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Presse d’obédience libérale : cinq Figaro à la Une

20 février 2018

Temps de lecture : 8 minutes
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Presse d’obédience libérale : cinq Figaro à la Une

Temps de lecture : 8 minutes

Le Figaro est une institution dans le monde des médias. S’il n’est pas le seul quotidien libéral, et sans doute pas le plus libéral, comparativement à L’Opinion, Le Figaro est le seul quotidien national clairement positionné à droite et libéral. Au point d’avoir été longtemps détesté par la France de gauche et considéré comme le « journal du patronat ». Sur quels thématiques titre-t-il à l’heure du libéralisme mené par un président banquier ?

Dans la semaine du 12 au 16 févri­er 2018, l’actualité du Figaro n’est pas riche seule­ment en sa pre­mière page mais aus­si en interne. Le Figaro, comme toute la presse écrite, est amené à s’adapter à l’évolution des manières de s’informer, et par­ti­c­ulière­ment à la numéri­sa­tion du monde. D’où de nou­velles annonces.

Les annonces de la semaine du groupe Le Figaro

Une dépêche AFP datée du 15 févri­er 2018 indique que « Le groupe Le Figaro, qui s’at­tend cette année à une nou­velle pro­gres­sion de son activ­ité et à des résul­tats tou­jours posi­tifs, veut dévelop­per ses abon­nements numériques tout en lançant de nou­veaux pro­jets dans le papi­er, a annon­cé à l’AFP son directeur général Marc Feuil­lée. En 2018, le chiffre d’af­faires du groupe devrait attein­dre 620 mil­lions d’eu­ros, soit une hausse de près de 13%, à la suite notam­ment des acqui­si­tions réal­isées l’an dernier du groupe de voy­ages sur mesure Mar­co Vas­co et du réseau social pro­fes­sion­nel Viadeo, a pré­cisé M. Feuil­lée. Le groupe devrait en out­re dégager un résul­tat d’ex­ploita­tion “à peu près du même ordre” qu’en 2017, où il s’est élevé à 34 mil­lions d’eu­ros, tan­dis que le résul­tat net, dont le mon­tant n’est pas dévoilé, devrait rester posi­tif ». Ces résul­tats posi­tifs s’entendent non pas au sujet du quo­ti­di­en mais de l’ensemble du groupe, inclu­ant les mag­a­zines. « Trans­for­ma­tion », « décli­nai­son des mar­ques » et « diver­si­fi­ca­tion » sont, selon M. Feuil­lée, les maîtres mots de la poli­tique économique du groupe. Poli­tique qui doit con­duire à une « rup­ture con­ven­tion­nelle col­lec­tive » en vue de la sup­pres­sion de 40 à 50 emplois « mais s’accompagnant de créa­tions d’emplois équiv­a­lentes ».

Les per­spec­tives ? « Pour l’an­née en cours, le groupe va pour­suiv­re le développe­ment des abon­nements à son offre “pre­mi­um”, 100% numérique, qui lui per­met d’af­fich­er une hausse de 0,7% de sa dif­fu­sion. Le groupe vise 100.000 abon­nés pre­mi­um l’an prochain con­tre 80.000 actuelle­ment, et pré­pare en out­re une refonte au deux­ième semes­tre de son site prin­ci­pal (lefigaro.fr), en ver­sion fixe et mobile, pour le ren­dre plus adap­té aux smart­phones. Mais il ne délaisse pas pour autant le papi­er. “Nous croyons énor­mé­ment à l’im­primé”, assure le directeur général. Ain­si, le groupe pré­pare entre autres le lance­ment en mars d’une ver­sion imprimée du Jour­nal des femmes, puis en avril d’une nou­velle maque­tte du Figaro Mag­a­zine, qui fêtera ses 40 ans. Il va égale­ment créer plusieurs nou­veaux cahiers men­su­els pour le quo­ti­di­en, dont un dédié à la high tech en col­lab­o­ra­tion avec sa fil­iale le Jour­nal du Net, un autre dédié à l’im­mo­bili­er en s’ap­puyant sur ses activ­ités dans ce domaine, et enfin un cahi­er con­sacré aux “décideurs”, en asso­ci­a­tion avec ses mar­ques Cadrem­ploi et Viadeo ».

