La presse écrite française face à l’attentat de New York : les mots absents ? New York et Manhattan ont été frappés par un attentat islamiste et terroriste à la voiture-bélier le 31 octobre 2017. Le bilan de cet attentat perpétré par un immigré ouzbek musulman récemment entré aux États-Unis est d’au moins 8 morts. Comment la presse écrite française a‑t-elle rendu compte de ce nouveau drame juste après l’événement ? L’OJIM a fait le tour des Unes des quotidiens. Où l’on verra que de nombreux mots employés ci-dessus sont soigneusement ou souvent évités dans la presse écrite française.
Dans Le Monde daté du 3 novembre, ce nouvel attentat apparaît bien en Une, mais de façon périphérique.
Le quotidien du soir ne pouvait pas évoquer ce crime auparavant, du fait du 1er novembre férié. Les mots de cette Une sont frappants : « Après l’attentat à la camionnette-bélier qui a tué huit personnes, mardi 31 octobre, sur une piste cyclable de Manhattan, Donald Trump et une partie de la droite radicale s’en prennent en termes très violents aux failles supposées du dispositif d’immigration américain ». La suite est du même ordre. Les mots qui n’apparaissent pas ? Entre autres : « terrorisme islamiste » ou « religion musulmane », mais aussi « président des États-Unis » au sujet de Monsieur Trump.
La Une laisse clairement supposer que l’actuel chef de l’État américain est un proche de la droite radicale et que l’événement qui vient d’avoir lieu est avant tout un attentat à l’encontre de « l’immigration diversifiée », Monsieur Trump ne cessant de « brandir le thème d’une menace extérieure, en provenance du Moyen-Orient ». Le choix du mot « thème » étonnera, si peu de temps après un attentat islamiste, tout autant que le focus mis sur une supposée orientation extrême-droitiste d’un président des États-Unis que Le Monde ne reconnaît pas comme tel. Plus qu’un attentat dans les rues de New York, c’est une offensive de Donald Trump contre l’immigration moyen-orientale qui semble avoir eu lieu le 31 octobre. Pas de fake news, c’est certain, mais une Une de cette sorte mériterait sans doute la naissance d’un « manipulo-dex ».
On retrouve la même idée manipulatoire, de façon accentuée à la Une de l’ancien journal du parti communiste néo stalinien français, L’Humanité.
Un événement secondaire. Ni islamisme, ni islam, ni tueur musulman. Pas même d’attentat mais une « attaque meurtrière ». Et des migrants victimes de Trump qui pourrait en profiter pour mener sa très méchante politique.
Libération daté du 2 novembre 2017 poursuit sa campagne de Unes accrocheuses.
Et ne minore pas le danger lié à l’État islamique, « malgré ses revers militaires et la chute annoncée du califat ». Au contraire, le quotidien libéral-libertaire dirigé par Laurent Joffrin consacre quatre pages en sus de sa Une à ce danger. Quatre pages, dont une au sujet de l’attentat de New York Manhattan du 31 octobre 2017. Si pour Libération, le danger immédiat qui pèse sur le monde n’est pas Monsieur Trump mais bel et bien l’État Islamique, les termes du chapeau de l’article consacré à cet attentat ont cependant pu étonner : « Au lendemain de l’attaque à la camionnette qui a tué huit personnes, New York oscillait entre l’effroi et la parade costumée d’Halloween. Le suspect, un Ouzbek de 29 ans, avait obtenu son titre de séjour grâce à un système de tirage au sort ». Les mots absents : « terrorisme », « islamisme », « religion musulmane », « musulman », « attentat ». Entre autres. Comme souvent, cette « attaque » a été perpétrée non par un homme, pas plus par un terroriste islamiste peut-être musulman, mais par un véhicule. Camions, voitures et camionnettes tuent beaucoup depuis quelques années. Dans la presse française. Si l’article emploie le mot « attentat » et indique que le suspect serait lié à l’État islamique, il insiste aussi sur le fait que ce même suspect serait devenu religieux « sur un coup de tête ». Rien à voir avec l’Islam. Pas d’amalgame, en toile de fond. Libération, c’est avec finesse.
Pour Le Figaro, il y a bien eu un « attentat ». Et Trump « durcit les conditions d’immigration aux États-Unis ». L’accroche de la Une fait clairement le lien entre les deux faits.
Le quotidien de droite libérale indique tout aussi clairement que le terroriste a pu perpétrer son forfait du fait de la politique d’immigration menée par les États-Unis. Le Figaro qualifie aussi cet attentat « d’attaque à caractère islamiste ». Osé, Le Figaro, quand il contrevient ainsi au vocabulaire que l’Union Européenne aimerait voir utiliser quant à ce type de faits. L’islamiste ouzbek en question ne semble cependant pas plus musulman que les autres assassins islamistes massacrant des innocents partout dans le monde. Le mot « islamiste », quand il est employé, semble devenu un mot évitant l’utilisation du mot « musulman ».
Comme Le Figaro, Le Parisien est de même un peu plus clair que ses confrères classés « à gauche ».
New York a bien été victime d’un attentat « terroriste ». Cet attentat est rapporté à celui du 11 septembre et le mot « résistant » est mis en avant, face à la violence terroriste. Les mots du Parisien sortent moins couverts que ceux de plusieurs de ses confrères. Le mot « musulman » n’est pas utilisé mais le quotidien indique que le suspect « aurait fréquenté une mosquée ».
Tel n’est pas le cas des Échos qui, lui aussi, insiste sur le fait que l’attentat « donne à Trump l’occasion de relancer la polémique sur le contrôle de l’immigration aux États-Unis ». Pour Les Échos, l’information principale concerne plutôt le comportement de Donald Trump devant les événements que ces derniers. Le quotidien note cependant que le suspect est « musulman ».
Face au terrorisme islamiste mené à l’échelle mondiale par des combattants musulmans de l’islam radical, la presse écrite française rencontre toujours de vraies difficultés quant au vocabulaire à employer, et semble avoir du mal à appeler un chat un chat et un fanatique intégriste musulman tueur de façon adéquate. Pourquoi ? À l’évidence, les directives de l’Union Européenne quant à la manière de parler des questions migratoires et du terrorisme islamiste s’installent maintenant dans les salles de rédaction. Comment une telle presse pourrait-elle être mieux classée qu’en 33e position à l’échelle mondiale concernant sa liberté ? Un bon classement pour le pays qui prétend être la patrie des droits et libertés de l’Homme ?