Bignole pour bobos
Journaliste chez Télérama, blogueur et désormais auteur, Samuel Gontier s’applique consciencieusement à dénicher le “faschisme” (prononciation a l’Italienne), l’islamophobie et le racisme, SURTOUT là où ils ne sont pas.
Journaliste chez Télérama depuis 25 ans déjà, Samuel Gontier s’est spécialisé dans le petit écran. Les articles à charge qu’il publie régulièrement pour dénoncer la droitisation supposée de la sphère médiatique et politique, sont pour la plus grande part publiés dans le cadre de son blog dédié à l’analyse des contenus d’information télévisuels, « Ma vie au poste ».
Le journaliste, qui se décrit lui-même sur son fil Twitter comme « journaliste de canapé », y décrypte les propos des journalistes et chroniqueurs des principales chaînes du petit écran, et notamment des chaînes d’information en continu, dans des articles généralement incendiaires. Les titres parlent d’eux-mêmes : « Jean-Michel Aphatie sur la victoire de Joe Biden : « Marine Le Pen a mille fois raison » », « Élection présidentielle américaine : des experts plus trumpistes que les trumpistes », « Après le meurtre de Samuel Paty, le concours Lépine des idées d’extrême droite »… La droite – quelle qu’elle soit – c’est le Mal.
Le parti pris du journaliste n’était pas en soi inintéressant. Il explique dans un article de Jimmy Saint-Louis publié le 9 févtrier 2017 sur le Bondy Blog avoir choisi de « laiss[er] [s]es camarades se délecter d’admirables documentaires pour [s]e fader le tout-venant de la télévision ». Un tel choix aurait effectivement pu être l’occasion de comprendre l’influence de la télévision sur l’opinion public à travers le décryptage honnête des choix d’intervenants, de sujets, d’angles, et ce d’autant plus que Samuel Gontier s’astreint à un travail « quotidien ou presque ». La masse critique d’informations ainsi collectées aurait pu donner lieu à un réel travail critique.
Sauf que c’est avec des présupposés politiques marqués à l’extrême gauche que le journaliste entreprend ce travail. Résolument bourdieusien, il reprend le vocabulaire et la grille d’analyse de la gauche post-sartrienne. La pertinence de certaines de ces analyses, qui épinglent le règne de la subjectivité, de l’émotion et du divertissement de mauvais goût, est rapidement effacée par son populisme très sélectif. Gontier fait ainsi dans un article sur le Covid-19 et son traitement médiatique paru dans le n°188 de juin 2020 de CQFD l’amer constat du mépris des médias pour les couches sociales les plus populaires… tout en réussissant à ne s’émouvoir que du traitement fait aux populations d’origine immigrée. Le « petit blanc », Français de souche, issu des quartiers ou des zones rurales oubliées, lui, continuera même chez Gontier de n’avoir pas droit à la parole. Tout en pointant sur doigt l’uniformité des intervenants dans les chaînes d’information, dont l’écrasante majorité soutient les mesures gouvernementales ; le « discours compassionnel sur les soignants, suite logique du peu de cas fait de leurs luttes des années passées », le journaliste arrive à s’indigner que les seules critiques à qui les médias aient donné la parole soient… de droite. Il faudrait donc critiquer le gouvernement, mais seulement à travers des idées de gauche. Curieuse diversité politique à laquelle en appelle Samuel Gontier.
Le journaliste s’est spécialisé dans la traque des idées de droite, et surtout d’extrême droite, dont il arrive à trouver des relents absolument partout. Après avoir fait scandale en traitant le dessinateur Riss, survivant des attentats de Charlie Hebdo, d’islamophobe, il a réussi à tomber le coup d’une plainte conjointe pour diffamation de BFMTV et de son directeur général Marc-Olivier Fogiel suite à un tweet dans lequel il expliquait que la ligne éditoriale de la chaîne était devenue islamophobe, xénophobe et raciste.
Les éditions La Découverte ont publié en 2016 une synthèse éponyme de ses chroniques, Ma Vie au Poste.
