Le cas Presstalis est un caillou dans la chaussure des éditeurs de presse et des pouvoirs publics depuis des dizaines d’années. Et un cauchemar permanent pour les éditeurs qui utilisent les services du distributeur de presse. Après que la CGT du Livre ait vécu somptueusement sur la bête, après un fonctionnement erratique, des plans sociaux coûteux à tout va, des aides continues de l’État, les échéances semblent se rapprocher.
Départ de l’ancienne PDG
Dominique Benbunan est revenue à l’automne 2019 à ses premières amours chez Editis après deux petites années chez le distributeur de presse. Après des comptes 2018 refusés, des aides de l’État supérieures à 100M€, les besoins en trésorerie se font pressants. Avec des intérêts divergents, entre les gros éditeurs de quotidiens, les éditeurs de magazines et la piétaille rançonnée des petits éditeurs. La société ne règle plus l’URSSAF depuis des mois et n’est pas en mesure de rembourser les échéances de ses prêts.
Le tout sur fond de conflit entre les magazines et les quotidiens. Les magazines – qui ont permis l’élection de Dominique Bernard le nouveau PDG – estiment qu’ils servent depuis trop longtemps de vache à lait aux quotidiens.
Trois hypothèses
La première solution, c’est remettre au pot. Par l’État qui pourrait abandonner des créances qu’il ne récupèrera jamais et mettre de nouveau un peu de trésorerie pour couvrir la transition. Les grands éditeurs mettraient la main à la poche, les petits (ceux qui ont une VMF (vente au montant fort) inférieure à 3M€ en seraient exemptés. Problème, les besoins se montent à plusieurs centaines de millions pour assurer une partie du passif, entamer un nouveau plan de licenciement et restructurer sérieusement l’entreprise. Et Bruxelles ne verrait pas d’un bon œil l’abandon de certaines créances ou de nouvelles aides des pouvoirs publics.
Deuxième solution, le règlement judiciaire. Avec une révolte garantie de la CGT. Les indemnités de licenciement seraient couvertes par les AGS mais avec des montants sans doute considérablement inférieurs à ceux auxquels le syndicat a été habitué, les indemnités conventionnelles de licenciement (ICL) ont toujours été jusqu’ici grasses et plantureuses.
Troisième solution, un peu une variante plus rapide de la deuxième, la liquidation immédiate appuyée sur un nouveau projet d’entreprise, avec le même problème social que ci-dessus.
Dans les hypothèses 2 et 3, MLP (Messageries Lyonnaises de Presse), le concurrent du secteur privé, pourrait reprendre assez vite le service de distribution physique de la presse magazine, mais avec certains risques d’indigestion devant cet afflux, notamment sur le plan informatique. La PQR pourrait de son côté reprendre la diffusion des quotidiens, régionaux comme nationaux. Autre solution possible, la montée en puissance de Proximy, société de distribution du groupe Arnault Le Parisien/ Les Echos pour distribuer les quotidiens. Mais que deviendraient les diffuseurs intermédiaires et les créances qu’ils détiennent ? Sans compter la perte de l’encours des éditeurs chez Presstalis, perte qui pourrait obliger les plus fragiles à mettre la clé sous la porte. Tic-tac, tic-tac, l’horloge avance inexorablement. L’ARCEP (autorité de tutelle) et le Ministère de la culture qui suit le dossier, font le gros dos, espérant que l’explosion ne se produise pas avant les élections municipales du printemps. Tic-tac.