Étrange aventure que celle du quotidien « national catholique » Présent. Né par souscription en novembre 1981 sous les auspices du journaliste polémiste François Brigneau, du penseur catholique Jean Madiran, de Bernard Antony et de deux autres associés, le journal connaîtra un réel succès lors de son lancement début 1982 avec plus de 6000 abonnés. Malgré une mise en page « bizarre » (ou originale selon certains) le début des années 90 verra l’heure de gloire du quotidien qui dépasse alors les 10 000 abonnés et plusieurs milliers de ventes en kiosque.
Ce sera ensuite un long déclin, le journal perdant régulièrement plusieurs centaines d’abonnés par an (malgré des appels permanents à souscription) pour arriver à un étiage de 2000 abonnés payants début 2014 avec des ventes en kiosques résiduelles inférieures à moins de 300 exemplaires. Des ventes insuffisantes pour assurer la survie d’un journal employant 20 collaborateurs à plein temps ou à temps partiel. Un journal menacé de disparition de manière mécanique. Les fondateurs Brigneau et Madiran disparus en 2012 et 2013 c’est une équipe rajeunie qui reprend le flambeau en mars 2014 avec quelques remous compréhensibles de l’ancienne direction.
La nouvelle direction souhaite rajeunir le lectorat, introduire de nouvelles plumes, créer des partenariats extérieurs, établir une discrète mais réelle présence sur internet tout en gardant précieusement l’orientation « nationale et catholique » de la parution. Comme tout changement celui-ci est mal vécu et les « anciens » refusent les modifications des « modernes » les accusant de trahir l’héritage catholique en accueillant des « païens », des francs-maçons (!) et autres indésirables. Ces accusations ont été partiellement relayées par le site catholique Le Salon Beige.
Une lecture rapide de quelques numéros (8136,37,38,40) de juillet 2014 du quotidien ne confirme pas ces reproches. La maquette est la même, Le « Saint du Jour » est signalé dans trois numéros sur quatre, la traditionnelle dessinatrice Chard figure à chaque numéro. Un intéressant feuilleton de l’été reprend les aventures de jeunes français venus défendre la chrétienté à Beyrouth en 1976 lors de la guerre civile du Liban. Les « échos éthiques » reprennent les thèmes traditionnels des catholiques traditionalistes sur l’euthanasie et l’avortement, un « Dictionnaire du Vatican » voisine avec la reprise d’un appel aux dons de Jean Madiran et le rappel d’un héros de Dien-Bien-Phu. La dénonciation d’un possible défilé des troupes « viet-minhs » et de « drapeaux verts du FLN » lors du 14 juillet accompagne une rituelle dénonciation de Nicolas Sarkozy et des islamistes. Tous ces angles confirment la ligne « nationale catholique » du journal. Des esprits chagrins pourraient même souligner que des changements mineurs sont insuffisants pour relancer un quotidien en mauvaise posture. On a trop des doigts d’une main pour dénombrer les quotidiens clairement engagés politiquement : L’Humanité, La Marseillaise, Libération et Présent. A une heure où le pluralisme de la presse s’étiole dangereusement il serait dommage que Présent disparaisse.