Portrait d’un antimoderne
Il est l’un des « monsieur culture » de la droite libérale conservatrice. S’il n’était profondément catholique, Laurent Dandrieu se serait entièrement fondu dans la sphère réac « Lévy-Zemmour ». Mais le journaliste donne dans son travail un tour de vis supplémentaire qui lui permet de se distinguer du groupe. À Valeurs Actuelles, il incarne le ton anti-moderne, servi par une plume de haute voltige.
État civil et formation
Laurent Dandrieu est né à Rome en 1963, d’un père militaire et d’une mère qui s’est occupée de ses enfants, dont il est le 7e et dernier. L’écrivain et journaliste a forgé ses armes intellectuelles dans sa première communauté, autour de la table familiale. C’est d’ici qu’il tient son goût pour le débat et une curiosité pour le monde de la culture. Woody Allen, Julien Green, les écrivains anglais Evelyn Waugh ou Graham Greene, autant de noms qu’il découvre dès son plus jeune âge.
Il fait son lycée à Saint-Jean de Béthune à Versailles. Après son bac et une année de faculté, il rentre à l’IEP, à Paris, entraîné par des camarades de lycée. Il déclare y faire l’expérience « de la liberté de penser, qui y était alors de règle ». C’est lors de ses années rue Saint-Guillaume qu’il découvre l’écrivain Drieu la Rochelle. Il se dit marqué par les cours d’Histoire des idées politiques donnés par l’historien Raoul Girardet, marqué aussi par le cycle de « littérature et politique » donné par Alain-Gérard Slama, ainsi que par Hervé Coutau-Bégarie, dont il cite un séminaire de relations internationales. Ce n’est qu’après la fin de ses années d’études qu’il commence à écrire, dans diverses revues d’étudiants tout d’abord, puis dans l’Idiot International que dirige alors Charles Dantzig.
Parcours professionnel
En 1994, il contacte Michel De Jaeghere, qui dirige la revue Le Spectacle du monde, et lui propose ses services. Il y écrit très régulièrement jusqu’en 2000 tant que de Jaeghere en est à la tête. Lorsque celui-ci fonde les Hors-série du Figaro, il le suit pour y collaborer régulièrement.
Il arrive ensuite à l’hebdomadaire Valeurs actuelles dans lequel il effectue la grande majorité de sa carrière, journal appartenant au même groupe de presse que Spectacle (Valmonde), comme pigiste tout d’abord, puis comme salarié à partir de 1999. Il commence d’abord comme critique littéraire, avant que la direction lui propose de prendre la suite du critique cinéma maison, Norbert Multeau, qui part à la retraite. En bon cinéphile, il accepte le rôle, considérant qu’il avait suffisamment soupé du « niveau globalement très médiocre et répétitif de la littérature française ».
Ainsi, Laurent Dandrieu estime se battre sur le front culturel, ayant le sentiment que la droite n’assume pas convenablement ce type de journalisme : « Elle [la droite] le pratique en se contentant de singer ce qu’écrit la gauche […] rares sont les journalistes qui assument de faire de la critique culturelle avec une grille de lecture de droite, alors que nos confrères de gauche trouvent tout naturel d’y appliquer leur vision idéologique. »
Au sein de l’hebdomadaire libéral conservateur, il a été pendant dix ans rédacteur en chef adjoint aux pages « Culture », avant de codiriger le site Internet pendant deux ans. En 2010, il est nommé rédacteur en chef adjoint « Société », fonction qu’il cumule désormais avec celle de critique de cinéma et de responsable de la rubrique « Débats-opinions ».
Parcours militant
Comment le journaliste peut-il se situer au sein d’une rédaction libérale ? Lui-même affirme ne vouloir rien sauver dans le libéralisme, « qui finit toujours par transformer la liberté en idole, au détriment des autres composantes du bien commun ». Selon lui, « transmettre et faire fructifier l’héritage reçu [lui] paraît plus essentiel que de faire une icône du libre-échange, ou du droit à l’auto-engendrement ». Il se définit moins comme un conservateur que comme un antimoderne. Mais de manière générale, Laurent Dandrieu (nom de plume qu’il a bâti à partir du nom de son auteur fétiche) se veut discret sur ses engagements politiques. A la question « Avec quel homme politique déjeunez-vous ? » il déclare ironiquement ne pas avoir l’appétit assez solide pour cette activité.
Publications
- Histoires de Londres, Sortilèges, 1997, 334 pages et Histoires de marins, Sortilèges, 1999, 325 pages. Anthologie de textes rassemblés par ses soins à la demande de Charles Dantzig.
- Woody Allen, portrait d’un antimoderne, CNRS éditions, 2010, 304 pages (2e édition en collection de poche Biblis, 2012).
- Dictionnaire passionné du cinéma, Éditions de l’Homme nouveau, 2013, 1 408 pages. Le livre rassemble quinze années de critique cinématographique
- La Compagnie des anges. Petite vie de Fra Angelico, Éditions du cerf, septembre 2014.
Ouvrages collectifs
- Dictionnaire du rock, sous la direction de Michka Assayas, Éditions Robert Laffont, collection « Bouquins », 2000.
