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Pour France Culture, le problème de l’islamo-gauchisme c’est l’extrême-droite

31 octobre 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Pour France Culture, le problème de l’islamo-gauchisme c’est l’extrême-droite

Temps de lecture : 6 minutes

Le 26 octobre 2020, dans la foulée des débats suscités par l’emploi de cette expression par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer jeudi 22 octobre 2020, l’émission « La question du jour » animée par Guillaume Erner sur France Culture s’interroge : « D’où vient la notion d’islamo-gauchisme ? ». Au début, tout va bien puis… on en revient étrangement à l’extrême-droite.

C’est le dada de France cul­ture, extrême-droite à toutes les sauces et dans la majorité des émis­sions trai­tant de l’actualité ou de l’histoire des idées au cours d’une journée. Chaque jour, toute la semaine. Toute l’année.

Au début (de l’émission) tout va bien

Guil­laume Ern­er reçoit Jean-Yves Pranchère, pro­fesseur de théorie poli­tique à l’Université libre de Brux­elles, co-auteur avec Jus­tine Lacroix de Les droits de lhomme ren­dent-ils idiots ? (Seuil).

Les deux revi­en­nent sur l’origine d’une expres­sion, « islamo-gauchisme », aisée à dater : elle appa­raitrait dans un livre de Pierre-André Taguieff en 2002, La nou­velle judéo­pho­bie, pour désign­er « un phénomène réel qui s’est man­i­festé lors de la con­férence de Dur­ban et qui, pour cer­tains, s’est repro­duit avec l’invitation de Tariq Ramadan au forum social européen ».

De quoi s’agirait-il ? « Une col­lu­sion dans des actions com­munes entre des mil­i­tants d’extrême-gauche et des acteurs qu’on peut con­sid­ér­er comme des islamistes dans un sens assez large ».

  • Pour Taguieff, et l’intervenant, cela désigne une action com­mune anti­sion­iste, en réal­ité antisémite ;
  • Ce ne seraient que des « alliances stratégiques » entre des mil­i­tants islamistes et des mil­i­tants gauchistes. Rien de bien dangereux.

Le souci, pré­cise Ern­er, n’aurait donc rien à voir avec le ter­ror­isme en Europe mais avec la ques­tion israéli­enne. L’intervenant con­firme : le prob­lème est lié à l’antisémitisme dans une par­tie de la gauche rad­i­cale. Il n’évoque donc ni le ter­ror­isme islamiste ni l’antisémitisme mas­sif du monde musulman.

À droite de la droite toute

Au sujet de « l’islamo-gauchisme », il n’y aurait ain­si pas de ques­tion liée à l’islam ou au gauchisme. C’est donc que le prob­lème est ailleurs, ce que l’invité nomme « un deux­ième temps, l’investissement ou le sur-investisse­ment de ce terme par la droite ou plutôt la droite de la droite qui y retrou­ve un écho du terme judéo-bolchevisme ».

Ce dernier terme sur­prend l’auditeur tant cela ramène à un monde dis­paru. Pranchère et Ern­er poussent cepen­dant longue­ment le raison­nement, durant plus de la moitié de l’émission.

Le terme se met à définir « toute per­son­ne de gauche dont on estime qu’elle est trop indul­gente avec l’islamisme rad­i­cal et qu’elle n’est pas assez lucide. Et là, on va entr­er, et c’est le cas main­tenant, dans une logique tout à fait con­fu­sion­niste et infla­tion­niste, on est tou­jours l’islamo-gauchiste de quelqu’un, qui va per­me­t­tre de trans­former le terme en qual­i­fi­catif de stig­ma­ti­sa­tion et de dis­qual­i­fi­ca­tion, de déni égale­ment. Le terme va servir à chercher des boucs-émis­saires. A dis­simuler aus­si que ce qui se joue dans cette affaire anti­sémite ce n’est pas sim­ple­ment un gauchisme mais c’est aus­si un rouge-brunisme, Dieudon­né, toute cette galax­ie dieudon­niste, sorali­enne qui est en porosité com­plète avec l’extrême-droite, Jean-Marie le Pen a été le par­rain d’un enfant de Dieudon­né, voilà, et donc ce terme en vient à devenir un instru­ment de dis­qual­i­fi­ca­tion des gens qui défend­ent les droits de l’homme ».

