Lady Di journaliste
« Je ne suis pas la Mère Teresa de la télé », Madame Figaro, 28 juillet 2014.
Certes, Jamel Debbouze n’a ni la prestance, ni la fortune de Dodi Al-Fayed. Mais sa femme, elle, a tout de Lady Diana : une plastique avantageuse, une trajectoire météorique (on lui propose le JT de TF1 à 26 ans), un goût pour les hommes orientaux et les couvertures des magazines people. Sans omettre la sensibilité humanitariste qui irrigue les documentaires consensuels et « citoyens » qu’elle produit via sa société 416 Prod, qu’ils soient consacrés à la jeunesse gazaouie ou aux quartiers « difficiles ». Incarnation vivante de la mixité heureuse et bourgeoise, cette grande prêtresse de la tolérance officie depuis l’île-Saint-Louis, loin des carcasses de voitures brûlées et des vapeurs de haschich. Mais les bons sentiments font les bonnes affaires.
Formation
Née le 18 juillet 1978 à Échirolles, elle grandit dans la banlieue grenobloise, « un environnement doux, proche de la nature, assez protégé ». Elle achève ses études secondaires au lycée privé catholique Pierre Termier de Grenoble
Après le bac, elle débute une licence de droit dans l’espoir de devenir juge pour enfants. Passant le plus clair de son temps sur les pistes, elle finit par bifurquer vers le journalisme. Cette décision prend sa source dans une frustration originelle : « Dans ma famille, on regardait beaucoup la télé. J’étais toujours étonnée de l’ordre dans lequel étaient abordés les événements. Cela ne correspondait pas aux sujets de conversations qui nous importaient. De façon naïve, j’ai eu envie de donner la parole à d’autres personnes, selon d’autres priorités. » Elle intègre l’Institut de la Communication et des Médias, un établissement public « parce que les écoles de journalisme étaient inabordables ». Elle y décroche un master de journalisme. En parallèle, elle valide un DUT (Diplôme Universitaire Technologique) d’information-communication à l’IUT de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble.
Parcours professionnel
Une fois ses diplômes en poche, elle débarque à Paris en 2002 et débute en faisant des piges pour Canal+ et Glem Productions. Elle enchaîne sur un poste de chroniqueuse pour l’émission « J’y étais » de Match TV, une chaîne du groupe Lagardère consacrée à l’actualité people. Elle y rencontre l’animateur Frédéric Lopez, qui la recommande à Jean-Claude Dassier, alors directeur général de LCI. La mayonnaise prend et la journaliste rejoint le « desk » de la chaîne d’informations en 2003. Selon elle, « c’était le Graal malgré la pression et la précarité des piges, se souvient-elle. J’arrivais à 4 h 30 et je rédigeais les journaux de la matinale. Ça allait à mille à l’heure. J’ai adoré ! » Sa carrière décolle rapidement lorsqu’on la fait passer devant la caméra. En 2005, elle présente le journal « LCI matin » aux côtés de Thierry Gilardi, après avoir été le joker du journal TV de la chaîne. C’est à ce moment que Dassier lui propose la place, très convoitée, de joker de Claire Chazal sur TF1. « Cette offre n’était pas justifiée. J’étais encore en apprentissage… J’avais à peine 26 ans. Des filles qui faisaient ce job depuis dix ans méritaient ce poste. Pas moi. Et puis, cette exposition ne me faisait pas rêver… » Elle est débarquée de LCI dans la foulée, sans ménagement, en 2006.
La charmante journaliste rebondit sur M6 en présentant l’émission « Zone Interdite » dont elle est rédactrice en chef. Mais ses ambitions sont frustrées par le fonctionnement d’une chaîne privée : « J’étais rédactrice en chef mais je ne parvenais jamais à imposer des sujets ». Elle ressent alors le besoin d’aller tourner un sujet sur les jeunes Arabes opprimés en Palestine, quitte à actionner tous ses contacts et en dépit des réticences des potentiels diffuseurs.
