse la proposition de François Hollande de devenir ministre de la Culture.
En 2019, elle est nommée présidente de la commission du soutien au scénario du CNC : « Nous nous réunissons, nous lisons des projets, et nous accordons, ou non, à leurs auteurs, des aides l’écriture. C’est un gros travail, mais c’est passionnant, car nous découvrons, auprès de jeunes, ce que sera la création cinématographique dans quatre ou cinq ans ». Le scénariste Thomas Bidegain lui succède deux ans plus tard.
Pendant sept ans, entre 2016 et 2023, elle a produit et animé sur France Inter l’émission « L’Heure bleue », diffusée le plus généralement en direct sur la tranche 20h00-21h00. Âgée de 72 ans, elle avait évoqué aux Inrocks sa volonté de quitter la station pour, d’après ses propres mots « [ne pas] mourir au micro » et « laisser la place aux jeunes ». Adèle Van Reeth, la nouvelle directrice d’Inter, confirme au Parisien au printemps 2023 le départ d’une de ses voix les plus emblématiques, saluant au passage une personnalité qui « a consacré sa vie à faire en sorte que la culture rassemble et soit accessible à tous ».
Combien elle gagne
Non renseigné
Publications
Essais
- À l’Aube du féminisme : les premières journalistes, Payot ‚1979.
- Misérable et glorieuse. La femme au XIXe siècle, Fayard, 1981.
- Secrets d’alcôve : une histoire du couple de 1830 à 1930, Hachette Littératures, 1983.
- Avignon : 40 ans de festival, avec Alain Veinstein, Hachette, 1987.
- La Vie quotidienne dans les maisons closes de 1830 à 1930, Hachette, 1990.
- Les Femmes politiques, Le Seuil, 1994.
- Les femmes qui lisent sont dangereuses, avec Stefan Bollmann, Flammarion, 2006.
- Les femmes qui écrivent vivent dangereusement, avec Stefan Bollmann, Flammarion, 2007.
- Femmes hors du voile, photographies d’Isabelle Eshraghi, éditions du Chêne, 2008.
- Les femmes qui aiment sont dangereuses, avec Elisa Lécosse, Flammarion, 2009.
- Les femmes qui lisent sont de plus en plus dangereuses, avec Stefan Bollmann, Flammarion, 2011.
- Manifeste féministe, éd. Autrement, 2011.
- Le Bruit du monde, éditions Universitaires d’Avignon, 2012.
- La Vie quotidienne dans les maisons closes, éditions Fayard, 2013.
- Tous les soirs, éditions Actes Sud, 2016.
- Dictionnaire intime des femmes, Stock, octobre 2017.
- Les Femmes artistes sont dangereuses, avec Camille Viéville, Flammarion, 2018.
- La voyageuse de nuit, Grasset, Cet essai sur la vieillesse connaît une adaptation audiovisuelle dans le documentaire « La Révolte des Vieux » co-réalisé avec Jérôme Frey et diffusé sur France 2 le 15 février 2023.
- Françoise Héritier, le goût des autres, Albin Michel, 2022.
- Les femmes qui écrivent vivent dangereusement, Flammarion, 2022.
Biographies
- L’Amour à l’arsenic : histoire de Marie Lafarge, Denoël, 1986.
- Marguerite Duras, Gallimard, 1998.
- Dans les pas de Hannah Arendt, Gallimard, 2005.
- L’insoumise, Simone Weil, Actes sud, 2008.
- Françoise, Grasset (sur Françoise Giroud), 2011
- Dans les pas de Hannah Arendt, Gallimard, 2012.
- François Mitterrand, journées particulières, Flammarion, 2015.
- Charlotte Perriand, Gallimard, 2019.
Récits
- L’Année des adieux, Flammarion, 1995 (rééd. 2011, augmenté d’un avant-propos).
- À ce soir, Gallimard, 2001.
Entretiens
- Avant que la nuit ne vienne, avec Pierre de Benouville, Grasset, 2002.
- Jean-Pierre Chevènement : entretiens, éditions Michel de Maule, 2006.
- Starck, Philippe : entretiens, Flammarion, 2007.
- J. Attali : entretiens, éditions Michel de Maule, 2007.
- Le Théâtre, oui quand même, avec Jacques Lassalle, éditions Universitaires d’Avignon, 2009.