Lémission retourne le gant

  • l’islamo-gauchisme n’existe pas, ou bien il a existé dans des marges insignifiantes ;
  • Ce n’est qu’un mode mil­i­tant d’extrême-droite visant à com­bat­tre le Bien.

À tra­vers ce dis­cours, l’auditeur peut au moins décou­vrir ce qui est enseigné à ses enfants dans les uni­ver­sités des pays de l’Union Européenne. Et en France, ce que Blan­quer voulait pré­cisé­ment dénon­cer. Le min­istre va donc devoir écouter France Cul­ture maintenant.

Guil­laume Ern­er pou­vait deman­der à son invité si l’emploi de l’expression « extrême-droite » ne serait pas aus­si un « instru­ment de dis­qual­i­fi­ca­tion » de toute per­son­ne pen­sant autrement que la doxa dom­i­nante. Il ne le fait pas, la ques­tion n’est pas à l’ordre du jour, elle est en dehors du logi­ciel mil­i­tant des radios publiques françaises.

Ern­er pose une autre ques­tion : « Dans ces con­di­tions, on a affaire à une désig­na­tion polémique et qui est tou­jours une hétéro-déter­mi­na­tion, c’est-à-dire que per­son­ne n’arrive sur le devant de la scène intel­lectuelle ou poli­tique en se désig­nant comme islamo-gauchiste ». L’invité con­firme évidemment.

Il ne vient pas à l’esprit du jour­nal­iste que per­son­ne n’arrive non plus sur la scène intel­lectuelle et poli­tique en se désig­nant comme étant à « l’extrême-droite » et que c’est aus­si tou­jours une « hétéro-déter­mi­na­tion ». Dans ce cas pré­cis, la déter­mi­na­tion polémique par autrui vient tou­jours d’adversaires poli­tiques et des médias dom­i­nants, dont France Cul­ture et Guil­laume Ern­er. Ou France Inter. C’est cepen­dant là aus­si hors logiciel.

Pour France Culture : le combat c’est contre l’extrême-droite

Les réal­ités pointées par Blan­quer au sujet de « l’islamo-gauchisme », c’est-à-dire la manière dont le mil­i­tan­tisme post-colo­nial racial­iste noir, ouverte­ment anti-Français et anti-Européen, ne sont même pas indiquées dans l’émission. C’était pour­tant ce dont par­lait le min­istre. Guil­laume Ern­er et son invité font le petit pas de côté qui per­met d’éviter le sujet, la ques­tion du poids et des dan­gers de l’islamo-gauchisme en France, en par­ti­c­uli­er dans les Uni­ver­sités et dans l’Education nationale.

L’émission donne l’occasion de point­er du doigt autre chose, ce qui serait bien plus véri­fi­able selon Ern­er et son invité : l’utilisation de ce terme par l’extrême-droite. Il n’y aurait donc pas d’islamo-gauchisme, les habi­tants des ban­lieues et les étu­di­ants autres que de gauche apprécieront, mais une inven­tion de l’extrême-droite ; ou plus pré­cisé­ment une récupéra­tion poli­tique d’un terme con­cep­tu­al­isé par Pierre-André Taguieff au début de ce siè­cle. Rien d’autre sous « l’islamo-gauchisme » ? L’islamisme n’aurait ain­si jamais béné­fi­cié de la bien­veil­lance de l’idéologie du pro­grès, idéolo­gie de la gauche libérale lib­er­taire, en France ? Une bien­veil­lance qui n’aurait pas per­mis l’installation d’un cli­mat de ter­reur islamiste dans le pays ? Finale­ment, Guil­laume Ern­er et France Cul­ture ne posent (volon­taire­ment) pas les bonnes ques­tions. Par exem­ple : de quoi par­le-t-on à chaque instant dans le débat pub­lic en France, actuelle­ment, sinon de l’islam ? Pourquoi ? Pour quelles raisons ?

Voilà une ques­tion du jour qui mérit­erait d’être posée sur France Cul­ture, s’il était du moins pos­si­ble de la pos­er sans que la réponse de ce média soit con­nue avant même la prise d’antenne : gageons que ce serait aus­si, encore, tou­jours, la faute de « l’extrême-droite ».

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