L’élément central de ce dernier jour est la fixation du jugement au 4 janvier 2021 par la juge Vanessa Baraitser. Un délai suffisamment long pour espérer (sans en être certain) que la campagne électorale présidentielle américaine soit déjà un peu loin dans le temps et que le nouveau président soit clairement désigné.
Pour la défense, le professeur Michael Tigar juriste de la Duke Law School a tenté de montrer que l’inculpation d’Assange constitue un abus de pouvoir identique à l’affaire des Pentagon Papers en 1973 qui avait vu l’incarcération puis la libération de son principal divulgateur Daniel Ellsberg (ce dernier a d’ailleurs témoigné pour la défense).
Pour rappel les « plombiers de l’administration Nixon se sont introduits dans les bureaux du psychiatre d’Ellsberg pour voler ses dossiers médicaux et Ellsberg a été mis sur écoutes de manière illégale. Un processus qui ressemble étrangement à l’intrusion de la CIA via la société espagnole UC Global pour espionner Assange, ses avocats, ses médecins et les journalistes qui venaient le visiter à l’ambassade équatorienne à Londres. Sans parler des possible projets d’enlèvement ou d’empoisonnement. L’affaire s’est conclue par une procédure d’impeachment contre Nixon et sa démission.
Si la juge décidait de retenir ce témoignage et celui d’Ellsberg, ces éléments pourraient être suffisants pour libérer Assange, au-delà du problème épineux du conflit hautement politique entre liberté de la presse et protection des agents de l’État.
« C’est essentiellement la même situation qui a mis fin à mon affaire et qui a conduit à la demande d’impeachment de Nixon et à sa démission », a déclaré Ellsberg dans un courriel. « En d’autres termes, Julian peut, par miracle, être libéré sur cette base (éventuellement), tout comme je l’ai été ! »
Si Baraitser décidait de ne pas extrader Assange, ce serait très probablement en raison de cet abus de pouvoir à son encontre, ou en raison de sa santé physique et mentale face à un système carcéral américain particulièrement violent. De toute façon, cela pourrait éviter la question hautement politique du conflit entre espionnage et liberté de la presse.
Le témoignage lu au tribunal par l’avocat d’Assange, Gareth Pierce, celui-ci a expliqué comment les avocats d’Assange ressentent encore maintenant de « l’angoisse » et de la « peur » à l’idée d’être surveillés. Son témoignage a également soulevé la question des effets personnels d’Assange à l’ambassade, y compris les clés USB et les documents juridiques, qui ont été mis dans une valise diplomatique et envoyés en Équateur et de là, aux États-Unis. WikiLeaks n’a été en mesure d’en récupérer aucun.
Baraister exclut Barr
La juge Baraitser a déclaré dès le début que, dans l’intérêt d’une audience rapide, elle écouterait tout et déciderait de la recevabilité des preuves après la fin de l’audience. Le gouvernement a déclaré que les preuves d’espionnage à l’ambassade étaient « inutiles », une affirmation très discutable, mais Baraitser pourrait être d’accord avec une telle affirmation.
Mais jeudi, elle a pris la décision de rejeter une nouvelle preuve que la défense a tenté de produire : une déclaration du procureur général américain William Barr, faite le 15 septembre, dans laquelle il a déclaré que l’exécutif dispose d’une « latitude pratiquement incontrôlée » sur la question de savoir qui poursuivre. « L’exécutif dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer quand poursuivre », a‑t-il déclaré.
La défense a voulu produire cette preuve pour renforcer son argumentation selon laquelle les poursuites contre Assange sont politiques, ce qui lui interdit d’être envoyé aux États-Unis en vertu du traité d’extradition entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Les affirmations de Barr font sauter la soi-disant « muraille de Chine » qui sépare la Maison Blanche du ministère de la Justice pour empêcher la politisation de la loi.
Baraitser a retenu l’objection de l’accusation et a exclu la preuve représentée par la déclaration de Barr.
Plaidoiries finales
La plaidoirie de la défense sera présentée le 16 novembre, et celle de l’accusation deux semaines plus tard. L’équipe de la défense a déclaré que sa plaidoirie finale couvrira trois domaines :
- Une motivation politique. Cela peut inclure des poursuites sélectives, car Assange est poursuivi pour exactement les mêmes publications que celles du New York Times, du Guardian, d’autres partenaires médiatiques ainsi que Cryptome, qui a publié les noms des informateurs avant Assange, et pourtant seul Assange a été inculpé. Le témoignage de Cassandra Fairbanks selon lequel le président Donald Trump a lui même ordonné l’arrestation d’Assange, et les idées générales de Barr selon lesquelles le président décide des poursuites, plaident également en faveur de la qualification de poursuites politiques.
- Un abus de pouvoir. Cela ressort clairement des dépositions anonymes des deux anciens témoins de l’UC Global.
- Un traitement cruel et inhumain en cas d’extradition. Les antécédents médicaux d’Assange ajoutés à l’état des prisons américaines, équivaudraient selon la défense, à de la cruauté s’il était extradé.
Source (en anglais) : Consortium News