La proximité courante entre la presse quotidienne régionale (PQR), les associations locales et les acteurs politiques, associatifs, syndicaux, suscite des interrogations quant à l’honnêteté de l’information diffusée. Cette connivence peut entraîner une couverture médiatique qui favorise certains intérêts au détriment d’une information impartiale pour le lecteur.
Des relations étroites entre journalistes et politiques ou associatifs locaux
Les journalistes de la PQR entretiennent souvent des relations privilégiées avec les élus locaux. Cette proximité, bien que facilitant l’accès à l’information, peut conduire à une couverture biaisée des activités politiques. Selon une étude publiée dans la Revue française de science politique, les journalistes locaux peuvent être influencés par les stratégies de communication des élus, ce qui peut affecter la neutralité de leurs reportages.
Les associations locales, qu’elles soient culturelles, sportives ou caritatives, jouent un rôle central dans la vie des communes. Cependant, la couverture médiatique de leurs activités peut parfois manquer de recul critique, surtout lorsque ces associations bénéficient de subventions publiques importantes. L’absence d’investigation sur l’utilisation de ces fonds publics peut laisser le lecteur dans l’ignorance de potentielles dérives ou inefficacités.
Pourquoi cette situation persiste-t-elle ?
Les journalistes locaux, qui travaillent souvent dans des environnements restreints, établissent souvent des relations personnelles avec leurs sources, ce qui n’est pas sans conséquence. Face à la baisse des ventes et des revenus publicitaires, la PQR dépend de plus en plus des partenariats avec les collectivités locales ou les associations (sponsoring). Cette dépendance financière influence inévitablement le traitement éditorial, rendant difficile toute critique à l’encontre des financeurs. La PQR, faute de moyens et de journalistes spécialisés, peine à produire des enquêtes approfondies. Les sujets complexes, comme l’attribution des subventions ou les conflits d’intérêts, sont souvent délaissés au profit de sujets plus légers et consensuels.
Des exemples concrets de collusion
Plusieurs cas illustrent cette collusion entre médias, associations et politiques. Par exemple, à Vénissieux, des élus ont été accusés de prise illégale d’intérêts en votant des subventions pour un journal local tout en siégeant à son conseil d’administration.
De même, des événements organisés par des associations d’élus en collaboration avec des entreprises privées, comme des tournois de golf, relayés par la presse locale, ont soulevé des questions sur le mélange des genres entre intérêts publics et privés.
Sur un registre politique local, par exemple à Guingamp, un élu de la minorité politique, Gaël Roblin, certes très actif en matière de défense de l’hôpital public, ou de la langue bretonne, a bénéficié, depuis son élection en 2020, de plusieurs dizaines (la centaine doit être dépassée) d’articles de complaisance de la part des trois principaux quotidiens et hebdomadaires papiers locaux. Il n’est pas un cas isolé en Bretagne, mais bel et bien symbolique. Le rôle d’un journaliste de la PQR est-il de faire de la publicité a un élu, à une association militante, à un syndicat, ou bien est-il de rendre compte avec du recul, et surtout, avec une enquête, et des contre-poids derrière ?
Ainsi une journaliste du Télégramme qui rend compte, cette semaine, dans un article intitulé À Guingamp et Paimpol, des évènements pour favoriser l’égalité Femmes-Hommes d’une curieuse initiative de l’agglomération de Guingamp-Paimpol sur « le genre », n’explique pas à ses lecteurs, le coût de cette initiative (alors que les impôts locaux explosent dans le même secteur) ni la légitimité, pour une communauté d’agglomération, de la mettre en oeuvre. Le lecteur lui, ou bien passera rapidement à autre chose excédé par le millième article sur « le genre » dans son canard quotidien, ou bien aura une information tronquée, puisqu’expurgée du coût de cet évènement public.
Les conséquences pour le lecteur
Cette proximité entre journalistes, associations et politiques peut par ailleurs entraîner une information édulcorée, où les sujets sensibles sont évités pour ne pas froisser les relations établies. Il n’est pas rare en effet que des élus appellent tel ou tel journaliste local, en colère, par rapport à un article. A l’inverse, on peut aussi s’interroger sur les risques de copinage inhérents aux multiples invitations annuelles, ici aux galettes des rois, là à des voyages de presse, là encore à des évènements privés.
Pour garantir une information de qualité, il est essentiel que les journalistes de la PQR maintiennent une distance critique vis-à-vis des acteurs locaux. Cela implique de diversifier les sources d’information, de mener des enquêtes approfondies et de ne pas céder aux pressions politiques ou associatives, ou, tout simplement, à son propre point de vue idéologique ou militant. La transparence sur les relations entre médias et pouvoirs locaux est également cruciale pour restaurer la confiance des lecteurs, qui se retrouvent parfois idéologiquement pris en otage, puisque désireux d’être informés localement, sans pour autant subir des conflits d’intérêts ou de l’intoxication idéologique, y compris à son insu.
Les relations entre la presse quotidienne régionale, les associations, les syndicats, et les politiciens locaux pose un réel défi à l’objectivité/honnêteté de l’information. La PQR joue un rôle clé dans la vie démocratique, mais elle doit impérativement revoir ses pratiques pour regagner la confiance des lecteurs. En mettant fin aux collusions et en s’engageant pour une information rigoureuse et indépendante, elle pourra assumer pleinement son rôle de quatrième pouvoir. Pour le lecteur, cela représente l’espoir d’une information enfin fidèle à la réalité, loin des réseaux d’influence qui parasitent trop souvent le débat public. Un espoir récurrent et à suivre.