Militante pour la visibilité des femmes
Née à Orléans le 30 octobre 1980, Lauren Bastide est une journaliste et animatrice désormais connue pour son podcast féministe « La Poudre ».
La journaliste nait le 30 octobre 1980 à Orléans. Très discrète sur sa vie privée, il n’existe que peu d’informations sur son enfance. Elle déclare toutefois avoir grandi dans une famille valorisant l’indépendance et le travail des femmes. Elle est elle-même désormais mère de famille, ce dont elle a fait occasionnellement un engagement militant, avec notamment une tribune coécrite avec l’auteur féministe Titiou Lecocq et publiée dans Libération déplorant qu’on « culpabilise les femmes » qui donnent le biberon ».
Elle réalise son rêve d’adolescente en entrant en 2005 dans la rédaction du magazine Elle en tant que pigiste. Elle devient quelques années plus tard en 2011 grand reporter, puis finalement en 2013 rédactrice en chef du magazine. Durant ses dix ans de carrière chez Elle, elle crée avec Sophie Fontanel dailyELLE.
C’est toutefois le virage qu’elle prend vers le petit écran qui lui vaut son succès. Elle devient en effet en 2015 chroniqueuse au « Grand Journal ». Elle quitte l’émission suite aux remaniements de Vincent Bolloré pour créer sa propre émission en podcast.
Pour ce faire, elle crée avec Julien Neuville « Nouvelles Ecoutes », un studio indépendant de production de podcasts et lance le podcast féministe « La Poudre », une série d’interviews intimistes de femmes célèbres.
Elle se définit elle-même comme une militante féministe, et reconnaît avoir été fortement influencée par le féminisme intersectionnel : « Le féminisme que je défends est anti-colonialiste, anti-capitaliste, anti-raciste, il ne s’envisage pas sans lutte pour les droits des personnes handicapées, sans égalité pour toutes les personnes LGBTQ. Bref il est radical et révolutionnaire ! » (« Rencontre avec Lauren Bastide, féministe jusqu’au bout des ondes », Clément Arbrun, ANousParis).
Formation
Après une hypokhâgne, Lauren Bastide entre en 2000 à l’Institut d’études politiques de Strasbourg, avec une spécialisation en relations et affaires internationales. Elle entre en 2002 au Centre de Formation des Journalistes pour se former en tant que journaliste pour la presse écrite.
Diplômée du CFJ en 2005, elle reprend des études en 2016. Elle obtient suite à cela en 2017 un Master 1 en études de genre, spécialisé en sociologie, histoire et politique à l’Université Paris 8.
Parcours professionnel
Son parcours professionnel commence par les stages requis par sa formation au Centre de Formation des Journalistes, qu’elle effectue au Courrier international, à l’agence de presse Reuters et au quotidien Le Monde.
D’abord pigiste pour des media papiers, Lauren Bastide se positionne d’emblée sur le créneau de la mode féminine, avec des participations à des magazines à forte dimension qualitative et artistique. Elle écrit ainsi de 2009 à 2011 pour le bi-annuel Lurve Magazine, spécialisé sur la mode et la photographie, puis de 2012 à 2014 pour Antidote Magazine, magazine de mode lui-même conçu comme un objet artistique.
Elle participe au journal Elle Magazine durant plus de 9 ans. Elle est d’abord pigiste, de 2005 à 2011, puis devient en 2011 grand reporter pour le magazine. Elle obtient finalement en 2013 le poste de rédactrice en chef, qu’elle assure jusqu’en avril 2015. Durant son passage chez Elle Magazine, elle crée et conçoit avec Sophie Fontanel entre 2012 et 2015 pour le média un site web dédié à l’actualité de la mode, dailyELLE.fr, dont elle assure également la promotion sur les réseaux sociaux (vidéo Elle du 23 janvier 2013).
Elle commence sa carrière télévisuelle en parallèle de son poste chez Elle Magazine, en tant que chroniqueuse pour « Le Grand 8 » de Laurence Ferrari sur la chaîne du groupe Canal, D8. Ses chroniques hebdomadaires, qu’elle assure de 2012 à 2014, portent sur l’actualité mode de la semaine.
