Dans la semaine du 4 au 9 novembre, l’hebdomadaire L’Express a proposé un déboulonnage édifiant du soldat Plenel, malencontreusement rattrapé par la patrouille pour de multiples délits médiatiques et militants. Dont sa proximité avec l’islamiste Ramadan. Plus habitué à mettre tout ce qui ne pense pas comme lui à l’index, Plenel est tout sourire en couverture. Pourtant, le tour de piste de l’hebdomadaire nous donne à voir un homme plus militant que journaliste, égaré dans les confusions d’une gauche perdue du côté du mythe d’un « racisme d’État ».
Après avoir sévi de longues années comme délateur et procureur en chef au sein de divers médias, le fondateur et patron de Médiapart Edwy Plenel a été convoqué par ce même tribunal qu’il a pourtant tellement contribué à mettre en place. Il y a un peu de Danton dans ce Plenel visé par ses propres méthodes. Sauf que dans son cas, il n’y a pas de manipulation ni de truquage de la réalité, l’Observatoire du journalisme le montrait il y a peu dans un article intitulé Les racines du mâle ! Érection de moustache en Une de Charlie hebdo ! Les accointances de Plenel avec Tariq Ramadan sont un secret de polichinelle, ainsi que sa complaisance coupable à l’égard de l’islamisme. Une complaisance qui irrigue tout Médiapart. Les propos de la co-présidente de la Société des journalistes de Médiapart considérant que « l’islamisme n’est pas en soi une chose grave » montrant pour qui en doutait encore combien ce média et ses milieux proches font dans la confusion intellectuelle entre une religion, l’Islam, et une visée politique totalisante, l’islamisme. Confusion qui paraît de nature à expliquer la complaisance coupable de l’ensemble de ce média, à commencer par son patron Plenel, à l’égard d’un Tariq Ramadan soupçonné de plusieurs viols. Une double affaire qui obtient parfois un écho au-delà de l’hexagone, ainsi dans The New Yorker du 20 novembre 2017. Lire les témoignages publiés au sujet de Ramadan par Marianne est effrayant. Sur la couverture de L’Express, l’accroche au sujet des adolescentes qui se prostituent sous la forme d’escort-girls à seize ans prend du coup une saveur peu ragoutante.
Edwy Plenel à la campagne ? Flops en stocks !
Dans son édition datée du 6 au 12 décembre 2017, L’Express titre donc sur « Edwy Plenel fondateur de Médiapart. L’homme qui divise la France. Il cristallise le débat. On l’adore ou on le déteste. Le succès Médiapart ».
Un essai de récupération du buzz médiatique sans doute bien tenté, quoi qu’à retardement, mais qui fait en partie flop : deux décès sont passés par là, d’Ormesson et Halliday. Et comme le président de la République, soucieux de soigner sa popularité au sein du peuple de France comme des élites, s’en est mêlé… Sans compter que si Plenel divise la France, c’est surtout au sein des rédactions parisiennes et de la gauche sous ses diverses formes. Ailleurs, dans la France réelle et périphérique, le patron de Médiapart est mal connu. Témoignages sur le vif dans les rues de Condé-sur-Noireau (14) lors du marché de la semaine : « C’est qui ? Un musicien de Johnny ? » ; « Oui, je le connais c’est le dernier Goncourt… sur les nazis » ; « Médiapart ? Non, je ne vais jamais sur le site, je préfère éviter les sites complotistes » ; « Plenel ? C’est pas le copain de Dieudonné ? » ; « Mais oui… C’est le pote à Ramadan. Il lutte contre les islamophobes » ; « une fois, je l’ai entendu chanter à la fête de l’Huma je crois ». Une tentative plus précise, chez un buraliste et vendeur de presse rend compte de l’écart entre une partie de Paris et le reste de la France. Interrogé au sujet de Plenel par notre journaliste déguisé en client lambda, la réponse qui vient est celle-ci : « Médiapart ? Je sais que ça existe mais je ne le vends pas. Personne ne le lit ici ». Puis : « Les dernières Unes de Charlie hebdo ? Je sais pas. J’en ai vendu un je crois, mais j’ai pas regardé. Vous êtes parisien non ? ». Pourtant sa moustache trône bel et bien en couverture de L’Express, même si le numéro est caché derrière les nombreuses couvertures consacrées à d’Ormesson et Halliday. Force est de constater que le militant médiatique et politique « défenseur » invétéré du peuple gagnerait à s’en rapprocher.
Edwy Plenel dans L’Express ?
