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Samuel Étienne

19 avril 2021

Temps de lecture : 12 minutes
Accueil | Portraits | Samuel Étienne
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Samuel Étienne

Temps de lecture : 12 minutes

Idole des vieux, dragueur de jeunes

Issu d’une famille d’agriculteurs et de commerçants rennais, son père poissonnier lui transmet la passion de la presse écrite. Hyperactif au sommeil léger, l’homme est passé par de multiples cases de l’audiovisuel privé et public, fort d’un sourire ravageur et d’une plastique qui lui valut le statut de « bombe du mois » dans Têtu en 1994. Pilier de France 3, il est séduit par Twitch où ses revues de presse rassemblent des dizaines de milliers de « viewers ». Simple désir de réduire la fracture médiatique ou symptôme d’une volonté de faire d’Internet une « télé bis » en uniformisant un espace numérique potentiellement dissident ? À l’heure où les youtubeurs médiatiques sont courtisés par le pouvoir et bénéficient de subventions du CNC, la question reste ouverte.

Formation universitaire

Samuel Éti­enne voit le jour le 20 mai 1971 à Rennes. Après son bac­calau­réat série C, obtenu au lycée privé catholique Saint-Vin­cent Prov­i­dence dans cette même ville, il est reçu au con­cours de Sci­ences Po Paris, où il fait sa ren­trée en 1989. « Un pas­sage seule­ment, pas de diplôme », comme il l’ex­plique, car la for­ma­tion ne lui plait pas. « J’ai tou­jours eu du mal à recevoir le savoir, être en posi­tion de celui qui reçoit un peu pas­sive­ment. Ça ne m’a pas plu », confie-t-il.

Il devient alors jour­nal­iste avant de revenir à Sci­ences Po quelques années plus tard, après avoir réus­si le con­cours pour entr­er en qua­trième année. Il décide à nou­veau d’ar­rêter pour se con­sacr­er à sa car­rière pro­fes­sion­nelle. Après être revenu dans sa ville natale pour étudi­er le droit, il intè­gre l’ESJ de Paris dont il ressort diplômé en 1994.

Parcours professionnel

À ses débuts il col­la­bore à plusieurs jour­naux : Globe Heb­do, Ouest-France, La lib­erté du Mor­bi­han, puis après un pas­sage sur Nos­tal­gie, il rejoint RFI où il présente pen­dant plusieurs années les jour­naux et la revue de presse.

En 1999, il par­ticipe au lance­ment de i>Télé et présente dès 2002 les jour­naux du soir sur la chaîne. À par­tir de 2004, il ani­me une émis­sion quo­ti­di­enne, de débat, « N’ayons pas peur des mots ».

En 2006, il est le pre­mier choix de France 3 pour la présen­ta­tion de son nou­veau mag­a­zine cul­turel « Ce soir ou jamais ». Il refuse, alléguant qu’il devait relever le défi de l’information dans le con­texte des prési­den­tielles. C’est Frédéric Tad­deï qui décrochera le rôle, avec le suc­cès que l’on sait.

Con­tin­u­ant son ascen­sion dans le groupe, il va assur­er la présen­ta­tion heb­do­madaire du JT de Canal+. En sep­tem­bre 2007, il est propul­sé à la tête d’une nou­velle émis­sion, « L’Édition Spé­ciale », l’ancêtre de « La Nou­velle Édi­tion » qui lui a suc­cédé en 2011.

Un an plus tard, il rejoint le ser­vice pub­lic et présente plusieurs mag­a­zines : « Comme un ven­dre­di », « Télés­copie », « Ques­tions de généra­tion » sur France 4. Par­al­lèle­ment, il devient le présen­ta­teur rem­plaçant des jour­naux du week-end et plus tard des jour­naux de la semaine.

Entre jan­vi­er et juin 2010, Samuel Éti­enne présente l’émis­sion « 18:30 aujourd’hui », du lun­di au jeu­di sur France 3. Le mag­a­zine n’est pas recon­duit, tout comme « 7 à voir » et « Ques­tions de généra­tion » qui pren­nent égale­ment fin à cette péri­ode. Devenu une valeur sûre de France 3, Samuel Éti­enne devient le présen­ta­teur du jour­nal 12/13, à la ren­trée 2010. Le jour­nal­iste mène aus­si une car­rière à la radio, où il présente la revue de presse mati­nale sur Europe 1 lors des vacances de Nat­acha Polony. Alors qu’il offi­ci­ait à Europe 1 depuis 2012, il quitte ses fonc­tions en 2017 pour accom­pa­g­n­er le lance­ment de France Info.

