Le long, le très long feuilleton de l’agonie de Presstalis touche (presque) à sa fin. La majorité des magazines – spoliés depuis de longues années par les quotidiens – ont refusé de s’associer au plan proposé par ces derniers et la CGT relance l’offensive.
Je t’aime, moi non plus
Les quotidiens voulaient que les magazines continuent de payer pour eux. Les deux plus gros éditeurs de magazines, Prisma et Reworld Media ont déjà dit non ; d’autres magazines hésitent dont ceux du groupe de Daniel Křetínský (Elle, Marianne, Télé 7 jours) ; les petits éditeurs (qui font moins de 5M€ de chiffre d’affaires) pourront rejoindre les MLP (Messageries lyonnaises de presse) donnant satisfaction en partie à leur syndicat la SAEP.
Résultat des courses les quotidiens nationaux (Le Monde, Le Figaro, L’Équipe, Les Échos, Libération, La Croix, L’Humanité) décident de courir seuls tout en continuant à appeler les magazines à les rejoindre et déposent un projet de continuation d’activité au tribunal de commerce, appelé à se prononcer le 15 mai.
245 emplois sur 900 préservés
Si le projet de Louis Dreyfus préserve plus de la moitié des emplois du siège et de la plateforme très syndiquée de Bobigny, il ne prévoit pas de reprendre les quelques 500 salariés de la Société d’agence et de diffusion (SAD). Ces centres de diffusion vers la province seraient soit repris un par un par de nouveaux entrants ou ces derniers en créeraient de nouveaux avec certains anciens salariés.
La CGT – largement responsable (mais pas toute seule) de la déconfiture de Presstalis — a trouvé la solution : perturber l’impression et la distribution de certains quotidiens et magazines les 12 et 13 mai en particulier à Marseille et Lyon. D’autres mouvements sont à prévoir dans les jours et semaines à venir.
Un pansement de grand luxe sur une jambe de bois
L’Etat continue de panser les plaies. Le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a déjà fait remettre au pot via le trésor public. 17M€ en avance sur les aides directes de juin, plus 16M€ dus aux kiosquiers, plus un prêt de 35M€ (une certitude, ce prêt ne sera jamais remboursé) pour les prochaines semaines, plus encore 80M€ annoncés mélanges de prêts et de subventions pour soutenir le projet de Louis Dreyfus. L’addition totale doit dépasser maintenant les 600M€…
Et ce pour un résultat très incertain. Interrogé par l’AFP, le président par intérim de Presstalis, Cédric Dujardin a déjà exprimé son scepticisme : « Je ne vois pas comment faire un plan pérenne dans une industrie avec un marché qui dégringole de 15% par an. Il ne faut pas se faire de films… Beaucoup de décisions n’ont pas été prises car elles n’arrangeaient personne et à un moment on arrive au pied du mur. On m’a appelé pour passer le mur et prendre les décisions désagréables ». Un pari ? D’autres subventions pour la distribution des quotidiens jusqu’au moment où leur distribution sera essentiellement digitale, où la distribution physique deviendra marginale et se fera par portage, entraînant la mort des kiosquiers ou leur transformation en distributeurs de magazines, bonbons, parapluies, préservatifs et fanfreluches.