- Gustave Thibon, Dossier H sous la direction de Philippe Barthelet, Éditions l’Âge d’homme, 2012.
- Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent et l’esprit hussard, sous la direction de Philippe Barthelet, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2012.
- Dictionnaire politique et juridique de l’Europe, sous la direction de Jean-Paul Bled, Edmond Jouve et Christophe Réveillard, Presses universitaires de France, 2013.
Sa nébuleuse
Il déclare se tenir à distance aussi bien des milieux littéraires que de ses confrères critiques.
Il confesse devoir beaucoup aux homélies de l’abbé Guillaume de Tanoüarn.
Il aime Woody Allen depuis l’enfance. Comme « le new yorkais est généralement décrit comme l’archétype du bobo de gauche » il a voulu expliquer comment un homme de tradition comme lui « pouvait se reconnaître dans son œuvre censément “moderne”. »
Il a dit
« Jean-François Colosimo m’a aidé à me débarrasser d’une certaine crainte révérencielle pour le livre », à propos de son Woody Allen, portrait d’un anti-moderne.
À propos du réalisateur François Ozon : « [il] porte bien son nom, impératif de ceux qui osent tout (c’est même à ça qu’on les reconnait) », Dictionnaire passionné du cinéma.
« Pouvons-nous réellement prétendre nous opposer à l’islamisme et à ses valeurs de mort en canonisant “l’esprit Charlie”, en faisant de ce nihilisme ricanant, qui ne reconnaît rien comme sacré ni même comme respectable, qui dénie toute transcendance, mais aussi toute grandeur humaine, au profit d’un impératif catégorique de la rigolade et de la jouissance, l’essence même de l’esprit français ? », Causeur.fr, 23 janvier 2015.
Les intellectuels et la foi: «plusieurs intellectuels, ces dernières années, sans se concerter, sans même se connaître pour la plupart, chacun de leur côté, ont effectué un chemin ou un retour, intime ou tonitruant, véritable conversion ou simple réveil, vers la foi catholique. Plus significatif encore, au lieu de garder cela pour eux, ils ont décidé d’ignorer ce que cette évolution aurait pu leur valoir de railleries, de haussements d’épaules, d’accusations de passéisme et de ringardise, et de revendiquer publiquement leur identité de catholiques. Ce n’est pas une lame de fond, ni même une déferlante, tout de même un courant qui, aussi informel soit-il, intrigue. » Valeurs actuelles (n°3686)
« L’Église catholique reste pour le monde moderne un scandale, un bastion irréductible de transcendance et de croyance en une vérité absolue, choquant et répulsif pour une époque qui veut professer que tout se vaut et que rien n’a d’importance », Causeur.fr, 21 octobre 2014
Ils ont dit de lui
« Valeurs actuelles a instruit le dossier dans un récent numéro. Sur la couverture, les portraits d’Alain Finkielkraut, Élisabeth Lévy, Éric Zemmour et un titre. “Les Insoumis”. À lire l’article de Laurent Dandrieu, on se demande si celui-ci ne pourrait pas postuler pour devenir une plume de Jamel, du Groland ou des Guignols. L’hebdomadaire nous présente ces “francs-tireurs qui refusent avec obstination de se soumettre aux tabous de la pensée unique et continuent de braver les foudres du politiquement correct […]” Or Laurent Dandrieu ne craint jamais le ridicule de la contradiction ou le paradoxe de l’oxymore. Il s’attache à nous démontrer que ces insoumis ont pignon sur médias et que leur audience est immense » Serge Kaganski, « Finkielkraut, Zemmour, Lévy…pensée unique ta mère », Les Inrocks, 12 juillet 2010.
« Laurent Dandrieu a l’amabilité de définir Causeur comme “le rendez-vous irremplaçable de tous les amateurs de vrais débats” », Élisabeth Lévy, « La gauche contre le réel ».
À propos du Dictionnaire passionné du cinéma
« Capable d’aimer infiniment les films d’Alfred Hitchcock, de François Truffaut, de Woody Allen ou des frères Cohen, Dandrieu n’a aucun scrupule à haïr sans mesure ceux de Jean-Luc Godard, de François Ozon, de Lars von Trier […] On apprend beaucoup de choses, en lisant ce Dictionnaire. Et l’on se régale du jeu de massacre », Sébastien Lapaque, « Les partis pris cinématographiques de Laurent Dandrieu », Le Figaro, 11 décembre 2013.
« L’ouvrage, dont la dimension subjective est parfaitement assumé, peut-être lu de différentes manières. On peut y papillonner à la recherche de grands classiques ou de merveilles inconnues, on peut aussi y rechercher ses propres coups de cœur et les confronter au point de vue de l’auteur. Il est enfin un troisième axe de lecture parfaitement jubilatoire : la recherche des comptes-rendus assortis de deux à trois ronds blancs. Car si Laurent Dandrieu affiche des gouts parfaitement éclectiques et liste généreusement les chefs d’œuvre, c’est aussi un “pro” de l’exécution en règle, de la dispersion façon puzzle. Certains tacles frisent le génie et ne sont pas sans rappeler Roger Nimier », « Une bible du 7ème art signée Laurent Dandrieu », Direct matin, 15 novembre 2013.