En jan­vi­er 2016, France 3 crée la sur­prise en annonçant son arrivée à la tête du jeu Ques­tions pour un cham­pi­on, en rem­place­ment de Julien Lep­ers, bru­tale­ment évincé par Del­phine Ernotte. En 2019, il se félic­i­tait du suc­cès de la nou­velle mou­ture de l’émission dans les colonnes du Figaro : « Quand j’ai pris les rênes du jeu, il per­dait un peu de ter­rain depuis quinze ans. Le défi était de stop­per l’érosion d’audience et de remon­ter les chiffres. On a réus­si à le faire. Aujourd’hui, on compte une moyenne de 1,5 mil­lion de téléspec­ta­teurs chaque soir mal­gré une forte concurrence ».

En même temps, à par­tir de 2017, il présente le « 6h Info » sur France 2 et la mati­nale de Fran­ce­in­fo.

Après avoir par­ticipé à plusieurs émis­sions de son ami et « streameur » Étoiles, Samuel Éti­enne saute le pas et lance le 18 décem­bre sa chaîne offi­cielle sur Twitch. Trois jours plus tard, il présente sa pre­mière revue de presse quo­ti­di­enne sur la plate­forme, « La mat­inée est tienne ». Quelques semaines plus tard, et à sa plus grande sur­prise, sa chaîne totalise 350 000 abonnés.

Sa pop­u­lar­ité est telle qu’il ne tarde pas à recevoir des invités pres­tigieux souhai­tant s’adresser à un pub­lic situé hors des radars des médi­ats tra­di­tion­nels. L’entretien avec François Hol­lande réal­isé le 8 mars 2021 rassem­ble 84 000 spec­ta­teurs en direct et est revu plus de 70 000 fois en dif­féré, (la vidéo est d’ailleurs la plus regardée dans le monde pen­dant le direct). Une semaine plus tard, Jean Cas­tex réu­nit lui aus­si 80 000 spec­ta­teurs, même si sa presta­tion est jugée peu con­va­in­cante. Alors que d’aucuns salu­ent cette ini­tia­tive rafraîchissante, cer­tains util­isa­teurs de la plate­forme déplorent la poli­ti­sa­tion de Twitch à l’approche des prési­den­tielles. Ces réac­tions témoignent d’une crainte que Twitch ne s’aligne sur les médias dom­i­nants et que la lib­erté de ton qui la car­ac­térise n’en pâtisse. Par ailleurs, son hos­til­ité déclarée à l’égard de Marine Le Pen, que le jour­nal­iste refuse de recevoir dans son « home-stu­dio », n’est pas sus­cep­ti­ble de ras­sur­er les sceptiques.

Parcours militant

Libéra­tion vend la mèche dans son por­trait daté du 26 mars 2021 : « Dans l’isoloir, il aurait ain­si tou­jours été “le mou­ton noir de sa famille” de com­merçants. Ce qui devrait le situer plutôt à gauche. »

Il gagne

Son prédécesseur sur « Ques­tions pour un cham­pi­on », Julien Lep­ers, gag­nait env­i­ron 40 000 € par mois pour six jours d’enregistrement.

« Je gagne zéro euro avec Twitch » assure-t-il à TV Mag. « J’ai fer­mé le sys­tème d’abonnement qui per­met de gag­n­er de l’argent car c’était une sim­ple expérience. »

Cepen­dant, la ques­tion n’est pas close : « Cette revue de presse est un vrai tra­vail de deux heures à l’antenne, avec deux heures de pré­pa­ra­tion min­i­mum, explique-t-il à TV Mag. Est-ce que cela peut génér­er une rémunéra­tion ? C’est une réflex­ion que je suis en train de men­er, notam­ment avec France Télévi­sions dont je suis salarié ».

