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Propagande du CLEMI à l’école ? Comme chaque année !

11 avril 2025

Temps de lecture : 8 minutes
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Propagande du CLEMI à l’école ? Comme chaque année !

Temps de lecture : 8 minutes

La 36e semaine de la presse et des médias dans l’école s’est déroulée partout en France du 24 au 29 mars 2025.

Annuelle, cette man­i­fes­ta­tion est organ­isée par le CLEMI, « cen­tre pour l’éducation aux médias et à l’information ». Le tout mené sous l’égide du Min­istère de l’Éducation nationale. Le CLEMI et sa semaine de la presse et des médias sont l’outil d’apprentissage du penser cor­recte­ment avec les « bons » médias dès le plus jeune âge. Car la pro­pa­gande n’attend pas le nom­bre des années.

À quoi sert le CLEMI ?

À trou­ver les bonnes infor­ma­tions dans les « bons » médias, ceux qui pensent dans le bon sens. Un organ­isme d’encadrement de la jeunesse sco­lar­isée. Sa mis­sion offi­cielle ? « Le CLEMI est chargé de l’éducation aux médias et à l’information dans l’ensemble du sys­tème édu­catif français », est-il écrit sur son site. Ain­si, la façon dont nos enfants doivent appren­dre à s’informer et où, est cen­tral­isée par un organ­isme d’État. Cette édu­ca­tion dépend du CLEMI à l’occasion de la semaine de la presse et des médias, bien sûr, mais aus­si pour n’importe quelle ini­tia­tive à n’importe quel autre moment de l’année sco­laire. De même, le CLEMI est l’organisme référent pour l’éducation aux médias dans les manuels sco­laires. C’est donc vers lui que les auteurs de ces manuels doivent se tourn­er afin d’être abreuvés de la bonne parole.

Voir aus­si : De la pro­pa­gande dans l’Éducation nationale

Formations bien pensantes

L’organisme pro­pose des ressources, favorise et aide à la mise en œuvre de médias dans les étab­lisse­ments sco­laires et pro­pose des for­ma­tions. Ces dernières sont une dizaine. L’une de ces for­ma­tions attire l’œil : « Les désor­dres de l’information : com­ment les abor­der avec les élèves ? ». Une for­ma­tion de trois heures qui porte sur : « Dés­in­for­ma­tion, fauss­es nou­velles, théories du com­plot… Des ter­mes devenus courants et qui sont autant de symp­tômes des désor­dres de l’information aux­quels la société est con­fron­tée. Ce par­cours d’éducation aux médias et à l’information a pour voca­tion de vous per­me­t­tre d’être mieux armés afin d’identifier ces désor­dres, les com­pren­dre et, au final, ne pas en être vic­times, pour ensuite trans­fér­er ces com­pé­tences aux élèves. »

Un enseignant bien-pen­sant est donc un enseignant qui enseigne cor­recte­ment la bien pen­sance à ses élèves. À l’issue du par­cours de for­ma­tion, selon le CLEMI, cet enseignant sera capa­ble « d’identifier les dif­férents désor­dres de l’information et de les hiérar­chis­er, de com­pren­dre com­ment fonc­tion­nent les dif­férents mécan­ismes de véri­fi­ca­tion de l’information, de met­tre en place des séances autour de cette thé­ma­tique dans votre classe ».

Car l’objectif est avant tout pra­tique. Il s’agit finale­ment de for­mater les esprits dans les class­es, par des activ­ités comme celle de l’action phare du CLEMI : la semaine de la presse et des médias à l’école.

Le thème de la semaine 2025 ? Où est l’info ?

Sur son site, le CLEMI rap­pelle les raisons d’être de la semaine de la presse et des médias dans l’école :

Pre­mière action éduca­tive en nom­bre de par­tic­i­pants, la Semaine de la presse et des médias dans l’É­cole a pour objec­tif d’accompagner les élèves, de la mater­nelle au lycée pour com­pren­dre et décrypter l’univers des médias, appren­dre à véri­fi­er les sources et l’information, dévelop­per leur goût pour l’actualité et se forg­er leur iden­tité de citoyen.

Chaque année, des cen­taines de médias parte­naires accom­pa­g­nent cette ini­tia­tive en offrant des jour­naux, mag­a­zines, émis­sions et con­tenus numériques, pour don­ner ain­si accès à une diver­sité de sources d’information, et faire décou­vrir aux élèves la plu­ral­ité des for­mats et des points de vue.

La ques­tion de la plu­ral­ité des points de vue est claire­ment un trait d’humour tant les médias représen­tés à l’école durant cette semaine, depuis des années, penchent à gauche. Le thème de cette 36e semaine est du reste clair et offen­sif : se deman­der « Où est l’info ? » c’est avant tout, sur le plan de la pra­tique enseignante, se deman­der où elle n’est pas.

Le CLEMI l’affirme :

« Où est l’info ? » fait écho à Où est Char­lie ? de Mar­tin Hand­ford, cette quête visuelle d’un per­son­nage iconique dif­fi­cile­ment repérable dans des paysages sur­sat­urés de détails. Omniprésente, l’information est, elle aus­si, de plus en plus dif­fi­cile à iden­ti­fi­er dans le flux d’une myr­i­ade de for­mats et de supports.
For­mer les publics, dès les plus jeunes âges, à s’orienter dans ce dédale est l’un des enjeux de l’éducation aux médias et à l’information. Mais avant de décrypter les sup­ports et for­mats, il est néces­saire de se pos­er la ques­tion fon­da­men­tale : « qu’est-ce que l’info ? » « com­ment la dis­tinguer du diver­tisse­ment ? », surtout quand les fron­tières devi­en­nent floues ?
Ce thème ouvre aus­si la porte aux révo­lu­tions numériques, avec l’essor des solu­tions d’IA généra­tive. Comme tou­jours, cette avancée brouille les repères. La surabon­dance d’informations exige un pari auda­cieux : celui de l’intelligence des usages con­tre celui des détourne­ments par­ti­sans, con­suméristes ou pure­ment illicites.