- Histoire de notre collection de tableaux — Pierre Bergé Yves Saint Laurent, avec Pierre Bergé, Actes sud, 2009.
- La Passion de l’absolu, avec George Steiner, éditions de l’Aube, 2009.
- Roland Dumas : entretiens, éditions Michel de Maule, 2010.
- Le Chemin de la vie, avec Maurice Nadeau, éditions Verdier, 2011.
- Récits, avec Christian Boltanski, Flammarion, 2021.
- La Beauté de la lumière, avec Etel Adnan, 2022, Seuil.
- Histoires de vie, avec Edgar Morin, 2022, Bouquins.
Préfaces
- Une histoire du racisme : des origines à nos jours de Christian Delacampagne, Le Livre de poche/France Culture, 2000.
- Petites chroniques de la vie comme elle va de Etienne Gruillot, Le Seuil, 2002.
- Marguerite Duras et l’histoire de Stéphane Patrice, PUF, 2003.
- Rwanda : un génocide oublié ? Un procès pour mémoire de Laure de Vulpian, Bruxelles, éditions Complexe, 2004.
- Les Deux Amants de Marie de France, Bruxelles, éditions Complexe, 2005.
- Alain Crombecque. Au fil des rencontres de Christine Crombecque, postface, Actes Sud, 2010.
- Voyage et gourmandises en pays Salers de Régine Rossi-Lagorce, éditions Mines de rien, 2010.
- Dimanche et autres nouvelles d’Irène Némirovsky, Le Livre de poche, 2011.
- Qui sommes-nous ? Fragments d’identités, avec Wadji Mouawad, Editions Universitaires d’Avignon, 2013.
- Nouveau Romantique, avec Éric Vigner et Christophe Honoré, Éditions Universitaires d’Avignon, 2013.
- Le théâtre, sensation du monde, avec Claude Régy, Éditions Universitaires d’Avignon, 2014.
- La philosophie, le théâtre, la vraie vie, avec Alain Badiou, Éditions Universitaires d’Avignon, 2016.
- Changer le monde par le théâtre, avec Marie-José Malis, Editions Universitaires d’Avignon, 2016.
- Sacré souffle. Poésie, théâtre, politique, avec Christian Scharetti, Éditions Universitaires d’Avignon, 2016.
- Fracas et poétique du théâtre, avec Julien Gosselin, Éditions Universitaires d’Avignon, 2017.
- De la représentation à l’exposition de soi, avec Angelica Liddell, Éditions Universitaires d’Avignon, 2017.
- La métamorphose des corps, avec Madeleine Louarn, Éditions Universitaires, 2017.
- Enfants, animaux et idiots, avec Emma Dante, Éditions Universitaires d’Avignon, 2018.
- Épanouis et virevoltants, avec Thomas Quillardet, Éditions Universitaires d’Avignon, 2018.
- Le spectacle, contrat imaginaire, avec Tiago Rodrigues, Éditions Universitaires d’Avignon, 2018.
Collaborations
- L’Illettrisme en toutes lettres. Textes, analyses, documents, entretiens, témoignages, éditions Flohic, 1999.
- Paris. Au nom des femmes, Descartes & Cie, 2005.
- L’Universel au féminin, tome 3, L’Harmattan, 2006.
- Festival d’Aix : 1948–2008, Actes Sud, 2008.
- Voyager avec Marguerite Duras, édition La Quinzaine littéraire, 2010.
- Pensez, lisez. 40 livres pour rester intelligent !!!, Points, 2010.
- Le Bruit du monde : le geste et la parole, éditions universitaires d’Avignon, 2012.
Elle l’a dit
« Le premier levier d’émancipation de la lutte des femmes, c’est le droit à l’avortement. J’espère qu’en France ce droit va être inscrit très bientôt dans la Constitution. Sa sanctuarisation est une nécessité vitale pour la continuation de la lutte des femmes », Les Inrocks, 16/12/2022.
« Si vous écoutez de manière sémantique le dernier discours de Macron sur l’immigration, il a martelé le “ils”. Il y a une dépersonnalisation, une absence de prise en charge des sujets humains comme si la dignité humaine était sécable en différents segments », Ibid.