Que dit-on de Plenel dans les pages de ce numéro de L’express ? Que son affrontement avec Charlie hebdo ne serait pas un « simple affrontement politico-médiatique » mais traduirait « un débat qui traverse toute la société ». De quel débat s’agit-il ? Moqué par un journal satirique, l’ego moustachu de Plenel n’a pas accepté d’être objet d’humour. Normal, selon L’Express ce garçon passerait pour être un « monstre sacré » de la presse. Espérons que des obsèques nationales nous seront épargnées le jour où le fondateur de Médiapart rejoindra Allah. Plenel se pensant attaqué par Charlie hebdo réplique en déclarant sur Franceinfo que le journal des victimes des attentats islamistes ferait partie d’un conglomérat d’islamophobes réunissant l’extrême droite, la droite et une gauche « égarée », dont Charlie, qui serait obsédé par sa supposée volonté de faire « la guerre aux musulmans ». Plenel a mis un peu de temps à reconnaître avoir prononcé des mots aussi ubuesques en direct à la radio, puis a dû faire amende honorable – tout un chacun ayant pu entendre son interview. Il est devenu difficile d’effacer la réalité des photographies ou des enregistrements. Internet surveille. L’édito d’Anne Rosencher indique la raison d’être du dossier qu’elle consacre à Plenel.
« Dr Edwy, Mr Plenel », un long article de Jérôme Dupuis vient ensuite rappeler le parcours du quidam. L’article montre combien il importe à Plenel d’être sur le devant de la scène, mais aussi l’indéniable réussite de Médiapart, « site d’investigation » payant qui vivrait de ses abonnés. Dupuis raconte ensuite la vie de Plenel, du militantisme d’extrême gauche communiste et trotskyste au journalisme militant d’investigation, avec ses réussites (le Rainbow Warrior) autant que ses scoops « bidons » (l’affirmation selon laquelle le parti socialiste était financé par le Panama du général Noriega). Au sujet de la période où le patron de Médiapart dirigeait la rédaction du Monde, Jérôme Dupuis a quelques formules talentueuses : « Il est le maître du Monde. Prônant déjà inlassablement une conception janséniste du journalisme » tout en n’omettant pas le goût de Plenel pour « les rapports de police ». Il n’oublie pas non plus de citer l’excellente enquête de Pierre Péan et Philippe Cohen, La face cachée du Monde, qui discrédita les pratiques du Monde et de son réacteur en chef, pratiques souvent déontologiquement douteuses. Plenel a dû quitter Le Monde, il a emporté ses pratiques ailleurs. Cela s’appelle Médiapart. Un encadré ne manque pas de sel.
Quelles pratiques ? Jérôme Dupuis :
“Pour mettre son site sur orbite, le fondateur de Médiapart a parfois recours à des méthodes étonnantes. Le 13 décembre 2007, Ségolène Royal envoie un e‑mail à tous les membres de son mouvement politique, Désirs d’avenir : “Je vous invite à donner sa chance à Médipart en vous abonnant. Merci de ce geste militant.” Qu’aurait dit le héraut de l’indépendance de la presse si Nicolas Sarkozy avait utilisé le fichier de l’UMP afin de recruter des abonnés pour un site d’information « indépendant » ?”
Le journaliste conclut en laissant entendre une probabilité : Edwy Plenel est avant tout mené par son ego. Le dossier se prolonge avec un article sur la « guerre » entre Valls et Plenel, puis un entretien avec Benjamin Stora qui « connaît bien le fondateur de Médiapart ». Pour l’historien, Plenel « a toujours été contre tous les racismes ». Stora endosse le costume de l’avocat de Plenel. Celui de l’accusateur est confié à Pierre-André Taguieff pour qui Plenel « n’explique pas, il prêche et dénonce ». Taguieff « fut ami avec Plenel avant de prendre ses distances ». Il est vrai que le politologue s’est retrouvé à la Une du Monde de Plenel, dans le cadre de ce qu’il décrit ainsi :
“Au tout début des années 80, il se passionnait pour tout ce qui était trouble, tordu et dissimulé, tout ce qui pouvait ressembler à des affaires”. En 1983, il a commencé à s’intéresser à l’extrême droite, qu’il découvrait à travers des sources policières et les articles que je publiais dans de petites revues. Et, très vite, il s’est mis à pointer un doigt accusateur sur tous ceux qui, selon lui, flirtaient avec l’extrême droite ou “faisaient son jeu”. Car il en était sûr, le fascisme frappait à la porte. Il se comportait déjà en halluciné des arrière-mondes fascistoïdes. Le devoir moral du journaliste était pour lui de dévoiler, de révéler et de dénoncer, avec des procédés de délation publique, tous les individus qu’il suspectait de complaisance envers la Bête. Muni de sa théorie de la “chaîne des aveugles”, il se vouait à repérer autour de lui une multitude de délinquants idéologiques, notamment chez les intellectuels. C’est ainsi que, dans son champ de vision, les fascistes présumés ou potentiels se sont multipliés.”
Aux yeux de Taguieff, Plenel est un fanatique mu par un « désir d’épuration ». Et « le fanatisme fanatise ». Dès lors, quoi de surprenant dans les liaisons dangereuses du patron de Médiapart ? Rien, au fond. L’éternelle histoire des collabos ?
Pour compléter cet article
Edwy Plenel, du trotskisme à l’antiracisme (portrait vidéo)