Accusant sa direction d’avoir minimisé l’affaire SwissLeaks pour des raisons publicitaires, Peter Oborne, éditorialiste en chef du Daily Telegraph, a présenté sa démission.
Ce journaliste vedette du quotidien britannique n’hésite pas à accuser ses supérieurs de « tromperie envers les lecteurs », critiquant la couverture timide qui a été faite de l’affaire SwissLeaks. Comme beaucoup de titres de presse, le Daily Telegraph abrite en effet dans ses colonnes des publicités pour la banque HSBC, acteur du scandale, qui détient ainsi un moyen de pression redoutable.
Selon Oborne, la direction aurait fait supprimer des articles concernant la banque et aurait réduit au minimum son traitement de l’affaire pour ne pas offenser cet annonceur important.
Dans une lettre ouverte publiée par le site OpenDemocracy, Peter Oborne estime que son journal a fait le choix « terrible » de « placer ce qu’il perçoit comme les intérêts d’une grande banque internationale au-dessus de son devoir d’informer les lecteurs ». Désormais, le journaliste qui assure parler au nom de « la grande majorité » de la profession, réclame une enquête indépendante sur cette affaire.
Et celui-ci de rappeler que cette retenue ne date pas d’hier. En 2013, le Telegraph avait publié des informations sur les comptes HSBC offshore de personnalités à Jersey, ce qui avait conduit la banque à supprimer ses annonces. « Reconquérir le budget publicitaire de HSBC était devenu une priorité urgente », explique le journaliste, qui raconte que les articles liés aux évasions fiscales avaient alors cessé.
Oborne ajoute que son journal avait agi de la même manière par rapport au croisiériste Cunard, annonceur important qui aurait été ménagé.
Depuis l’an dernier, date à laquelle le très respecté rédacteur en chef Tony Gallager avait été licencié et remplacé par un américain, la qualité éditoriale de ce quotidien tiré à environ 500 000 exemplaires fait débat. Les journalistes dénoncent depuis une mutation numérique à marche forcée, dominée par « la culture du clic » et du buzz.
Pour en revenir à l’affaire SwissLeaks, le directeur général de la banque HSBC vient, semble-t-il, de donner raison à l’éditorialiste frondeur du Telegraph. Lors de la présentation des résultats annuels de son groupe, celui-ci a confirmé que ses services s’évertuaient à retirer les publicités des journaux ayant fait une « couverture hostile » de l’affaire. « Nous avons recours à la publicité pour vendre plus de produits bancaires. Et ça ne fait aucun sens de placer une publicité à côté d’une couverture journalistique hostile », a‑t-il déclaré. De quoi, en effet, faire réfléchir les directions des titres qui dépendent largement de leurs annonceurs…
« Si vous lisez en pages 4 et 5 que HSBC est une mauvaise entreprise, c’est peu probable que vous allez vous dire une page plus loin ‘et si j’allais prendre un crédit immobilier chez eux’. C’est du bon sens, c’est le business qui veut ça », a pour sa part confirmé Stuart Gulliver, de HSBC. Le Guardian, en première ligne dans les révélations de l’affaire SwissLeaks, vient justement d’annoncer que la banque britannique avait « suspendu » ses investissements publicitaires dans ses colonnes.
Please support the fundraising appeal of openDemocracy, which published my article about the Telegraph: https://t.co/JnsnNID6f2
— Peter Oborne (@OborneTweets) 19 Février 2015
@WilliamKBlack lucky such unethical behavior never happens in US media
http://t.co/pnHtgz3sae
or OUR valiant reporters would resign too! 🙁
— Roger G Erickson (@rgeOps) 20 Février 2015