Il a pris la direction générale de TF1 le 27 octobre 2022 : à cinquante-trois ans, Rodolphe Belmer a succédé à Gilles Pélisson à la tête du groupe privé, passant de directeur général à président directeur général en février 2023…
Né à Rennes le 21 août 1969, Rodolphe Belmer est le fils du Général de brigade Jean-Marie Belmer ; il a fait ses études au Prytanée national militaire de La Flèche, sort diplômé d’HEC en 1992. Il est marié avec Coralie dont il a quatre enfants (Arthur, Juliette, Grégoire et Joséphine).
Canal+ : de succès en tourments
Il était arrivé à Canal+ après un passage de trois ans au cabinet de conseil McKinsey et était devenu le directeur de la stratégie et du développement de Canal+ Distribution et CanalStaellite. Grimpant les échelons tour à tour, il atteint en 2012 novembre 2012 la direction du groupe. A la tête de la chaîne, il relance les plages en clair, encourage Yann Barthès à créer Le Petit Journal et lance les premières séries originales de la chaînes (Les Revenants, Le Bureau des Légendes, Engrenages, Versailles…).
En 2015, il se voit écarté par le nouvel actionnaire de référence du groupe, Vincent Bolloré. Après une rencontre entre les deux hommes, le 1er juillet, durant laquelle Belmer défendra l’ADN de Canal+, ce dernier est remercié. Bolloré le remplace alors par Maxime Saada, ancien bras droit de Belmer qui avait partagé avec lui le bureau 410 du cabinet parisien de McKinsey. Après ce limogeage, il demeure toutefois proche des réseaux médiatiques, conseillant le groupe public France Télévisions – pour lequel il fut pressenti comme potentiel candidat à la présidence.
Atos : un passage calamiteux, une réception en parachute dorée
Il ne tient que six mois à la tête d’Atos, grande entreprise française de numérique comptant 110 000 salariés. C’est sous le coup d’une crise de confiance boursière que le groupe informatique français Atos se sépare de son directeur général, remplaçant Rodolphe Belmer par Nourdine Bihmane le 13 juillet 2022. Belmer démissionne alors d’une entreprise dont le cours de l’action atteint ses scores historiquement les plus bas – 11,06 euros au 13 juillet 2022.
Ses derniers mois à la tête du groupe auront été chaotiques : annonçant au 14 juin 2022 un plan de scission du groupe — partagée entre ses activités décroissantes de gérance d’une part et celles, en croissance, comme la cyber-sécurité – le directeur général avait surpris les actionnaires. Il serait parti de l’entreprise sur fonds de désaccords avec le président du conseil d’administration du groupe, Bertrand Meunier. Son court mandat aura également été la source d’agacement de ceux qui voyaient d’un mauvais œil la poursuite d’achats de missions de conseil notamment à McKinsey dont Belmer fut, trois ans durant (1998–2001) un manager… Une immixtion du cabinet de conseil mal perçu par certains cadres de l’entreprise, déplorant que « pendant plusieurs mois, ils [aient] joué au Meccano sans jamais échanger avec un seul collaborateur ».
La filiale de Bouygues à la recherche d’un nouveau capitaine
La nomination, le 23 septembre 2022, de Rodolphe Belmer à la direction de TF1 arrive dans le contexte de l’échec de la fusion du groupe avec le groupe M6, qui n’a pu être mené à bien face aux conditions proposées par l’Autorité de la Concurrence. L’affaire aura coûté plus de 17 millions d’euros en frais d’avocat et de conseil et occupé les équipes seize mois durant.
C’est à Martin Bouygues, président du groupe Bouygues et à Olivier Roussat, directeur général dudit groupe, que l’on doit l’arrivée de cette nouvelle tête. Bouygues aurait rencontré Belmer en Bretagne, à l’occasion des vacances d’été – l’un passant ses vacances à Saint-Malo, l’autre à Dinard. Il était en concurrence avec Alexandre Bompard. C’est la première fois que Bouygues fait appel à un dirigeant jamais passé par l’une de ses filiales.
Parallèlement, le groupe Bouygues a remercié Gilles Pélisson après sept ans de bons et loyaux services ; ce dernier, en mauvais termes avec Olivier Roussat, deviendra Président du conseil d’administration puis directeur général adjoint chargé des médias et du développement.
