Une reconnaissance de plus
Née en 1962 à Suresnes dans les Hauts-de-Seine, Valérie Toranian, née Valérie Astrig Couyoumdjian, fut pendant quinze ans à la direction du magazine Elle. Après un passage à la Revue des Deux Mondes, elle s’apprête, d’ici la fin de l’année, à remplacer Sébastien Le Fol à la tête du Point. Une nomination bienvenue pour la femme de Franz-Olivier Giesbert, ancien patron et conseiller de la direction de ce même journal…
Une militante arménienne
Descendante d’une grand-mère rescapée du génocide arménien, dont elle a raconté l’histoire dans son roman L’Étrangère, Valérie Couyoumdjian épouse en premières noces un militant farouche de la cause arménienne : Ara Toranian. Le couple, dont les deux enfants adoptent des prénoms arméniens (Vasken et Aris), fonde en 1992 Les Nouvelles d’Arménie.
Plus récemment, à l’occasion du conflit opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, elle a dénoncé la position de belligérant adoptée par la Turquie et souligné la disparition imminente que risquaient bientôt les Arméniens, jugeant que « Défendre l’Arménie, pays chrétien, dans notre société hantée par la peur de paraître ” islamophobe”, notamment dans les médias, [était] gênant, embarrassant ». Elle a par ailleurs publié dans la collection Placard & Libelles du Cerf, un billet intitulé L’Arménie, du sang sur nos mains.
Une féministe « vieille école » à la tête de Elle
Valérie Toranian arrive à la tête de Elle après être passée au sein du magazine par de nombreux services. C’est à Anne-Marie Périer, l’ancienne directrice du journal, que serait dû ce choix auquel la principale intéressée ne se serait pas attendue.
Dans les couloirs de Elle, certains de ses collègues lui prêtent, si l’on en croit le portrait qu’en dresse Libération, un « féminisme un peu désuet, très Badinter », du fait de ses engagements anti-voile mais pas « anti-hommes ». À l’origine de cette interprétation : la pétition visant à interdire le voile à l’école qu’elle lance en 2003. Chrétienne, elle se dit attachée à la laïcité et manifeste encore vigoureusement son aversion pour les signes religieux (notamment musulmans) au sein de l’école ; elle se plaignait ainsi dans son dernier édito de la Revue des Deux Mondes que « Les islamistes […] [veuillent] casser le consensus républicain qui demeure encore assez solide sur le sujet des signes religieux à l’école ».
De Elle à la Revue des Deux Mondes
En 2014, elle est poussée vers la sortie par la direction de Elle, par l’intermédiaire du président de Lagardère Active, Denis Olivennes ; la chute des ventes (passées de 382 860 exemplaires en 2012 à 329 043 exemplaires en juin 2014) en serait la cause principale. Une partie de la rédaction suggère également que la une consacrée à Julie Gayet, quelques mois après la révélation de la liaison entre l’actrice et le président de la République d’alors, serait à l’origine de ce licenciement.
Olivennes lui reconnaît quoiqu’il en soit des qualités, jugeant qu’elle a redynamisé Elle dix ans plus tôt, mais que la publication nécessitait « un nouveau souffle ». Soutenue par la rédaction du magazine, qui salue celle qui « su[t] réinventer ce magazine », elle est remplacée par Françoise-Marie Santucci – ex-rédactrice-en-chef du supplément mode de Libération.
En janvier 2015, c’est Marc Ladreit de Lacharrière qui lui accorde sa confiance ; nommée à la tête de la Revue des Deux Mondes, elle parvient à satisfaire la direction en multipliant rapidement les ventes par deux ou trois.
Une nomination bienvenue au Point
Le 17 octobre, Étienne Gernelle, directeur de la publication du Point, annonce officiellement sur son compte Twitter l’arrivée de « la si brillante Valérie Toranian ». Une nomination qui arrive à point nommé, alors même que l’ancien directeur de la rédaction Sébastien Le Fol était dans le viseur de François Pinault (propriétaire du journal par sa holding Artémis) depuis les révélations douteuses faites à l’encontre de Raquel Garrido et d’Alexis Corbière.
Cette nomination laisse néanmoins circonspect, puisque Valérie Toranian n’est autre que l’épouse de Franz-Olivier Giesbert, qui demeure le conseiller de la direction du Point et est l’ancien président-directeur général de la SEBDO, la société éditrice de l’hebdomadaire. La principale intéressée s’est quant à elle réjouie de « rejoindre prochainement l’équipe du Point. Une magnifique nouvelle aventure professionnelle aux côtés de Étienne Gernelle ».
Parcours professionnel
- 1983–1987. Pigiste pour la presse féminine.
- 1987–1994. Intègre la rubrique « Beauté » d’Elle magazine et collabore à différentes rubriques
- 1994–1995. Devient chef du service « Beauté » d’Elle magazine.
- 1995-septembre 1997. Devient rédactrice-en-chef chez Elle.
- Septembre 1997-octobre 1998. Rédactrice-en-chef « Beauté » et rédactrice-en-chef-adjointe « Mode » chez Elle.
- Octobre 1998–décembre 2000. Rédactrice-en-chef d’Elle.
