Quand les « Xennials » prennent la plume
Née en 1981 à Épinal, Prune Antoine est journaliste d’investigation. Également auteur, elle se fait le porte-voix de la génération des femmes post-68.
La journaliste naît à Epinal en 1981. Elle est la mère d’une petite fille depuis 2019.
Journaliste d’investigation indépendante, elle est spécialisée dans les pays européens de l’Est et de l’ancienne URSS. Elle réside au cours de sa vie dans de nombreux pays européens – France, Hongrie, Espagne et Angleterre, pour finalement se fixer à Berlin. Elle dresse sur son blog www.plumaberlin.com un portrait sans concessions de sa ville d’adoption. Elle n’écrit par contre qu’en français.
Journaliste multiprimée, elle publie dans de nombreux journaux et magazines, parmi lesquels Géo, L’Obs, Médiapart, M le magazine du Monde, XXI, Rue89, Madame Figaro ou encore Elle et Grazia.
Elle est également auteur avec deux ouvrages fort bien accueillis par la critique, La Fille et le moudjahidine, et L’heure d’été. Dans le second, un roman cette fois, elle évoque le quotidien et les interrogations des femmes de sa génération, obsédée par la liberté et sa propre indépendance.
Formation
Prune Antoine sort diplômée en 2003 d’un master de droit international et de science politique de l’université de Nancy.
Parcours professionnel
Après ses études et de nombreux voyages, Prune Antoine s’installe un temps à Paris où elle se lance dans le journalisme grâce à plusieurs stages.
En 2005, elle obtient son premier emploi en tant que rédactrice en chef de la version française chez Cafebabel, un magazine participatif en ligne écrit en six langues « par et pour les jeunes en Europe ». Le poste répond au sentiment de la journaliste d’être européenne avant tout et son intérêt pour l’Europe post-soviétique. On trouve toujours en ligne quelques articles de la journaliste datant de 2013 : « Aube dorée : le diable porte un chapelet » sur le leader du parti politique grec, « Kosovo : dépouille et d’os », sur les personnes toujours portées disparues depuis la guerre du Kosovo, et « Sila Şahin, actrice : “la religion est une question irrationnelle” », une interview de l’actrice allemande d’origine turque musulmane qui avait choqué sa communauté en posant nue en une de Playboy.
Ses enquêtes s’intéressent en priorité au monde post-soviétique : elle analyse dans les anciens pays membres de l’URSS les conséquences de l’effondrement du bloc soviétique, les conflits politiques et militaires actuels, et leur impact sur les femmes.
En 2004, elle mène une enquête sur la jeunesse polonaise livrée à elle-même suite à l’entrée de la Pologne dans l’Union Européenne, à cause de l’émigration de nombreux parents vers l’Angleterre et l’Irlande. Le reportage est publié en 2009 sur Médiapart. Il lui vaut une première récompense pour son travail d’investigation, le prix Louise-Weiss.
En 2008, elle quitte Paris pour Berlin, amoureuse d’un allemand. Elle y réside depuis et publie son regard sur la capitale allemande et la jeunesse qui y réside sur son blog www.plumaberlin.com.
En 2009, elle s’intéresse aux armes chimiques et conventionnelles immergées par les Alliés en 1945 en mer Baltique. Le reportage, intitulé « Une poudrière sous la Baltique », est publié dans le magazine Géo en 2014 et obtient en 2015 le prix Eco-Reportages.
En 2011, elle signe un reportage publié dans M, le magazine du Monde et dans Elle sur les femmes violées durant la guerre en Bosnie.
En 2012, elle participe au reportage de Liliane Thomas sur l’opposition féminine à Vladimir Poutine avec « 24H avec les (autres) Pussy Riot ».
En 2013, elle rencontre à Berlin un jeune immigré de 20 ans avec lequel elle noue une amitié. Elle décide avec son accord de suivre son parcours, entre tentatives d’intégration et tentation de la radicalisation. Leurs échanges donnent lieu au premier ouvrage de Prune Antoine, La fille et le moudjahidine, publié en 2015 aux éditions Carnets nord.
En 2014, elle signe un reportage en douze chapitres diffusés sur Cafebabel sur les trafics d’organes au Kosovo. Son travail d’enquête lui vaut un second prix Louise-Weiss.
Entre 2011 et 2014, elle signe quelques reportages dans Le Figaro Madame sur les femmes européennes ; « Les Polonaises sont les femmes les plus entreprenantes d’Europe », le 8 décembre 2014, ou encore « À Berlin, les filles dopent la Silicon Allee », le 21 octobre 2013).
En 2016, elle publie sur Médiapart « Bruits de la guerre en plein cœur de l’Europe », une enquête sur la re-militarisation de Kaliningrad.
Elle travaille actuellement pour L’Obs, dont elle est correspondante à Berlin depuis son installation dans la capitale allemande en 2008, et pour la chaîne de télévision franco-allemande Arte pour l’émission « Karambolage ».