Après cinq mois comme directeur général, Belmer deviendra, le 13 février 2023, PDG du groupe. A l’occasion de sa nomination à la tête de TF1, il quitte le conseil d’administration de Netflix. La démission, qui prend effet dès son entrée en fonction au sein du groupe privé, le 27 octobre 2022, n’aurait pas été motivée par un désaccord avec la société, si l’on en croit la Securities and Exchange Commission – « gendarme » de la Bourse de New-York. Selon certaines sources, « ce poste de Netflix [aura quoiqu’il en soit] été sa carte de visite aux yeux de Martin Bouygues et de TF1 ». Pour d’autres, à l’image de Romain Bessi, PDG de Newen, filiale de production de TF1, c’est à son seul mérite qu’il doit cette prestigieuse nomination. « Sur le papier, explique ce dernier, Rodolphe était un ovni, un avec un profil marketing très éloigné de l’esprit de la chaîne […] Pourtant, il a rapidement convaincu tout le monde par son amour des programmes, sa détermination et son agilité intellectuelle ».
Quelles perspectives pour Belmer à TF1 ?
À la tête du groupe TF1, Belmer retrouvera de nombreuses figures passées par Canal+. Il devra faire face à de multiples défis, dont la montée des plates-formes en ligne et la baisse de la durée d’écoute de la télévision. Il pourrait procéder à des suppressions de postes pour améliorer la rentabilité de la chaîne et régler le conflit latent avec le groupe Canal+, que l’appareil judiciaire a récemment conforté dans son choix de ne plus diffuser les chaînes du groupe TF1.
Les deux anciens collègues de McKinsey se retrouvent ainsi en confrontation ; car avec l’arrêt de la diffusion des chaînes du groupe TF1 par Canal+, les audiences du groupe dont Belmer prend la tête ont été grevées, perdant 500 000 téléspectateurs au quotidien ; une catastrophe qui encourage TF1 à revoir le montant du contrat de distribution d’une vingtaine de millions d’euros réglé par Canal.
Formation
- Études secondaires au Prytanée national militaire.
- Prépa au Lycée Kléber de Strasbourg.
- Maths Sup.
- 1992. Diplômé de l’École des hautes études commerciale (HEC).
Parcours professionnel
- 1992–1998. Collaborateur au département marketing de Procter & Gamble France.
- 1998–2001. Manager chez McKinsey.
- Octobre 2001 – janvier 2003. Directeur de la stratégie et du développement de Canal+ Distribution et Canal Satellite.
- Janvier 2003 – 1er décembre 2003. Directeur marketing et stratégie du groupe Canal+.
- 2003 – 19 octobre 2012. Directeur général adjoint du groupe Canal+.
- 1er décembre 2003 – juillet 2015. Directeur général de Canal+ SA – actuelle Société d’Edition de Canal Plus SA depuis mai 2011.
- Mai 2005 – 31 décembre 2013. Directeur général délégué puis directeur général de Canal+ France.
- Juin 2009. Membre de la commission Médias et diversité et coprésident du pôle programmes.
- 19 octobre 2012 – juillet 2015. Membre du directoire et directeur général de Groupe Canal+.
- 24 août 2015. Devient conseiller de la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte.
- 1er décembre 2015 – 1er mars 2016. Directeur général d’Eutelsat.
- 1er mars 2016 – janvier 2022. Directeur général d’Eutelsat.
- 7 avril 2015 – novembre 2019. Membre et vice-président (25 septembre 2017) du conseil de surveillance de Mediawan.
- Depuis le 22 janvier 2018. Administrateur de Netflix Inc. (États-Unis).
- Depuis octobre 2019. Vice-président puis président du comité stratégique de Brut.
- 23 octobre 2021 – 13 juillet 2022. Administrateur d’Atos.
- Janvier 2022 – 13 juillet 2022. Directeur général d’Atos SE par nomination du 21 octobre 2021.
Autres fonctions
- Depuis février 2017. Président du fonds de dotation Auteurs Solidaires.
- Depuis septembre 2017. Président du festival Séries Mania Lille / Hauts-de-France.
- Depuis février 2018. Administrateur du média vidéo en ligne Brut.
- Depuis décembre 2020. Administrateur de Voodoo.
Parcours militant
Non renseigné.
Distinctions
- 2017. Nommé Officier des Arts et des Lettres.
Ce qu’il gagne
En 2016, Rodolphe Belmer perçoit, alors qu’il est Directeur général d’Eutelsat Communications, une rémunération globale de 1 276 907 € ; il se place ainsi à la 87ème place des patrons les mieux payés de l’année. Au titre de l’exercice 2019–2020, il perçoit en rémunération fixe la somme de 650 000 € annuelle ; sa rémunération variable sur le même exercice atteint les 533 488 €. Par ailleurs, le Conseil d’administration en date du 30 juillet 2020 de l’entreprise avait décidé de l’attribution fictive définitive de 18 080 actions (représentant un montant de 167 532 euros) à son directeur général.
En qualité de directeur général d’Atos, Rodolphe Belmer reçoit une rémunération annuelle fixe s’élevant à 1 200 000 euros brut. A l’occasion de son départ brutal, il démissionne avec un parachute doré – la somme coquette de 1,8 millions d’euros de bonus.