Vie privée

Le Bre­ton est mar­ié depuis 2015 avec Helen Éti­enne (née Roth), respon­s­able du site web de Swatch France, qu’il ren­con­tre alors qu’elle était sta­giaire à France Télévi­sions. Il réside dans un apparte­ment de 170 m2 dans le XVIIe arrondisse­ment de Paris. Le 30 août 2016, le cou­ple donne nais­sance à un petit garçon, Malo. Le 12 févri­er 2020, il annonce sur Twit­ter, la nais­sance de son deux­ième fils, prénom­mé Solal.

Collaborations

En octo­bre 2010, il par­ticipe à un con­cert de sol­i­dar­ité organ­isé par France 3 en hom­mage à Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, deux jour­nal­istes français alors retenus en Afghanistan depuis 300 jours et qui seront libérés en juin 2011. Il est présent aux côtés de Patrick Bru­el, Alain Sou­chon, Zazie ou encore Stromae.

Distinctions

Il a été nom­mé au grade de cheva­lier des Arts et des Let­tres en jan­vi­er 2021 par le min­istère de la Cul­ture. Sur le site du min­istère, il est indiqué que « cet ordre est des­tiné à récom­penser les per­son­nes qui se sont dis­tin­guées par leurs créa­tions dans le domaine artis­tique ou lit­téraire ou par la con­tri­bu­tion au ray­on­nement qu’elles ont apportée au ray­on­nement des Arts et des Let­tres en France et dans le monde ».

Il l’a dit

« Ce que j’ai essayé d’ap­porter, c’est que l’on soit au-delà d’un jeu de cul­ture générale. Mon idée est qu’on soit telle­ment dans la détente, le sourire, que même quelqu’un qui ne trou­verait jamais les répons­es puisse pass­er un bon moment ! […] Ce n’é­tait pas un objec­tif en soi pour moi parce que les téléspec­ta­teurs se valent tous, mais l’au­di­ence s’est un peu fémin­isée, a un peu raje­u­ni, comme les can­di­dats », Sud Radio, 22/02/2019

« J’ai entre 10.000 et 15.000 per­son­nes qui me suiv­ent le matin se réjouit-il et 85% des gens qui me regar­dent ont entre 18 et 35 ans. Ils ne regar­dent pas beau­coup la télé, n’é­coutent pas beau­coup la radio et ne lisent pas beau­coup les jour­naux. Il y a sans doute une faute de notre côté estime le jour­nal­iste. Peut-être qu’on n’a pas su inven­ter les nou­veaux pro­grammes pour les intéress­er ; je leur dis ‘lisez les jour­naux !’, je leur dis mon amour pour la presse », ibid.

« Sur #Twitch, je ne suis ni jour­nal­iste ni présen­ta­teur de #QPUC. Je suis là en tant que citoyen, à la mai­son. Je ne recevrai pas le Rassem­ble­ment nation­al chez moi ! », Twit­ter, 10/03/2021

« Oui, je con­firme que, parce que mes valeurs, mes con­vic­tions, ne sont pas celles de ce par­ti, je ne veux pas recevoir l’un de ses mem­bres chez moi, dans mon foy­er. Mais mon stream est mobile et je peux organ­is­er cette émis­sion en dehors de mon domi­cile », Twit­ter, 11/03/2021.

« Plus on la pro­fesse, plus on la récolte, même sur les réseaux soci­aux! Avec ma femme et mes par­ents, je ne partage pas les mêmes idées poli­tiques, mais on échange. Cest mon mes­sage. Je ne suis pas là pour plaire à tout le monde. Jentends les cri­tiques et cer­tains me reprochent de faire entr­er la poli­tique sur Twitch. Mais je per­siste, car cest un out­il démoc­ra­tique pour échang­er directe­ment avec les poli­tiques à qui lon reproche d’être enfermés dans leur tour divoire », Paris Match, 21/03/2021.

Au sujet de Marine Le Pen : « Je lai déjà inter­viewée deux fois sur Canal+ et France 4. Désta­bil­isée, elle a per­du son sang-froid. Elle ne veut plus me recrois­er », Libéra­tion, 26/03/2021.