Portrait vidéo
Formation
Samuel Gontier obtient un premier diplôme en économie et politiques sociales à Sciences Po Grenoble en 1991–1992. Il sort deux ans plus tard du Centre de Formation des Journalistes diplômé en presse écrite et secrétariat de rédaction.
Parcours professionnel
Samuel Gontier commence en 1993 son parcours de journaliste par plusieurs expériences professionnelles de quelques mois, d’abord chez Ouest-France, puis chez Bayard Presse, et enfin, en 1995, chez Libération, en tant que secrétaire de rédaction et rédacteur.
Il entre dès 1995 chez Télérama, où il poursuit encore aujourd’hui sa carrière. D’abord secrétaire de rédaction, puis à partir de 2004 en tant que rédacteur, pour enfin en 2011 devenir chroniqueur.
Sa chronique sur la télévision, « Ma vie au poste », lui confère alors une notoriété nouvelle : spécialiste autoproclamé du petit écran, ses analyses partisanes lui valent plus d’un scandale. S’il a le mérite de mettre en lumière un certain nombre de conflits d’intérêts et d’uniformité de pensée sur les chaînes d’information de grande écoute, son analyse reste strictement limitée au cadre de pensée des vieux communistes désormais devenus indigénistes : le coupable tout désigné, c’est le mâle blanc quinquagénaire, à l’inverse du jeune métissé ou racisé des classes populaires, victime de toutes les oppressions possibles et imaginables.
Samuel Gontier étend son analyse des émissions sportives aux divertissements populaires type « Koh-Lanta » mais s’avoue particulièrement fasciné par les chaînes d’information en continu. BFMTV et CNews figurent ainsi parmi ses cibles préférées, tant sur Twitter que sur son blog. Leur péché ? S’adresser principalement à un public de CSP+ blanc et de droite (?), grosso modo. Gontier voit ainsi dans CNews, avec horreur, le Fox News français.
Son blog a donné lieu en 2016 à un ouvrage éponyme, Ma Vie au poste, publié aux Éditions La Découverte. L’évènement a propulsé Gontier au statut d’expert, celui-là même qu’il aime tant à critiquer quand il s’agit des experts de BFMTV ou de CNews. C’est bien en tant qu’expert du petit écran que Gontier est invité le 12 octobre 2019 par France Culture dans « La fabrique médiatique » pour discuter de la manière dont les médias parlent de l’islam.
La marque de fabrique de Gontier, c’est aussi son style, un style polémique, qui fait la part belle au jugement subjectif. Ses articles respectent systématiquement le même schéma : l’auteur égrène les citations et les agrémente de saillies gratuites visant à souligner le racisme, l’islamophobie, la méchanceté des propos mis en lumière. L’obsession de Gontier, ce sont les idées « rances » et « nauséabondes », l’extrémisme et la droitisation de la France, dont le moindre commentateur qui ne partage pas ses opinions sera suspecté.
Le journaliste se répand par ailleurs sur Twitter, où il poursuit auprès de ses 18 000 suiveurs ses attaques à grands coups d’anathèmes politiquement corrects. Ses insultes préférées ? Islamophobe, raciste, xénophobe pour ne citer que les plus fréquents.
En novembre 2019, BFMTV et son directeur Marc-Olivier Fogiel portent plainte contre le journaliste pour diffamation après son tweet du 9 octobre dans lequel il expliquait que la chaîne était devenue « raciste » et « islamophobe » depuis la prise de poste de Marc-Olivier Fogiel.
La chaîne et son directeur n’étaient pas les premiers à avoir fait les frais des tirs du journaliste, la gauche elle-même n’est pas à l’abri de ses suspicions. Dans un tweet du 4 novembre 2019, c’est Riss, un des survivants de la tuerie de Charlie Hebdo qu’il épingle par ces quelques mots : « Pour Riss, les musulmans sont des nazis. Ceux qui les défendent des « collabos ». Charlie Hebdo, nouvelle filiale de Valeurs Actuelles ». Le dessinateur avait avoué s’être senti « trahi par une partie de la gauche », celle-là même à laquelle appartient Samuel Gontier, pour laquelle la moindre critique de l’Islam et des musulmans relève du « racisme » le plus terrible.