En 2019, elle publie son deuxième ouvrage, L’Heure d’été, aux éditions Anne Carrière qui suit l’histoire amoureuse de Violette, pigiste trentenaire et Mir, photographe allemand, à Berlin. Le sujet comme la plume acerbe de l’auteur fait écho aux articles qu’elle publie sur Welovewords qui évoquent avec légèreté les rencontres et l’intimité amoureuse de l’auteur et de ses contemporains à Berlin.
Parcours militant
La journaliste n’a pas d’engagement militant à proprement parler au-delà des opinions qu’elle affiche. Elle se définit elle-même dans le descriptif de son premier ouvrage, La Fille et le moudjahidine, comme « féministe ».
C’est notamment avec cet éclairage particulier qu’elle dresse dans son second ouvrage, L’heure d’été, le portrait de Violette, jeune trentenaire dont les interrogations au sujet de la maternité et des relations amoureuses font écho à celles d’une génération.
À titre personnel, les réponses de la journaliste à ces interrogations sont claires. Dans une interview accordée à Green and the City et publiée en mars 2019, elle présente la congélation d’ovocytes comme une révolution potentielle d’une aussi grande ampleur que la pilule pour les femmes. Elle lui apparaît comme la possibilité pour les femmes de concilier travail et indépendance, et désir de maternité tardif. Elle signe d’ailleurs dans Grazia un article sur le sujet dès octobre 2014, « Geler ses ovocytes pour ne pas geler sa carrière ».
Dans la même interview, elle plaide pour « un droit à l’avortement universel, dans toute l’Europe » face aux différences de législation entre les différents pays du continent. « Des Allemandes vont se rendre en Pologne pour se faire inséminer et des Polonaises vont en Allemagne pour se faire avorter… C’est complètement ubuesque. »
Elle participe en 2018 au projet féministe Sisters of Europe, plateforme en faveur de l’« empowerment » des femmes et visant à faire des propositions concrètes au Parlement Européen sur les questions féminines.
Collaborations
En 2018, Prune Antoine participe en tant que rédactrice en chef au projet féministe Sisters of Europe. Le projet, monté avec Elina Makri, journaliste indépendante grecque cherche à rassembler à travers toutes l’Europe des femmes autour de trois objectifs, éditorial, publique et politique. La plateforme du projet propose des interviews de femmes inspirantes de tous les pays d’Europe. Le regroupement cherche également à lancer le débat sur les questions féminines en Europe. Par conséquent, le mouvement souhaite également être une force de lobbying, avec des propositions concrètes sur ces questions au niveau européen.
Publications
En 2015, Prune Antoine publie aux éditions Carnet Nord La Fille et le moudjahidine, soit l’histoire d’une amitié entre une féministe et un apprenti salafiste. L’ouvrage n’est pas un roman puisqu’il se base sur une expérience vécue, celle de l’auteur, Prune Antoine, qui rencontre durant l’été 2013 alors qu’elle bronze seins nus au bord d’un lac Djahar, un jeune homme demandeur d’asile dont la famille a fui le Caucase. Le jeune homme devient au fil du récit – et de ses échanges avec la journaliste – de plus en plus fasciné par le djihad et la guerre en Syrie, pour laquelle il songe à partir. A travers ce récit, la journaliste explore les difficultés d’intégration des jeunes issus de l’immigration en Europe et leur difficulté à concilier pays d’arrivée et origines.
En 2019, elle publie son second ouvrage et premier roman, L’Heure d’été, aux éditions Anne Carrière. Le roman arrive finaliste du prix Goncourt du premier roman 2019. À travers l’histoire d’amour de Mir et Violette, Prune Antoine dresse un portrait de la ville allemande et des Xennials, ceux nés entre 1977 et 1983. L’ouvrage aborde différents sujets de société au travers de ses personnages, comme les nouvelles technologies, les migrants ou encore le populisme. Un des sujets clefs du roman est celui de la maternité dans le contexte contemporain : avortement, PMA, congélation d’ovocytes… le lecteur découvre les tiraillements des femmes contemporaines, entre désir d’indépendance et désir d’enfant, sur fond d’amours libres pas toujours réussies.
Récompenses
Elle obtient grâce à ses reportages deux prix Louise-Weiss, en 2010 dans la catégorie Junior, et en 2014 dans la catégorie décryptage. Elle obtient également en 2009 le Young European Journalist Award et en 2015 le prix Eco-Reportages. Elle avait également été sélectionnée pour l’European Press Prize.
Elle reçoit enfin en 2017 le Prix Cheffanjon du Reportage multimédia.
Elle est finaliste du prix Goncourt du premier roman en 2019.