« Nous sommes la génération qui a appris la révolte dans la solidarité, qui a appris la résistance à l’oppression, à la domination. Ceux que certains jeunes appellent les boomers avec beaucoup de morgue et de mépris. Moi, je ne me sens pas responsable, pas coupable de la dégradation bioclimatique. Simplement, je n’étais pas informée quand j’avais l’âge de pouvoir y résister. Donc je ne suis pas responsable en tant que boomer. […] Et nous nous révoltons contre l’idée que nous ne sommes pas des sujets entiers, des citoyens entiers. Oui, nous conservons nos droits même quand nous vieillissons et nous ne voulons pas être considérés comme une sous-humanité », France Inter, 13/02/2023.
« Je suis vieille et je vous emmerde », Libération, 9 août 2022
« Vous êtes blanc quoi, et fier de l’être […] Y’a pas assez de blancs autour de vous », adressé à Franz-Olivier Giesbert qui déplorait ne plus entendre parler français dans les rues de Marseille, France 5, 09/11/2021.
« Je ne pense pas, comme vous, que l’on peut parler avec tout le monde. Je ne pense que l’on peut parler uniquement avec des gens qui utilisent la même langue avec des mots qui ont la même signification », adressé à François Bégaudeau sur le plateau de « C ce soir », France 5, 11/10/2021.
« C’est un scandale politique, un scandale civique, un scandale citoyen. Est-ce qu’on a des cerveaux plus petits que les hommes ? Est-ce qu’on a une faiblesse congénitale qui fait qu’il est établi que nous devons être inférieures ? Sur le fronton des mairies, n’est-il pas écrit “Liberté, égalité, fraternité” ? Où est la liberté ? Où est l’égalité ? Où est la fraternité quand on considère que les femmes, à diplôme égal, ont un salaire inégal, 17 % d’écart, c’est la fourchette basse, et jusqu’à 25 % ! Malgré l’avancée des droits, depuis une dizaine d’années, la société des décideurs ne tolère plus les patronnes. », Midi Libre, 08/03/2020.
Au sujet de la pétition sur la liberté d’importuner, qui s’inscrivait en réaction à la fièvre misandre suscitée par l’affaire Weinstein : « Nous vivons une période de régression terrible par rapport à la liberté des mœurs. Je réprouve totalement ce puritanisme qui ne cesse d’augmenter depuis deux ou trois ans au moins. Mais il n’a rien à voir avec la revendication des femmes à être considérées comme des sujets. Rien à voir avec ce qui se passe depuis le début de l’affaire Weinstein. Je pense qu’il y a une confusion de la part de ces pétitionnaires.
Moi qui suis une fille de 68, je ne peux que combattre ce vent de moralisation qui sévit aujourd’hui, dans tous les domaines. Je défends la liberté de l’amour. Mais encore une fois, elle ne peut exister que lorsque les rapports entre individus sont égaux. Quand la femme est désirée comme un être pensant, et non comme un trou dans lequel on va s’enfoncer sans son consentement. Ou comme un objet contre lequel on va se frotter en se masturbant dans le métro, parce que globalement la société l’autorise et que ce n’est pas grave. Eh bien, si, c’est très grave ! », Télérama, 12/01/2018
« Aujourd’hui, c’est ringard de dire qu’on est féministe. Moi j’assume parce que je suis âgée, que je suis née dans le féminisme et que je me suis construite dedans ; j’ai eu la chance de rencontrer le MLF à ses tout débuts. Mais demandez à la génération de mes filles si elles se disent féministes. Elles pensent que le féminisme est intégré à nos mœurs alors qu’il ne l’est pas. Elles estiment que les droits ont été obtenus, que le travail a été fait alors qu’il n’a jamais été aussi nécessaire de le faire », La Dépêche du Midi, 08/03/2016
Au sujet de Miterrand : « Il ne portait pas de montre. Il ne regardait jamais une horloge. Il construisait son propre rapport au temps. Il n’a jamais dérogé à son temps de lecture matinal avant de venir au bureau, même lors de la guerre du Golfe. Ces lectures lui donnaient de la distance avec le temps subi, les événements et l’actualité », Le Monde, 04/03/2016
« Je crois que lorsque l’on a de grandes responsabilités, il faut essayer de construire son rapport au temps pour mieux apprécier les événements et les juger hors de l’actualité pressante que vous intiment de plus en plus les réseaux sociaux, par exemple. Un temps pour réfléchir », ibid.