M. Feuil­lée ne tait pas ses inquié­tudes par ailleurs, au sujet des Gafa : « Surtout, il appelle Face­book et Google à établir “un vrai dia­logue et une vraie prise en compte des besoins des médias”. Les deux groupes acca­parent “plus de 90% des recettes pub­lic­i­taires sur le mobile, où se situe la crois­sance du marché pub­lic­i­taire, et les jour­naux n’ont que des miettes, à l’heure où nous devons faire des efforts pour inve­stir dans nos con­tenus, et ce alors même que nos audi­ences numériques bat­tent des records”, déplore-t-il. “Si cette ques­tion ne trou­ve pas de solu­tion, tous les médias du monde seront en grand dan­ger”, dit-il ».

Les Unes de la semaine

Un groupe Le Figaro en pro­gres­sion, donc, et cepen­dant men­acé comme toute la presse papi­er par le tarisse­ment de la pub­lic­ité (laque­lle est pour­tant forte­ment présente dans les pages du quo­ti­di­en comme des mag­a­zines). Com­ment le quo­ti­di­en accroche-t-il ses lecteurs ?

Lun­di 12 févri­er 2018, Le Figaro titre prin­ci­pale­ment sur ses préoc­cu­pa­tions libérales en s’intéressant au rythme des réformes Macron. Glob­ale­ment, le quo­ti­di­en est en phase avec les réformes visant à dépous­siér­er l’Éducation Nationale ou à lim­iter le nom­bre de fonctionnaires.

La Une exprime cepen­dant une crainte : que la vitesse d’action entraîne une réac­tion sociale qui, une fois de plus de l’avis du Figaro, lim­it­erait ces mêmes réformes, ici jugées néces­saires. Pour l’éditorialiste, l’action du gou­verne­ment est en tant que telle indis­cutable et du reste « tout cela (…) aurait dû être réfor­mé depuis longtemps ».

Mar­di 13 févri­er 2018, Le Figaro pour­suit son analyse, et son sou­tien atten­tif, à la poli­tique du prési­dent et du gou­verne­ment, deux des titres prin­ci­paux con­cer­nant cette poli­tique, en par­ti­c­uli­er au sujet de l’Europe. Cepen­dant, le titre prin­ci­pal s’intéresse à la sit­u­a­tion de l’Irak d’après-guerre, et même d’après trois con­flits, aux­quels s’est ajouté la présence de l’EI.

Le quo­ti­di­en con­sid­ère qu’il est plus dif­fi­cile de « gag­n­er la paix », sous-enten­du dévelop­per une économie libérale, une fois la guerre rem­portée, même s’il « ne s’agit pas d’installer une démoc­ra­tie à la sué­doise dans l’ancienne Mésopotamie » mais de « deman­der aux irakiens de s’aider un peu s’ils veu­lent qu’on les sou­ti­enne ». Une demande qui n’est pas sans rap­pel­er la poli­tique inter­na­tionale voulue par le prési­dent Trump. Si un « sem­blant d’unité » ne s’impose pas, le pays ris­querait de retomber dans le chaos islamiste.

Mer­cre­di 14 févri­er, Le Figaro n’est pas influ­encé par la saint Valentin, titrant en par­tie sur la suc­ces­sion du chanteur John­ny Hal­l­i­day, suc­ces­sion venant rap­pel­er à pro­pos et aux naïfs le poids de l’argent dans les rela­tions humaines. La Une présente cepen­dant deux titres principaux.