En 2012, après avoir vendu son documentaire sur Gaza à M6 et Téva, elle se retire de la petite lucarne pour se consacrer exclusivement à la production de documentaires. Depuis 2012, la société de production 416 Prod, qu’elle a fondée en 2008, a réalisé pas moins d’une vingtaine de documentaires guidés par une idée fixe : « Tourner des sujets sur la jet-set ou les requins, c’est super, mais cela ne m’intéresse pas en tant que productrice. Je me passionne pour ceux qui sont dans l’exclusion ».
Parcours militant
Responsable d’un reportage orienté sur les bavures policières, elle suscite l’ire du syndicat de police Alliance, comme le révèle Faits et Documents : « Sans doute aveuglée par une haine non dissimulée de la police, son comportement agressif l’a amené à salir l’ensemble des policiers ». Le communiqué est envoyé à Nicolas de Tavernost, patron de la sixième chaîne, qui défend sa journaliste. Elle était pointée du doigt pour son interview du ministre de l’Intérieur de l’époque, Brice Hortefeux, lors duquel elle n’a pas hésité à assaillir le ministre de questions véhémentes, à le contredire et à lui couper la parole.
Cet entretien succédait au reportage de Zone Interdite comprenant une vidéo montrant huit policiers en train de frapper un jeune homme seul à terre, à l’époque des émeutes dans les banlieues en novembre 2005.
En 2014, elle est une des premières signataires du manifeste rédigé par le collectif « Prenons la Une », paru dans Libération, qui plaidait pour un approfondissement de l’égalité professionnelle et de la parité dans le monde des médias.
Ses accointances politiques sont mises en exergue dans un portrait de Libération : « On se souvient l’avoir entendue se féliciter de voir Grenoble dirigée par Eric Piolle, le maire écolo qui se verrait bien aller plus haut. Elle a également évoqué son soutien à Trappes, cité chère à son cœur, taxée de séparatisme ».
Collaborations
Elle crée aux côtés de 2 consœurs (Laurence Ferrari et Claire Chazal) l’opération « La Rose » qui travaille avec l’UNICEF pour aider à fournir une éducation aux filles défavorisées. La journaliste vient également en aide à l’association « Rêves », qui œuvre pour les enfants malades.
Mélissa Theuriau a été ambassadrice de la marque de lunettes Vuarnet. Enfin, elle a soutenu l’association Action contre la Faim lors de son opération « Un café contre la famine ».
Vie privée
La mère de la journaliste était psychologue du travail, son père travaille aux ressources humaines d’un hôpital. Son frère Dimitri est assistant-décorateur.
Elle rencontre son prince charmant lors d’une interview en marge du tournage d’Astérix aux Jeux Olympiques en 2007 alors qu’elle est sur le plateau pour réaliser un sujet pour « Zone Interdite ». « J’ai adoré ce que j’entendais. Les prises de position, les convictions et la nuance dans ses propos. C’est quelqu’un qui sait changer d’avis, qui apprend beaucoup des autres et qui sait écouter. Ça, ça m’a touchée très vite ».
Ils se marient un an plus tard à l’abbaye des Vaux-de-Cernay dans la Vallée de Chevreuse. Le « curé des loubards » Guy Gibert préside à la cérémonie. Les festivités se prolongent à Marrakech, où le mariage est cette fois célébré par un imam, dans le riad personnel de l’humoriste, une résidence de cinq hectares située dans le quartier cossu de Targa. Deux enfants sont issus de cette union : Léon Ali (« sa grand-mère l’appelle Ali »), né en 2008, et Lila, née en 2011.
Libération nous donne un aperçu fidèle de son cadre de vie privilégié : « Elle réside désormais sur l’île Saint-Louis au cœur de Paris. Elle a sa maison dans le Lubéron. Et rallie souvent le Maroc, où Jamel a monté un festival et entretient de bonnes relations avec les pouvoirs locaux. »
Sa nébuleuse
Les mentors
Frédéric Lopez qui lui a mis le pied à l’étrier (« De manière complètement instinctive, j’ai toujours su détecter les personnes bienveillantes. Fred en fait partie »). Elle participe en 2014 à l’émission Rendez-vous en terre inconnue conçue par Frédéric Lopez.