Lorsqu’elle était directrice à France Culture : « J’étais harcelée par le temps, otage du temps, esclave. J’étais dans l’oubli de moi-même. Les seuls moments pendant lesquels je pouvais respirer étaient lorsque je conduisais ma voiture pour aller et rentrer de la Maison de la radio. J’y pensais toute la journée. Je me souviens de réunions que je faisais avec mes équipes et que les syndicats voulaient intégrer. J’ai accepté leur temps à eux. J’aurais dû refuser et remettre les réunions. Une certaine partie des médias, les plus pervers, coince les personnalités politiques uniquement avec l’obligation d’immédiateté », ibid.
« Je crois que le temps des femmes n’est pas encore venu. De nombreux droits ont été conquis de haute lutte mais leur réalisation n’est pas encore faite. Durant les luttes des années 1970, être féministe était un combat et une caractéristique positive. Aujourd’hui, c’est devenu une injure… Les droits des femmes régressent. Elles sont plus au chômage, plus touchées par la pauvreté, par la marginalité. Quand les femmes travaillent, et c’est bien entendu la majorité, ce sont encore elles qui doivent faire des doubles journées », ibid.
« Les intervenants ne doivent pas être dans l’accord total ou l’unisson, mais la conversation contradictoire est parfois impossible, ou civiquement insoutenable. Sur des sujets comme la montée du Front national ou la Syrie, je ne vais pas inviter un élu du FN ou un soutien de Bachar el-Assad ! », Télérama, 06/11/2015
Elle raconte sa jeunesse aux Inrockuptibles (16/11/2014). En Angleterre, où « on dansait jusqu’à la fin de la nuit, on ne rentrait jamais avant l’aube, il fallait se soûler jusqu’à tomber par terre. C’était un rite bien sûr, la conquête de notre indépendance » et l’icône était David Bowie : « Mes copines et moi, nous étions des garçons manqués, nous enroulions des bandes Velpeau autour de nos poitrines. Bowie était à la fois très désirable en tant qu’homme, et accessible de par son androgynéité — à la fois amant, frère et sœur ».
« Je n’ai jamais eu confiance en moi. Jamais. Le roman L’adversaire d’Emmanuel Carrère [inspiré par l’histoire vraie d’un homme qui a tué toute sa famille pour ne pas qu’elle découvre qu’il n’a jamais été le médecin qu’il prétendait être – ndlr], ça m’a transpercée. J’ai un autre rêve récurrent : je conduis une voiture alors que je n’ai pas le permis. Dans la vraie vie, je l’ai raté de nombreuses fois, et ironiquement je l’ai obtenu à 41 ans, huit jours avant d’entrer à l’Élysée où des chauffeurs étaient à notre disposition… », ibid.
« J’ai fait toutes les campagnes du PS : Jospin, Royal, Hollande. Pour moi, Ségolène n’était pas seulement une femme. Elle avait, je pense, les épaules pour le poste », Le JDD, 05/10/2013.
« Je persiste à croire qu’une femme est plus capable de suivi, d’attention et d’écoute qu’un homme. Les femmes ont une plus grande proximité avec la vie. L’importance des crèches, de l’éducation, de la culture, du social, elles connaissent », ibid.
« Je me définis comme Africaine », JDD, 8 juillet 2012.
« La vision de la culture a énormément évolué. La culture, ce n’est plus le patrimoine, c’est l’interrogation de soi-même, une certaine citoyenneté, une manière de s’ouvrir au monde. » Le Monde, juillet 2004
« D’abord parce que toute cette nouvelle génération des créateurs issus de différents milieux sociaux, et pas seulement des élites économiques de la France bien-pensante, est en train de fabriquer un creuset multi-ethnique, multi-culturel et multi- disciplinaire. Et ensuite parce que j’ai l’impression que toute cette création sur différents supports qui ne nécessite pas forcément une formation intellectuelle au départ très poussée mais plutôt un instinct créatif, va pouvoir atteindre des couches plus “populaires” que celles avec lesquelles on a l’habitude de converser. » 491, avril 2001.