Publications
Samuel Gontier publie en 2016 aux éditions La Découverte, Ma vie au poste. Huit ans d’enquête (immobile) sur la télé du quotidien. L’ouvrage synthétise les chroniques du journaliste dans un ouvrage dont le propos est clair, et à l’image des opinions politiques de l’auteur. Le compte-rendu de l’intervention de Gontier auprès des étudiants du Master Journalisme et médias numériques de Metz en donne un résumé éclairant : « la télévision, et en particulier les chaînes d’information en continu, y est dévoilée dans ses travers : elle se répète, approfondit peu, sur-représente les idées de droite et d’extrême-droite sous couvert de « débat », laissant trop souvent la place au racisme et au sexisme. Une approche empirique et édifiante de ce que le sociologue Pierre Bourdieu décrivait déjà vingt ans plus tôt dans Sur la télévision ».
Parcours militant
De fait, Samuel Gontier, « journaliste de canapé », est aussi un militant de salon. Sans qu’il soit apparemment membre de tel ou tel parti politique, ses partis pris sont clairs dans ses articles. Sans surprise, il aime à citer le travail de Bourdieu sur la télévision, qu’il estime comme dans ce podcast de Raje, être toujours autant d’actualité.
Le journaliste s’aligne résolument sur l’extrême gauche. Critique du capitalisme, il en pointe régulièrement du doigt les dérives dans des articles qui prennent la défense des travailleurs exploités par des entreprises mondialisées qui n’ont que faire du quotidien de leurs salariés. Dans un article de son blog « Ma Vie au poste » publié sur Télérama le 11 janvier 2019, « France 2 célèbre les dividendes record du CAC40 », Gontier souligne le mépris des intervenants de l’émission d’Anne-Sophie Lapix pour les Gilets Jaunes « trop bêtes » pour se réjouir des points de PIB gagnés par des multinationales qui tirent leurs salaires vers le bas. La défense des opprimés chez le journaliste va de pair avec une haine aveugle du patron, de l’actionnaire, enfin de toute autorité quelle qu’elle soit, dans la droite ligne de l’extrême gauche traditionnelle et de son mépris de toute forme de hiérarchie.
Une hiérarchie, Samuel Gontier en fait pourtant dans le choix des victimes. L’opprimé en chef, la victime la plus à plaindre, c’est nécessairement l’immigré, la « racaille » des banlieues injustement stigmatisée par une France traditionnelle rance et raciste. Le « petit blanc », qu’il soit de banlieue ou de zone rurale, lui, n’a pas le droit de cité. Pire encore, dès lors qu’il est de droite, il passe du côté des bourreaux. Exemplaire de cette dialectique, l’article qu’écrit Samuel Gontier le 9 décembre 2016 suite au reportage de France 2 sur le harcèlement des femmes dans la rue dans les banlieues : le journalise s’y insurge qu’on ose mettre en cause la culture et la religion des harceleurs alors qu’il lui semble évident, à lui, que ce sont les pouvoirs publics qui sont la cause de l’exclusion des femmes de l’espace public…
On notera sans surprise l’approbation qu’accorde Jean-Luc Mélenchon au travail du journaliste dans une publication Facebook du 8 septembre 2020. L’homme politique y partage un article de Samuel Gontier avec ce commentaire : « Samuel Gontier est de retour ! OUF ! Un moment de consternation amusé dans l’ambiance manipulatrice de l’info en continu ». L’introduction de l’article en question parle d’elle-même : « Lundi dernier, c’était la rentrée des chaînes info. Au menu, petits nouveaux et vieux croûtons composent une soupe rance où l’ensauvagement le dispute au complotisme pour exhaler des relents d’extrême droite ».
Les sites sur lesquels ses articles sont repris sont eux aussi éloquents quant à l’orientation poliique du journaliste. Son article « Eric Zemmour et Michel Onfray unis pour dénoncer l’islamo-gaucho-narco-féminisme des Verts » publié sur Télérama le 2 juillet 2020 est pour ne donner qu’un exemple intégralement reproduit sur le site Repères Antiracistes.