Elle devient ensuite, en 2015, chroniqueuse pour « Le Grand Journal » de Canal +. C’est Renaud Le Van Kim, producteur historique de l’émission, qui la recrute. Cette transition vers le petit écran lui assure un succès national. Elle reconnaîtra par la suite avoir très mal vécu cette expérience suite au remaniement de l’émission voulue par Vincent Bolloré actionnaire majoritaire du groupe Vivendi, qui avait alors racheté la chaîne (« Lauren Bastide raconte son année d’enfer au « Grand Journal », Alexandre Comte pour Les Inrockuptibles, article publié le 01 novembre 2016). Vincent Bolloré licencie finalement Maïtena Biraben tandis que Lauren Bastide, elle, aurait elle-même choisi de quitter la chaîne. La journaliste conteste par contre les rumeurs d’un désaccord entre l’animatrice et elle.
Elle lance en décembre 2016 sa propre émission féministe en podcast, « La Poudre ». Pour ce faire, elle crée avec Julien Neuville « Nouvelles Ecoutes », un studio indépendant de production de podcasts, dont elle assure la présidence. L’émission, diffusée tous les quinze jours, questionne la manière dont les femmes de notre siècle ont été marquées par la société dans laquelle elles ont grandi et évolué. Lauren Bastide reçoit ainsi à chaque émission une nouvelle femme artiste, activiste, politique, dans une chambre d’hôtel pour une conversation personnelle et intime sur son enfance, sa carrière et ses combats.
A travers le travail du studio Nouvelles Écoutes, Lauren Bastide a ainsi développé une activité de productrice, puisque le studio s’est diversifié dans la production d’autres émissions sur des sujets divers, et propose également l’accompagnement des entreprises dans des projets de « brand content ».
Elle se recentre ainsi sur le format radio. Le succès de son podcast lui vaut d’être invitée durant l’été 2017 à animer une émission sur France Inter, « Les Savantes », sur le même modèle que son podcast puisqu’il s’agit d’interview de femmes expertes dans leur domaine (« Tout l’été, Lauren Bastide invite des femmes savantes à son micro », Cheek Magazine, publié le 13 juillet 2017).
Parcours militant
Militante féministe assumée, Lauren Bastide a fait de l’égalité professionnelle femmes – hommes au sein des rédactions son cheval de bataille. Elle devient porte-parole de Prenons la Une, collectif qui sensibilise à la faible représentation des femmes dans les rédactions et qu’elle rejoint en 2014. A partir de 2018, le collectif se mue en association et ajoute une corde à son arc ; la défense des journalistes subissant du harcèlement dans leur vie professionnelle.
Pour mieux se former aux questions féministes, elle retourne à l’université en 2016 pour se former en études de genre. Son mémoire est dédié aux questions de représentation, notamment des femmes non blanches, dans la presse féminine. Elle défend en effet un féminisme inclusif et intersectionnel, s’étant elle-même intéressée aux questions féministes à travers la lecture d’auteurs afro-féministes.
Elle milite plus globalement pour une meilleure visibilité des femmes dans l’espace public, ainsi qu’elle l’explique dans une vidéo Brut publiée le 28 novembre 2018 et rapidement devenue virale avec plus de 30 000 vues en juin 2019. Elle y souligne que sur une journée entière de médias tous confondus, les femmes n’occupent que 24% du temps médiatique. Elle critique également le manque de diversité des femmes représentées : « Plus on va dans la discrimination, plus on cumule, finalement, de critères discriminants, moins on a de chance de se voir représenter dans les médias, explique-t-elle. Je me suis rendu compte que cette invisibilisation médiatique, on la retrouvait dans la plupart des champs de production, de connaissance et de pensée. On va la retrouver dans l’art, la politique, la littérature, la recherche, la science et dans l’histoire. ». Elle y expose enfin le concept féministe de « manterrupting » ou « mansplaining », selon lequel les hommes auraient l’habitude de condamner les femmes au silence par leur attitude (dérision, minimisation des propos…), voire en interrompant leur propos ou en leur expliquant ce qu’elle voulait dire à leur place.
Elle anime d’octobre 2018 à mai 2019 au Carreau du Temple un cycle de rencontres-conférences intitulé Présen.t.e.s. Un jeudi par mois, elle reçoit un invité différent pour discuter de la place des femmes dans l’espace public.
