Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Propagande médiatique : Cédric Herrou, le passeur dépassé

10 janvier 2017

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | Propagande médiatique : Cédric Herrou, le passeur dépassé

Propagande médiatique : Cédric Herrou, le passeur dépassé

Temps de lecture : 4 minutes

C’est le « buzz » médiatique de ce début d’année 2017 : le procès de 2 passeurs de migrants à la frontière franco-italienne. Dès le 23 novembre, l’avocate de l’un des 2 prévenus l’annonçait à un journaliste de 20 minutes : leur procès est « à dimension nationale ». « Parce qu’aujourd’hui les citoyens français ne savent plus s’ils ont le droit ou non d’accorder une aide humanitaire », avance Maitre Binimelis. Les journaux, les radios et les sites internet d’information ont consacré de nombreux articles sur ce sujet.

Cédric Herrou vers la sanctification

Les titres des arti­cles sur Cédric Her­rou, l’un des 2 prévenus, sont lau­da­teurs à l’image des pro­pos de l’invité des « matins » de France Cul­ture le 6 jan­vi­er. Serge Sla­ma, maître de con­férences en droit pub­lic à Nan­terre, par­lant des actes de Cédric Her­rou, cite Edward Snow­den et Michel Rocard « qui a dénon­cé la tor­ture en Algérie ». Pour Le Parisien on par­le de « Huit mois de prison req­uis con­tre un agricul­teur qui avait aidé des migrants ». Pour Euronews, c’est « le procès de l’agricul­teur qui aide les réfugiés. Il est jugé pour avoir porté assis­tance à des migrants près de la fron­tière fran­co-ital­i­enne ». 20 Min­utes par­le d’un « mil­i­tant du camp de migrants pour­suivi pour “aide au séjour” ».

Notre héros de la semaine aura même droit à un duplex lors de l’Émission poli­tique de France 2 jeu­di 5 jan­vi­er, dont l’invité était l’ancien pre­mier min­istre et can­di­dat à l’élection prési­den­tielle, Manuel Valls. Le camp du bien a trou­vé une nou­velle fig­ure. À lire les titres de la presse, notre héros du jour se serait lim­ité à aider des per­son­nes en difficulté.

Un faux naïf ?

Mais qu’a fait pré­cisé­ment Cédric Her­rou pour être à ce point médiatisé ?

Le Figaro nous informe que « Cédric Her­rou était, juste­ment, pour­suivi pour avoir aidé des étrangers à entr­er en France puis les avoir hébergés dans une colonie de vacances désaf­fec­tée de la SNCF ».

L’Obs liste les pour­suites dont M. Her­rou est l’objet : « aide à l’en­trée, à la cir­cu­la­tion et au séjour de per­son­nes en sit­u­a­tion irrégulière, et occu­pa­tion illicite de pro­priété privée ». Le Monde nous indique que « Cédric Her­rou a trans­porté plus de 200 migrants depuis six mois ».

Dans un autre arti­cle, L’Obs, dans sa rubrique de sto­ry­telling dédiée aux migrants, lui laisse la parole. « En 2015, j’ai com­mencé à pren­dre des migrants en stop à Vin­timille pour les con­duire chez moi. » « Les arrivées ont con­tin­ué et l’on s’est retrou­vé avec 58 per­son­nes à la mai­son. Mon jardin s’est trans­for­mé en camp­ing avec des car­a­vanes, un cabanon, et j’avais casé plein d’autres per­son­nes dans les maisons aux alen­tours. Un peu per­dus et pris au dépourvu, nous avons décidé d’ouvrir un squat désaf­fec­té qui ne dérangeait per­son­ne ».

À Mar­i­anne, Cédric Her­rou pré­cise : « Avant le squat, il y avait 58 per­son­nes chez moi. J’avais pris la déci­sion de ne plus les pass­er parce que je pen­sais que j’é­tais respon­s­able de l’af­flux des gens chez moi. Avec l’as­so­ci­a­tion Roya Citoyenne et avec le sou­tien d’autres asso­ci­a­tions human­i­taires, on a décidé alors d’ou­vrir un lieu pour les héberg­er, on a choisi la colonie de vacances car le lieu était ouvert et ne pre­nait pas l’eau ».

Comme le fait remar­quer un com­men­taire de l’article sur le site de Mar­i­anne, « Il s’est sen­ti envahi. Il recon­nait même implicite­ment que sa con­duite fai­sait appel d’air. Alors débor­dé par sa con­duite irréfléchie, il se reprend. Il occupe un cen­tre aban­don­né. Il vio­le le droit à la pro­priété privée. Il out­repasse une nou­velle fois les lois de son pro­pre pays ».

L’Obs le recon­nait, les struc­tures d’accueil, à peine créés, sont sat­urées. Cela n’empêche pas l’agriculteur de déclar­er à L’Obs : « je ne regrette rien et je con­tin­uerai ». Il ajoute lors du duplex avec M. Valls, « Vos fron­tières ont blessé des femmes, des enfants, des familles ». « Des familles qui se sont fait per­sé­cuter dans leur pays par une poli­tique européenne, mon­di­ale ».

Mal­gré le nom­bre impres­sion­nant de pas­sages relevé par Le Monde , pas un arti­cle ne fera le lien avec les activistes anti-fron­tières de la mou­vance No bor­der, dont le jour­nal Regards a fait une présen­ta­tion à la fron­tière fran­co-ital­i­enne en sep­tem­bre 2015. Tout comme on ne trou­vera pas davan­tage d’analyse sur la pré­ten­due per­sé­cu­tion par l’Europe, dans leurs pays, d’Érythréens et de Soudanais qui selon C. Hér­rou, serait à l’origine de migra­tions. Seul un con­tribu­teur de Mar­i­anne aura relevé les con­tra­dic­tions du passeur dépassé par le mou­ve­ment qu’il a lui-même sus­cité. Dépassé mais bien complice.

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés