La 36e semaine de la presse et des médias dans l’école s’est déroulée partout en France du 24 au 29 mars 2025.
Annuelle, cette manifestation est organisée par le CLEMI, « centre pour l’éducation aux médias et à l’information ». Le tout mené sous l’égide du Ministère de l’Éducation nationale. Le CLEMI et sa semaine de la presse et des médias sont l’outil d’apprentissage du penser correctement avec les « bons » médias dès le plus jeune âge. Car la propagande n’attend pas le nombre des années.
À quoi sert le CLEMI ?
À trouver les bonnes informations dans les « bons » médias, ceux qui pensent dans le bon sens. Un organisme d’encadrement de la jeunesse scolarisée. Sa mission officielle ? « Le CLEMI est chargé de l’éducation aux médias et à l’information dans l’ensemble du système éducatif français », est-il écrit sur son site. Ainsi, la façon dont nos enfants doivent apprendre à s’informer et où, est centralisée par un organisme d’État. Cette éducation dépend du CLEMI à l’occasion de la semaine de la presse et des médias, bien sûr, mais aussi pour n’importe quelle initiative à n’importe quel autre moment de l’année scolaire. De même, le CLEMI est l’organisme référent pour l’éducation aux médias dans les manuels scolaires. C’est donc vers lui que les auteurs de ces manuels doivent se tourner afin d’être abreuvés de la bonne parole.
Voir aussi : De la propagande dans l’Éducation nationale
Formations bien pensantes
L’organisme propose des ressources, favorise et aide à la mise en œuvre de médias dans les établissements scolaires et propose des formations. Ces dernières sont une dizaine. L’une de ces formations attire l’œil : « Les désordres de l’information : comment les aborder avec les élèves ? ». Une formation de trois heures qui porte sur : « Désinformation, fausses nouvelles, théories du complot… Des termes devenus courants et qui sont autant de symptômes des désordres de l’information auxquels la société est confrontée. Ce parcours d’éducation aux médias et à l’information a pour vocation de vous permettre d’être mieux armés afin d’identifier ces désordres, les comprendre et, au final, ne pas en être victimes, pour ensuite transférer ces compétences aux élèves. »
Un enseignant bien-pensant est donc un enseignant qui enseigne correctement la bien pensance à ses élèves. À l’issue du parcours de formation, selon le CLEMI, cet enseignant sera capable « d’identifier les différents désordres de l’information et de les hiérarchiser, de comprendre comment fonctionnent les différents mécanismes de vérification de l’information, de mettre en place des séances autour de cette thématique dans votre classe ».
Car l’objectif est avant tout pratique. Il s’agit finalement de formater les esprits dans les classes, par des activités comme celle de l’action phare du CLEMI : la semaine de la presse et des médias à l’école.
Le thème de la semaine 2025 ? Où est l’info ?
Sur son site, le CLEMI rappelle les raisons d’être de la semaine de la presse et des médias dans l’école :
Première action éducative en nombre de participants, la Semaine de la presse et des médias dans l’École a pour objectif d’accompagner les élèves, de la maternelle au lycée pour comprendre et décrypter l’univers des médias, apprendre à vérifier les sources et l’information, développer leur goût pour l’actualité et se forger leur identité de citoyen.
Chaque année, des centaines de médias partenaires accompagnent cette initiative en offrant des journaux, magazines, émissions et contenus numériques, pour donner ainsi accès à une diversité de sources d’information, et faire découvrir aux élèves la pluralité des formats et des points de vue.
La question de la pluralité des points de vue est clairement un trait d’humour tant les médias représentés à l’école durant cette semaine, depuis des années, penchent à gauche. Le thème de cette 36e semaine est du reste clair et offensif : se demander « Où est l’info ? » c’est avant tout, sur le plan de la pratique enseignante, se demander où elle n’est pas.
Le CLEMI l’affirme :
« Où est l’info ? » fait écho à Où est Charlie ? de Martin Handford, cette quête visuelle d’un personnage iconique difficilement repérable dans des paysages sursaturés de détails. Omniprésente, l’information est, elle aussi, de plus en plus difficile à identifier dans le flux d’une myriade de formats et de supports.
Former les publics, dès les plus jeunes âges, à s’orienter dans ce dédale est l’un des enjeux de l’éducation aux médias et à l’information. Mais avant de décrypter les supports et formats, il est nécessaire de se poser la question fondamentale : « qu’est-ce que l’info ? » « comment la distinguer du divertissement ? », surtout quand les frontières deviennent floues ?
Ce thème ouvre aussi la porte aux révolutions numériques, avec l’essor des solutions d’IA générative. Comme toujours, cette avancée brouille les repères. La surabondance d’informations exige un pari audacieux : celui de l’intelligence des usages contre celui des détournements partisans, consuméristes ou purement illicites.
« Distinguer l’info du divertissement », quand l’ARCOM est un partenaire de cette semaine, c’est chercher à légitimer la disparition d’une chaîne telle que C8.
Le site du ministère indique qu’il s’agit par exemple d’aider les « élèves à repérer les fausses informations ». C’est pourquoi, par exemple, les deux journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, du quotidien Le Monde, journalistes pourtant peu connues pour leur ouverture d’esprit quant à l’opinion d’autrui, étaient les invitées de l’Académie de Corse pour une master classe presse et média marquant l’ouverture de la semaine. Elles sont intervenues devant plus de 90 lycéens de Terminale à Ajaccio. Autant profiter des premiers rayons du soleil aux frais de la République.
Le Monde est un des partenaires. Radio France aussi : « Radio France mobilisée avec le CLEMI pour la semaine de la presse et des médias » était-il écrit sur le site de la radio publique. Master classes, émissions en public, webinaires… une mobilisation générale. Durant cette mobilisation, France Inter, non sans humour, s’est concentrée sur les fake news, « comment démêler l’info du faux ? », par exemple, a envoyé ses journalistes dans les universités pour des master classes sur le journalisme et l’Intelligence Artificielle, a travaillé avec Reporters sans Frontières ; France Info s’est concentrée sur la jeunesse en vue de « comprendre les super pouvoirs de l’IA »…
De rapides exemples car Radio France précise :
Pour Radio France, l’engagement autour de l’action éducative repose sur une action collective. Toute l’année, à Paris et en régions, journalistes, animateurs, techniciens et tous les métiers de Radio France s’engagent aux côtés des enseignants et des élèves pour proposer des dispositifs ambitieux et accessibles. En 2024, l’action d’éducation aux médias de Radio France c’est…
- Près de 150 000 jeunes concernés à travers l’ensemble du territoire
- 250 ateliers menés pour les publics scolaires et le jeune public à la Maison de la Radio et de la Musique, soit près de 20 000 jeunes reçus dans l’année
- Près de 1 500 heures dédiées à l’éducation aux médias
- Un ensemble de ressources pédagogiques à disposition des enseignants pour mettre en œuvre un dispositif d’éducation aux médias et à l’information en classe
Deux personnes contact presse y sont dédiées au sein de Radio France.
Les partenaires ?
Trop nombreux pour être tous cités, avant tout du fait de la présence de dizaines de radios locales.
Parmi les plus notables, en plus du Monde et de Radio France : l’ARCOM (l’on comprend mieux la volonté de « distinguer l’info du divertissement » avancée dans le thème, au vu de la censure de C8), Charlie hebdo, La Croix, Le 1 hebdo, Le Monde Diplomatique, Le Point, L’express, L’Humanité, Lutte de Classe, Lutte Ouvrière, Télérama, Le Figaro, Libération, Mediapart, TF1, TV5Monde, BFMTV, Educ’Arte, Europe 1, France Télévisions, l’Agence France Presse, Cartooning for peace, La Chance pour la Diversité dans les Médias, des écoles de journalisme, comme celle de Nice, 20Minutes, Konbini, Orient XXI, reflets.info, Rue89, Reporterre, Courrier International…
Mais aussi la Commission européenne et le Conseil européen, c’est dire si le sujet de l’éducation aux « bons » médias de nos enfants est importante.
Notons que durant de courts instants la présence du JDNews a étonné… StreetPress qui, en toute ouverture d’esprit, eût préféré qu’aucun média du groupe Bolloré ne participe à la semaine de la presse et des médias. La présence de Lutte ouvrière et de Lutte de Classe n’a par contre pas été remarquée.
Les retours enseignants dont nous disposons indiquent que le corps professoral, majoritairement électeur de gauche ou du centre-gauche, n’utilise pas les rares médias de droite ou du centre-droit qui font partie des partenaires. Que comprendre ? À la question, « Où est l’info ? », la réponse dans des médias comme Le Monde, Lutte de Classe, Libération, Mediapart ou Radio France.
Voir aussi : Le rapport CLEMI : lutter contre les fake news ou formater l’information ?
Paul Vermeulen