Jean-Claude Dassier qui lui a donnée sa chance et l’a formée.
L’équipe de 416 Prod
Jean-Christophe Collette, producteur associé
Luc Golfin, conseiller éditorial et monteur
Les réalisateurs Allan Rotschild, Édouard Bergeron, Elsa Margout, Hélène Lam Trong
Luc Besson a invité le couple à son mariage. Mélissa Theuriau est à l’origine d’un documentaire hagiographique sur le producteur en 2014. L’homme, en difficulté avec la critique, souhaitait alors redorer son image.
Rokhaya Diallo auteur du documentaire Les Réseaux de la Haine, produit par 416 Prod.
Filmographie
Documentaires
- Version courte : Israël-Palestine : une jeunesse sacrifiée, M6, 2011/ Version longue : Gaza jeunesse sous surveillance, Téva, 2011
- L’entrée des Trappistes, Canal+, 2012
- Villiers-le-Bel : la contre-enquête, France 2, 2013
- Liberté, égalité, improvisez, Canal+, 2014
- L’absente, maman est en prison, M6, 2014
- Les Réseaux de la haine, LCP, 2014
- Un pas après l’autre, France 2, 2016
- Au Tableau, d’après une idée originale de Caroline Delage, France 3, 2017
- Dans la tête de Jamel Debbouze, M6, 2018
- Seine Saint Denis Style, C8, 2019
- PMA-GPA : Les enfants ont la parole, LCP, 2020
- Ici tout est loin, France 3, 2021
- Incas(s)ables, France 2, 2021.
Cinéma
- Planes de Klay Hall (2013) : Rochelle (voix)
- Pourquoi j’ai pas mangé mon père de Jamel Debbouze : Lucy
Distinctions
- Prix Marcel Jullian de la première œuvre du Club de l’Audiovisuel pour son documentaire sur Gaza
Ils ont dit
« Elle aurait pu se mettre en couple avec un baron de la publicité, faire un enfant caché avec un alter ego, s’afficher avec des grands patrons ou des aventuriers. Elle se marie avec Jamel Debbouze, comique malicieux au bras bancroche, issu de l’immigration marocaine. Elle devient une référence de la mixité. Son couple est scruté à l’aune des difficultés de l’intégration. Et les prénoms composés de leurs rejetons passés au scanner de la conformité comme de la différence. Une amie : « Fallait pas qu’ils se plantent. Ils étaient attendus au tournant » », Libération, 21 avril 2021.
« Le 29 octobre, pendant les vacances de la Toussaint, la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, annonce le lancement d’une journée nationale contre le harcèlement scolaire, et une réalisée par la journaliste Melissa Theuriau, co-produit avec le soutien du groupe Walt Disney. […] Une vidéo qui n’est pas du goût de tous les enseignants. Dès le lendemain, le SNALC-FGAF (deuxième syndicat des enseignants du second degré) a fait connaître son agacement par voie de communiqué. Il dénonce “une mise en scène peu nuancée de ce grave problème”, soulignant que lorsque des enseignants signalent des cas de harcèlement, “la réponse institutionnelle n’est pas toujours à la hauteur” », L’Express, 5/11/2015
« La jolie ex-journaliste star, devenue productrice de documentaires qui donnent la parole aux exclus, vit un conte de fées avec son Trappiste. Ils ont deux enfants, des métiers passionnants, des amis à foison et de la reconnaissance à revendre. Bref, une carte postale de la France mixte comme on n’oserait pas en dépeindre de peur d’être traité de crétin », Psychologies Magazine, 05/05/2015.