- Décembre 2000–février 2002. Directrice adjointe de la rédaction de Elle.
- Février 2002–septembre 2014. Directrice de la rédaction de Elle.
- Avril 2008–septembre 2014. Directrice de la rédaction du semestriel Very Elle.
- Septembre 2013–septembre 2014. Directrice de la rédaction Elle Man.
- Janvier 2015–octobre 2022. Directrice de la rédaction du mensuel la Revue des Deux Mondes.
Autres fonctions occupées
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- 1991. Fondatrice de la revue Les Nouvelles d’Arménie.
- Décembre 2004–juin 2010. Vice-présidente et porte-parole de la Fondation Elle.
- Janvier 2006. Présidente du jury du 10ème Grand Prix de la Une de Presse.
- Décembre 2006–septembre 2014. Membre du Comité éditorial d’Hachette Filipacchi Média et de Lagardère Active.
- Octobre 2008–janvier 2009. Membre du pôle : « Quel avenir pour les métiers du journalisme ? », États généraux de la presse écrite, présidé par Bruno Frappat.
- Juin 2010 – septembre 2014. Nommée présidente de la Fondation Elle.
- Membre du comité d’éthique de Franciliennes TV / Télif.
Vie privée
Valérie Toranian est la fille d’un professeur de français et la petite-fille d’une rescapée du génocide arménien. Son père meurt lorsqu’elle a quinze ans. Elle épouse en 1986 Ara Toranian, dont elle a deux enfants (Vasken et Aris). Elle sera ensuite mariée à Franz-Olivier Giesbert, journaliste et écrivain.
Publications
- 2004. Pour en finir avec la femme ?, éd. Grasset.
- 2005. Elle (1945–2005), une histoire de Femmes (préface), éd. Filipacchi.
- 2015. L’Étrangère, éd. Flammarion.
- 2018. Une fille bien, éd. Flammarion.
Distinctions
- 2011. Nommée Chevalier des Arts et des Lettres.
- 30 juin 2015. Laurée du Grand Prix de l’Héroïne décerné par Madame Figaro pour son ouvrage L’Étrangère.
Ce qu’elle gagne
À la Revue des Deux Mondes, son salaire est beaucoup moins élevé qu’à Elle, ce dont elle assure ne pas se soucier, estimant que « ce n’est pas grave, l’argent, ça va, ça vient ».
Ils l’ont dit
« C’est une des rares qui donnait l’impression de protéger son équipe. Elle ne laissait pas trop la direction s’en mêler », une journaliste de la rédaction de Elle, citée par Libération, le 19 septembre 2014.
« Valérie Toranian est une grande dame de la presse. Elle a fait un travail fantastique en consolidant la place de Elle comme leader de sa catégorie. », Denis Olivennes, cité par Le Figaro Économie, le 29 septembre 2014.
« Elle a ce besoin de bosser deux fois plus dur que les autres, parce qu’elle est une femme et qu’elle a une double culture. », Chekeba Hachémi, militante afghane, citée par Libération, 26 avril 2015.
« [C’est une femme] très solide en apparence, avec qui on peut partir à la guerre », Franz-Olivier Giesbert, cité par par Libération, 26 avril 2015.
« Elle est vraiment double, elle apparaît forte mais il y a toujours en elle une fragilité, une inquiétude, peut-être génétique, malgré un côté joyeux », Franz-Olivier Giesbert, cité par Le Figaro, 4 juillet 2015.
« C’est une bête de travail », Anne-Marie Périer, citée par Le Figaro, 4 juillet 2015.
« Tu as toujours été la femme la plus droite, la plus loyale du monde. Nous savions que tu te serais fait couper la tête (mais pas les cheveux) pour nous et pour la grande idée que tu te fais des femmes, poursuit la rédaction. Ta bienveillance nous a portées, nous a fait grandir, pendant des années. », l’équipe de la rédaction de Elle à l’occasion du départ de Valérie Toranian de la direction de la rédaction de Elle, citée par Pure médias, 26 septembre 2014.
Elle l’a dit
« [Je veux être juive] parce que c’est comme être arménien, la reconnaissance en plus », citée par Libération, 26 avril 2015.
« À chaque fois qu’on dit “c’est pas si grave”, on renonce. Le relativisme culturel est un racisme.», citée par Libération, 26 avril 2015.
« [Je ne suis pas] de l’école des journalistes anti-connivence. Je pars du principe que pour connaître son sujet, il faut rencontrer les gens, voir de quoi ils sont faits », citée par Libération, 26 avril 2015.
« Mes grands-parents sont arrivés en France dans les années 20, ont subi la xénophobie, mais ils ont voulu rester. Je suis encore sur tout ça, encore portée par ça. Je suis le fruit de mes origines multiples, celles de bons Français et de bons Orientaux, auxquelles se sont ajoutés plein de sédiments », citée par Le Figaro, 4 juillet 2015.
« La télévision et les médias ont largement surfé sur ces années de fric et de frime. Elle a participé à cette société de consommation, en vantant l’esprit de compétition, la mode, le corps parfait, la jeunesse… Comment ne pas comprendre alors que certains se soient alors sentis misérables et que, avec le temps, tout devienne matière inflammable ? », Le Figaro, 13 juin 2019.