« La vision de la culture a énormément évolué. La culture, ce n’est plus le patrimoine, c’est l’interrogation de soi-même, une certaine citoyenneté, une manière de s’ouvrir au monde. » Le Monde, juillet 2004.
Sa nébuleuse
Ségolène Royale ; Bernard-Henri Lévy ; Jack Lang ; Alain Veinstein ; Olivier Py ; Frédéric Mitterrand.
Ils ont dit
« À aucun moment, FOG ne lie pourtant à une appartenance ethnique le fait de parler à une langue étrangère, et d’ailleurs, il a raison. Cet amalgame, c’est Laure Adler qui s’y livre à pieds joints. Les « blancs » seraient donc les seuls habilités à parler français ? Ah ! Non ! C’est un peu court, répondrait Cyrano. Une nouvelle illustration, selon laquelle une certaine gauche, dans sa posture d’éternelle indignée, adopte, presque sans s’en rendre compte, les arguments de ceux qu’elle prétend dénoncer », Marianne, 10/11/2021.
« Tranquillement assise dans son fauteuil de cinéma, Laure s’exalte et nous vante l’œuvre de cette artiste d’origine sénégalaise (qui le mérite très certainement) qui trace la cartographie de la banlieue parisienne et met à l’honneur des espaces et les gens qui y vivent. […] Laure a toujours vécu dans les hautes sphères bourgeoises, intellectuelle auto-proclamée, reconnue par ses amis bourgeois, elle vient nous conseiller à la télé une escapade culturelle où il est question d’apprécier la pauvreté de nos concitoyens, et de constater qu’il y a de belles personnes parmi les miséreux.Hé ben, je trouve ça triste, décalé, crétin, limite obscène. Laure, vient avec moi un de ces quatre, tu pourras même prendre des photos qui feront leur effet dans tes dîners parisiens », Mediapart, 19/10/2021.
« Ce discours déprimant dresse un tableau mensonger de l’existence des femmes en France en supposant que, jusqu’à la merveilleuse libération de la parole que nous connaissons depuis un mois, toutes vivaient dans la crainte et le silence. Laure Adler évoque «la nuit de femmes» et écrit: «Nous les femmes qui sommes déshonorées, déconsidérées, violentées dans notre intégrité physique et psychique, dans notre dignité d’être humain.» Et puis, nous-les-femmes, connais pas. De quel pays parle-t-on, de l’Afghanistan? Non, on parle de la France, ce pays qu’un philosophe anglais du 18ème siècle appelait la patrie des femmes. Certes, tout n’est pas parfait: nos sociétés n’ont pas encore éradiqué le mal, le crime, la violence, et la redoutable propension des êtres humains à user de moyens déplorables pour satisfaire leurs désirs. Pour autant, est-il raisonnable de faire comme si la révolution féministe grâce à laquelle je suis née dans le monde de l’égalité n’avait jamais eu lieu? Peut-on parler de «culture du viol» parce qu’il y a des violeurs? Les barbons libidineux sont moqués depuis Molière, les prédateurs sexuels sont considérés comme des monstres et mal vus, même en prison. On compte les femmes partout, dans les entreprises, sur les plateaux de télé, dans les gouvernements et c’est à celui qui en aura le plus. », Élisabeth Lévy, Le Figaro, 11/11/2017
« Laure Adler, directrice, savait sans sourciller licencier du jour au lendemain des producteurs précaires en leur assurant que c’était « pour mettre fin à leur précarité scandaleuse à France Culture ». Vincent Mutin, ACRIMED, septembre 2005.
« Le discours est généreux, mais les méthodes sont tranchantes. » Édouard Launet, Karim Talbi, Libération, août 1999.
« Elle a commis un impair fameux, à l’issue d’un Cercle de minuit, en traitant de « pétasse » une sans-abri qui s’était plainte de ne pouvoir s’exprimer. Cette émission était consacrée aux SDF. « On l’a réalisée pour les mettre en vedette, fit-elle répondre par sa productrice. On leur a même donné un micro. » Ces petits écarts l’ont finalement réduite, pour beaucoup, à sa caricature : une marquise de Merteuil caviardant le bel esprit de gauche pour convenances personnelles. » Philippe Lançon, Libération, avril 1995.
Crédit photo : Georges Seguin via Wikimedia (cc)