Ce qu’elle gagne
Non connu
Elle l’a dit
Sur le journalisme d’investigation, dans un portrait que lui consacre Le Petit Journal le 16 décembre 2015 : « le journalisme s’apprend sur le terrain, si tu es curieux et débrouillard, il n’y a pas de raison pour que ça ne fonctionne pas ».
Sur son ouvrage L’heure d’été : « Je suis arrivée à l’âge de 35 ans, en ayant d’énormes interrogations : Est-ce que je veux avoir un enfant ? Pas d’enfant ? Je pense que cette valse d’hésitations existentielles concerne de plus en plus de femmes de ma génération. On est dans une palette de choix : on a accès à la contraception, à l’avortement, aux techniques de PMA… […] par rapport à nos grand-mères et nos arrière-grand-mères, la question de l’enfant, elle peut vraiment se poser. Ce n’est pas un truc qui s’impose, c’est pas un truc qui arrive et contre lequel on ne peut rien faire, c’est un choix mûrement réfléchi. Et comme avec tout choix de vie à faire, il va y avoir une phase de « oui/non », qui peut osciller. Ça, c’était le fil rouge, sur quoi je voulais écrire avant tout.
Après, j’avais envie de parler d’une romance moderne. J’ai grandi avec ces histoires d’amour incroyables, où on se promet tout, c’est la folle passion. On ne sait pas ce qu’il se passe après, une fois que le chevalier a conquis sa belle. Et je constate aujourd’hui que les relations sont hyper compliquées. […]
Ensuite, il y a la question européenne, qui est une question importante aujourd’hui, et bien sûr, j’avais envie de parler de Berlin, une ville où je vis depuis quand même onze ans, qui m’inspire énormément au quotidien et dont les transformations sont absolument folles.» dans une interview accordée à Green and the City et publiée en mars 2019.
Sur ce qu’est devenu Berlin : « je ne peux que constater qu’il y a une standardisation énorme, les gens qui viennent à Berlin, par exemple, n’ont pas du tout les mêmes profils qu’avant. Et ce qui est très agaçant, c’est ce côté « Berlin trop cool, le Berghain, les soirées ». Les nuits berlinoises sont vantées et sur-vendues maintenant. Marketées. Tout le monde se doit d’avoir été au Berghain, sous amphétamines, de dire que c’est génial » dans une interview accordée à Green and the City et publiée en mars 2019.
Sur la question de la maternité : « Pour moi le bastion biologique est le dernier bastion vers l’égalité avec les hommes. Les hommes peuvent s’accomplir, devenir ce qu’ils sont jusqu’à 40–45 ans, à un moment donné ils ont toujours le moyen de rebiquer, et faire un enfant. Pour les femmes à cet âge, c’est terminé, et pour moi c’est une véritable injustice. » dans une interview accordée à Green and the City et publiée en mars 2019.
Sur la maternité comme facteur d’inégalité entre les sexes, dans dans un article de Grazia du 30 octobre 2014, « Geler ses ovocytes ou geler sa carrière » : « On peut contrôler sa fertilité, pas sa fécondité. J’ai consolé trop de copines qui, ayant décidé d’avoir des enfants après 35 ans, se retrouvaient sur le carreau. […] L’essor des technologies de la PMA ne fait que masquer la cruelle inégalité entre les sexes : à 38 ou 39 ans, une femme belle, intelligente, sportive, arrive au crépuscule de ses capacités reproductives. Les mecs, eux, n’ont même pas à se poser la question. »
Sur la congélation d’ovocytes, dans un article de Grazia du 30 octobre 2014, « Geler ses ovocytes ou geler sa carrière » : « À la trentaine, on bascule dans ce que les sociologues appellent “l’heure de pointe” de la vie. Survient le doute. Les hésitations. Acide hyaluronique ou autobronzant ? Parce que grandir – ou vieillir –, c’est choisir. Celle qui se dit “sereine” à 30 ans est folle ou bien elle ment.
Émancipation ou pas, des décennies après Mai-68 et la loi Neuwirth, la trentaine marque la date d’expiration de la liberté féminine. Le corps, les amis, la famille vous intiment de faire des choix. »
On l’a dit à son sujet
« Elle ne passe pas par quatre chemins pour dire ce qu’elle pense » d’après Ludmila Rougeot dans une interview accordée à Green and the City et publiée en mars 2019.
Sur son premier roman, L’Heure d’été sur Lettres-it-be, site web de critique littéraire : « Par simplicité, on pourrait dire qu’il y a du Houellebecq ou du Despentes chez Prune Antoine. Par facilité, on pourrait se contenter de saluer les saillies verbales, les acidités et les réflexions bien senties. Par concision, on pourrait féliciter l’auteure pour sa verve et son humour. Mais il y a tout cela à la fois, d’une façon si bien dosée et construite qu’il est impossible de ne pas tomber en admiration. Et si le véritable hommage pour traduire ce plaisir de lecture était de reconnaître qu’il y a, tout simplement, du Prune Antoine dans ce livre ? »