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Privatisation de l’audiovisuel public : la grande peur des bien-pensants du monde médiatique

5 juillet 2024

Temps de lecture : 4 minutes
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Privatisation de l’audiovisuel public : la grande peur des bien-pensants du monde médiatique

Temps de lecture : 4 minutes

Le succès soudain du Rassemblement national a suscité l’ire du monde médiatique, qui se sent notamment menacé par le projet de privatisation de l’audiovisuel public proposé par le groupe politique.

« Vrai­ment […] il faut garder son sang-froid. Et si ça devait arriv­er, qu’est-ce que je veux dire ? On va se bat­tre ». Au micro de Quo­ti­di­en, Adèle Van Reeth l’assure : la pri­vati­sa­tion de l’audiovisuel pub­lic ne passera pas sans batailles. Au lende­main de la dis­so­lu­tion de l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024, la per­spec­tive d’un poten­tiel gou­verne­ment dirigé par Jor­dan Bardel­la, prési­dent du Rassem­ble­ment nation­al, est une hypothèse envis­agée non sans crainte par les acteurs de cette branche. Et pour cause : la pri­vati­sa­tion de l’audiovisuel appa­raît claire­ment dans le pro­gramme du groupe poli­tique, qui ne sem­ble pas être revenu sur sa proposition.

Privatisation : le calendrier et ses effets

Pour Sébastien Chenu, porte-parole du Rassem­ble­ment nation­al, « la pri­vati­sa­tion du ser­vice pub­lic de l’audiovisuel, c’est 3 mil­liards d’euros d’économies ». Le par­ti avait autre­fois légitimé sa propo­si­tion en soulig­nant qu’il per­me­t­trait à l’audiovisuel pub­lic de faire face à des plate­formes puis­santes comme Net­flix. Se dis­ant attaché à la « lib­erté de la presse », Jor­dan Bardel­la a con­fir­mé cette mesure qu’il perçoit comme un « objec­tif » mais dont il annonce qu’elle sera sans doute mise en place dans un sec­ond temps, « le temps des réformes ». Il con­tred­it ain­si Sébastien Chenu, qui soulig­nait le 10 juin sur BFMTV qu’une telle dis­po­si­tion pour­rait être dégainée rapidement.

La faisabilité du projet

La fais­abil­ité du pro­jet ne sem­ble pas com­pro­mise en soi ; elle entraîn­erait néces­saire­ment un ren­force­ment de la main­mise des groupes privés sur le secteur et con­di­tion­nerait donc la plu­ral­ité des lignes édi­to­ri­ales auxdits groupes. En ce sens, elle pour­rait être le moteur du plu­ral­isme comme de l’unilatéralité des points de vue, les investis­seurs privés n’opérant pas (au regard de la san­té finan­cière du domaine) dans une per­spec­tive mer­can­tile. En cela, cette mesure s’inscrit plutôt en cohérence avec les propo­si­tions du Rassem­ble­ment Nation­al, qui a pro­posé par l’intermédiaire du député Philippe Bal­lard de sup­primer la lim­ite de pos­ses­sion à sept chaînes d’un groupe privé.

Une opposition de Bruxelles ?

L’European Media Free­dom Act, adop­té le 14 mars 2024, ne devrait pas non plus con­stituer une bar­rière majeure con­tre cette mesure puisqu’il n’interdit pas la pri­vati­sa­tion des chaînes publiques de manière lit­térale. Néan­moins, comme l’a souligné le jour­nal Mar­i­anne, la place don­née à l’audiovisuel pub­lic dans le texte, exal­tant « l’importance de la télévi­sion publique qui vise à sat­is­faire les besoins démoc­ra­tiques, cul­turels et soci­aux de chaque société et préserve le plu­ral­isme », laisse peu de doutes sur la réac­tion de l’UE en cas de pri­vati­sa­tion ; une instruc­tion serait ouverte à l’encontre de la France pour man­que­ment si le gou­verne­ment venait à sup­primer ou réduire ce ser­vice pub­lic. Remar­quons que les autorités de Brux­elles n’ont pas fré­mi quand l’extrême-centre polon­ais de Don­ald Tusk a fait main basse sur l’audiovisuel pub­lic en Pologne (voir ci-dessous).

Voir aus­si : Pologne : après leur putsch con­tre les médias publics, les libéraux pro-UE s’attaquent à l’autorité de surveillance

Des dossiers qui demeurent

En l’absence de majorité absolue, la pri­vati­sa­tion de l’audiovisuel pub­lic n’adviendrait pas, les autres par­tis étant large­ment favor­ables à son main­tien. Pour autant, plusieurs ques­tions se posent face à l’absence de majorité du groupe prési­den­tiel : qu’adviendra-t-il du pro­jet de fusion visant à la cen­tral­i­sa­tion de l’audiovisuel pub­lic, ini­tiée dès l’arrivée au min­istère de la Cul­ture de Rachi­da Dati ? Com­ment com­penser la perte de recettes induite par la fin du paiement de la rede­vance, jusqu’alors con­sti­tu­tion­nelle­ment garantie par la mise en place­ment d’un finance­ment par frac­tions de la TVA, dont l’expérimentation doit cess­er en décem­bre prochain ? Des ques­tions aux­quels sem­blent peu pressées de répon­dre les dif­férentes for­ma­tions poli­tiques dans la course aux législatives…

Voir aus­si : Les cul­tureux con­tre le RN, les médias mobil­isés pour préserv­er les subventions

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