Ce qu’il gagne
Non connu.
Il l’a dit
Sur Twitter, il déclare au sujet de Riss, un des survivants de l’attaque terroriste à Charlie Hebdo : « Pour Riss, les musulmans sont des nazis. Ceux qui les défendent des “collabos”. Charlie Hebdo, nouvelle filiale de Valeurs Actuelles. »
Samuel Gontier s’inquiète dans la vidéo de l’Observatoire du Journalisme sur YouTube filmée lors de sa rencontre avec les étudiants du Master Journalisme et Médias Numériques de Metz d’une « dérive un peu droitière qui est constatée par beaucoup de monde. C’est-à-dire que les voix discordantes en dehors de la droite et de l’extrême-droite sont assez peu nombreuses ou servent d’alibi de gauche pour justifier des discours de droite et presque uniformément de droite. Voilà, c’est un glissement qu’on observe dans la vie politique en général, dont les média se font l’écho et que j’ai l’impression qu’ils encouragent. »
À la question de l’animatrice du podcast « Où Est le Respect » publié le 14 juin 2019 sur Raje qui lui demande comment il explique l’uniformité dans la présentation de l’information à la télévision, Samuel Gontier répond « il y a une partie sociologique, il y a une partie capitalistique puisque la plupart de ces chaînes appartiennent à des industriels qui comme je le disais sont souvent eux-mêmes dépendants des commandes de l’État. […] C’est un peu plus varié sur le service public quand même. […] Sur le service public c’est ça la différence ; il y a peut-être un JT ou des infos qui sont cari caricaturales mais à côté il y a de supers documentaires qui vont aller démonter le système capitaliste. »
Il explique dans la même émission la manière dont il travaille : « J’ai tendance à trouver mon écriture un peu pauvre parce qu’en fait, le plus gros de mon travail, c’est de la citation parce que le simple fait de mettre noir sur blanc ce qui est proféré à l’antenne a un effet révélateur […] On se rend compte de l’énormité des choses qui sont dites […] Evidemment je rajoute des petites touches d’humour, d’ironie. Le gros travail c’est de synthétiser, d’articuler ces citations ».
On a dit à son sujet
L’animateur du podcast « Où Est le Respect » publié le 14 juin 2019 sur Raje le qualifie de « Che Gevara du PAF ».
Dans une tribune publiée le 6 novembre 2019 sur Boulevard Voltaire, Xavier Raufer taxe le journaliste de « bignole pour bobos ». Il s’explique en ces termes : « Tous les jours ou presque (dit sa pub), Samuel tient un blog nommé Ma vie au poste. Onze ans à commenter des commentaires, pérorer, morigéner, ironiser sur tout et le reste. À quel titre jauge-t-il, critique et arbitre-t-il ? En connaisseur subtil de l’âme humaine ? Philosophe profond ? En quel honneur tranche-t-il de tout, à tout propos ? Rien, à vrai dire, ne l’explique : la longévité un peu statique de Samuel Gontier rappelant plutôt cet apatride qui, un jour, échoua au terminal 1 de Roissy pour y végéter depuis lors.[…] Gontier incarne le camp du bien, Gontier ne se trompe jamais. En bref, Samuel Gontier ressuscite le Agnan de Sempé et Goscinny. L’agaçant Agnan, du Petit Nicolas. Celui qui « dénonce ses camarades » et « se réjouit des punitions des autres élèves ». Pauvre rédaction de Télérama, affligée d’une semblable bignole ! »
CQFD Journal voit quant à eux dans le dossier « Propagande & manipulation de masse » publié dans leur 192e numéro dans les articles de Samuel Gontier : « un salutaire travail d’information sur les dérives de l’audiovisuel français ».
Photo : capture d’écran vidéo “Samuel Gontier, journaliste à Télérama : Onze ans d’enquête (immobile) sur la télé du quotidien” (Obsweb, l’observatoire du webjournalisme) via YouTube