« Dis­tinguer l’info du diver­tisse­ment », quand l’ARCOM est un parte­naire de cette semaine, c’est chercher à légitimer la dis­pari­tion d’une chaîne telle que C8.

Le site du min­istère indique qu’il s’agit par exem­ple d’aider les « élèves à repér­er les fauss­es infor­ma­tions ». C’est pourquoi, par exem­ple, les deux jour­nal­istes Raphaëlle Bac­qué et Ari­ane Chemin, du quo­ti­di­en Le Monde, jour­nal­istes pour­tant peu con­nues pour leur ouver­ture d’esprit quant à l’opinion d’autrui, étaient les invitées de l’Académie de Corse pour une mas­ter classe presse et média mar­quant l’ouverture de la semaine. Elles sont inter­v­enues devant plus de 90 lycéens de Ter­mi­nale à Ajac­cio. Autant prof­iter des pre­miers rayons du soleil aux frais de la République.

Le Monde est un des parte­naires. Radio France aus­si : « Radio France mobil­isée avec le CLEMI pour la semaine de la presse et des médias » était-il écrit sur le site de la radio publique. Mas­ter class­es, émis­sions en pub­lic, webi­naires… une mobil­i­sa­tion générale. Durant cette mobil­i­sa­tion, France Inter, non sans humour, s’est con­cen­trée sur les fake news, « com­ment démêler l’info du faux ? », par exem­ple, a envoyé ses jour­nal­istes dans les uni­ver­sités pour des mas­ter class­es sur le jour­nal­isme et l’Intelligence Arti­fi­cielle, a tra­vail­lé avec Reporters sans Fron­tières ; France Info s’est con­cen­trée sur la jeunesse en vue de « com­pren­dre les super pou­voirs de l’IA »…

De rapi­des exem­ples car Radio France précise :

Pour Radio France, l’engagement autour de l’action éduca­tive repose sur une action col­lec­tive. Toute l’année, à Paris et en régions, jour­nal­istes, ani­ma­teurs, tech­ni­ciens et tous les métiers de Radio France s’engagent aux côtés des enseignants et des élèves pour pro­pos­er des dis­posi­tifs ambitieux et acces­si­bles. En 2024, l’action d’éducation aux médias de Radio France c’est…

  • Près de 150 000 jeunes con­cernés à tra­vers l’ensemble du territoire 
  • 250 ate­liers menés pour les publics sco­laires et le jeune pub­lic à la Mai­son de la Radio et de la Musique, soit près de 20 000 jeunes reçus dans l’année
  • Près de 1 500 heures dédiées à l’é­d­u­ca­tion aux médias 
  • Un ensem­ble de ressources péd­a­gogiques à dis­po­si­tion des enseignants pour met­tre en œuvre un dis­posi­tif d’é­d­u­ca­tion aux médias et à l’in­for­ma­tion en classe 

Deux per­son­nes con­tact presse y sont dédiées au sein de Radio France.

Les partenaires ?

Trop nom­breux pour être tous cités, avant tout du fait de la présence de dizaines de radios locales.

Par­mi les plus nota­bles, en plus du Monde et de Radio France : l’ARCOM (l’on com­prend mieux la volon­té de « dis­tinguer l’info du diver­tisse­ment » avancée dans le thème, au vu de la cen­sure de C8), Char­lie heb­do, La Croix, Le 1 heb­do, Le Monde Diplo­ma­tique, Le Point, L’express, L’Humanité, Lutte de Classe, Lutte Ouvrière, Téléra­ma, Le Figaro, Libéra­tion, Medi­a­part, TF1, TV5Monde, BFMTV, Educ’Arte, Europe 1, France Télévi­sions, l’Agence France Presse, Car­toon­ing for peace, La Chance pour la Diver­sité dans les Médias, des écoles de jour­nal­isme, comme celle de Nice, 20Minutes, Kon­bi­ni, Ori­ent XXI, reflets.info, Rue89, Reporterre, Cour­ri­er Inter­na­tion­al

Mais aus­si la Com­mis­sion européenne et le Con­seil européen, c’est dire si le sujet de l’éducation aux « bons » médias de nos enfants est importante.

Notons que durant de courts instants la présence du JDNews a éton­né… Street­Press qui, en toute ouver­ture d’esprit, eût préféré qu’aucun média du groupe Bol­loré ne par­ticipe à la semaine de la presse et des médias. La présence de Lutte ouvrière et de Lutte de Classe n’a par con­tre pas été remarquée.

Les retours enseignants dont nous dis­posons indiquent que le corps pro­fes­so­ral, majori­taire­ment électeur de gauche ou du cen­tre-gauche, n’utilise pas les rares médias de droite ou du cen­tre-droit qui font par­tie des parte­naires. Que com­pren­dre ? À la ques­tion, « Où est l’info ? », la réponse dans des médias comme Le Monde, Lutte de Classe, Libéra­tion, Medi­a­part ou Radio France.

Voir aus­si : Le rap­port CLEMI : lut­ter con­tre les fake news ou for­mater l’information ?

Paul Ver­meulen

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