Le quo­ti­di­en s’inquiète en sa pre­mière page, de la « hausse des vio­lences gra­tu­ites » et par­le de « dérive », sans pour autant aller jusqu’à évo­quer le pos­si­ble lien entre la poli­tique du déracin­e­ment mise en œuvre sur le ter­ri­toire nation­al et européen. Cette ques­tion des migra­tions est cepen­dant évo­quée dans le dossier en pages intérieures. Le sec­ond titre prin­ci­pal, repris dans l’éditorial, con­cerne l’absurdité con­duisant Anne Hidal­go, maire de Paris forte­ment con­testée du fait, entre autres, des con­di­tions d’hygiène, de sécu­rité et de cir­cu­la­tion de plus en plus déplorables de la cap­i­tale, à refuser une sépul­ture à l’écrivain hus­sard et académi­cien Michel Déon récem­ment décédé. Un écrivain de droite dont les cen­dres se trou­veraient sur le ter­ri­toire d’une ville qui rend par ailleurs hom­mage à… Che Gue­vara, cela ne va pas de soi pour Madame Hidal­go. Pour refuser, la mairie de Paris en appelle à « la con­sti­tu­tion et à la déc­la­ra­tion des droits de l’Homme » note l’éditorial. L’affaire est évidem­ment idéologique, l’administration indi­quant pour­tant qu’un tel refus ne peut d’argumenter que de « ques­tions tech­niques », dont « le manque de place ». Est noté le vrai fond du prob­lème : la petitesse poli­tique et humaine d’un édile qui ne sem­ble pas à la hau­teur de ses ambitions.

Jeu­di 15 févri­er 2018, l’un des titres de la Une trou­ve « sur­prenante » la relaxe de Jawad Ben­daoud, ressor­tis­sant de Seine Saint Denis con­nu pour avoir « logé » les ter­ror­istes du 13 novem­bre. Le quo­ti­di­en est sur­pris de voir une per­son­ne ayant un tel par­cours judi­ci­aire, délictueux et crim­inel, être pris au sérieux quand il pré­tend n’avoir rien à voir avec les tueur. Le prin­ci­pal titre porte cepen­dant sur la réforme du Bac­calau­réat, chantier d’envergure mené par le min­istre Blanquer.

Le Figaro insiste sur la pop­u­lar­ité et la diplo­matie du min­istre de l’Éducation Nationale, attelé à men­er des réformes plus que néces­saires pour remet­tre en ques­tion les dérives de la min­istre précé­dente. Un min­istre pop­u­laire qui est aus­si con­sid­éré comme le « dia­ble » pour cer­tains, ni plus ni moins. La « com­pé­tence » de Blan­quer est notée. Cela sem­ble se ressen­tir dans un pays dont la majeure par­tie des habi­tants ont des enfants ayant eu à subir les élu­cubra­tions idéologiques de l’Éducation Nationale.

Ven­dre­di 16 févri­er 2018, la boucle est bouclée. Dans la foulée des annonces gou­verne­men­tales Le Figaro évoque le gros titre un sujet qui risque fort de fâch­er : la pos­si­ble « fin du statut des cheminots ».

Inqui­et en début de semaine du risque de mobil­i­sa­tion sociale con­tre les réformes jugées néces­saires dans ses pages, le quo­ti­di­en insiste sur le fait que le rap­port visant à « mod­erniser » la SNCF provoque d’emblée « l’hostilité des syn­di­cats ». L’histoire récente le rap­pelle : en 1995, les cheminots n’avaient pas été pour rien dans le recul du pre­mier min­istre d’alors con­cer­nant la réforme des retraites. Le monde des cheminots a été à l’avant-garde des mou­ve­ments soci­aux du siè­cle passé. Qu’en est-il main­tenant ? L’avenir proche nous l’apprendra , au regard de la poli­tique que sem­ble vouloir men­er le gou­verne­ment vis-à-vis de la SNCF : pos­si­ble arrêt du statut des fonc­tion­naires pour les néo recrutés et avancées vers une pri­vati­sa­tion de l’entreprise ? Pour les cheminots, du moins pour leurs syn­di­cats, ce serait « une déc­la­ra­tion de guerre ». Pour le rap­por­teur, et l’éditorialiste du Figaro, il s’agit tout au con­traire de « sauver un mon­u­ment en péril (…) à l’heure de l’ouverture à la con­cur­rence européenne ».

Et aus­si, sans aucun doute, d’un « test grandeur nature » pour un gou­verne­ment auquel Le Figaro n’est pas opposé, sou­tien atten­tif et (légère­ment) cri­tique plutôt.

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