Le 26 octobre 2020, dans la foulée des débats suscités par l’emploi de cette expression par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer jeudi 22 octobre 2020, l’émission « La question du jour » animée par Guillaume Erner sur France Culture s’interroge : « D’où vient la notion d’islamo-gauchisme ? ». Au début, tout va bien puis… on en revient étrangement à l’extrême-droite.
C’est le dada de France culture, extrême-droite à toutes les sauces et dans la majorité des émissions traitant de l’actualité ou de l’histoire des idées au cours d’une journée. Chaque jour, toute la semaine. Toute l’année.
Au début (de l’émission) tout va bien
Guillaume Erner reçoit Jean-Yves Pranchère, professeur de théorie politique à l’Université libre de Bruxelles, co-auteur avec Justine Lacroix de Les droits de l’homme rendent-ils idiots ? (Seuil).
Les deux reviennent sur l’origine d’une expression, « islamo-gauchisme », aisée à dater : elle apparaitrait dans un livre de Pierre-André Taguieff en 2002, La nouvelle judéophobie, pour désigner « un phénomène réel qui s’est manifesté lors de la conférence de Durban et qui, pour certains, s’est reproduit avec l’invitation de Tariq Ramadan au forum social européen ».
De quoi s’agirait-il ? « Une collusion dans des actions communes entre des militants d’extrême-gauche et des acteurs qu’on peut considérer comme des islamistes dans un sens assez large ».
- Pour Taguieff, et l’intervenant, cela désigne une action commune antisioniste, en réalité antisémite ;
- Ce ne seraient que des « alliances stratégiques » entre des militants islamistes et des militants gauchistes. Rien de bien dangereux.
Le souci, précise Erner, n’aurait donc rien à voir avec le terrorisme en Europe mais avec la question israélienne. L’intervenant confirme : le problème est lié à l’antisémitisme dans une partie de la gauche radicale. Il n’évoque donc ni le terrorisme islamiste ni l’antisémitisme massif du monde musulman.
À droite de la droite toute
Au sujet de « l’islamo-gauchisme », il n’y aurait ainsi pas de question liée à l’islam ou au gauchisme. C’est donc que le problème est ailleurs, ce que l’invité nomme « un deuxième temps, l’investissement ou le sur-investissement de ce terme par la droite ou plutôt la droite de la droite qui y retrouve un écho du terme judéo-bolchevisme ».
Ce dernier terme surprend l’auditeur tant cela ramène à un monde disparu. Pranchère et Erner poussent cependant longuement le raisonnement, durant plus de la moitié de l’émission.
Le terme se met à définir « toute personne de gauche dont on estime qu’elle est trop indulgente avec l’islamisme radical et qu’elle n’est pas assez lucide. Et là, on va entrer, et c’est le cas maintenant, dans une logique tout à fait confusionniste et inflationniste, on est toujours l’islamo-gauchiste de quelqu’un, qui va permettre de transformer le terme en qualificatif de stigmatisation et de disqualification, de déni également. Le terme va servir à chercher des boucs-émissaires. A dissimuler aussi que ce qui se joue dans cette affaire antisémite ce n’est pas simplement un gauchisme mais c’est aussi un rouge-brunisme, Dieudonné, toute cette galaxie dieudonniste, soralienne qui est en porosité complète avec l’extrême-droite, Jean-Marie le Pen a été le parrain d’un enfant de Dieudonné, voilà, et donc ce terme en vient à devenir un instrument de disqualification des gens qui défendent les droits de l’homme ».
L’émission retourne le gant
- l’islamo-gauchisme n’existe pas, ou bien il a existé dans des marges insignifiantes ;
- Ce n’est qu’un mode militant d’extrême-droite visant à combattre le Bien.
À travers ce discours, l’auditeur peut au moins découvrir ce qui est enseigné à ses enfants dans les universités des pays de l’Union Européenne. Et en France, ce que Blanquer voulait précisément dénoncer. Le ministre va donc devoir écouter France Culture maintenant.
Guillaume Erner pouvait demander à son invité si l’emploi de l’expression « extrême-droite » ne serait pas aussi un « instrument de disqualification » de toute personne pensant autrement que la doxa dominante. Il ne le fait pas, la question n’est pas à l’ordre du jour, elle est en dehors du logiciel militant des radios publiques françaises.
Erner pose une autre question : « Dans ces conditions, on a affaire à une désignation polémique et qui est toujours une hétéro-détermination, c’est-à-dire que personne n’arrive sur le devant de la scène intellectuelle ou politique en se désignant comme islamo-gauchiste ». L’invité confirme évidemment.
Il ne vient pas à l’esprit du journaliste que personne n’arrive non plus sur la scène intellectuelle et politique en se désignant comme étant à « l’extrême-droite » et que c’est aussi toujours une « hétéro-détermination ». Dans ce cas précis, la détermination polémique par autrui vient toujours d’adversaires politiques et des médias dominants, dont France Culture et Guillaume Erner. Ou France Inter. C’est cependant là aussi hors logiciel.
Pour France Culture : le combat c’est contre l’extrême-droite
Les réalités pointées par Blanquer au sujet de « l’islamo-gauchisme », c’est-à-dire la manière dont le militantisme post-colonial racialiste noir, ouvertement anti-Français et anti-Européen, ne sont même pas indiquées dans l’émission. C’était pourtant ce dont parlait le ministre. Guillaume Erner et son invité font le petit pas de côté qui permet d’éviter le sujet, la question du poids et des dangers de l’islamo-gauchisme en France, en particulier dans les Universités et dans l’Education nationale.
L’émission donne l’occasion de pointer du doigt autre chose, ce qui serait bien plus vérifiable selon Erner et son invité : l’utilisation de ce terme par l’extrême-droite. Il n’y aurait donc pas d’islamo-gauchisme, les habitants des banlieues et les étudiants autres que de gauche apprécieront, mais une invention de l’extrême-droite ; ou plus précisément une récupération politique d’un terme conceptualisé par Pierre-André Taguieff au début de ce siècle. Rien d’autre sous « l’islamo-gauchisme » ? L’islamisme n’aurait ainsi jamais bénéficié de la bienveillance de l’idéologie du progrès, idéologie de la gauche libérale libertaire, en France ? Une bienveillance qui n’aurait pas permis l’installation d’un climat de terreur islamiste dans le pays ? Finalement, Guillaume Erner et France Culture ne posent (volontairement) pas les bonnes questions. Par exemple : de quoi parle-t-on à chaque instant dans le débat public en France, actuellement, sinon de l’islam ? Pourquoi ? Pour quelles raisons ?
Voilà une question du jour qui mériterait d’être posée sur France Culture, s’il était du moins possible de la poser sans que la réponse de ce média soit connue avant même la prise d’antenne : gageons que ce serait aussi, encore, toujours, la faute de « l’extrême-droite ».