Ils ont dit

« Ce que les gens détes­tent sur Inter­net, c’est le côté arriv­iste […]. Surtout qu’on a déjà telle­ment l’habitude d’être jugés par divers ani­ma­teurs de télé et cer­tains médias. Mais, quand Samuel est arrivé sur la plate-forme, les gens ont bien vu qu’il était hyper bien­veil­lant, hyper gen­til, et qu’il voulait vrai­ment décou­vrir notre monde sans nous juger. On a sen­ti que ce n’était pas une stratégie pour être appré­cié, mais qu’il avait une vraie curiosité, et qu’il pre­nait du plaisir à décou­vrir notre monde. », Pierre-Alex­is Bizot/Domingo, Le Monde, 29/01/2021.

« Morale de l’épisode ? Du côté des poli­tiques, rien de neuf. Depuis qu’existe la télévi­sion, dès qu’ils flairent un robi­net à empathie et à com­plai­sance, ils se pré­cip­i­tent pour chanter les Feuilles mortes, ouvrir leur fri­go, blagouner, jouer avec le chien, peign­er le chat, tâter le cul des vach­es, mon­ter sur le tracteur, cueil­lir des pommes, poupon­ner le poupon, sil­lon­ner les dunes à vélo. Samuel Éti­enne pre­nait sim­ple­ment place dans la longue lignée des Druck­er, Sébastien, Sabati­er, Denisot, Fogiel, Ardis­son, Ruquier, etc.
L’expérience est plus révéla­trice sur les aléas de la pop­u­lar­ité, et de la con­struc­tion de la con­fi­ance, sur Inter­net, dont il est ain­si con­fir­mé que le prin­ci­pal ingré­di­ent est la sincérité de la démarche. Du présen­ta­teur télé, on attend avant tout du charisme. Un peu d’acidité ne nuit pas. Du youtubeur, de l’influenceur ou du stream­er, son pub­lic attend sincérité et bien­veil­lance. On est entre nous, au chaud, dans la com­mu­nauté : toute acid­ité serait mal vue. Mais dans cette bulle de bien­veil­lance, ne s’introduit pas qui veut », Daniel Schnei­der­mann, Libéra­tion, 09/03/2021.

« Et puis toute la presse va dire : ‘Mais il est mer­veilleux ! Il est telle­ment gen­til ! Il est telle­ment bien­veil­lant ! Il est telle­ment for­mi­da­ble !’. C’est juste 25% des Français à qui on dit : ‘On ne vous par­le pas à vous !’. C’est le mépris ! C’est le mépris insti­tu­tion­nel ! Et c’est payé par le ser­vice pub­lic ». […] Il veut avoir des bons papiers dans ‘Téléra­ma’ ”, “être invité sur France Inter” et “avoir de bons arti­cles de ses con­frères”. “Il faut du courage pour inviter Marine Le Pen ! », Pas­cal Praud, L’Heure des Pros, 10/03/2021.

« On reproche aus­si aux poli­tiques et à Samuel Éti­enne par le canal qu’il four­nit de faire de Twitch un espace poli­tique en prévi­sion de l’élection prési­den­tielle de 2022. Mais ce que les view­ers ont ten­dance а oubli­er, c’est qu’une fois encore, les con­cernés n’ont pas atten­du Samuel Éti­enne. Jean-Luc Mélen­chon notam­ment avait déjà mobil­isé son équipe de com­mu­ni­ca­tion autour des médias comme Youtube ou Twitch dès 2017 et ce de manière mas­sive. En rai­son de sa défaite, on peut sup­pos­er que la réso­nance réelle d’une plate­forme comme Twitch soit finale­ment plus faible qu’on ne le pense, et ne représente donc pas un enjeu aus­si cap­i­tal que sem­blent le penser la com­mu­nauté », L’EMIcycle, 13/03/2021.

« Ce VRP de la presse écrite voit en Twitch un espace de détente et d’autodérision “avec ses blagues toutes pour­ries”. “Eth­no­logue en terre incon­nue’’, il adore blab­later avec les 18–35 ans, ces enfants du tout-numérique à la curiosité en arbores­cence et aux défi­ances d’importance. Piochant dans le Monde, Libé, l’Huma, la Croix ou l’Opinion comme dans les quo­ti­di­ens régionaux, il pointe les diver­gences d’opinions qui font la démoc­ra­tie, insiste sur la véri­fi­ca­tion des sources. Ça infuse. Cer­tains s’intéressent. Il arrive même qu’ils s’abonnent », Libéra­tion, 26/03/2021.

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