Publications
Lauren Bastide publie en octobre 2017 avec Jeanne Damas, A Paris, aux éditions Grasset. L’ouvrage propose vingt portraits de Parisiennes aux profils et de quartiers différents, formant ainsi une forme d’éloge poétique et intime de la femme parisienne. Il se conclut avec les bonnes adresses parisiennes des deux auteurs.
Collaborations
Elle crée en décembre 2016 avec Julien Neuville, ancien reporter pour Le Monde, M le magazine du Monde, L’Equipe et GQ, Nouvelles Écoutes, un studio de production de podcasts. Celui-ci produit dès sa création l’émission féministe de Lauren Bastide, « La Poudre », mais pas seulement. Le studio produit autant des émissions sportives (« Banquette »), culinaires (« Bouffons »), ou encore économiques (« Splash »), artistiques (« Primo ») et culturelles (« Vieille Branche »), que féministes (« La Poudre », « Quoi de Meuf ? ») ou LGBT (« Quouïr »).
Ce qu’elle gagne
Non connu.
Sa nébuleuse
Sophie Fontanel : journaliste et auteur, elle se fait connaître comme rédactrice en chef adjointe de Cosmopolitan, puis comme grand reporter pour Elle. Elle monte avec Lauren Bastide daillyELLE, quotidien de la mode sur le web.
Julien Neuville : grand reporter pour Le Monde, M le magazine du Monde, L’Equipe et GQ, il a créé avec Lauren Bastide en 2016 le studio Nouvelles Ecoutes, pour produire des podcasts et accompagner les entreprises dans la création de brand content. Le studio se lance avec deux émissions, « La Poudre », podcast féministe de Lauren Bastide, et une émission de Julien Neuville, « Banquette ».
Jeanne Damas : créatrice de mode, mannequin et influenceuse, elle est notamment connue via le blog de mode qu’elle anime. Elle crée en 2016 sa propre marque, Rouje. Elle coécrit avec Lauren Bastide A Paris, une série de vingt portraits de parisiennes. Les deux femmes se rencontrent par hasard au défilé Jacquemus. Alors inconnues l’une de l’autre, elles sont photographiées ensemble. C’est Jeanne Damas qui retrouve la photo sur Instagram et cherche l’identité de Lauren Bastide. Quelques années plus tard, elle l’appelle pour participer à son projet de livre.
Elle l’a dit
Sur l’attitude de Maïtena Biraben, animatrice du « Grand Journal » alors qu’elle-même y était chroniqueuse, face à la pression exercée sur l’émission après le rachat de Canal par Vincent Bolloré : « Pendant toute cette année, j’ai ressenti une profonde empathie pour Maïtena. Je me disais : « Putain, la meuf, elle tient ». Elle fait son émission tous les soirs, tous les matins on lui reproche quelque chose, mais elle y retourne. Alors que ça devait être insoutenable : une pression qui vient du dessus, des côtés, de l’intérieur, de l’extérieur… Moi qui suis féministe, je considère qu’on lui a mis des bâtons dans les roues parce que c’était la première femme qui tenait ce poste. J’étais vraiment vénère de tout ce qu’on déversait sur elle ». (« Lauren Bastide raconte son année d’enfer au « Grand Journal », Alexandre Comte pour Les Inrockuptibles, article publié le 01 novembre 2016).
« Le magazine ELLE m’a formée, il a fait la journaliste que je suis aujourd’hui, mais au fil des années, j’ai pris conscience que les lignes du féminisme bougeaient et qu’on ne pouvait pas se contenter de faire ce qu’on avait toujours fait. Je ne me reconnais plus dans le “nous” censé représenter toutes les femmes, et c’est la pluralité de ce “nous” que je veux interroger dans « La Poudre », en m’intéressant à l’afroféminisme et l’intersectionnalité, par exemple » (Interview donnée à Myriam Levain pour ChEEk Magazine, publiée le 15 novembre 2016).
Sur ses inspirations dans la création de son podcast « La Poudre » : « Mon envie provient de « Radioscopie » de Jacques Chancel dans les années 60. Je suis tombée sur des émissions avec Brigitte Bardot, Arletty, Simone Veil, Françoise Giroud, toutes ces icônes de mon panthéon personnel. Cela avait une autre gueule à l’époque avec cette forme d’élégance et de pudeur où l’on ne coupe pas la parole, où l’on respecte les silences. Le rythme est beaucoup plus lent. On est loin du ton frénétique de la génération Cyril Hanouna ». (Interview donnée à David Herman pour Say Who et publiée le 05 janvier 2017).