Il l’a dit
« J’ai hérité du bon sens breton, je suis terrien, rationnel », cité lors du discours de Pascal Rogard, prononcé le 15 janvier 2018 à la SACD lors de la remise à Rodolphe Belmer des insignes d’Officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.
« Nous saurons […] répondre à aux multiples enjeux du nouveau monde des médias et ouvrir au groupe TF1 de nouvelles perspectives de développement et de croissance à l’ère du numérique », à l’occasion de son mandat à la tête de TF1, cité par AFP, 25 octobre 2022.
Ils l’ont dit
« Il combine rigueur et créativité, il fourmille d’idées et mouline très vite. Il a aussi le sens de ses limites et de l’autodérision, c’est ce qui le rend attachant. », Pierre-Yves Roussel, associé chez McKinsey, cité par Stratégies, 20 novembre 2003.
« Il est réactif, c’est un homme très doux, très délicat, très fin dans tous les sens du terme. Il a la passion de comprendre et de faire comprendre. C’est un homme qui travaille en équipe. », Jean-Luc Delarue, cité par Stratégies, 20 novembre 2003.
« Il combine une intelligence, une rapidité de réflexion et un véritable amour des programmes. C’est un type qui bouffe de la télé », Guillaume de Vergès, cité par Stratégies, 20 novembre 2003.
« Ce qui m’a frappé, c’est qu’il avait à la fois la tête aux chiffres et une sensibilité aux contenus. Dans un univers où tant de gens sont hâbleurs et peu fiables, c’est un type droit, très intelligent et avec du caractère », Denis Olivennes, président de Lagardère Active, alors directeur général de Canal+, cité par Stratégies, 20 décembre 2012.
« Alors que beaucoup s’écoutent parler, lui, il écoute. Sous sa direction, Canal+ a redonné une image très positive de la fiction française, capable d’être l’égale de séries américaines. Tout en venant du marketing, il a su assimiler les codes de la création. Il a compris que Canal+ était d’abord une entreprise de spectacle. En cela, il me fait penser à Pierre Lescure », Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD), cité par Stratégies, 20 décembre 2012.
« Rodolphe a une forme de distanciation par rapport à ce milieu qui est indispensable pour réussir dans ce métier. Il faut aimer ce qu’on fait, mais ne pas en être esclave. Beaucoup de gens sont admiratifs de l’environnement dans lequel ils sont, et c’est très mauvais car ils perdent alors toute rationalité », Bertrand Méheut, cité par Stratégies, 20 décembre 2012.
« Il est frontal, direct mais ce n’est pas un tordu », Bruce Toussaint, cité par Stratégies, 20 décembre 2012.
« Son parcours à la tête de plusieurs grands groupes français, leaders et internationaux, son expérience dans le secteur des médias et le streaming constituent les meilleurs atouts pour relever les défis qui sont devant nous et conduire le développement du Groupe TF1 sur le long terme », Gilles Pélisson, cité par Le Monde, 25–26 septembre 2022.
« Rodolphe est réfléchi et mesuré », Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, citée par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« Rodolphe est le bon homme, au bon endroit, au bon moment. Il va garder à l’esprit l’héritage de TF1 tout en veillant à ce qu’elle prenne une position de leader dans le nouveau monde du divertissement »., à propos de sa nomination à TF1, par Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, citée par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« [Rodolphe Belmer est un] HEC analytique qui comprend la télévision et sait la développer ; [il a] des fulgurances impressionnantes ». , Maxime Saada, cité par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« Il a l’atout rare d’avoir une vision à la fois industrielle et culturelle. […] Il a un excellent rapport aux talents. », Ara Aprikian, directeur général adjoint des contenus de TF1, cité par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« C’était une erreur de casting dès le départ. Il voulait tellement partir d’Eutelsat qu’il n’a pas bien regardé le dossier. C’est un manager tout le temps sur la défensive, qui manque de liant et ne sait pas bien travailler en équipe »., un membre du groupe Atos, à propos du passage de Belmer dans l’entreprise, cité par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« C’est un gars sympa et très intelligent mais qui reste malheureusement un concurrent », Nicolas de Tavernost, cité par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« C’est le meilleur spécialiste des contenus », Cyril Linette, ex directeur général du PMU, cité par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« Belmer est rapidement sorti du lot grâce à sa triple expérience Canal+, Eutelsat et Netflix, dont il est membre du conseil d’administration depuis 2018. Il coche toutes les cases. Il connaît la télévision […], les télécoms, la distribution, et il maîtrise l’univers des plateformes délinéarisées internationales ». , un proche de Bouygues à l’occasion de sa nomination à TF1, cité par Le Point, jeudi 20 octobre 2022.
« Quand il parle de médias, il parle de façon enflammée, passionnée », Bertrand Meunier, président du conseil d’administration du groupe informatique Atos, AFP, 25 octobre 2022.