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Presse : le paradoxe algérien, plus de titres et moins de pluralisme

20 mars 2025

Temps de lecture : 4 minutes
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Presse : le paradoxe algérien, plus de titres et moins de pluralisme

Temps de lecture : 4 minutes

À l’heure où peu de gens dans le monde croient encore à l’avenir d’une presse papi­er à l’ancienne, et où les édi­teurs ten­tent par tous les moyens de s’agripper à la tran­si­tion numérique en marche, rien ne sem­ble ébran­ler cette cor­po­ra­tion en Algérie. Ni la flam­bée du prix du papi­er, ni l’explosion des réseaux soci­aux et des médias alter­nat­ifs, ni même le dur­cisse­ment de l’imprimatur.

Entre 150 et 200 titres papier !

Entre 150 et de 200 titres, tous for­mats con­fon­dus, sont imprimés jusqu’à fin 2023, selon le min­istère de la Com­mu­ni­ca­tion algéri­enne. On en comp­tait moins de 130 en 2020, ce qui mon­tre que la ten­dance est à la hausse dans ce secteur. Il y a eu une péri­ode de vach­es mai­gres entre 2014 et 2017, où 26 quo­ti­di­ens en majorité d’expression française avaient cessé de paraitre, mais la scène médi­a­tique «s’enrichit» épisodique­ment de nou­veaux titres. Le dernier en date est un quo­ti­di­en en français, La Voie d’Algérie, lancé en mai 2024.

Et la ques­tion qui se pose d’entrée : à quelle logique obéi­rait cette hyper­tro­phie dans la con­jonc­ture actuelle ? Car, non seule­ment, tous ces jour­naux-papi­er sont si peu renta­bles (la majorité tirent à moins de 5 000 exem­plaires) et con­stituent, de ce fait, un fardeau pour l’État, mais, plus encore, la mul­ti­plic­ité des titres ne reflète aucune diver­sité d’opinion réelle. Les trois ou qua­tre grands quo­ti­di­ens dits indépen­dants (El-Watan, El-Khabar, Le Soir d’Algérie…), créés à l’ouverture du mul­ti­par­tisme en 1990, et qui gar­daient encore une cer­taine lib­erté de ton jusqu’à 2020, sont tous entrés dans le giron du pouvoir.

Une presse papivore soutenue par la publicité d’État

Acca­blés de dettes, désertés par les lecteurs, ces jour­naux ne désar­ment pas pour autant. Ils comptent sur cette intariss­able manne pub­lic­i­taire qui est servie par l’Agence nationale d‘édition et de pub­lic­ité (ANEP), qui en a le mono­pole. Près de 85 % des bud­gets pub­lic­i­taires sont des­tinés à une pléthore de jour­naux sous forme d’annonces publiques. Même si, une par­tie des revenus revient à l’État (com­mis­sions, TVA et autres annexes).

Accusée d’alimenter une presse aus­si médiocre que glou­tonne, cette agence avait, en 2020, promis de faire le tri, et com­mencé à ren­dre publique la liste des édi­teurs qui s’étaient sucrés. Son directeur de l’époque, Lar­bi Ouan­noughi, a été vite relevé de ses fonctions.

Nouvelle loi en 2023

Les patrons de la presse écrite se sont une nou­velle fois sen­tis men­acés, lorsqu’une nou­velle loi de l’information a été adop­tée, en 2023. Celle-ci autori­sait, pour la pre­mière fois, l’octroi d’une part de la pub­lic­ité insti­tu­tion­nelle, qui demeure la prin­ci­pale source de survie des médias en Algérie, aux jour­naux en lignes qui mon­trent pattes blanch­es. Or, seule une poignée de sites d’infos en béné­fi­cient. Ce qui redonne encore de l’espoir à cette presse papivore.

Signe que la tran­si­tion numérique en Algérie pié­tine : 5% de citoyens seule­ment paient pour l’info en ligne (con­tre une moyenne de 21 % en Europe), selon l’Office algérien de la presse (ONP). Sachant que, d’après un rap­port d’Ipsos Algérie de 2023, 78 % des moins de 30 ans s’informent sur Face­book et YouTube.

Une transition numérique en panne

L’absence d’un mod­èle économique n’est pas l’unique rai­son de ce mau­vais départ de la presse élec­tron­ique en Algérie. Les pro­fes­sion­nels pointent l’absence d’un cadre juridique clair et se plaig­nent notam­ment d’un texte, le décret 20–2017, oblig­eant les médias en ligne à s’enregistrer sous peine de blocage. Il y a aus­si le prob­lème de péné­tra­tion d’Internet, estimée à 63%, en plus d’une fis­cal­ité jugée puni­tive : l’État impose 19 % de TVA sur les régies pub­lic­i­taires numériques, con­tre des exemp­tions pour le papier.

Financement participatif

Cela dit, cer­tains jour­naux en ligne sur­vivent grâce au finance­ment par­tic­i­patif (appelé aus­si crowd­fund­ing) ou à la pub­lic­ité inter­na­tionale, comme TSA ou Maghreb Emer­gent, exclus depuis longtemps des fonds publics. Ce dernier fait par­tie d’un groupe médi­a­tique qui comp­tait Radio M, inter­dite en 2023 et son directeur, Ihsane El-Kadi, con­damné à cinq ans de prison, et libéré en 2024, à la faveur d’une mesure de grâce présidentielle.

Sites sur VPN seulement

En plus des con­tin­gences finan­cières, les édi­teurs et les jour­nal­istes de la presse en ligne voient leur marge de lib­erté de plus en plus réduite. De nom­breux sites demeurent inac­ces­si­bles à ce jour sans VPN, à l’image de TSA, Algeriepa­tri­o­tique, Le Matin, ain­si que des sites pro­scrits depuis longtemps par les autorités comme Siwel et Tamurt, organes du Mou­ve­ment pour l’autonomie de Kabylie (MAK), sans compter la qua­si-total­ité de la presse maro­caine, accusée de nour­rir l’hostilité envers l’Algérie.

Adel F.

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