Sur l’ambiance intimiste de son podcast « La Poudre » : « D’abord, les interviews se passent dans une chambre d’hôtel, et c’est délibéré. On se retrouve dans un espace confiné et neutre, à la fois impersonnel et familier. Ensuite le podcast réclame une production légère, moi et mon micro, sans contraintes de maquillage ou de caméras. Contrairement à la télé, ma démarche est plus « nue », d’autant que la mise en ligne se fait quasiment à l’état brut. Et puis on prend le temps, une heure avec des questions sur l’enfance, sur les moments clés qui forgent une vie. Mes invitées confient des choses très intimes, elles se font du bien. A la fin, on se prend dans les bras et elles me remercient quasi-systématiquement. » (Interview donnée à David Herman pour Say Who et publiée le 05 janvier 2017).
« Pour moi, l’obstacle principal à l’égalité entre les sexes est celui des croyances (« les femmes ne sont pas faites pour les mathématiques ») et des représentations — il n’y a eu qu’une seule femme Prix Nobel d’économie. » (« « Les Savantes » sur France Inter : un micro tendu aux femmes qui savent », Carole Lefrançois, Telerama, publié le 18 août 2017).
« Je me suis toujours considérée comme féministe. Mes parents m’ont transmis l’idée qu’il est très important qu’une femme travaille, soit indépendante. Iels m’ont élevée en me disant que je pouvais tout faire, que rien ne m’était fermé. Après, comme beaucoup, j’étais plutôt une féministe light, c’est-à-dire que je n’avais pas lu de théorie, et pas compris tous les enjeux concernant les femmes moins privilégiées que moi. Il y a deux moments en particulier qui m’ont ouvert les yeux. D’abord, quand je travaillais au Elle, des collectifs de femmes noires et contre la grossophobie m’ont interpellée plusieurs fois. Elles m’ont fait réaliser que le journal représentait une uniformisation des femmes et portait un message universaliste, qui est en fait discriminant pour beaucoup de femmes. J’ai donc commencé à m’intéresser aux autrices afroféministes. En fait, c’est l’afroféminisme qui m’a amenée à explorer la théorie féministe en général. Et puis, il y a eu ce jour où j’ai découvert que seulement 24 % du temps de parole était accordé aux femmes chaque jour dans les médias en France. Ce chiffre m’a estomaquée et m’a donné envie d’être plus militante et vindicative. Mon féminisme est très axé sur la question de la représentation, car c’est là-dessus que j’ai été interpellée et que j’essaie d’agir. » (« Lauren Bastide : « je n’en peux plus qu’on interrompe les femmes à chaque phrase », Interview accordée à Roseaux, publié le 26 septembre 2018).
« L’invisibilisation des femmes, c’est le fait que les vécus des femmes, les paroles des femmes, les pensées des femmes, le travail des femmes soient globalement occultés, ‘silenciés’ dans l’espace public. Le premier lieu où l’invisibilisation des femmes m’a frappée, c’est les médias. Un beau jour, je suis tombée sur ce chiffre qui est issu d’une étude qui s’appelle le Global Media Monitoring Project. Le chiffre est le suivant: les voix des femmes sur une journée entière de médias, tous confondus, ne représentent que 24% du temps médiatique. » Vidéo Brut publiée le 28 novembre 2018.
« Le féminisme que je défends est anti-colonialiste, anti-capitaliste, anti-raciste, il ne s’envisage pas sans lutte pour les droits des personnes handicapées, sans égalité pour toutes les personnes LGBTQ. Bref il est radical et révolutionnaire ! » (« Rencontre avec Lauren Bastide, féministe jusqu’au bout des ondes », Clément Arbrun, ANousParis).
On a dit à son sujet
« Quand je l’ai connue, on disait toujours (moi la première), qu’elle ressemblait à Brigitte Bardot […]. Je crois que la télé a démoli en elle tout désir d’être « la belle blonde, la jolie fille du moment » ». Sophie Fontanel, citée dans « Lauren Bastide, femme de paroles, par Célia Héron, publié le 12 janvier 2018 sur Le Temps.