« Jamel Debbouze, comédien, certes, mais… historien ? C’est une blague ? Que nenni ! En septembre, le comique nous contera… l’Histoire de France sur M6 ! Va-t-il essuyer autant de critiques que le “trop à droite” Lorànt Deutsch ? Jamel Debbouze et son épouse Mélissa Theuriau ont vendu à M6 un programme court. Ni l’un ni l’autre n’ont de bagage d’historien : pour elle, un master en journalisme audiovisuel et un diplôme universitaire de technologie (information/communication), et lui, ses biographies omettant ses études, il se peut qu’il ait passé une licence ou un master en histoire – avec option Astérix ? – mais que, par pudeur, il le cache : sur la préhistoire (thèse : Pourquoi j’ai pas mangé mon père, où son personnage “est rejeté par les Simiens” comme une partie des gamins de banlieue par la société” ou sur l’Antiquité (mémoire : Mission Cléopâtre ?) ou encore sur l’histoire contemporaine comme il le fit sur RTL en 2011 ? », Boulevard Voltaire, 15/04/2015.
« Pour faire décoller sa maison de production, elle dispose d’un sacré atout : sa notoriété. Hélène Lam Trong reste persuadée qu’elle n’aurait pas pu réaliser “Maman est en prison : l’absente” si l’ex-présentatrice ne s’était pas fendue d’un coup de fil pour débloquer certaines autorisations de tournage », TéléObs, 08/09/2014.
« Omar [Sy], très bon élève, a été dirigé vers une filière technique. Dans ma banlieue grenobloise, j’avais de moins bons résultats que lui et on m’a laissée poursuivre vers un bac général. Pourquoi ? », Paris Match, 04/02/2012.
« Quand on reçoit un ministre, on ne le traite pas comme ça, ce n’est pas parce que vous êtes mariée avec Jamel Debbouze qu’il faut vous croire tout permis… », Nicolas de Tavernost, cité dans « Télé : un monde sans pitié » de Rémy Pernelet, 2010.
Elle a dit
À propos de Marine Le Pen, qui a refusé d’apparaître face aux enfants de l’émission « Au Tableau !!! » : “Peut-être qu’elle n’aime pas trop les enfants”, « La Boîte à Questions », Canal+, 30/03/2018.
« Si tous les instituteurs étaient alertés et réactifs à cette problématique de l’isolement, on n’aurait pas besoin de former, de détecter le harcèlement, on n’aurait pas 700000 enfants par an en souffrance », L’Opinion, 04/11/2015.
À propos des électeurs du Front National : « Il faut écouter ceux qu’on ne comprend pas, avec la même bienveillance que les opprimés », TéléObs, 08/09/2014.
« J’ai toujours eu en moi cette révolte contre l’injustice. Je refuse les préjugés, les idées préconçues. Je veux fouiller, creuser, décoller des étiquettes. Voir les gens vivre, comprendre qui ils sont : c’est le cœur de mon boulot aujourd’hui », Madame Figaro, 28/07/2014.
En évoquant les guerriers Massaï : « On est dix fois plus violents qu’eux. Ils crient pas pour s’appeler, ils se déplacent beaucoup, ils ont un autre mode de communication. On est dans l’amour et le respect », Rendez-vous en Terre Inconnue, France 2, 21/01/2014
« Quasi chaque semaine, on m’écrit que je fais honte à la France d’avoir épousé un handicapé arabe qui ne sait pas aligner deux mots de français et qui, de toute façon, va crever bientôt […] Aujourd’hui je fais moins attention, Jamel m’a appris à m’en détacher. Lui dit que la France n’est pas raciste. Je ne suis pas de son avis », 02/01/2014.
« Être mère ne devrait pas pénaliser les femmes. L’arrivée d’un enfant devrait au contraire être le moment de rétablir ses priorités, de rebattre les cartes de sa vie professionnelle. Moi, quand je regarde mes enfants, je vois ma liberté. Bien sûr, il y a le problème du mode de garde, si coûteux, si compliqué. J’ai été beaucoup aidée par une nounou qui vit en bas de chez moi et qui a des horaires souples », Elle, 2013.